Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du jeudi 14 novembre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Article 51 (appelé par priorité)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Parce que la majoration de 0,5 % de la contribution d'assurance chômage due par les employeurs, mise en place en 2013, s'est révélée inefficace, comme le souligne l'IGAS dans son rapport. Pour être efficace, il faut cibler les contrats les plus courts : c'est ce que fait la taxe forfaitaire, puisque ses effets se concentrent sur les CDDU très courts, d'une ou deux journées ; l'impact est résiduel, voire presque nul, à partir d'une semaine.

Pourquoi est-il urgent d'agir ? Les CDDU sont très dérogatoires et placent les travailleurs dans une situation de totale insécurité et de précarité, les privant de visibilité, de progression, de capacité à se projeter dans l'avenir et de formation. La part des CDDU dans les embauches a explosé : un contrat sur cinq conclus en 2017 était un CDDU, soit 8 millions au total. Les CDDU d'une journée ou moins représentent 42 % des CDDU conclus.

Les secteurs d'activité concernés demandent d'attendre, afin d'engager une concertation, et s'opposent à toute action brutale. Je rappelle tout de même que le Gouvernement lutte activement contre la précarité salariale depuis 2013 ; il a demandé aux secteurs d'agir, mais rien n'a été fait. L'inaction pendant des années impose un changement de méthode, et nous choisissons celle de la taxe incitative.

Je l'ai dit, il y a des abus dans le recours aux CDDU. Je ne suis pas favorable à ce que des secteurs soient exemptés de la taxe simplement parce que des dysfonctionnements font que leur activité repose parfois sur les CDDU : on ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ! J'ajoute que les secteurs concernés par le CDDU ont intérêt à recruter sur de plus longues durées pour avoir des personnels qualifiés, comme je l'ai constaté dans le tourisme.

Le fait que certains secteurs prévoient, dans leur convention collective, des indemnités de précarité ou des requalifications en contrat à durée indéterminée – CDI – après une certaine durée ne me convainc pas de les exclure du champ de la taxe : l'indemnité prévue par les conventions collectives revient simplement à rétablir l'indemnité de précarité que les titulaires d'autres CDD que le CDDU perçoivent ; quant aux modalités de requalification en CDI, elles ne me paraissent pas non plus spécialement généreuses, surtout si le recours au CDDU est abusif.

Pourquoi certains secteurs sont-ils exonérés de la taxe prévue par l'article 51 ? Les employeurs des ouvriers dockers occasionnels et ceux des intermittents du spectacle sont les seuls à toujours supporter une surcontribution spécifique de 0,5 %. Au demeurant, les ouvriers dockers constituent une main d'oeuvre d'appui que la loi oblige à recruter en CDDU. Les employeurs des intermittents du spectacle sont soumis en outre à une surcontribution spécifique de 5 %. Quant aux associations intermédiaires d'insertion professionnelle, elles oeuvrent pour l'intérêt général et s'inscrivent dans le champ du règlement général d'exemption par catégorie – RGEC – adopté à l'échelon européen. Tout cela est donc parfaitement normal.

Exempter d'autres secteurs ferait courir le risque d'une rupture d'égalité complètement injustifiée ; on entrerait ainsi dans le champ des aides d'État, ce qui n'est pas acceptable. Toutefois, la commission a adopté un amendement, déposé par Mme Verdier-Jouclas, visant à inciter les partenaires sociaux à faire preuve de vertu en prenant des dispositions en vue d'améliorer la situation des salariés, mais sans que cela constitue une aide d'État.

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