Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du mercredi 13 novembre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Article 57 (appelé par priorité)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Je m'exprime de manière globale, ce qui me permettra, sur les différents amendements, d'être d'une grande brièveté.

L'article 57 prévoit une expérimentation pendant trois ans de la collecte par traitements automatisés de données personnelles librement accessibles – j'y insiste – sur les réseaux sociaux et les plateformes en ligne de partage de contenus.

En préambule, je voudrais rappeler que l'administration procède déjà à de telles recherches de renseignements sur l'internet. Ces recherches sont faites par des êtres humains – il m'est arrivé d'en faire dans d'autres fonctions. L'article 57 permet que ces recherches soient effectuées par des robots à l'aide d'algorithmes.

Ne nous trompons pas de débat. Il ne s'agit pas de savoir si l'administration a le droit d'utiliser des données personnelles publiques, car elle en a toujours eu le droit. Il s'agit de savoir comment on collecte ces données et de quels moyens on se dote pour les collecter au regard du principe de proportionnalité entre détection de la fraude et respect de la vie privée.

Cet article a suscité des nombreuses inquiétudes et la CNIL a émis plusieurs réserves importantes dans son avis. La commission des lois s'est saisie pour avis, et je tiens à remercier son rapporteur pour avis, qui vient de s'exprimer. Cela nous a permis d'engager, dans les jours qui ont précédé la réunion de la commission des finances, un dialogue constructif avec le Gouvernement dans le but d'améliorer le dispositif.

Je remercie le Gouvernement pour ce dialogue et je rappelle qu'il aurait pu instaurer cette expérimentation sans passer par la loi. Les traitements automatisés de données relèvent, en effet, du domaine réglementaire. Si le Gouvernement a introduit cet article dans le PLF, c'est qu'il voulait notre avis. J'y vois plutôt un signe appréciable de respect envers le Parlement, alors que la considération de la part du Gouvernement a parfois manqué.

Je soutiens l'orientation générale de l'article. La lutte contre la fraude fiscale est un objectif à valeur constitutionnelle. Pour autant, je n'aurais pas accepté l'article dans sa version initiale parce que son champ d'application était trop large.

Le travail effectué en commission nous a permis de trouver le bon équilibre entre lutte contre la fraude fiscale et respect de la vie privée. Je donnerai évidemment un avis défavorable aux amendements de suppression. Je souhaite que les amendements de la commission sur lesquels nous avons travaillé pour trouver l'équilibre soient adoptés.

L'amendement le plus important est, selon moi, celui qui tend à restreindre le champ d'application aux cas les plus graves liés à l'économie souterraine et à la soustraction volontaire à l'impôt français. En resserrant le dispositif sur les activités occultes et les domiciliations fiscales frauduleuses, nous exclurons 97 % des manquements fiscaux ; le champ des données qui pourront être conservées sera ainsi limité. De même, pour les infractions douanières, l'amendement de la commission vise à restreindre le champ d'application aux seuls délits et exclut les contraventions. En revanche, il maintient dans le champ – et c'est heureux – les commerces illicites de tabac et d'alcool.

La commission des finances a repris à son compte un très important amendement de la commission des lois relatif à l'interdiction de la sous-traitance.

Nous avons aussi apporté des garanties supplémentaires quant à la nature des données collectées : d'abord, seules les données manifestement rendues publiques pourront être collectées, conformément aux termes de l'article 9 du RGPD, le règlement général sur la protection des données ; ensuite, seules les données « strictement nécessaires » seront conservées pour une durée maximum d'un an, et non pas toutes les données « de nature à concourir » à la constatation des manquements fiscaux ou douaniers. Un autre amendement de la commission, adopté à l'initiative du groupe LaREM, prévoit la destruction de toutes les données sensibles sous cinq jours.

Plusieurs amendements symboliques ou d'affichage rappellent que les garanties du contrôle fiscal s'appliquent et que le décret d'application devra respecter le principe de proportionnalité.

Enfin, un amendement de la commission prévoit qu'un bilan intermédiaire soit établi à mi-parcours, soit dix-huit mois avant le terme de l'expérimentation.

En définitive, l'adoption de ces divers amendements donnerait plus de garanties aux citoyens et resserrerait le champ d'application de l'expérimentation. S'ils sont adoptés, je soutiendrai donc l'article sans réserve.

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