Le projet de loi de finances pour 2018 propose, pour la mission « Justice », un budget en croissance caractérisé par l'augmentation des crédits et des emplois de l'ensemble des programmes. Seule l'administration pénitentiaire voit ses autorisations d'engagement diminuer, en raison du ralentissement de l'engagement des opérations relevant du plan de construction de places de prison destinées à permettre l'application du principe d'encellulement individuel.
Les montants des autorisations d'engagement et des crédits de paiement s'élèvent respectivement à un peu plus de 9 milliards d'euros, soit – 16,36 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, et à un peu plus de 8,5 milliards d'euros, soit + 2,30 %. À périmètre constant, la progression des crédits de paiement est de 3,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Cela va dans le bon sens.
Pour autant, rien n'assure que la programmation retenue contribue réellement au renforcement de l'efficacité de la justice. Les objectifs de la maquette de performance demeurent assez limités ; si elle tire parti de simplifications procédurales, pose les premiers jalons d'un renforcement du secrétariat général du ministère et engage un plan de transformation numérique, la programmation paraît néanmoins devoir se heurter aux importants problèmes structurels que constituent le poids des restes à payer et des facteurs de rigidification ou de non maîtrise de la dépense, régulièrement soulignés par la Cour des comptes.
Dans ces conditions, je recommande de déposer dès le premier semestre 2018 la loi de programmation évoquée lors de la présentation des grands chantiers de la justice, et de dégager les moyens qui permettront enfin au secrétaire général du ministère de la justice, sur le long terme, d'assumer entièrement le rôle d'instance de pilotage que lui assigne le décret du 25 avril 2017. Je préconise aussi de mettre pleinement en oeuvre la transformation numérique du ministère de la justice et du système judiciaire, la justice française accusant sur ce point un retard considérable sur ses homologues des pays de l'OCDE. Je suggère d'engager des réformes procédurales et de l'organisation du système judiciaire de nature à diminuer les délais de jugement, et aussi d'évaluer précisément l'impact des programmes immobiliers engagés avant d'en créer de nouveaux – on sait les dérives du partenariat public privé constitué pour construire le palais de justice de paris et les considérables difficultés qui en résultent ; il faudra veiller à la maîtrise des dépenses. Je recommande encore de fonder la maîtrise des dépenses pour frais de justice sur la poursuite de l'amélioration du circuit des dépenses et sur la sensibilisation des officiers de police judiciaire – premiers prescripteurs de frais de justice – et des chefs de cours, et enfin de repenser le dispositif de l'aide juridictionnelle pour assurer une meilleure régulation de la dépense et la viabilité de son financement.
Mes questions traduisent deux inquiétudes. Comment procéderez-vous pour justifier les dépenses passées et maîtriser les dépenses à venir en matière d'informatique et de numérique ? Je sais, madame la garde des sceaux, que la responsabilité de ces errements ne vous incombe pas, mais il vous faudra redresser la situation comme y invite instamment la Cour des comptes.
D'autre part, quelle réforme de fond envisagez-vous pour l'aide juridictionnelle, pour laquelle on ne peut se limiter à des mesures de court terme telles que le relèvement des crédits budgétaires ou le renforcement des bureaux d'aide juridictionnelle ?