S'agissant de l'aide aux victimes, madame Louis, la feuille de route confiée à Mme Élisabeth Pelsez, la déléguée interministérielle, comporte plusieurs missions, notamment celles de coordonner l'action des services de l'État, de rendre plus accessibles l'information pour les victimes grâce à un guichet unique et, surtout, de développer l'accompagnement social et professionnel, car c'est l'un des points qui font le plus défaut. C'est principalement sur ce volet que Mme Pelsez accentue son action, qui porte aussi sur la prise en charge de l'indemnisation à laquelle elle apporte sa contribution. Un comité interministériel de l'aide aux victimes se tiendra le 10 novembre sous la présidence du Premier ministre ; il permettra de dresser un premier bilan d'étape de cette feuille de route.
Au sujet de l'indemnisation, vous vous interrogez sur la pérennité financière du fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI). Il est vrai que ce fonds assure la réparation intégrale des dommages et, depuis très récemment, couvre aussi le préjudice d'angoisse de mort imminente et le préjudice d'attente et d'inquiétude ; il s'est donc produit une amélioration qui répond à la demande formulée par les victimes. Saisi d'une sollicitation sans précédent, le FGTI a été très fortement mis à contribution : 56 millions d'euros lui ont été versés en 2016 et la convention du 16 mars 2017 entre l'État et le fonds consolide cet équilibre financier par une garantie de l'État. Il n'y a donc pas de difficulté sur ce point. Ce dossier est désormais très bien canalisé par le travail de Mme Pelsez, et l'indemnisation est garantie.
Pour canaliser les frais de justice qui, en effet, augmentent, monsieur Masson, chaque cour d'appel – je peux en témoigner car j'en visite de très nombreuses – consent de puissants efforts de rationalisation. Si certains frais de justice augmentent, des économies sont réalisées ailleurs, en matière de gardiennage des véhicules, par exemple. En outre, comme vous le savez et malgré la publication de nombreux articles critiques dans la presse, la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) permettra de réaliser des économies très importantes : à terme, l'objectif est d'économiser 50 millions d'euros sur les frais de justice, dont 20 millions dès cette année.
Les crédits affectés à la radicalisation dans les prisons visant les mineurs n'augmentent pas, il est vrai, mais ils font l'objet d'un soclage, c'est-à-dire que les crédits existants sont reconduits. Dans un domaine connexe, des crédits importants sont consacrés aux emplois et au matériel du renseignement pénitentiaire.
Vous avez conclu votre propos en reprenant l'expression un peu triste, ou au moins ambivalente, de « croissance et souffrance », à laquelle je préfère celle de « vigueur et espérance ». La vigueur est celle du budget et surtout de la loi de programmation qui, dès les trois premières années, conduira à une augmentation de 900 millions d'euros du budget de la justice, ce qui est tout à fait important. L'espérance est celle de la transformation que je défends et dont je suis certaine que nous parviendrons à la mettre en place.
Je vous rassure, madame Vichnievsky : il n'y aura plus de partenariats public-privé. Les dérives qu'évoquait M. Hetzel ne se reproduiront donc plus. Pour ce qui concerne les extractions judiciaires, j'ai signé très récemment avec mon collègue Gérard Collomb une circulaire adressée à l'ensemble des juridictions et des personnels concernés pour réguler les extractions vicinales, qui posaient le plus grand nombre de problèmes. Dorénavant, les tâches sont clairement réparties entre la police ou la gendarmerie et le personnel pénitentiaire. Un équilibre et des financements sont établis, et les choses sont donc claires depuis environ deux à trois semaines. J'espère que cette mesure contribuera à améliorer considérablement ce problème que vous soulevez à juste titre, car il paralysait grandement le fonctionnement de nos juridictions.
Je vous confirme, monsieur Gomès, que le centre pénitentiaire de Koné est toujours prévu : les travaux débuteront en 2019 pour une livraison en 2021. J'espère que la construction de cet établissement de 100 à 120 places permettra de résoudre les difficultés que vous avez soulevées. La phase de concours de maîtrise d'oeuvre est en cours.
Reprenant un article de mon antéprédécesseur, Jean-Jacques Urvoas, que j'ai eu le plaisir de lire cet après-midi, madame Untermaier, vous estimez que la hausse budgétaire – que vous reconnaissez – ne permettra toutefois pas de couvrir les vacances de postes. J'espère avoir couvert l'intégralité des vacances pendant la durée d'application de la loi de programmation. Nous y parviendrons non seulement grâce au mécanisme de création d'emplois, mais aussi par la modification des tâches qui résultera tout à la fois de la numérisation et de la simplification des procédures. Sans entrer dans les détails, je rappelle par exemple que nous souhaitons ramener la trentaine de procédures civiles actuelles à deux, ce qui sera un facteur de simplification non seulement pour les justiciables, mais aussi pour les magistrats. Nous abordons également les questions de déjudiciarisation. Lorsque je me rends dans un tribunal comme encore récemment à Boulogne, les magistrats me disent leur exaspération de préparer des actes inutiles concernant la gestion des comptes de tutelle, par exemple, alors qu'il leur suffirait d'intervenir lors de l'ouverture, de la clôture et de quelques actes intermédiaires. Nous espérons ainsi dégager du temps, et en y ajoutant les créations d'emplois, nous pourrons couvrir l'intégralité des vacances de postes.
Il est vrai que les emplois créés cette année dans l'administration pénitentiaire ne concernent que les ouvertures de nouveaux établissements, mais tout le travail de gestion des ressources humaines qui sera mené conjointement afin de redonner de l'attractivité aux professions de ce secteur permettra également d'éviter les sorties qui, pour le moment, pénalisent notre système.
Vous évoquez la question des reports de charges, monsieur Bernalicis. Je peine à comprendre : à ce stade, en effet, nous n'anticipons aucun dérapage, même si nous ne le constaterons qu'en fin d'année. En outre, nous avons donné aux juridictions les moyens de régler en fin d'année les factures de frais de justice de sorte qu'il n'y ait pas ou peu de reports sur l'année à venir.
Vous estimez aussi qu'il faudrait plusieurs milliards d'euros supplémentaires pour financer le travail des magistrats : certainement. Si vous les trouvez, je suis preneuse.