Madame la ministre, ce matin, nous espérions tous de votre allocution et de celle du Premier ministre qu'elles apportent du soulagement – le nôtre, évidemment, en tant que parlementaires, mais avant tout celui des personnels de l'hôpital public et de ses usagers. Or le plan d'urgence que vous avez présenté est en fait un encouragement à poursuivre la mobilisation, car celle-ci commence à payer.
Je m'explique. Cela fait des mois que vous répétez, y compris dans l'hémicycle, que vous ne croyez pas que le problème de l'hôpital public est lié à une question budgétaire. Il s'agissait bien plutôt, selon vous, d'opérer une réorganisation, un redéploiement, des restructurations – toutes sortes de choses dont nous verrions l'effet dans quelques années. Et puis, peut-être grâce à la mobilisation qui dure depuis plus de huit mois, vous avez compris qu'on ne pouvait pas attendre les hypothétiques fruits de ces politiques de redéploiement et de restructuration. Jeudi dernier, quasiment tous les services de l'hôpital public étaient représentés dans la rue, des urgences aux maternités, mais aussi les médecins et les professeurs, qui ne sont pourtant pas habitués à ce type de mobilisation. Or tous vous disaient en substance : « Oui, il faut du fric pour l'hôpital public ! ». Il semble que vous l'ayez compris.
Toutefois, si on regarde en détail ce que ce plan permet de faire, on s'aperçoit que l'essentiel des revendications ne sont pas satisfaites. Ainsi, il y a des revendications claires portant sur la revalorisation des salaires. Les infirmières françaises, par exemple, sont en bas du classement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour ce qui est de leurs rémunérations. Or vous vous contentez de distribuer quelques primes extrêmement aléatoires, variables et hypothétiques. Vous ne répondez donc pas aux revendications. Vous promettez 1,5 milliard d'euros sur trois ans à l'hôpital public, après nous avoir fait avaler, depuis le début du quinquennat, 12 milliards d'économies sur les dépenses de santé que nous n'avons toujours pas digérées. Ces 1,5 milliard peuvent paraître beaucoup pour des gens qui étaient persuadés qu'il ne fallait pas mettre d'argent sur la table, mais ils correspondent à peu près au budget annuel de fonctionnement du seul CHU de Lille.
Vous reprenez un tiers de la dette. C'est la moindre des choses, car elle est largement de la responsabilité de l'État. En effet, jamais les budgets n'ont été à la hauteur de la hausse de la charge qu'a eu à subir l'hôpital public. La situation est aussi liée au fait que l'hôpital, qui, auparavant, pouvait se financer auprès de la banque centrale à des taux particuliers, doit maintenant faire appel aux banques commerciales ou aux marchés financiers.
Bref, madame la ministre, vous opérez un premier recul, mais je crois que, dans quelques semaines, vous serez contrainte de revenir ici avec un nouveau plan d'urgence, parce que ce que vous proposez n'est pas à la hauteur. Le personnel de l'hôpital public appelle à la mobilisation, alors qu'il espérait lui aussi pouvoir en finir avec cette grève – car, contrairement à ce que vous pensez peut-être, personne n'apprécie de faire grève ; la grève n'est facile ni pour ceux qui la font ni pour ceux qui la subissent, mais tous ont intérêt à ce que vous reveniez devant l'Assemblée nationale avec un peu plus d'argent que ce que vous avez mis sur la table ce matin.