Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 17h30
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Malheureusement, je ne pourrai vous répondre que brièvement, car je dois vous quitter à 18 heures 15. J'ai souhaité être présente devant vous avant de m'exprimer dans les médias, mais je fais mon premier plateau immédiatement après cette audition. Je souhaite néanmoins répondre à chacun d'entre vous.

Monsieur Véran, un amendement portant sur l'ONDAM sera déposé avant la réunion de ce soir. Toutes les mesures d'ordre salarial – je pense aux primes, notamment – et concernant l'organisation sont d'ordre réglementaire : il n'y aura donc pas d'autre amendement. La reprise de la dette, quant à elle, donnera lieu à un vecteur législatif dédié au premier semestre 2020. Nous aurons peut-être besoin d'un autre vecteur législatif encore si nous souhaitons renforcer le contrôle sur l'intérim médical au-delà de ce que nous avons prévu de faire, car ces modifications ne trouveront probablement pas leur place dans le PLFSS de cette année. Il n'y aura pas non plus d'amendement sur la partie recettes.

Vous m'avez demandé si la hausse de l'ONDAM bénéficierait à tous les établissements. Une partie de l'augmentation est dédiée à la revalorisation des tarifs, et nous prévoyons une garantie d'augmentation des tarifs de 0,2 point pendant trois ans. Or, vous le savez, les tarifs concernent la totalité des établissements de santé – publics, privés non lucratifs et privés lucratifs. En revanche, le reste des mesures qui sont incluses dans l'ONDAM visera spécifiquement l'hôpital public. De la même façon, la reprise de la dette ne concerne que les hôpitaux publics. La très grande majorité des mesures concerne donc le secteur public hospitalier.

Il existe de nombreuses primes. Vous m'avez demandé lesquelles seraient concernées en dehors de celle qui concerne la région parisienne. À cet égard, il est vrai que Paris n'est pas la France, mais la situation à Paris présente des spécificités, notamment un défaut d'attractivité considérable, que l'on n'observe pas dans le cas des hôpitaux régionaux, en tous les cas pas dans la même mesure, ni avec de tels dommages pour l'activité.

Pour répondre à votre question, il y a des primes de coopération, qui seront à la main des équipes qui adopteront des protocoles de coopération. Toutes les infirmières – et même, plus largement, tous les professionnels paramédicaux – qui s'engageront dans certaines coopérations à définir au sein des établissements auront accès à une prime de 80 euros nets par mois.

Il y aura une prime d'engagement de service public, versée en deux fois : en début de carrière puis deux ou trois ans après la prise de fonctions. Elle concerne les médecins, pour des primes allant de 15 000 à 30 000 euros, et les professionnels paramédicaux, pour des primes allant de 10 000 à 15 000 euros. C'est donc la totalité des soignants qui est visée.

Nous prévoyons également des CESP pour les professionnels paramédicaux. Ainsi, les étudiants en kinésithérapie – nous savons les difficultés qu'il y a à recruter des kinésithérapeutes, mais aussi des orthophonistes – toucheront 750 euros par mois pendant leurs études s'ils s'engagent à rejoindre l'hôpital public.

Il y aura aussi des primes collectives pour des engagements exceptionnels d'équipe. Un budget considérable sera à la main des établissements pour tous ceux qui s'engagent dans l'amélioration du parcours de soins des patients.

Une mesure générale concernera les aides-soignantes qui s'engagent dans la formation gériatrique. Ainsi, 60 000 aides-soignantes dans les EHPAD et dans les services de gériatrie auront accès à 100 euros nets supplémentaires par mois. Elles accéderont, en fin de carrière, à la catégorie B.

Il y aura, en outre, une prime d'exercice territorial pour les praticiens hospitaliers qui s'engagent dans un exercice multisites. Toujours s'agissant des praticiens hospitaliers, un certain nombre de primes valoriseront leur engagement soit dans le management, soit dans l'enseignement, soit dans la recherche. Elles seront évidemment à la main des commissions médicales d'établissement.

Tous les soignants sont donc concernés – et même au-delà, puisque certaines primes concernent des équipes entières. De même, de très nombreuses mesures concernent la France entière, pas uniquement Paris.

Monsieur Viry, vous avez souligné l'intérêt de modifier la gouvernance. Je rappelle que la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), dite « loi Bachelot », a beaucoup bousculé l'hôpital et déstabilisé les soignants, ce qui a participé à la perte d'attractivité de l'hôpital public pour les communautés médicales. Nous souhaitons donc rééquilibrer la gouvernance en faveur des médecins qui s'engagent dans des fonctions managériales.

Vous avez parlé de rafistolage. J'ai entendu le mot au Sénat également ; il me choque. Ce n'est pas du rafistolage : nous consacrons à l'hôpital des budgets sans précédent. Les 10 milliards d'euros de reprise de dette, c'est autant d'argent qui soulage l'investissement dans les hôpitaux. On ne peut pas non plus considérer que 1,5 milliard d'investissements, plus 450 millions d'investissements dans le quotidien des soignants, c'est du rafistolage, ou bien alors je ne sais pas ce que l'on considérera comme étant une véritable politique publique dans notre pays.

Vous dites que ce n'est pas une refondation du système de santé, mais la refondation a été votée : c'est la loi « Ma santé 2022 ». Il s'agit ici simplement d'une accélération pour les hôpitaux publics, mais la refondation a déjà été entreprise. Elle prend en compte la totalité des professions de santé, y compris dans le secteur libéral. Elle comprend un volet concernant la formation, avec la fin du numerus clausus et la modification des études de santé. Elle prend en compte aussi le numérique en santé. Je ne reviendrai pas sur cette loi qui a été unanimement appréciée : il n'y a pas un soignant qui remette en cause le cap de « Ma santé 2022 ».

Madame Elimas, d'abord, je vous remercie de souligner que l'effort budgétaire consenti est historique. Ensuite, vous me demandez si la reprise de la dette concerne les outre-mer. Oui, bien sûr : elle concerne tous les hôpitaux qui s'engageront dans une transformation et qui auront envie de mener des projets. Une mission sera lancée dans les prochains jours pour préciser le cadre de répartition. Ce sera très variable d'un établissement à l'autre, mais tous les établissements, y compris en psychiatrie, seront concernés par cette reprise de dette, qui doit commencer dès 2020.

Monsieur Aviragnet, vous me dites que nous avons perdu trois semaines. Non : nous avons perdu cinq ans. Citez-moi une seule mesure prise par la précédente majorité en faveur de l'hôpital public. J'y exerçais à l'époque ; j'ai bien observé ce qui a été fait. Dites-moi combien d'argent a été investi dans l'hôpital public pendant ces cinq années. Je vais vous répondre : c'est pendant le quinquennat précédent qu'ont été votés les ONDAM et les tarifs les plus bas et que la dette hospitalière s'est trouvée aggravée comme jamais. Quand je suis arrivée au ministère en 2017, il y avait 1 milliard de déficit dans les hôpitaux publics. Je l'ai réduit de moitié l'année dernière. Je suis donc très choquée de ce que vous dites.

Libre à vous de considérer que le plan est insuffisant, mais ne venez pas me dire qu'on a perdu du temps et que vous avez un plan ambitieux pour l'hôpital public : au vu de ce qui a été fait pendant les cinq ans dont je parle, c'est vraiment fort de café. J'exerçais à l'hôpital public pendant que vous étiez aux affaires : j'ai vu la dégradation, je l'ai vécue.

Monsieur Christophe, vous m'avez interrogée sur la préparation. Évidemment, j'aurais préféré être prête au mois de septembre et présenter un PLFSS qui traduise toute cette ambition. Nous n'étions pas prêts. Nous avons mené une concertation. Ainsi, le plan a été enrichi par la contribution des fédérations hospitalières, notamment celle de la Fédération hospitalière de France, mais aussi par les résultats des conférences, par les contributions de doyens, présidents de commissions médicales d'établissement, directeurs d'hôpitaux. Nous avons aussi consulté les syndicats. Nous avons travaillé pendant des semaines pour enrichir le plan. On peut regretter qu'il n'ait pas été prêt plus tôt, mais il ne faut pas oublier les mesures positives qui figuraient déjà dans le PLFSS, notamment le congé pour les proches aidants, ou encore le fonds pour les victimes de produits phytosanitaires – je ne les citerai pas toutes. Le PLFSS était déjà très ambitieux : il comportait des mesures sociales importantes. On ne saurait donc, heureusement, le résumer à l'ONDAM. Nous venons maintenant avec un ONDAM en hausse et des mesures construites. J'espère que le nouvel ONDAM sera voté dans le cadre du PLFSS.

Vous avez évoqué la dimension territoriale. Il y a beaucoup de choses pour les territoires. Nous réarmons les hôpitaux de proximité en les finançant différemment, avec un financement global qui sort de la tarification à l'activité. Nous augmentons le Fonds d'intervention régional. Il y a aussi la dotation populationnelle pour les hôpitaux psychiatriques. Je suis tout à fait d'accord pour avancer plus encore, évidemment, mais il n'est pas possible de nous reprocher de ne rien faire en ce qui concerne la dimension territoriale.

Monsieur Vigier, vous m'avez demandé comment les 750 millions d'euros du plan de refondation des urgences s'articulaient avec le plan annoncé ce matin. Les mesures nouvelles viennent évidemment en plus de ces 750 millions dédiés à la refondation des urgences : ce n'est pas un jeu de bonneteau. Ensuite, qui va reprendre la dette ? Nous allons lancer le programme de reprise de la dette hospitalière sur trois ans avec un vecteur législatif en même temps que la loi de programmation des finances publiques. Cela représentera un allégement de charge de 800 millions à 1 milliard par an chaque année pour les hôpitaux publics. Un organisme centralisateur financera des prêts miroirs qui permettront de reprendre 3,3 milliards d'euros chaque année pendant trois ans. Je n'entrerai pas davantage dans les détails de cette opération qui est en train d'être consolidée, mais qui sera évidemment tout à fait transparente.

Monsieur Quatennens, je n'ai jamais dit que ce n'était pas une question d'argent ; j'ai dit que cela ne pouvait pas être seulement une question d'argent et qu'il fallait refonder notre système de santé, faute de quoi nous ne ferions que remplir le tonneau des Danaïdes. Notre système de santé fuit. Je pense notamment au problème de la non-pertinence des soins, dont la Caisse nationale de l'assurance maladie considère qu'elle correspond, au total, à 20 milliards de dépenses inutiles. De la même manière, une étude qui vient d'être menée en Suisse et dans d'autres pays de l'OCDE évalue entre 10 % et 20 % de dépenses inutiles dans les systèmes de santé observés. C'est là que nous devons faire des économies, en proposant une organisation plus pertinente ; c'est l'objet de « Ma santé 2022 ». Il n'en demeure pas moins qu'il faut de l'argent supplémentaire pour l'hôpital public, pour permettre à ses personnels non seulement de sortir la tête de l'eau, mais de devenir attractifs. Je n'ai jamais nié qu'il fallait de l'argent, mais la politique de santé ne saurait se résumer à remettre indéfiniment de l'argent dans le système sans le transformer.

Monsieur Dharréville, je pense avoir répondu à vos questions par l'ensemble de mes propos.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.