L'examen du projet de budget pour 2020 par l'Assemblée nationale touche à sa fin, mais les inquiétudes demeurent. L'exécutif avait promis un acte II du quinquennat, afin de résoudre les multiples crises que traverse notre pays depuis plusieurs mois. Le projet de loi de finances pour 2020 constituait une belle opportunité de résoudre les difficultés actuelles. Il ne fera malheureusement qu'aggraver les fractures de notre société, puisque vous vous obstinez dans la même politique. La forme change, le fond reste le même.
En un mot, ce PLF qui aurait dû être un remède est finalement la source de bien des inquiétudes. Tout d'abord, il ne permet pas de mettre fin aux nombreuses préoccupations des élus locaux, qui connaissent depuis longtemps des difficultés. Il ajoute même à leurs inquiétudes en entérinant les tâtonnements de l'exécutif concernant la réforme de la TH – la taxe d'habitation.
En effet, afin de limiter le coût de cette mesure, vous baisserez les recettes des collectivités qui ont augmenté le taux de cet impôt en 2018 ou en 2019, soit 109 millions d'euros en moins. Vous changez non moins arbitrairement les règles de revalorisation des bases de cet impôt. Alors que vous présentez cette semaine un projet de loi visant à recréer des liens avec les élus, vous portez de nouveaux coups bas aux collectivités territoriales. Nous sommes bien loin du programme d'Emmanuel Macron, lequel défendait une réforme de la fiscalité locale « préservant l'autonomie fiscale des collectivités ». Deux ans et demi après, il y a de quoi sourire !
La réforme de la TH préparée dans les cuisines de Bercy a finalement tout d'une mauvaise recette. Alors que le candidat Macron souhaitait réserver le bénéfice de la réforme à 80 % des foyers, elle profitera finalement à tous. On l'aura deviné, ceux qui en profiteront le plus sont les 20 % de contribuables qui devaient initialement continuer à payer la taxe : près de la moitié du coût total de la réforme concernera ces 20 %, puisque plus le foyer est aisé, plus le gain fiscal sera élevé.
Pour ceux qui n'ont pas bien compris, voici un exemple concret : une femme de ménage non soumise à la taxe d'habitation ne gagnera pas un centime de pouvoir d'achat supplémentaire avec la réforme ; en revanche, son employeur, qui ne devait pas être concerné, recevra un beau cadeau d'Emmanuel Macron, d'un montant de plus de 2 400 euros en 2023. Ce n'est pas l'idée que je me fais de la justice fiscale.
À cela s'ajoute l'injustice sociale. En sous-revalorisant, pour près de 400 millions d'euros, certaines aides et prestations sociales, vous réalisez des économies vertigineuses au détriment de ceux qui n'ont pas d'épargne. Cela plonge dans l'inquiétude tous ceux qui peinent à boucler leurs fins de mois. Le Président de la République n'a pour sa part pas à s'inquiéter : le budget de l'Élysée augmente de 2,6 millions d'euros, après avoir déjà connu une belle hausse l'an dernier. Vous l'aurez compris, ce projet de budget constitue non pas le socle d'un projet de société, mais celui d'un projet de classe au profit des très riches.
Ce PLF ne permettra pas non plus de répondre aux défis de demain et d'offrir un avenir radieux à notre pays. Tout d'abord, à cause des petites combines : vous avez décidé de faire supporter le coût des mesures prises en réponse au mouvement des gilets jaunes par le budget de la sécurité sociale qui aurait dû, selon les prévisions, revenir à l'équilibre en 2020. Ce ne sera donc pas le cas. Si de telles mesures étaient essentielles pour bon nombre de Français, il est tout simplement irresponsable de faire reposer leur financement sur les crédits destinés à la protection sociale. Ce que vous donnez d'une main, vous le reprenez de l'autre, démontrant tout le cynisme de l'exécutif et son peu d'attachement au modèle social français.
Par ailleurs, alors qu'une campagne de communication facile nous promettait un budget vert, la réalité est bien plus noire. Le ministère de la transition écologique et solidaire subira 1 991 suppressions de postes dès 2020, et près de 5 000 suppressions de postes à l'horizon 2022, alors que la transition écologique nécessite des moyens humains importants. Pire encore : la semaine dernière, le Gouvernement a soutenu un amendement visant à repousser l'exclusion de l'huile de palme de la liste des biocarburants à 2026.
Un projet de budget fondé sur de si basses intentions ne prépare pas l'avenir des générations futures. Il pourrait même les empêcher d'en avoir un, faisant ainsi de la série de fiction L'Effondrement une réalité !
Le Gouvernement est resté hermétique aux propositions parlementaires. En première partie, nous n'avons remporté qu'une petite victoire sur les chambres d'agriculture. Une seconde délibération a permis aux députés de tous bords, y compris de la majorité, de rétablir la date initialement prévue pour l'exclusion de l'huile de palme de la liste des biocarburants. C'est bien maigre ! On peut se demander à quoi sert l'Assemblée nationale quand le Gouvernement s'oppose à tout amendement en faveur de la rénovation des 7 millions de passoires énergétiques, des universités, de l'hôpital ou du financement de la dépendance alors que la colère sociale gronde.
Parce qu'il est source de bien des inquiétudes, qu'il aggrave les inégalités…