J'entends ce que vous dites, monsieur le ministre. Vous envisagez de restreindre le dispositif en modifiant la liste des infractions poursuivies. Toutefois, vous allez tout de même procéder à un « chalutage » des données – telle est la comparaison que nous avions faite en commission des lois. Autrement dit, vous souhaitez pêcher une seule sorte de poissons, mais vous allez capturer une très grande quantité de données, et c'est là le problème. Pour resserrer le dispositif, il conviendrait non pas de limiter la liste des infractions, mais de modifier la taille des mailles du filet.
Restreindre le dispositif, cela impliquerait de limiter le champ des plateformes sur lesquelles on collectera des données – c'est ce qui s'était dit en commission des lois, et je m'étais montré disposé à en discuter, afin de rendre le dispositif compatible avec nos principes. En ce qui concerne certaines plateformes, il n'existe pas de motif apparent d'y collecter des données. Les sites sur lesquels les utilisateurs échangent des données relatives à une pratique religieuse ou à une activité syndicale seront-ils exclus ? Nous l'ignorons, et nous n'avons pas de moyen de le savoir.
Restreindre le dispositif, cela impliquerait aussi de limiter la quantité de données collectées et de faire attention aux données sensibles. Vous ne devriez pas collecter de données sensibles ! Le délai de cinq jours que vous laissez avant de détruire les données fait problème. Cela signifie que, pendant cinq jours, l'État, à travers la DGFIP, détiendra quelque part, dans ses serveurs – nous parlerons ensuite des sous-traitants – , des données relatives aux opinions politiques, à une pratique religieuse ou à l'orientation sexuelle. Ce n'est pas normal ! L'État ne devrait pas disposer de ce type de données.
Ensuite se pose la question de la durée de l'expérimentation. À cet égard, vous n'avez pas répondu aux questions que je vous ai posées tout à l'heure. Un rapport relatif au projet CFVR a été adressé à la CNIL. Or il n'est pas accessible aux parlementaires. Que contient-il ? Indique-t-il qu'il faut aller plus loin en la matière ? Donne-t-il des justifications en ce sens ? Démontre-t-il – ou non – le bien-fondé de l'article 57 ?
Enfin, le Conseil d'État, avez-vous dit, estime que ces dispositions relèvent non pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Or toutes les personnes que j'ai interrogées dans le cadre de mon travail de rapporteur pour avis ont affirmé que ces mesures relevaient bien du domaine législatif. Par ailleurs, le Conseil d'État semble considérer que cet article n'a rien à faire dans un projet de loi de finances. En d'autres termes, il s'agirait d'un cavalier budgétaire. Est-ce exact ? Est-ce bien ce que dit le Conseil d'État ?