Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Réunion du mercredi 25 octobre 2017 à 21h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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COMMISSION ÉLARGIE

(Application de l'article 120 du Règlement)

Mercredi 25 octobre 2017

Présidence de M. Éric Woerth, président de la commission des finances, et de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures.

projet de loi de finances pour 2018

Justice

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Nous sommes réunis en commission élargie afin d'examiner les crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés à la mission « Justice ». Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, et moi-même sommes heureux d'accueillir Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, venue nous présenter le budget de son ministère et répondre aux questions qui lui seront posées. Je salue M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial de la commission des finances.

Je rappelle les règles applicables aux commissions élargies : après avoir entendu Mme la garde des sceaux, nous donnerons la parole aux rapporteurs des commissions qui interviendront pour une durée de cinq minutes ; après la réponse de la ministre, les porte-parole des groupes et les différents orateurs disposeront ensuite de deux minutes chacun.

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Nous examinons donc le budget de la dixième mission du budget général de l'État, la justice. Ce budget progressera de 3,9 % en 2018 pour s'établir à 6,98 milliards d'euros. Je me félicite de cette augmentation, qui permettra de répondre en partie aux attentes des professionnels de la justice, qui sont confrontés à d'importantes difficultés matérielles. La commission des lois, très vigilante sur les moyens de la justice, travaille en confiance avec la garde des sceaux, qu'elle a reçue pendant plus de deux heures et demie la semaine dernière. Ce fut l'occasion pour la ministre de nous présenter les cinq chantiers de la justice qui viennent d'être lancés et qui augurent de très nombreux rendez-vous législatifs en 2018. Je salue les deux rapporteurs pour avis de la commission de lois : Mme Lætitia Avia pour l'accès au droit et à la justice, et l'aide aux victimes d'une part, la justice administrative et judiciaire d'autre part, M. Bruno Questel pour l'administration pénitentiaire d'une part, la protection judiciaire de la jeunesse d'autre part. Mme Laetitia Avia s'est plus particulièrement intéressée à l'accès au droit et à la justice dans le cadre des litiges civils de la vie courante, M. Bruno Questel à la place de la justice des mineurs dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation violente.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Je suis heureuse de vous présenter les crédits de la mission Justice dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2018. Pendant la campagne présidentielle, le président de la République a affirmé ses ambitions pour la justice, et la première annonce du discours de politique générale du Premier ministre a porté sur l'élaboration d'une loi de programmation pour notre ministère.

Ce budget traduit concrètement la priorité que le Gouvernement donne à la justice. Le budget du ministère augmentera de 3,9 % en 2018 à périmètre constant. Une telle progression n'a été égalée en 2016 et dépassée en 2017 que grâce aux moyens exceptionnels destinés aux plans de lutte contre le terrorisme. Elle est très supérieure à la moyenne de la progression annuelle constatée depuis 2012, qui était de 2,6 %. Mille emplois seront créés en 2018 ; c'est un niveau supérieur aux créations d'emplois des années 2012 à 2017 si l'on excepte la dotation exceptionnelle au titre des plans de lutte contre le terrorisme.

Le budget 2018 prévoit également une progression des crédits de fonctionnement, d'investissement et d'intervention de 4,9 %. C'est beaucoup plus que le taux de progression annuelle au cours du précédent quinquennat, qui n'a été que de 2,2 % en moyenne.

Mais, en dépit de tout leur intérêt, les augmentations budgétaires ne seront efficaces que si nous nous lançons en même temps dans une transformation en profondeur de la justice.

J'ai eu l'occasion, la semaine dernière, de présenter à la commission des lois les cinq chantiers de la justice que je viens de lancer. Ils portent sur la transformation numérique, l'amélioration et la simplification de la procédure pénale et celles de la procédure civile, l'adaptation de l'organisation judiciaire et enfin le sens et l'efficacité des peines. Les conclusions de ces chantiers, qui me seront remises le 15 janvier prochain, se traduiront dans la loi de programmation de la justice qui vous sera présentée au printemps 2018.

Le budget 2018 s'inscrit dans ce cadre et traduit trois ambitions claires. Il contribue à l'amélioration du fonctionnement quotidien de la justice ; il permet de renforcer l'efficacité des peines ; il traduit la volonté de porter une attention particulière aux plus démunis.

Ce budget contribuera à l'amélioration du fonctionnement quotidien de la justice, Je souligne d'emblée que 39 % des crédits sont consacrés aux services judiciaires ; c'est autant que ceux qui sont consacrés à l'administration pénitentiaire. Ainsi, 148 emplois seront créés en 2018, dont 100 emplois de magistrats pour renforcer nos juridictions et 48 emplois de juristes assistants pour poursuivre la constitution d'équipes autour des magistrats. Par ailleurs, grâce aux réformes engagées dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle et à la dématérialisation, 183 emplois pourront être redéployés et affectés à de nouvelles missions, notamment pour faire face à la hausse de l'activité des juges des libertés et de la détention et pour développer l'assistance des greffiers auprès du parquet.

Les crédits de fonctionnement augmenteront de 9,9 % et seront portés au niveau préconisé par un récent rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de la justice.

Les crédits immobiliers des services judiciaires augmenteront de plus de 30 %. Ils permettront la mise en service du nouveau palais de justice de Paris aux Batignolles et favoriseront la mise à niveau de certains tribunaux de province. Une enveloppe de 21 millions d'euros d'autorisations d'engagement permettra de lancer les travaux nécessaires à l'adaptation du réseau judiciaire, et notamment l'accueil des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l'incapacité au sein des palais de justice à compter du 1er janvier 2019.

Le plan de transformation numérique trouvera également sa traduction dans le budget 2018, avec des crédits importants et la création de 50 emplois destinés à renforcer les équipes nécessaires pour assurer le déploiement de ce plan.

Le budget pour 2018 permettra également de renforcer l'efficacité des peines ; c'est notre deuxième priorité. Notre parc pénitentiaire n'est pas adapté à la population détenue et ne permet pas de respecter les exigences d'encellulement individuel. La construction de 15 000 nouvelles places de prison annoncée par le Président de la République est donc une priorité. En 2018, 470 emplois seront créés qui permettront l'ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires d'Aix 2 et de Draguignan et la réouverture de La Santé à Paris. Vingt-six millions d'euros de crédits sont prévus pour lancer une première vague de cinq maisons d'arrêt et de six quartiers de préparation à la sortie, ainsi que l'acquisition de foncier nécessaire à la construction de futurs établissements. Bien entendu, même si nous devons hâter ces constructions, l'ensemble de ce programme ne se réalisera pas immédiatement : ces 15 000 nouvelles places ne seront pas disponibles demain.

C'est pourquoi nous devons revoir en profondeur notre système d'exécution et d'application des peines. Ces évolutions impliqueront un renforcement des services d'insertion et de probation dans le cadre de la loi de programmation. Cent cinquante emplois seront ainsi créés en 2018 pour renforcer le suivi des personnes placées sous main de justice.

Nous devrons également poursuivre le renforcement de la sécurité et la lutte contre la radicalisation au sein des établissements pénitentiaires ; dix millions d'euros de crédits sont prévus en 2018 pour accroître ou rénover les dispositifs de sécurité installés dans les établissements pénitentiaires et pour développer le système d'information du renseignement pénitentiaire ; 35 emplois supplémentaires seront créés dans ce cadre.

L'objectif d'efficacité des peines concerne également la protection judiciaire de la jeunesse. Le Président de la République avait annoncé pendant la campagne la création de cinquante nouveaux centres éducatifs fermés mais ce nombre semble excessif au regard des besoins ; aussi, nous nous orientons vers la création d'une vingtaine de ces centres. Cela étant, la création de centres éducatifs fermés ne peut servir que si les mineurs bénéficient d'un parcours éducatif cohérent et de prises en charge diversifiées, en milieu ouvert ou en milieu fermé. Aussi, quarante emplois d'éducateurs seront créés en milieu ouvert. Les crédits de fonctionnement et d'investissement progresseront de plus 6 millions d'euros, soit 2 %, notamment pour adapter les locaux d'hébergement à la diversification des modes de prise en charge.

Enfin, le budget que je vous présente porte une attention particulière aux plus faibles et aux plus démunis. Les moyens de l'aide juridictionnelle progressent de 8,7 %, pour atteindre 438 millions d'euros auxquels s'ajoutent 83 millions d'euros de ressources affectées. C'est donc plus d'un demi-milliard d'euros qui est consacré à l'accès au droit pour chaque citoyen, notamment pour les personnes les plus vulnérables.

Cette progression permet de tenir les engagements pris par le précédent Gouvernement concernant la fixation de l'unité de valeur qui sert de base au calcul de la rétribution des avocats, mais elle ne suffira pas à pérenniser le financement de l'aide juridictionnelle. Parce que je souhaite simplifier l'accès à l'aide juridictionnelle en réfléchissant à une organisation nouvelle, nous avons décidé de lancer une mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de la justice à ce sujet. Elle devra notamment proposer des solutions de financement pérenne.

L'appui aux plus démunis concerne également l'aide aux victimes. Les crédits qui lui sont destinés augmentent de 6,3 %. Cette hausse, conjuguée à la création de la délégation interministérielle de l'aide aux victimes qui m'est rattachée, permet de garantir que les victimes d'acte de terrorisme mais aussi celles des ouragans qui viennent de toucher si durement les Antilles pourront bénéficier d'un suivi psychologique, social et juridique et que les moyens seront donnés pour que le réseau associatif puisse se mobiliser auprès d'eux.

Vous l'avez compris, ce budget 2018 est une première étape de la mise en oeuvre de la transformation de la justice. Je vous ai indiqué quels chantiers le Gouvernement a lancés. Je souhaite qu'ils soient menés en écoutant l'ensemble des acteurs de terrain et, bien entendu, les parlementaires, et qu'ils avancent vite pour que je puisse revenir vous présenter la loi de programmation pour la justice.

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Le projet de loi de finances pour 2018 propose, pour la mission « Justice », un budget en croissance caractérisé par l'augmentation des crédits et des emplois de l'ensemble des programmes. Seule l'administration pénitentiaire voit ses autorisations d'engagement diminuer, en raison du ralentissement de l'engagement des opérations relevant du plan de construction de places de prison destinées à permettre l'application du principe d'encellulement individuel.

Les montants des autorisations d'engagement et des crédits de paiement s'élèvent respectivement à un peu plus de 9 milliards d'euros, soit – 16,36 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, et à un peu plus de 8,5 milliards d'euros, soit + 2,30 %. À périmètre constant, la progression des crédits de paiement est de 3,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Cela va dans le bon sens.

Pour autant, rien n'assure que la programmation retenue contribue réellement au renforcement de l'efficacité de la justice. Les objectifs de la maquette de performance demeurent assez limités ; si elle tire parti de simplifications procédurales, pose les premiers jalons d'un renforcement du secrétariat général du ministère et engage un plan de transformation numérique, la programmation paraît néanmoins devoir se heurter aux importants problèmes structurels que constituent le poids des restes à payer et des facteurs de rigidification ou de non maîtrise de la dépense, régulièrement soulignés par la Cour des comptes.

Dans ces conditions, je recommande de déposer dès le premier semestre 2018 la loi de programmation évoquée lors de la présentation des grands chantiers de la justice, et de dégager les moyens qui permettront enfin au secrétaire général du ministère de la justice, sur le long terme, d'assumer entièrement le rôle d'instance de pilotage que lui assigne le décret du 25 avril 2017. Je préconise aussi de mettre pleinement en oeuvre la transformation numérique du ministère de la justice et du système judiciaire, la justice française accusant sur ce point un retard considérable sur ses homologues des pays de l'OCDE. Je suggère d'engager des réformes procédurales et de l'organisation du système judiciaire de nature à diminuer les délais de jugement, et aussi d'évaluer précisément l'impact des programmes immobiliers engagés avant d'en créer de nouveaux – on sait les dérives du partenariat public privé constitué pour construire le palais de justice de paris et les considérables difficultés qui en résultent ; il faudra veiller à la maîtrise des dépenses. Je recommande encore de fonder la maîtrise des dépenses pour frais de justice sur la poursuite de l'amélioration du circuit des dépenses et sur la sensibilisation des officiers de police judiciaire – premiers prescripteurs de frais de justice – et des chefs de cours, et enfin de repenser le dispositif de l'aide juridictionnelle pour assurer une meilleure régulation de la dépense et la viabilité de son financement.

Mes questions traduisent deux inquiétudes. Comment procéderez-vous pour justifier les dépenses passées et maîtriser les dépenses à venir en matière d'informatique et de numérique ? Je sais, madame la garde des sceaux, que la responsabilité de ces errements ne vous incombe pas, mais il vous faudra redresser la situation comme y invite instamment la Cour des comptes.

D'autre part, quelle réforme de fond envisagez-vous pour l'aide juridictionnelle, pour laquelle on ne peut se limiter à des mesures de court terme telles que le relèvement des crédits budgétaires ou le renforcement des bureaux d'aide juridictionnelle ?

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Je me félicite de la dynamique que reflète le budget que vous nous présentez, madame la ministre ; il montre une augmentation significative des crédits et des effectifs dévolus à la mission « Justice ». Cette progression s'inscrit dans une démarche globale qui sera confirmée et accélérée par la loi de programmation que vous nous présenterez au premier semestre 2018 et par les conclusions des travaux d'experts lancés il y a quelques jours par le Premier ministre et vous-même dans le cadre des cinq chantiers de la justice. Ce budget est donc un budget de transition, qui donne une forte impulsion à une réforme plus profonde à venir.

Pour 2018, nous notons une progression de 3,9 % du budget global, soit près de 7 milliards d'euros. On constate, pour les crédits de l'accès au droit et à la justice, une hausse de plus de 5 % des crédits de paiement et de plus de 11 % des autorisations d'engagement, ainsi qu'une augmentation de 7 %, ô combien nécessaire, des moyens de fonctionnement des juridictions.

Je note l'investissement massif en faveur de la transformation numérique du ministère, préalable nécessaire à la transformation numérique de la justice, avec une augmentation de quelque 20,6 % des crédits informatiques. La chancellerie n'en est pas encore à l'heure des applicatifs et de la dématérialisation de la justice, mais elle se consacre à la mise à niveau des moyens – postes, outils, réseaux, personnels dédiés – qui permettront de passer de l'ère informatique à l'ère numérique.

À ce sujet, pouvez-vous, madame la garde des sceaux, nous dire quels projets applicatifs vous envisagez ? Je comprends que l'on penche vers un mode de saisine unique et en ligne, ce que votre rapporteur pour avis ne peut qu'appuyer, mais envisage-t-on aussi des mécanismes de traitement en ligne des dossiers, et d'en venir à la signature électronique des actes par les magistrats ? J'appelle votre attention sur le fait que l'obligation d'archivage papier a pour effet d'encombrer les juridictions. Je souligne aussi qu'il faut prévoir dans les effectifs dédiés à la transformation numérique dans le budget 2018 du personnel chargé de la formation des magistrats et des fonctionnaires ainsi qu'un support technique auprès des juridictions.

Je constate d'autre part la progression significative des crédits de l'accès au droit et à la justice : ils augmentent de 8,7 %, dont 438 millions d'euros supplémentaires au titre de l'aide juridictionnelle.

Je comprends qu'un applicatif permettant de dématérialiser et de simplifier les demandes d'aide juridictionnelle et leur traitement est également prévu. Cette démarche sera d'autant plus pertinente que l'applicatif permettra d'apprécier les conditions de ressources en liaison avec les organismes fiscaux et sociaux.

Je salue un engagement de 8,3 millions d'euros dans la politique d'accès au droit, en faveur, notamment, d'une plus grande lisibilité du droit et des procédures, dans l'intérêt des justiciables, les plus démunis en particulier.

Je souligne la hausse de 11 % des moyens affectés aux conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD) et j'appelle votre attention sur l'importance de maintenir l'effort commun du ministère et des collectivités locales qui cofinancent les CDAD. Nous avons en effet été interpellés par le désengagement, en 2018, de la région Île-de-France, qui entraînera une baisse de quelque 15 % du budget des CDAD de la région.

Enfin, j'ai souhaité accorder une attention particulière aux litiges du quotidien. Cette année a été marquée par la suppression des juges de proximité, convertis en magistrats à titre temporaire auprès des tribunaux d'instance, et par l'instauration d'une obligation de conciliation pour les litiges dont l'enjeu est inférieur à 4 000 euros. J'ai pris note d'une importante campagne de recrutement de conciliateurs, ce qui ne peut être qu'encouragé.

D'autre part, dans l'optique de dématérialisation et de numérisation des procédures évoquée précédemment, il est important de garantir l'accès au droit à ceux qui en le sont le plus éloignés et pour lesquels ces litiges ne sont pas de « petits litiges ». À cet égard, je souligne l'importance des maisons de la justice et du droit qui, grâce à leurs greffiers, ont aussi ce rôle de proximité. Il importe que leurs effectifs soient sinon renforcés au moins consolidés pour garantir un équilibre entre ceux des justiciables qui veulent que les choses se fassent vite et efficacement, sans contact, et ceux qui ont besoin d'un accompagnement plus marqué.

Tels sont les points que le souhaitais porter à votre attention. Si j'ai un peu outrepassé le champ du seul budget 2018, c'est qu'il donne un élan à une réforme profonde et très ambitieuse.

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La justice, rendue au nom du peuple français, caractérise, avant tout autre domaine de l'action publique, la place de l'État. Nos compatriotes en attendent énormément lorsqu'ils sont victimes et la trouvent éminemment sévère s'ils sont mis en cause. C'est pourquoi la justice doit être forte et respectée, indépendante et intransigeante. Aujourd'hui, elle doit se réformer tout en poursuivant son oeuvre de protection quotidienne ; cette mutation sera le symbole par excellence de notre capacité à réformer l'État et la République.

Les crédits de la mission « Justice » augmentent de 3,8 %. La justice était l'une des priorités d'Emmanuel Macron, candidat à l'élection présidentielle ; elle est l'un des postes budgétaires sanctuarisés dans le projet de loi de finances pour 2018 soumis à notre approbation. Au-delà de l'augmentation des crédits, les postes créées – 730 dans l'administration pénitentiaire et 40 postes d'éducateurs au sein de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) – sont autant de signes donnés aux personnels et aux justiciables en faveur du renforcement des moyens de ces deux administrations.

Trop souvent la justice est apparue laxiste à nos concitoyens, trop souvent les élus de la République sont apparus protégés par cette institution séculaire. Aujourd'hui, la ligne tracée par le Président de la République et par le Premier ministre, et les cinq chantiers de la justice que vous avez lancés, madame la garde des sceaux, sont autant de gages du caractère irréversible de l'évolution de l'institution judiciaire à venir pendant ce quinquennat.

Le contexte dans lequel nous évoluons justifie que les moyens de l'administration pénitentiaire et de la PJJ soient sanctuarisés. La justice ne retrouvera toute sa crédibilité que si nos concitoyens recouvrent une pleine confiance en l'action publique dans toute sa dimension. Cela vaut particulièrement pour les mineurs radicalisés, qui doivent retenir toute notre attention.

Les moyens de l'administration pénitentiaire et de la PJJ sont donc sanctuarisés. Le budget de l'administration pénitentiaire augmentera de près de 80 millions d'euros ; c'est un accroissement de 2,2 % par rapport à 2017 à périmètre constant. Ces crédits, personnels non pris en compte, s'élèveront donc à 1,2 milliard d'euros.

Sept cent trente-deux postes seront créés. Ils répondent pour partie aux besoins du renseignement pénitentiaire – 35 emplois –, des extractions judicaires de proximité – 50 emplois –, des services pénitentiaires d'insertion et de probation – 150 emplois – et, à titre principal, visent à faire face aux ouvertures d'établissements, avec 470 emplois.

Ce qu'il convient de retenir à ce stade est la création d'un nombre important de postes pour une administration qui souffre d'un déficit d'attractivité mais aussi de reconnaissance. Les nombreux postes vacants dénotent aussi combien ces métiers ne sont plus aujourd'hui attractifs et sont rarement exercés par vocation ou passion.

En effet, au-delà de la seule question financière, il est évident – et les auditions des professionnels de l'administration pénitentiaire nous l'ont confirmé – que ce métier est en crise, qu'il s'exerce dans un univers en tension et que les craintes de voir des incidents ou accidents dramatiques se produire sont réelles et quotidiennes.

Cette administration doit relever cinq défis : faire face à un recrutement en crise ; tirer les conséquences de la création de 15 000 nouvelles places dans les années à venir ; gérer les violences latentes du milieu carcéral ; faire face aux nouvelles menaces, principalement celles liées à la radicalisation ; absorber les conséquences de l'échec des réformes pénales tendant à la mise en place de peines alternatives comme la contrainte pénale.

Pour leur part, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) augmentent de 22 millions d'euros. Ils permettront principalement de financer les 40 postes d'éducateurs créés. Ils doivent aussi permettre au personnel de se sentir pris en considération par l'institution mais également par les acteurs de la justice qui n'appréhendent pas toujours l'importance de leur mission.

Ces évolutions s'inscrivent dans les perspectives ouvertes par les cinq chantiers de réforme de la justice, lancés par Mme la ministre : la transformation numérique ; l'amélioration et la simplification de la procédure pénale ; l'amélioration et la simplification de la procédure civile ; l'adaptation de l'organisation judiciaire ; le sens et l'efficacité des peines.

Ce dernier chantier nous intéresse au premier chef et nous permet de mesurer combien les services d'insertion et de probation doivent être renforcés pour que l'individualisation des peines se traduise dans le suivi des dossiers et des parcours de vie des personnes concernées et dans les perspectives de réinsertion proposées, à moins de considérer qu'un séjour en prison signifie à la fin de toute perspective de vie personnelle réussie sinon aboutie… J'en profite, madame la garde des sceaux, pour vous demander quel sens et quelle place vous souhaitez donner à l'emprisonnement dans le panel des peines et sanctions à la disposition de l'autorité judiciaire.

J'en viens maintenant aux mineurs radicalisés.

Il nous revient de réfléchir au rôle de la société dans son ensemble et de la République dans toutes ses composantes, en ce qui concerne tant les milieux ouverts et fermés de la PJJ que notre capacité collective à agir, pour redonner goût à la vie à ces jeunes qui s'inscrivent dans un parcours délinquant. Ils sont, avant toute chose, des enfants de la République française, ce qui justifie de les sanctionner sans toutefois les stigmatiser inlassablement. En effet, dans un État fort, la République doit protéger mais aussi s'interroger sur les raisons qui poussent certains de ses enfants à trouver refuge dans les discours les plus terrifiants de l'extrémisme religieux et de la radicalisation, et dans le terrorisme qui peut en découler. Tel est le sujet que j'ai souhaité aborder cette année dans mon avis budgétaire.

Ces enfants ont des profils si différents que des approches « type » ne peuvent être mises en place. L'évolution des cas relevés est si rapide que les acteurs de l'institution doivent s'adapter en permanence. Toutefois, il est patent qu'en se réfugiant dans la religion et le radicalisme, ces jeunes trouvent un sens à la vie que la République n'a pas pu ou su leur apporter, un sens que l'environnement familial aurait lui-même dû leur donner.

Aujourd'hui tout est possible. Chaque famille peut être concernée et nul ne peut prétendre échapper à ce phénomène. Les cas sont donc appréhendés individuellement ; ils justifient une concentration de moyens et d'énergie pour que chaque enfant radicalisé soit suivi individuellement. Ce constat me conduit, madame la ministre, à vous interroger sur le rôle plus général de la « prévention spécialisée ». Si cette mission relève, au titre de l'aide sociale à l'enfance, de la compétence des départements, ne vous paraît-il pas nécessaire que l'État redonne une impulsion particulière pour renforcer le rôle des travailleurs sociaux, dans les quartiers et les écoles, dans la prévention de la radicalisation violente et l'accompagnement de la jeunesse ?

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, monsieur le rapporteur pour avis. Vos propos sont, pour moi, de précieuses incitations à agir avec vigueur, si par hasard l'envie s'en éloignait – ce n'est certes pas le cas –, et un levier puissant pour notre action d'amélioration de la justice.

Monsieur le rapporteur spécial, je tiens à vous remercier pour toutes vos « mises en garde », même si l'expression est sans doute inappropriée. Je vous remercie en tout cas de m'appeler à la vigilance sur tous ces points : le dépôt, dès le premier semestre de l'année prochaine, du projet de loi de programmation ; la nécessité de bien conforter la place du secrétariat général ; etc. Pas un des points que vous avez mentionnés ne m'a échappé, et je ne suis en désaccord avec vous sur aucun d'entre eux. Je veillerai donc à donner satisfaction sur tous.

Deux problèmes vous inquiètent.

Vous me demandez de faire preuve de vigilance sur les dépenses d'informatique et vous interrogez sur leur justification. Je le comprends parfaitement. Il est absolument nécessaire de maîtriser les crédits, et, surtout, les calendriers des projets informatiques que nous conduisons. Il est vrai que, depuis des années et malgré les efforts déployés par les personnels, les résultats ne semblent pas à la hauteur des investissements consentis. C'est la raison pour laquelle les coûts des projets présentés dans le budget sont les coûts complets : investissements, personnel, déploiement – c'est important. D'autre part, nous avons complètement revu la trajectoire budgétaire de nos différents projets pour parvenir à des coûts consolidés et approcher ce que je me permets d'appeler « la vérité des prix ». J'ai demandé qu'un schéma directeur me soit remis dans les prochaines semaines, qui fixe très clairement objectifs, calendriers et coûts complets. C'est évidemment ce qui nous permettra de déployer ce plan de transformation numérique que j'appelle de mes voeux parce qu'il est absolument indispensable pour notre ministère. L'ensemble des projets que nous avons souhaités sont concernés. J'espère qu'ainsi nous pourrons redresser la situation et utiliser pleinement les crédits qui nous sont alloués.

Quant au problème de l'aide juridictionnelle, véritable serpent de mer puisque nous nous penchons sur le problème depuis des années, j'espère parvenir à le régler. Cette année, une progression importante des crédits, que vous avez relevée vous-même, nous permet de tenir les engagements pris par les précédents gouvernements ; il y va de la crédibilité de la parole de l'État. Au-delà, notre effort porte à la fois sur la simplification du dispositif d'accès à l'aide juridictionnel, qui pourra très prochainement être entièrement dématérialisé ; un début de dématérialisation est proposé sur justice.fr, mais ce n'est pas complet comme nous le souhaitons. Nous voulons également aller dans le sens de la subsidiarité avec l'assurance de protection juridique. Nous souhaitons mettre en place des organisations nouvelles, comme des structures dédiées dans les barreaux. Enfin, je vous l'ai dit, monsieur le rapporteur spécial, j'ai confié une mission à deux inspections, qui doivent me faire des propositions sur le financement de l'aide juridictionnelle. Plusieurs pistes sont envisageables, par exemple l'extension de l'assurance de protection juridique ou une diversification des ressources. Je souhaite que les deux corps d'inspection nous fassent des propositions, que nous traduirons en textes législatifs.

Merci, madame la rapporteure pour avis, d'avoir parlé d'un budget donnant un élan ; c'est un peu comme cela que je l'envisage. Certes, ce n'est pas le budget dont nous rêverions dans un monde idéal, mais il n'est aucun budget qui puisse être bâti en faisant fi des contraintes qui pèsent sur notre État. C'est donc un budget d'élan, qui comporte un certain nombre d'investissements puissants dans différents domaines.

Quels projets applicatifs comptons-nous développer grâce à l'investissement massif dans le numérique ? Ils sont nombreux. Avec justice.fr, nous avons en quelque sorte un projet phare. J'aimerais que ce portail soit construit comme impots.gouv.fr – la finalité est différente, mais, du point de vue de la paix sociale, la justice ne rapporte-t-elle pas plus que les impôts ? C'est un autre débat. Nous voulons donc travailler sur justice.fr, qui offre déjà un certain nombre de services, mais nous voudrions que les justiciables puissent, en 2018, y suivre l'état d'avancement de leur affaire en ligne, avec le calendrier de la procédure, des audiences, des notifications et des convocations, et de recevoir des rappels de convocation par SMS. Lorsque cela peut se faire, les gens viennent davantage aux audiences, qu'il n'est donc pas nécessaire de reporter – le gain de temps et d'énergie est très appréciable pour les magistrats. À partir de la fin d'année 2018 ou du début de l'année 2019, les justiciables pourront saisir les juridictions civiles par voie électronique.

Dans le domaine pénal, nous allons travailler avec le ministère de l'intérieur pour favoriser les transmissions numériques entre les services enquêteurs et les magistrats, ce sera un atout extrêmement précieux pour les services de greffe. Nous espérons gagner beaucoup de temps et recentrer, finalement, chacun des acteurs du monde de la justice sur son coeur de métier. Toutes les simplifications procédurales que nous mènerons à bien en matière civile ou pénale devront trouver leur traduction dans les applications numériques, mais celles-ci ne peuvent devancer les simplifications procédurales.

J'espère que l'ensemble de ces éléments permettra des progrès dans la justice du quotidien, que tous les justiciables ressentent profondément comme lente, d'autant qu'il leur est souvent impossible de savoir où en sont les procédures qui les concernent. J'espère que simplification et numérisation nous permettront de réduire les délais de la justice pour les litiges du quotidien.

Monsieur le rapporteur pour avis, votre travail sur l'administration pénitentiaire et la PJJ rejoint – vous-même l'avez dit – l'une de nos préoccupations majeures. Je ne rappellerai pas le problème de la surpopulation carcérale, une véritable plaie, à la fois pour la sécurité des agents de l'administration, pour la dignité des détenus et pour le suivi des parcours de détention, qui ne peut être correct dans de telles conditions de détention. Vous avez souligné à juste titre la faible attractivité des métiers de l'administration pénitentiaire ; c'est l'une de nos difficultés majeures. Créer des postes, comme nous le faisons cette année, est une chose, les pourvoir en est une autre, à laquelle nous ne parvenons que difficilement en raison d'un turn over incessant et de départs pour d'autres métiers de la sécurité que ceux de l'administration pénitentiaire. Cela crée des difficultés. Aussi souhaitons-nous que l'ensemble de ces chantiers de transformation de la justice s'accompagne d'un sixième chantier, que je n'ai pas présenté publiquement car il est interne à notre ministère : le chantier de la gestion des ressources humaines (GRH), que je souhaite présenter dès le 6 novembre prochain aux organisations syndicales. Un pan important sera celui du recrutement et de la fidélisation de nos personnels, notamment – mais pas seulement – dans l'administration pénitentiaire. Nous envisageons plusieurs types de mesures pour fidéliser les personnels et rendre plus attrayantes leurs carrières, avec une forme de diversification ; je songe aux surveillants pénitentiaires qui peuvent intégrer les équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS), plus spécialisées, ou, désormais plus aisément, le renseignement pénitentiaire.

Vous me posez deux questions sur le sens et la place de l'emprisonnement. J'ai eu l'occasion, Monsieur le rapporteur pour avis, de m'exprimer sur ce sujet : la peine de prison a un sens précis, et ne doit pas être mise de côté, elle doit être pleinement utilisée pour ce qu'elle est. Je n'ai aucune approche idéologique de ce point de vue. Et c'est une peine qui permet et d'assurer la sécurité de nos concitoyens, et de faire un travail, s'ils sont incarcérés dans des conditions décentes, avec les détenus et d'assurer une réinsertion. Dans ce cadre, nous avons du travail à faire sur l'emprisonnement, notamment autour du suivi du parcours des détenus, pour permettre une réinsertion positive. Cela suppose de renforcer les conseillers d'insertion et de probation. Vous savez qu'il y a 150 emplois supplémentaires cette année, et tout au long de la période d'application de la loi de programmation, nous les renforcerons car ils jouent un rôle majeur en lien avec la peine de détention.

La mise en détention n'est cependant pas la seule peine que nous devons utiliser. Tout le travail que nous allons faire dans ce chantier sur le sens et l'efficacité de la peine, c'est de permettre aux juridictions, aux magistrats de prononcer des peines qui seront des peines autonomes, non des peines d'aménagement de la peine d'emprisonnement. Nous allons déverrouiller la possibilité de prononcer des peines autonomes ; je pense évidemment au bracelet électronique, aux travaux d'intérêt général, que nous devons multiplier. Il y a toute une série de peines autonomes que nous donnerons aux tribunaux la possibilité de prononcer. Ce ne sont pas là que des mots, c'est une logique un peu différente de ce qui existe à l'heure actuelle, et cela suppose que nous donnions aux magistrats la possibilité d'être plus responsables de la peine qu'ils prononcent au moment où ils prononcent. Il faut par exemple que nous renforcions les enquêtes de personnalité menées préalablement au prononcé de la peine, pour que le magistrat sache à qui il a affaire et si, oui ou non, il peut prononcer une peine autonome telle qu'un travail d'intérêt général. C'est là tout un travail qui, finalement, redonnera tout son sens à l'emprisonnement. Quand une juridiction prononcera une peine d'emprisonnement, ce ne sera évidemment pas par défaut, ni parce qu'elle n'aura pas eu le temps ou la possibilité de faire autrement, c'est parce qu'elle saura exactement à quoi cette peine correspond – je ne prétends évidemment pas là que les magistrats ne savent pas ce qu'ils font aujourd'hui, mais nous voulons que les conditions soient les meilleures possibles.

La lutte contre la radicalisation est un problème extrêmement difficile. S'il existait une solution univoque précise, nous l'aurions déjà mise en oeuvre ; ce n'est pas le cas. À la fin du mois de novembre prochain, le Premier ministre doit présenter un plan global de lutte contre les processus de radicalisation. Le ministère de la justice y prendra toute sa place. Nous avons à établir de ce point de vue un continuum entre les différentes situations de prise en charge que nous devons gérer. Nous devons prendre en charge des mineurs ; encore faut-il que nous soyons capables de les accueillir sous divers types de prise en charge, d'une prise en charge en milieu ouvert dans certains cas, avec un suivi extrêmement attentif, à une prise en charge dans des centres qui seront construits selon une logique très particulière. Il y a là une diversité de solutions à mettre en oeuvre. Ensuite, nous devons également pouvoir prendre en charge des adultes placés sous main de justice mais qui ne sont pas des détenus. Plusieurs expérimentations sont menées en France, comme le programme RIVE (Recherche et intervention contre la violence extrémiste), ou d'autres menés dans l'est de la France. Nous devons très rapidement évaluer quelles sont les meilleures manières de prendre en charge ces adultes placés sous main de justice mais qui ne sont pas des détenus – s'ils ne sont pas détenus, c'est sans doute qu'il y a encore d'autres possibilités de travailler avec eux. Enfin, nous devons travailler sur les détenus. Si les détenus radicalisés sont placés dans des situations différentes selon leur degré de dangerosité, nous ne pouvons pas les laisser sans un accompagnement singulier – je ne parle pas des détenus les plus dangereux, que nous savons placer à l'isolement mais non prendre en charge.

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Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

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Au nom du groupe La République en Marche, je salue à mon tour le travail de nos collègues rapporteurs pour avis.

Les crédits pour l'année 2018 de la mission « Justice » donnent un signal important et s'inscrivent dans la perspective des transformations que nous souhaitons amorcer. Les cinq chantiers présentés en constituent les premiers jalons encourageants.

Mes propos porteront plus spécifiquement sur l'aide aux victimes. Comme vous le savez, madame la garde des sceaux, les attentats commis ces dernières années ont causé des souffrances terribles. Au nom de la solidarité nationale, le suivi des victimes par l'État est primordial, les associations d'aide aux victimes jouant aussi un rôle indispensable. La désignation d'une déléguée interministérielle placée sous votre autorité et dédiée à l'aide aux victimes témoigne de la volonté du Président de la République et du Gouvernement d'assurer l'accompagnement des victimes, du terrorisme, mais pas seulement ; je songe aussi aux victimes d'accidents collectifs majeurs ou de catastrophes naturelles – par exemple l'ouragan Irma. Pourriez-vous nous faire part de la feuille de route de la déléguée interministérielle ? Par ailleurs, compte tenu du nombre malheureusement croissant de personnes à indemniser, les victimes directes ou indirectes s'interrogent légitimement sur la pérennité financière du fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI). Pouvez-vous faire le point sur l'indemnisation des victimes du terrorisme et nous assurer que les moyens du FGTI suffisent à assurer la réparation intégrale de tous les préjudices ?

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Au nom du groupe Les Républicains, j'aborderai successivement trois sujets : les frais de justice ; la radicalisation des jeunes dans les prisons ; la justice, « mission en croissance et en souffrance ».

L'action « Conduite de la politique pénale et jugements des affaires pénales », à laquelle sont rattachés les frais de justice, qui correspondent au défraiement des personnes qualifiées réquisitionnées, ne voit ses autorisations d'engagement augmenter que de quelque 1 %. C'est très faible, alors que le projet de loi de finances prévoit une revalorisation des tarifs des prestations, et nous assistons par ailleurs à une montée en puissance des rapports d'expertise dans des procédures pénales – par exemple, les analyses toxicologiques. Entre des crédits pratiquement stables et des dépenses croissantes, comment pensez-vous faire ? Les dérapages ont été fréquents dans le passé.

Au vu du nombre important des jeunes détenus séduits par le djihad, la prévention des comportements radicaux comme les politiques de déradicalisation doivent être une priorité. Or, si une enveloppe d'un montant de 5,3 millions d'euros avait été consacrée, en 2017, à la lutte contre le terrorisme et la radicalisation des mineurs, aucun crédit n'est inscrit dans le budget de cette année, du moins aucun crédit ainsi fléché. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Le budget 2018 de la mission s'inscrit dans un mouvement continu d'augmentation des ressources votées. Pourtant, la Cour des comptes pointe le manque de cohérence au regard des besoins à venir, considérables, en particulier au plan immobilier, entre prisons et palais de justice. Permettez-moi de citer celui de Toulon, qui a plus de soixante ans et est réparti entre trois sites ; il n'a de monumental que la façade et la salle des pas perdus. La mission « Justice » est ainsi qualifiée de mission « en croissance et en souffrance » par la Cour des comptes. Qu'en dites-vous ?

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Tout d'abord, dans un contexte d'économies budgétaires, nous devons nous satisfaire de l'augmentation du budget du ministère de la justice, l'un des rares qui augmente. J'ai connu un temps où il représentait à peine 1 % du budget de l'État. Nous en sommes au double, mais, finalement, 2 % du budget de l'État pour la paix sociale, ce n'est pas très cher ! C'est même insuffisant, mais, comme nous savons que nous devrons faire mieux avec ce que nous avons, pas plus, peut-être même moins, il est certain que nous aurons besoin, au-delà de la hausse des moyens financiers et humains, d'importantes réformes structurelles importantes – je suis bien placée pour le savoir.

Je souhaite, au nom du Modem, vous interroger sur trois points, madame la garde des sceaux.

Je partage l'inquiétude qu'inspirent les partenariats public-privé à mon ami Patrick Hetzel. C'est très cher, et cela obère beaucoup nos crédits de fonctionnement. Recourrons-nous désormais avec prudence à ces montages qui appauvrissent l'État ?

Par ailleurs, policiers et gendarmes ne veulent plus assurer les extractions judiciaires. Ce n'est pas anecdotique. Le problème peut complètement désorganiser une audience. Si les détenus ne sont pas accompagnés, l'audience tourne à vide et le coût en temps et en hommes est trop élevé.

Enfin, au lendemain du vote de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, la création de 38 emplois supplémentaires pour le bureau central du renseignement pénitentiaire est-elle suffisante ?

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Je tiens tout d'abord, au nom des Constructifs, à saluer un effort significatif, tant en termes de crédits inscrits qu'en nombre d'emplois créés. Nous approuvons également les cinq grands chantiers de la justice que vous nous avez présentés le 4 octobre dernier, qui nous semblent effectivement porter sur les sujets les plus importants, qui nécessitent des réformes urgentes.

Parmi les réformes engagées, il y a bien sûr celles visant à remédier à cet échec français manifeste que constitue la surpopulation carcérale, avec un taux d'occupation des centres de détention qui atteint 138 %. J'appelle à cet égard votre attention sur la situation particulière de la Nouvelle-Calédonie ; le taux d'occupation de l'unique centre de détention, le Camp Est, est de 130 %. Ce centre est celui des centres outre-mer qui connaît le plus grand nombre de tentatives d'évasion, de faits de rébellion et de mutineries. Lorsque l'on connaît sa situation en termes d'effectifs, notamment avec l'absence d'équipes de fouille, de transfèrement ou d'extraction, on se doute qu'il présente une fragilité majeure, a fortiori à la veille d'un référendum important pour l'avenir du pays. Dans le budget triennal 2015-2017, des crédits avaient été inscrits par le précédent gouvernement pour qu'une nouvelle prison ouvre ses portes à Koné, soit 150 places supplémentaires. Des crédits sont inscrits au budget, à hauteur de 8,5 millions d'euros en autorisations de paiement et de 2,5 millions d'euros en crédits de paiement. Pouvez-vous, madame la garde des sceaux, nous garantir que cela intègre bien les crédits nécessaires à l'engagement des opérations en 2018 et à l'ouverture du centre en 2019 ?

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Au nom de la Nouvelle Gauche, madame la garde des sceaux, pour cette présentation. Jean-Jacques Urvoas le disait déjà en 2016 : « La question de la justice, c'est d'abord le budget. » Je pense que vous l'avez entendu, puisque vous augmentez, comme nous l'avions fait en 2016, les crédits de la mission.

Est-ce suffisant ? Je ne le pense pas. La loi de programmation ne doit pas nous faire perdre de temps, il faut vraiment agir en faveur du financement de la justice, administration fragile, institution en souffrance. En ses murs, les magistrats, les surveillants, les agents de probation, les greffiers travaillent dans des conditions extrêmement difficiles. Les justiciables eux-mêmes redoutent d'avoir affaire à la justice, parce qu'ils ne savent pas combien de temps cela pourra prendre et ni s'ils comprendront cette justice.

Nous avions créé 2 100 emplois en 2017. Il en est créé 1 000 en 2018, dont 295 dans les juridictions. Nous savons que 400 postes de magistrats sont vacants. Sur quelles procédures de matérialisation pensez-vous pouvoir vous appuyer pour permettre un allégement de la tâche des magistrats ?

Quant à l'administration pénitentiaire, les 470 nouveaux emplois prévus sont-ils destinés aux nouvelles prisons ou à celles qui existent déjà, dont les conditions de vie sont extrêmement dégradées ? N'oublions pas que 1 800 postes sont vacants.

Pouvez-vous détailler le fléchage des 40 emplois créés pour la protection judiciaire de la jeunesse, contre 165 en 2017 ? Seront-ce des éducateurs ou des psychologues ?

Enfin, qu'en est-il des réformes statutaires prévues en 2017, qui seraient reportées d'un an ?

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J'ignore s'il faut parler d'élan concernant ce budget. Une hausse des crédits de 123 millions d'euros est prévue suite à l'annulation de 160 millions décidée en juillet. Ma première question est simple : quel est le report de charges dû à cette annulation de l'exercice 2017 à l'exercice 2018 ? On pourra débattre longtemps en toute hypocrisie mais, in fine, on sait bien qu'il s'agit de factures qui resteront impayées par le ministère, qui les règlera au début 2018 avec les nouveaux crédits.

Ce ministère est en crise, comme cela a été dit, et je m'associe, au nom de La France insoumise, aux remarques formulées sur les effectifs non pourvus. Vous ne mettez pas en cause les magistrats, madame la ministre, et pour cause : ils font ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas toujours beaucoup – c'est précisément le problème. Le rythme insoutenable lié aux comparutions immédiates donne de quoi s'interroger sur l'application des peines concernant les comparutions immédiates ou, plus généralement, en matière pénale.

Il faut se garder de toute idéologie en la matière, dites-vous. Je pense au contraire qu'il en faut une, mais passons et faisons simplement preuve de pragmatisme. Les études conduites sur l'incarcération montrent que les pays qui « mettent le paquet » sur les solutions alternatives à l'incarcération connaissent un moindre taux de récidive et je me demande si, en ne faisant pas de même, on ne souhaite pas au fond la hausse de la récidive. Je ne le crois naturellement pas, mais c'est bien un choc financier dont ce ministère aurait besoin, qui se chiffrerait non pas en millions supplémentaires, mais en milliards.

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Je commencerai, au nom de la Gauche démocrate et républicaine, par me féliciter de la hausse de ce budget, même si notre pays, hélas, figure depuis plusieurs années dans la deuxième moitié des pays de l'Union européenne en termes de nombre de magistrats, de procureurs et d'avocats ; par voie de conséquence, il va de soi qu'il est à la traîne en matière de délais d'instruction des procédures judiciaires. Ce budget en hausse n'est toutefois pas un budget de rattrapage du formidable retard que la France accumule sur les questions de justice.

Sur les mille postes créés, tout d'abord, 295 concernent les juridictions. Comment pourrez-vous vous attaquer au phénomène selon lequel les plafonds d'emplois augmentent tandis que le nombre de magistrats en activité dans les tribunaux diminue ? Les postes vacants, en effet, ne cessent d'augmenter et ce hiatus ne saurait se régler que par des mesures budgétaires.

Ma deuxième question porte sur la protection judiciaire de la jeunesse. En dépit de l'augmentation des crédits, c'est le parent pauvre du budget. Comment pensez-vous dans ces conditions appliquer l'engagement d'Emmanuel Macron qui, alors candidat, disait ceci : « La justice des mineurs est une de nos grandes priorités car c'est là que se joue l'avenir des enfants en difficulté » ?

Enfin, je ne saurais conclure sans signaler la situation catastrophique du tribunal de Bobigny. Dans la grande misère dans laquelle se trouve la justice française, il se trouve des misères plus grandes que d'autres : les délais de justice en Seine-Saint-Denis sont sept fois plus longs qu'à Paris.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

S'agissant de l'aide aux victimes, madame Louis, la feuille de route confiée à Mme Élisabeth Pelsez, la déléguée interministérielle, comporte plusieurs missions, notamment celles de coordonner l'action des services de l'État, de rendre plus accessibles l'information pour les victimes grâce à un guichet unique et, surtout, de développer l'accompagnement social et professionnel, car c'est l'un des points qui font le plus défaut. C'est principalement sur ce volet que Mme Pelsez accentue son action, qui porte aussi sur la prise en charge de l'indemnisation à laquelle elle apporte sa contribution. Un comité interministériel de l'aide aux victimes se tiendra le 10 novembre sous la présidence du Premier ministre ; il permettra de dresser un premier bilan d'étape de cette feuille de route.

Au sujet de l'indemnisation, vous vous interrogez sur la pérennité financière du fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI). Il est vrai que ce fonds assure la réparation intégrale des dommages et, depuis très récemment, couvre aussi le préjudice d'angoisse de mort imminente et le préjudice d'attente et d'inquiétude ; il s'est donc produit une amélioration qui répond à la demande formulée par les victimes. Saisi d'une sollicitation sans précédent, le FGTI a été très fortement mis à contribution : 56 millions d'euros lui ont été versés en 2016 et la convention du 16 mars 2017 entre l'État et le fonds consolide cet équilibre financier par une garantie de l'État. Il n'y a donc pas de difficulté sur ce point. Ce dossier est désormais très bien canalisé par le travail de Mme Pelsez, et l'indemnisation est garantie.

Pour canaliser les frais de justice qui, en effet, augmentent, monsieur Masson, chaque cour d'appel – je peux en témoigner car j'en visite de très nombreuses – consent de puissants efforts de rationalisation. Si certains frais de justice augmentent, des économies sont réalisées ailleurs, en matière de gardiennage des véhicules, par exemple. En outre, comme vous le savez et malgré la publication de nombreux articles critiques dans la presse, la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) permettra de réaliser des économies très importantes : à terme, l'objectif est d'économiser 50 millions d'euros sur les frais de justice, dont 20 millions dès cette année.

Les crédits affectés à la radicalisation dans les prisons visant les mineurs n'augmentent pas, il est vrai, mais ils font l'objet d'un soclage, c'est-à-dire que les crédits existants sont reconduits. Dans un domaine connexe, des crédits importants sont consacrés aux emplois et au matériel du renseignement pénitentiaire.

Vous avez conclu votre propos en reprenant l'expression un peu triste, ou au moins ambivalente, de « croissance et souffrance », à laquelle je préfère celle de « vigueur et espérance ». La vigueur est celle du budget et surtout de la loi de programmation qui, dès les trois premières années, conduira à une augmentation de 900 millions d'euros du budget de la justice, ce qui est tout à fait important. L'espérance est celle de la transformation que je défends et dont je suis certaine que nous parviendrons à la mettre en place.

Je vous rassure, madame Vichnievsky : il n'y aura plus de partenariats public-privé. Les dérives qu'évoquait M. Hetzel ne se reproduiront donc plus. Pour ce qui concerne les extractions judiciaires, j'ai signé très récemment avec mon collègue Gérard Collomb une circulaire adressée à l'ensemble des juridictions et des personnels concernés pour réguler les extractions vicinales, qui posaient le plus grand nombre de problèmes. Dorénavant, les tâches sont clairement réparties entre la police ou la gendarmerie et le personnel pénitentiaire. Un équilibre et des financements sont établis, et les choses sont donc claires depuis environ deux à trois semaines. J'espère que cette mesure contribuera à améliorer considérablement ce problème que vous soulevez à juste titre, car il paralysait grandement le fonctionnement de nos juridictions.

Je vous confirme, monsieur Gomès, que le centre pénitentiaire de Koné est toujours prévu : les travaux débuteront en 2019 pour une livraison en 2021. J'espère que la construction de cet établissement de 100 à 120 places permettra de résoudre les difficultés que vous avez soulevées. La phase de concours de maîtrise d'oeuvre est en cours.

Reprenant un article de mon antéprédécesseur, Jean-Jacques Urvoas, que j'ai eu le plaisir de lire cet après-midi, madame Untermaier, vous estimez que la hausse budgétaire – que vous reconnaissez – ne permettra toutefois pas de couvrir les vacances de postes. J'espère avoir couvert l'intégralité des vacances pendant la durée d'application de la loi de programmation. Nous y parviendrons non seulement grâce au mécanisme de création d'emplois, mais aussi par la modification des tâches qui résultera tout à la fois de la numérisation et de la simplification des procédures. Sans entrer dans les détails, je rappelle par exemple que nous souhaitons ramener la trentaine de procédures civiles actuelles à deux, ce qui sera un facteur de simplification non seulement pour les justiciables, mais aussi pour les magistrats. Nous abordons également les questions de déjudiciarisation. Lorsque je me rends dans un tribunal comme encore récemment à Boulogne, les magistrats me disent leur exaspération de préparer des actes inutiles concernant la gestion des comptes de tutelle, par exemple, alors qu'il leur suffirait d'intervenir lors de l'ouverture, de la clôture et de quelques actes intermédiaires. Nous espérons ainsi dégager du temps, et en y ajoutant les créations d'emplois, nous pourrons couvrir l'intégralité des vacances de postes.

Il est vrai que les emplois créés cette année dans l'administration pénitentiaire ne concernent que les ouvertures de nouveaux établissements, mais tout le travail de gestion des ressources humaines qui sera mené conjointement afin de redonner de l'attractivité aux professions de ce secteur permettra également d'éviter les sorties qui, pour le moment, pénalisent notre système.

Vous évoquez la question des reports de charges, monsieur Bernalicis. Je peine à comprendre : à ce stade, en effet, nous n'anticipons aucun dérapage, même si nous ne le constaterons qu'en fin d'année. En outre, nous avons donné aux juridictions les moyens de régler en fin d'année les factures de frais de justice de sorte qu'il n'y ait pas ou peu de reports sur l'année à venir.

Vous estimez aussi qu'il faudrait plusieurs milliards d'euros supplémentaires pour financer le travail des magistrats : certainement. Si vous les trouvez, je suis preneuse.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Formidable ; vous me direz où, et je vous suivrai sur-le-champ.

Je ne suis pas certaine, monsieur Peu, que la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) soit le parent pauvre de ce budget. En réalité, des crédits lui sont octroyés pour remettre à niveau les établissements qui en ont besoin et quarante emplois d'éducateurs sont créés. Certes, nous devrons progresser et j'en suis tout à fait consciente mais, encore une fois, la PJJ n'est pas le parent pauvre.

Vous avez également évoqué les juridictions : la réponse que j'ai faite à Mme Untermaier vaut, je crois, pour votre observation. Enfin, je me rendrai demain au tribunal de Bobigny, et je pourrai donc vous répondre sur ce point.

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Ma question relative à la protection judiciaire de la jeunesse consistait moins à déplorer l'absence de moyens qu'à vous demander comment, avec les moyens prévus, vous mettriez en oeuvre la promesse de M. Macron sur la justice des mineurs.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous souhaitons mettre en place une justice des mineurs qui soit la plus adaptée possible aux profils et il nous faudra pour ce faire une typologie extrêmement variée de prises en charge. En visite à Rouen, j'ai récemment pu observer des manières très diversifiées de prendre les jeunes en charge, et j'estime que les moyens dont nous disposons nous permettront d'agir en ce sens.

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Je ne vous interrogerai pas sur l'aide juridictionnelle, madame la ministre, car vous y avez répondu de manière très complète et précise, mais j'en profite pour me réjouir de l'augmentation de près de 9 % des crédits de l'aide juridictionnelle, soit 32 millions d'euros supplémentaires, ce qui témoigne de l'engagement de l'État à renforcer l'accès au droit et à la justice. Surtout, je me réjouis des propositions que vous venez de formuler afin de repenser un plan de financement plus pérenne de l'aide juridictionnelle, qui était vraiment notre problème principal, afin de continuer d'assurer l'égal accès de tous au droit et à la justice.

Ma question, déjà abordée par Mme Vichnievski, concerne la construction du palais de justice parisien qui vient de s'achever sur le site des Batignolles. La nouvelle cité judiciaire était très attendue ; nous devrions disposer d'une juridiction moderne qui facilitera certainement le travail des auxiliaires de justice et contribuera ainsi à une meilleure administration de la justice. Le coût final de ce projet, en revanche, qui est la conséquence du mode de financement décidé en 2012, pose un véritable problème. Au terme des vingt-sept années du contrat de partenariat public-privé qui a été conclu, le projet immobilier devrait, d'après la Cour des comptes, s'élever à plus de 2,7 milliards d'euros, très loin du montant initialement prévu et de la maîtrise des coûts envisagée. Quelles sont les conséquences pour le ministère de la justice de ce choix de gestion sur l'investissement consacré aux autres projets du parc immobilier ?

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Je me réjouis à mon tour de la place que le projet de loi de finances consacre à la justice, notamment de l'effort budgétaire consenti en faveur du programme « Administration pénitentiaire ». Cette augmentation, comme vous l'avez souligné, permettra de financer la création de 15 000 places de prison au cours de la période 2018-2027 et d'assurer ainsi un traitement plus digne des prisonniers.

Le problème du suivi des auteurs d'infractions semble toutefois trouver une réponse plus parcellaire. La semaine dernière, madame la ministre, vous avez déclaré devant la commission des lois être favorable à la diversification des peines et vouloir débloquer les verrous qui pèsent sur un certain nombre de peines alternatives à la prison. J'ai beaucoup apprécié votre vision que je partage pleinement.

Une question subsiste néanmoins : comment concilier cette volonté de recourir à des peines alternatives à l'emprisonnement avec les effectifs actuels du personnel d'insertion et de probation ? En effet, bien qu'il soit prévu une hausse de 4,1 % des effectifs débouchant sur la création de 150 postes supplémentaires, c'est sans doute insuffisant. Rappelons qu'en France, un conseiller de probation et d'insertion suit en moyenne 73 personnes contre seulement 25 en Suède, par exemple.

Je me permets également d'appeler votre attention sur les crédits alloués à la location des bracelets électroniques alors même que le nombre de placements sous surveillance électronique n'a cessé d'augmenter ces dernières années.

Je vous remercie pour votre réponse et votre volonté, que je partage, de transformer la justice afin d'améliorer son fonctionnement quotidien et l'efficacité des peines.

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La procédure de déploiement de la numérisation du ministère et, à terme, de la justice, inquiète les territoires dans lesquels les infrastructures numériques ne sont pas encore installées. Cette réforme présente un risque d'inégalité des concitoyens face à la justice moderne, que nous souhaitons comme vous. Il faut impérativement que les infrastructures nécessaires à ces procédures soient déployées le plus rapidement possible.

Ma question porte sur les crédits annoncés et l'intention affichée concernant la création de 15 000 nouvelles places dans les établissements pénitentiaires. J'ai bien compris que ce projet de loi de finances sera suivi d'une loi de programmation pluriannuelle, mais les crédits inscrits pour lancer la création de ces nouvelles places sont faibles – 26 millions – au regard de votre ambition. Avez-vous déjà évalué le budget nécessaire pour faire aboutir cette ambition ? Avez-vous envisagé la capacité à absorber cette charge pendant le quinquennat ?

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Nos prisons sont en situation de surpopulation réelle. Il faudra du temps pour construire de nouveaux établissements et nous tâcherons de diminuer les coûts de construction, mais que peut-on faire en matière de rénovation des prisons ? Des crédits sont-ils affectés à ces fins ?

D'autre part, comment rendre ces prisons plus pratiques afin que les agents ne soient pas cantonnés au rôle de porte-clés mais qu'ils puissent aussi s'appuyer sur des technologies biométriques, par exemple ?

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Permettez-moi à mon tour d'aborder la question de la surpopulation des prisons sous un tout autre angle, et de vous interroger sur la philosophie politique qui anime le Gouvernement en la matière. Selon les chiffres de l'observatoire international des prisons, la France atteignait en juillet 2016 un taux de détention inégalé depuis le XIXe siècle. Or, cette évolution de la population détenue est sans corrélation avec celle de la délinquance. L'ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, indiquait qu'il faut résolument se défaire de l'idée commune selon laquelle les effectifs de personnes emprisonnées sont liés à l'état de la délinquance du pays. Les analyses de l'observatoire scientifique du crime et de la justice révèlent même une tendance à la baisse d'un certain nombre d'infractions. Autrement dit, la surpopulation de détenus est liée à d'autres facteurs tels que la pénalisation d'un nombre croissant de comportements, le développement de procédures de jugement rapide, l'allongement de la durée de la peine et l'augmentation de la récente détention provisoire. Le fait d'appliquer une justice beaucoup plus dure et plus expéditive relève d'un choix politique et d'une vision de la manière dont la société régule les infractions. Quel est votre état d'esprit en la matière ? Votre philosophie s'inscrira-t-elle dans ce qui se fait malheureusement depuis plusieurs années, ou en prendrez-vous le contrepied ? Même s'il faut désengorger les prisons et développer des peines alternatives, il nous semble que notre perspective ne peut se résumer à toujours plus de prisons et qu'il faut revenir sur cette orientation politique.

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J'appartiens à la commission des affaires étrangères, qui n'est pourtant pas étrangère aux intérêts des Français, d'où ma présence. Je vous remercie, madame la ministre, pour les efforts consentis en matière budgétaire. Certes, ce n'est jamais assez simple ou suffisant, mais nous disons que ce que nous faisons et nous faisons ce que nous disons – je souhaite le souligner par rapport aux gouvernements précédents.

Je souhaite aussi vous remercier de mettre fin aux dérives liées aux partenariats public-privé, mis en place par les précédents gouvernements, qui furent une véritable catastrophe. Vous avez eu le courage de dire stop.

Les efforts déployés dans le cadre de ce projet de loi de finances sont justes, tout simplement parce qu'ils sont partagés entre les détenus et le personnel pénitentiaire. S'agissant des 15 000 places nouvelles, le Gouvernement s'inscrit dans la continuité des travaux remarquables de M. Raimbourg sur le plan d'encellulement individuel et de la décision prise par le précédent gouvernement. Cela me conduit à vous interroger, madame la ministre, sur le calendrier d'application de la phase 1 : 19,9 millions d'euros ont été prévus en autorisations d'engagement pour l'acquisition du foncier. La construction de la maison d'arrêt de Cherbourg a été décidée en février 2017 : quid du calendrier ?

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Mes collègues ont déjà relayé quelques inquiétudes relatives à la numérisation et à la fracture territoriale et d'équipement qu'elle peut provoquer, voire à la moins bonne administration de la justice, au moins dans un premier temps. Mme Untermaier a évoqué l'inquiétude relative aux vacances de postes dans les juridictions. La question brûlante des extractions reste pendante. Le nombre d'agents du Bureau central du renseignement pénitentiaire est préoccupant.

Je passe sur toutes ces questions déjà abordées pour vous interroger sur le fonctionnement et l'investissement concernant le site des Batignolles. Tout d'abord, vous annoncez des crédits de fonctionnement d'un montant de 390 millions d'euros qui englobent les Batignolles : quelle est la part de cette opération lourde et quel en est l'impact réel sur les autres juridictions, qui amoindrirait d'autant l'effort de fonctionnement ? Votre réponse nous permettrait d'y voir plus clair.

Même question sur l'investissement : une fois exclus les 63 millions d'euros correspondant aux partenariats public-privé, l'analyse des crédits d'investissement cache en réalité une diminution d'environ 10 % des crédits consacrés aux investissements déployés dans les cours d'appel, ce qui suscite une certaine inquiétude relative aux investissements nécessaires, notamment pour l'acquisition de terrains afin de construire des prisons, d'où ma question plus précise sur la continuité avec le plan Urvoas et les conditions de sa mise en oeuvre. Vous indiquiez plus tôt, madame la ministre, que 26 millions d'euros seraient consacrés à l'acquisition de foncier pour cinq maisons d'arrêt. Quels sont ces établissements et les terrains correspondants ?

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Permettez-moi d'abord de m'associer aux propos tenus sur les conditions de détention, la vétusté des prisons et la surpopulation carcérale. C'est une question de dignité, de prévention du risque de récidive et, surtout, de réussite de la réinsertion, qui doit être l'objectif premier.

Je voudrais évoquer une fois de plus la question pendante du rapprochement nécessaire des prisonniers politiques corses. Vous savez, madame la ministre, qu'un certain nombre de personnes attendent leur transfèrement sur l'île. Je lance un nouvel appel au Gouvernement : il ne s'agit de rien d'autre que d'appliquer les dispositions légales. Il n'est pas juste – il est même franchement injuste – qu'une double peine de fait soit imposée aux prisonniers et à leurs familles.

Enfin, vos services pourraient-ils se pencher sur la situation du greffe du tribunal de Bastia ?

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Plus qu'un budget d'élan, c'est un budget qui replace la justice au coeur de notre société. C'est certainement l'acte I de la démocratie. J'ai la « chance » d'avoir dans ma circonscription la ville de Lunel d'où il y a eu trente départs en Syrie et où l'on a enregistré huit décès. Le Gouvernement y a mis en place des zones de sécurité prioritaire avec 200 gendarmes et a également mené des actions dans le domaine de l'éducation pour que l'ascenseur social démarre. Il convient de faire de la prévention mais aussi de la répression. Lorsque Jean-Jacques Urvoas était garde des sceaux, je ne suis pas parvenu à faire évoluer la situation du tribunal de Montpellier qui a 16 400 dossiers à traiter par an avec seulement quatorze magistrats là où il en faudrait vingt et un. Pour avoir passé dans ce tribunal une journée et une nuit avec le magistrat de permanence, je peux vous dire que les magistrats croulent sous les dossiers. À quoi bon faire de l'éducation et de la prévention si on ne peut pas faire aussi de la répression ? Il est donc important de renforcer le nombre de magistrats de cette juridiction.

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Quand on visite un tribunal, on est souvent interpellé sur l'insuffisance des effectifs, régulièrement dénoncée par les chefs de juridiction, mais également sur le mauvais entretien des bâtiments et la faiblesse des moyens de fonctionnement. Tout cela n'est pas très nouveau. Votre budget est en augmentation, certes, mais avec 1 000 créations d'emplois, si j'en crois le bleu budgétaire, quid du manque de magistrats et de greffiers, de l'ordre respectivement de 400 et 800 ? Beaucoup de postes sont en attente d'affectation. Par ailleurs, votre budget fait apparaître une augmentation des crédits de fonctionnement – 390 millions d'euros. L'année 2018 verra l'ouverture du nouveau tribunal de Paris. De quelles marges de manoeuvre les chefs de juridiction disposent-ils sur le fonctionnement des juridictions ?

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De nombreux bâtonniers nous ont interpellés tout l'été et à la rentrée également pour nous faire part de leurs inquiétudes concernant la pérennité des tribunaux de province. Leur argumentaire repose principalement sur le besoin qu'ont les justiciables de pouvoir accéder facilement à un lieu où trouver un interlocuteur qui réponde à leurs requêtes. Ils font observer que la décentralisation des lieux de justice favorise les délais de traitement des dossiers des plaignants. Vous avez répondu à ces craintes par voie de presse en garantissant la pérennité de lieux de justice partout sur les territoires. Pourriez-vous nous expliquer ce soir ce qui, dans votre budget, confirme les paroles rassurantes que vous avez eues pour ces professionnels du droit ?

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Vos annonces relatives aux chantiers de la justice ont suscité de l'émoi dans certaines villes. Je suis ainsi l'élu d'une circonscription où la suppression de la cour d'appel, à Agen, a été plusieurs fois envisagée. Je ne vous demanderai pas si vous comptez maintenir cette cour d'appel. Mais il me semble que les critères qui avaient prévalu à l'époque visaient des économies à court terme sans que soient pris en compte le service rendu, la spécialisation ni le risque d'emboliser d'autres cours d'appel. Quels seront vos critères de décision ?

Quant au fonctionnement des prisons, il dépend aussi de la qualité de nos agents, recrutés et formés par l'École nationale d'administration pénitentiaire. Je suis sûr que vous serez sensible à l'environnement particulier de la ville d'Agen pour accueillir l'extension de cette école.

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Je voudrais revenir sur le programme 107 « Administration pénitentiaire ». À part les dépenses de personnel qui sont en hausse de 4 %, les autres moyens de ce programme sont en forte baisse – que ce soit en fonctionnement, en investissement ou en intervention. Je note bien sûr votre volonté de créer 15 000 places de prison d'ici à 2027. Mais 2027, c'est dans dix ans. Il y aurait tant à dire sur ce programme mais je me contenterai d'évoquer l'épineux problème de la surpopulation carcérale dont les conséquences n'ont pas été suffisamment mesurées. Cette surpopulation remet en cause le respect de la dignité humaine, quand on met trois détenus dans une cellule de quelques mètres carrés. Elle entraîne aussi de l'insécurité, des violences, des trafics en tous genres, du racket et la radicalisation. Enfin, elle crée des conditions de travail compliquées pour les personnels pénitentiaires – on n'en parle pas suffisamment. Quand une prison connaît un taux d'occupation de 150 %, ce qui n'est pas forcément très rare, les effectifs de l'administration ne sont pas ajustés au prorata : je vous laisse imaginer les conditions de travail qui en découlent et qui se traduisent par des arrêts maladie fréquents.

Sur cette question compliquée, je voudrais simplement faire deux observations. Le recours à la détention provisoire me paraît trop fréquent alors qu'il n'est ni dans l'esprit ni dans la lettre du code de procédure pénale. D'autre part, les peines de substitution me semblent trop peu utilisées. Je vous avais interpellée à ce sujet lors de votre audition devant notre commission : vous m'avez aimablement renvoyé au cinquième des chantiers de la justice, auquel je souscris tout à fait. Mais en attendant, n'y aurait-il pas moyen de limiter la détention provisoire et de prononcer des peines de substitution ?

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S'agissant des reports de charges, j'espère que la chance sera avec vous, madame la ministre. Nous risquons à mon avis d'avoir des déconvenues mais nous en saurons davantage au mois de décembre.

Qu'on ne conclue pas de nouveaux partenariats public-privé est une excellente nouvelle que je salue. Mais qu'en est-il des partenariats encore en cours, qui nous coûtent beaucoup d'argent et qui continueront à le faire ? Prévoyez-vous des mesures d'intérêt général en la matière ? Vous pourriez y mettre un terme : cela s'est vu, comme en atteste la jurisprudence. Irez-vous jusque-là ?

Enfin, le budget de fonctionnement des services pénitentiaires d'insertion et de probation verra ses crédits de paiement diminuer en 2018 par rapport à ceux de la loi de finances initiale pour 2017. Comment comptez-vous résoudre l'équation épineuse consistant à augmenter les effectifs et, dans le même temps, à diminuer les moyens de fonctionnement de ces services de 4 millions d'euros ?

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame Moutchou, le coût de construction de la cité judiciaire des Batignolles ne sera pas de 2,7 milliards d'euros mais de 2,3 milliards, sur vingt-sept ans – toutes dépenses comprises. Le prédécesseur du secrétaire général du ministère de la justice a en effet réussi à faire baisser les taux d'intérêt d'emprunt de cette opération. Ayant eu la chance d'aller visiter cette cité judiciaire, je peux vous dire que ce sera un outil formidable, remarquablement conçu et construit, en lien avec l'ensemble des personnels, des magistrats et des avocats. Le projet est vraiment taillé au cordeau même si, je le reconnais, son coût est très élevé.

Ce projet ne remettra pas en cause les autres opérations immobilières auxquelles le budget 2018 consacre 145 millions d'euros. Cela représente une augmentation de 12 % par rapport aux années précédentes où le budget était de 130 millions d'euros.

Monsieur Pouillat, les conseillers d'insertion et de probation jouent à mon sens un rôle essentiel, tant au moment du prononcé de la peine que dans le suivi du parcours de détention et dans la préparation à la sortie des détenus. Il y a 150 conseillers supplémentaires cette année et nous en prévoyons 600 dans le cadre de la loi de programmation pour la justice.

La baisse des crédits consacrés aux bracelets électroniques ne contredit pas notre volonté d'augmenter le recours à ce type de peines : la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) a en effet passé un nouveau marché qui a permis de faire baisser les prix de manière assez importante.

Monsieur Viala, nous devrons évidemment réfléchir ensemble à la couverture numérique des territoires. Nous souhaitons pour notre part conduire jusqu'à chaque juridiction les flux nécessaires pour que la numérisation puisse être efficace. Nous avons tout un plan de réseau, première étape de la mise à niveau nécessaire pour aller plus avant dans la transformation numérique.

S'agissant de la construction de 15 000 places de prison supplémentaires, je serai très claire : on ne pourra pas tout faire dans les cinq ans. La construction d'une place de prison prend en effet sept ans. Cela me semble très long et je vais revoir ces délais. Mais même si nous les raccourcissons, nous ne pourrons les réduire à deux ans. Si c'est aussi long, c'est qu'il faut trouver le foncier, ce qui prend déjà un temps non négligeable, puis faire toutes les démarches que vous savez. De surcroît, la construction d'un établissement pénitentiaire suppose des contraintes de sécurité extrêmement lourdes. Les 26 millions d'euros prévus en 2018 nous permettront d'acquérir les premiers terrains, de lancer les études préalables à la création de cinq maisons d'arrêt et de six quartiers de préparation à la sortie et enfin, de réhabiliter les établissements existants.

Madame Abadie, une forte progression des crédits de réhabilitation est prévue sur le quinquennat. Pour la rénovation des établissements pénitentiaires, 80 millions d'euros sont prévus en 2018.

Vous disiez également que les personnels ne devaient pas être que des porte-clés…

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Allez-vous leur proposer d'autres outils pour les aider à accomplir leurs missions ? Les nouvelles technologies pourraient peut-être les soulager.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Absolument. C'est tout à fait ce que nous souhaitons faire. Dans l'administration pénitentiaire, les nouvelles technologies seront utilisées de manière importante, non seulement pour la formation des détenus mais aussi, notamment, pour la réservation des parloirs.

Madame Obono, vous m'interrogez sur les principes qui président à ma volonté de construire des places de prison. J'imagine que, ce faisant, vous soutenez les thèses de l'Observatoire international des prisons dont j'ai eu l'occasion de recevoir les représentants. Ces derniers me disaient qu'il fallait cesser de construire des places de prison. Je ne partage pas complètement cet avis, ne serait-ce que parce qu'il faut améliorer les conditions de détention et permettre l'encellulement individuel. Même si nous diminuons fortement le nombre de détenus, la notion de dignité mérite d'être prise en compte. C'est la raison pour laquelle nous continuerons à construire de nouvelles places. Mais je le dis très clairement : plus on construit, plus on remplit. Il faut donc absolument faire jouer l'autre levier, celui du chantier que j'ai lancé : comment diversifier les peines avec l'objectif non pas de vider les prisons mais de trouver des peines adaptées à chaque situation – la meilleure peine pour la personne condamnée, si je puis dire ?

Madame Krimi, la construction de la nouvelle prison de Cherbourg sera dans la loi de programmation, me dit-on. Je dois moi-même faire le point sur ce dossier particulier et je vous répondrai un peu plus précisément dans quelque temps. J'avoue que la prison de Cherbourg n'a pas été ma première préoccupation, vous m'en voyez désolée.

Monsieur Gosselin, vos inquiétudes me semblent exagérées. S'agissant des Batignolles, la part du loyer consacrée au fonctionnement sera d'environ 25 millions d'euros, et les crédits de fonctionnement des juridictions augmente de près de 10 %, c'est-à-dire de 35 millions d'euros, dont 16 millions d'euros hors partenariat public-privé. Quant aux cinq maisons d'arrêt, elles se situeront en région parisienne et en Provence-Alpes-Côte d'Azur où des engagements avaient été pris.

Monsieur Castellani, vous m'avez interrogée sur le rapprochement des prisonniers corses. Vous conviendrez que le sujet n'a pas grand-chose à voir avec le budget. C'est une sorte de cavalier dans les questions, si je puis dire. Néanmoins, je peux vous assurer que nous nous posons cette question et que nous la replaçons dans son environnement complet, en tenant compte notamment de la sécurité nécessaire pour les détenus dont le rapprochement est demandé. S'agissant du greffe de Bastia, je m'engage à ce que mes services vous apportent la réponse, comme ils répondront à Mme Krimi au sujet de la prison de Cherbourg.

Monsieur Vignal, vous m'interrogez sur l'insuffisance du nombre de magistrats au tribunal de Montpellier. Je peux entendre ce que vous dites. Je me rends dans les tribunaux et je vois la manière dont les magistrats – en particulier ceux du parquet – répondent avec le casque sur les oreilles pour pouvoir être en contact plus rapidement et plus aisément. La dotation en magistrats des tribunaux s'effectue en fonction de certains paramètres. Chaque année, la direction des services judiciaires retravaille sur les critères qui sont pris en compte. M. Peimane Ghaleh-Marzban, le nouveau directeur des services judiciaires, qui m'a fait l'extrême amabilité de m'accompagner ce soir, vous répondra.

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Pourrais-je avoir son numéro de portable ?

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Peut-être pas. Quoi qu'il en soit, le téléphone du ministère vous est ouvert. Il arrive même que le ministère rappelle les députés. C'est ce que nous ferons pour ce qui concerne le tribunal de Montpellier.

Monsieur Morel-A-L'Huissier, vous avez également évoqué le manque de magistrats. Vous me permettrez de vous demander de vous référer à la réponse que j'ai faite précédemment à Mme Untermaier concernant, d'une part, les créations d'emploi destinées à combler progressivement les vacances et, d'autre part, tous les mécanismes de numérisation et de déjudiciarisation que nous mettons en place pour que les magistrats puissent se recentrer sur leur coeur de métier. Dans cette même optique de recentrer les magistrats sur leur tâche, nous souhaitons renforcer les équipes qui les entourent, ce qu'ils apprécient beaucoup, et nous avons prévu des emplois à cet effet. J'espère que nous arriverons ainsi à résoudre ces difficultés qui sont tout à fait réelles.

Madame Motin, votre question est doublement sensible car les inquiétudes que vous évoquez sont émises à la fois par les avocats et par le public. Quand je me rends dans les tribunaux, je discute beaucoup avec les avocats. Certains d'entre eux craignent toute évolution car, sans même remonter à la réforme dite de la carte judiciaire de Mme Dati, ils ont déjà subi de nombreux changements : la postulation, la création de la société pluriprofessionnelle d'exercice, etc.

Ils appréhendent les évolutions. D'une certaine manière, je pense qu'ils ont tort. Dans un barreau, ils sont allés jusqu'à me dire qu'ils pensaient que ce n'étaient pas une bonne chose que le justiciable puisse saisir directement la juridiction. Mon Dieu, regardez vers les tribunaux administratifs, même si les nombres et les masses ne sont pas comparables : les citoyens saisissent directement, par voie dématérialisée, ces juridictions. Je n'entends pas dire qu'il y ait là un problème majeur.

Les craintes des avocats doivent être respectées et traitées mais elles ne doivent pas être paralysantes pour des évolutions qui, je l'ai dit, n'entraîneront aucune suppression de lieu de justice, ce qui ne veut pas dire que nous en resterons au statu quo. Je pense, par exemple, à ces contentieux très spécialisés où interviennent des avocats extrêmement pointus. Dans certains tribunaux, les magistrats ne voient passer que très peu d'affaires liées à cette compétence spécialisée, peut-être une tous les deux mois. Ils ne peuvent donc pas avoir les mêmes compétences que les avocats qu'ils ont en face d'eux.

Par conséquent, je pense que nous pourrons regrouper des compétences spécialisées dans certains lieux comme cela se fait pour les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Nous aurons des réflexions de cette nature mais elles ne conduiront à la fermeture d'aucun lieu de justice car je pense que la justice du quotidien doit rester à proximité du justiciable. Qu'est-ce qui le confirme dans le budget pour 2018 ? me demandez-vous. Rien puisque rien ne change. Dans le cadre des chantiers de la justice, j'ai mis en place un groupe de réflexion autour de Dominique Raimbourg et Philippe Houillon. Ils me rendront leurs conclusions le 15 janvier. À partir de là, nous prendrons des décisions.

Monsieur Lauzzana, je vous ferai la même réponse en ce qui concerne la cour d'appel d'Agen. Je peux vous préciser les critères qui vont nous permettre de repenser l'organisation des juridictions : proximité, spécialisation, collégialité, cohérence avec l'action de l'État. La commission me fera les propositions. Quant à l'extension de l'ENAP, une enveloppe de 60 millions d'euros y sera consacrée. J'ai d'ailleurs répondu récemment à des élus qui m'avaient interrogée à ce sujet. Une étude est en cours, me dit-on, pour évaluer les besoins en termes de capacités d'accueil, à la fois en locaux pédagogiques et en hébergement. Les études de faisabilité seront ensuite engagées. Tout va bien : l'ENAP reste à Agen, va grandir et ça sera formidable.

Monsieur Masson, la détention provisoire est l'un des chantiers cruciaux de la justice. Que pouvez-vous faire dans l'intervalle ? me demandez-vous. Je ne vais pas inventer des systèmes alors que dans deux mois, le 15 janvier, j'aurai des conclusions et que nous prendrons des mesures qui se traduiront, pour partie, par des dispositions législatives.

Monsieur Bernalicis, vous me donnez acte du fait que je ne nouerai pas de nouveaux partenariats public-privé. Je crois même avoir compris que vous m'en félicitiez. Je n'ose l'espérer.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Merci, monsieur Bernalicis. Je ne mettrai pas fin à ceux qui sont en cours mais je vais demander à mon administration de faire un point précis sur ces contrats. S'agissant des services pénitentiaires d'insertion et de probation, la baisse apparente de leurs crédits s'explique par l'ouverture, en 2017, de crédits au titre du plan de lutte antiterroriste. L'essentiel est « soclé », me dit-on. Enfin, tout va bien, monsieur Bernalicis, je vous rassure.

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Merci beaucoup, madame la garde des sceaux, pour la clarté et l'exhaustivité de vos réponses. Nous vous rendons votre liberté, si je puis dire.

La réunion de la commission élargie s'achève à vingt-trois heures.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON© Assemblée nationale