Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du mardi 19 novembre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Dans la discussion générale, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, vous avez parlé d'hygiène budgétaire pour souligner l'effort de sincérisation des comptes publics ou peut-être – qui sait ? – pour vanter les vertus du greenwashing auquel ce PLF est soumis. À l'issue de son examen, le budget affiche-t-il une santé si insolente ? Il nous semble au contraire qu'il cumule plusieurs défauts majeurs.

Tout d'abord, vous avez renoncé à réduire le déficit public. Votre prévision de déficit structurel est à peu près la même qu'en 2019 et qu'en 2018, soit le double environ de la moyenne de la zone euro. Le patient ne se porte pas aussi bien que vous le dites. L'objectif de baisse du déficit structurel est un lointain songe, tout comme celui d'un retour à l'équilibre des comptes en 2023. Mesurons cet écart à l'aune des 17 milliards d'euros – soit 1,5 % du PIB – de déficit supplémentaire entre votre programmation et ce qui est inscrit dans ce PLF : 17 milliards d'euros ! Reconnaissons que ce n'est guère hygiénique, a fortiori dans un contexte économique mondial plus qu'incertain.

Vous avez pourtant fait le choix d'une diminution des impôts – ou plutôt de certains impôts – au bénéfice de certains contribuables et vos choix dessinent en creux la politique fiscale à l'oeuvre depuis 2017. Qu'en est-il de l'engagement du Gouvernement en faveur de plus de justice sociale ? La baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu doit être mise en regard du fait que moins d'un ménage sur deux le paie. En réalité, cette baisse concerne donc les classes moyennes supérieures.

La suppression progressive de la taxe d'habitation procède de la même logique, puisque les deux premiers déciles ne sont pas concernés, tandis que les troisième et quatrième déciles sont assujettis à une taxe plafonnée à 3,44 % de leur revenu fiscal de référence. Il existe à nos yeux un problème de ciblage : les Français les plus modestes sont oubliés – une fois de plus.

La suppression de cette taxe est le prélude à un grand chambardement de la fiscalité locale. Comme d'autres, je l'ai répété ici même : votre projet affecte la démocratie locale. Vous cassez le lien entre les citoyens et la sphère locale tout en rabotant l'autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales, notamment des départements. Pour les députés du groupe Libertés et territoires, une fiscalité locale moderne doit viser à mettre en adéquation les compétences et les financements dans une perspective décentralisatrice reposant sur la confiance envers les élus. Loin d'être un simple effet de manche à l'occasion du congrès des maires, cette position est constante.

Vous nous annonciez un « tournant écologique ». La présentation du PLF s'accompagnait même d'un livret opportunément paré de vert qui rassemblait toutes les mesures concourant à la transition écologique ; étrangement, il n'y était pas fait mention de l'huile de palme. La réalité, néanmoins, est plus contrastée. Nous ne prétendons pas que rien n'est fait mais, en un mot, les efforts ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. En outre, le Gouvernement a soutenu le maintien de l'huile de palme dans la liste des biocarburants bénéficiant d'un avantage fiscal. Que serait-il advenu si nous n'avions pas rapidement demandé une seconde délibération – que le président et le rapporteur général ont acceptée – sur l'amendement voté par la majorité ? Je remercie l'ensemble des députés qui se sont opposés à cette mesure.

Certes, nous nous félicitons de l'adoption de certains des amendements que nous avons défendus. J'en citerai deux : le maintien du prêt à taux zéro en zones peu denses et le relèvement de 20 millions d'euros du montant du fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France. Cependant, je regrette fortement les conditions avec lesquelles l'article d'équilibre a été adopté, rapidement – c'est la règle. En effet, il prévoit une baisse drastique des crédits de la mission « Outre-mer » et de ceux du programme « Politique de la ville », qui vise en priorité les quartiers défavorisés.

L'acte II du quinquennat devait être celui de la confiance, de la bonne gestion des finances publiques, de la concertation, de la justice et de l'écologie. Or le premier budget de cet acte II ne réunit aucune de ces composantes. Aussi, constatant que vos remèdes ne permettront pas de préserver ni d'améliorer notre santé budgétaire, la grande majorité des députés du groupe Libertés et territoires s'y opposera.

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