Pour commencer, il est important de dire que le périmètre de responsabilité de l'ARS inclut le suivi sanitaire de la population. Nous étions en situation sanitaire exceptionnelle. Nous avons aussi une responsabilité sur la qualité de ce que nous appelons l'eau de consommation humaine, l'eau du robinet.
En situation sanitaire exceptionnelle, nous nous mettons sous l'autorité du Préfet. C'est ce que nous avons fait dès que l'incendie s'est déclaré. Toutes les actions que nous menons sont présentées, discutées et validées dans le cadre de ce comité opérationnel départemental qui est présidé par le Préfet et qui a été déclenché à 3 h 45. Nous participons au centre opérationnel départemental (COD). De la même manière, nous avons été mobilisés dans le cadre du plan particulier d'intervention (PPI) qui a été déclenché à cinq heures du matin.
Nous organisons aussi au niveau régional – puisque nous sommes l'ARS – mais nous nous mettons ici à disposition du préfet de département. Nous avons toute l'organisation départementale, dans le cadre du COD, mais nous sommes aussi une agence régionale de santé. Nous avons donc également une organisation régionale à mettre en place. Il s'agit de la cellule régionale d'appui au pilotage sanitaire (CRAPS) qui coordonne tout le personnel, tous nos agents. Sur cet incendie, 20 personnes ont travaillé depuis le début avec des expertises. Nous avons des ingénieurs de génie sanitaire, des médecins de santé publique – dont le responsable est à mes côtés – des infirmiers de santé publique. Toutes ces personnes ont travaillé.
L'ARS est intervenue en trois phases. La première était le temps de l'alerte et de la mobilisation pour l'incendie. Nous rentrions dans une situation sanitaire exceptionnelle dont nous ne connaissions pas les enjeux et les conséquences. Cela a nécessité de mettre tous les établissements de la zone en alerte, au cas où il y aurait des victimes. Nous avons prévenu le service d'aide médicale urgente (SAMU) et les établissements de santé. Ensuite, le Préfet a très vite pris une décision au vu de retours que lui donnait le Service départemental d'incendie et de secours (SDIS). Il n'y avait pas d'effet de toxicité aiguë. Nous savions du SAMU qu'il n'y avait pas d'arrivée massive, même si nous avons eu des fake news sur ce sujet. Il y avait beaucoup d'appels au SAMU de gens inquiets, mais il n'y avait pas d'arrivée massive dans les services d'urgence. Le SAMU a reçu beaucoup d'appels les premiers jours, mais c'est normal. Nous le voyons sur les images, la population était très inquiète. Toutefois, il n'y a pas eu beaucoup de sorties du service médical d'urgence et de réanimation (SMUR) pour aller chercher des personnes et les faire passer dans les services d'urgence.
Le préfet a dit que sur 12 communes, il demandait simplement la mise à l'abri des personnes vulnérables. À partir de cette décision, nous devions agir. Il y a des personnes vulnérables dans les établissements de santé. Nous avons donc prévenu tous les établissements de santé de la zone de ces 12 communes. Nous sommes très bien organisés, parce que l'organisation avec les établissements de santé en situation sanitaire exceptionnelle est bien formalisée. Nous avons des contacts d'alerte dans tous les établissements. Nous envoyons un email sur une boîte suivie et nous doublons cela d'un appel téléphonique. La mise à l'abri des personnes vulnérables suite à la décision de monsieur le Préfet, dans les établissements sanitaires et dans les établissements médico-sociaux des 12 communes, a été faite à partir de 8 heures Entre 8 heures et 9 heures 30, nous avions prévenu tous ces établissements, soit 14 établissements de santé et 37 établissements médico-sociaux sur une zone des 12 communes qui compte 180 000 habitants.
Nous avons eu un autre souci lors de cette phase très urgente. Le préfet a annoncé qu'il fallait éviter les déplacements et éviter d'être exposé aux fumées. Pourtant, il nous fallait assurer la continuité des soins. Autrement dit, il fallait garantir la relève des personnels soignants dans les établissements de santé à cette heure. Nous avons alerté les établissements sur le fait qu'ils devaient s'assurer de la continuité des soins et avoir les relèves à temps, d'infirmiers et de personnels soignants de jour, de façon à pouvoir la garantir.
Ensuite, il a fallu que nous nous assurions de la capacité du système de santé à prendre en charge les éventuelles victimes, dont nous ne connaissions pas le nombre. Nous avons renforcé le SAMU. Le premier jour et dans les jours qui ont suivi, le nombre d'appels au SAMU était plus important. Nous avons alors donné du renfort en médecins généralistes aux plateformes pour pouvoir décrocher. Nous avons fait venir des respirateurs sur les sites au cas où nous en aurions besoin. En accord avec les responsables du SAMU, nous avons acheminé des respirateurs à Rouen.
Nous partageons avec les établissements de santé une boîte alerte mais nous prenons le téléphone pour nous assurer que les messages qui lui sont adressés sont bien reçus. Pour cela, nous sommes très bien entraînés. Nous faisons des exercices. C'est organisé de cette manière. Dans le cas de cet incendie, il s'agissait aussi de prévenir la médecine de ville qu'elle allait peut-être avoir des consultations particulières liées à cela. Nous ne l'avons pas fait directement mais par l'intermédiaire des unions régionales de professionnels de santé (URPS). Nous leur avons adressé un email d'information destiné aux médecins, aux infirmiers et aux pharmaciens, pour leur dire qu'il fallait garantir la continuité des soins, et les informer qu'ils risquaient d'avoir beaucoup de consultations. Nous savons que c'est ce point que nous devons retravailler.
Dans un second temps, dans l'après-midi du 26, nous avons prévenu tous les établissements des départements 76 et 27 qu'ils allaient peut-être devoir renforcer les premiers établissements alertés. Il fallait mettre à l'abri les personnes vulnérables. Nous avons des établissements médico-sociaux, qui accueillent notamment des enfants en situation de handicap, et nous leur avons demandé de ne pas les admettre le vendredi.
Notre deuxième responsabilité est le travail sur l'eau potable, l'eau du robinet. Ceux qui sont de la Seine-Maritime savent que l'eau ne vient pas de la Seine ni d'autres rivières, mais elle vient de nappes souterraines. Nous étions alors un peu « tranquilles ». Par mesure de précaution, nous avons simplement demandé de fermer les captages, d'occulter les ventilations pour éviter que les suies tombent dedans. Nous avons fait les premières analyses de métaux et d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), sur quatre réservoirs de la métropole sous le panache : Rouen, Mont-Saint-Aignan, Bihorel et Quincampoix.
À la fin de cette première journée du 26 septembre, qui est pour moi le premier temps de notre action, l'ARS a pu confirmer que l'eau du robinet était potable. Nous avions un système sanitaire d'établissements de santé qui était organisé pour mettre à l'abri les personnes vulnérables et pour prendre en charge celles qui auraient pu nécessiter des soins pendant cette phase aiguë.
La deuxième phase est le moment du panache de fumée, des suies et des odeurs d'hydrocarbures. Là, nous nous sommes engagés dans le suivi sanitaire de la phase aiguë et la surveillance de l'eau du robinet. Nous avons suivi l'activité du SAMU, c'est-à-dire le nombre d'appels. Normalement, le SAMU reçoit en moyenne 900 appels par jour. Les 26 et 27 septembre, il a reçu un nombre d'appels beaucoup plus important. Le premier jour, il y en avait 1 450. Il s'agissait de personnes inquiètes qui demandaient des conseils, mais qui n'étaient pas en urgence vitale. Il n'y a pas eu de sortie de SMUR. Il n'y a pas eu d'hospitalisation pour des urgences vitales. Toutefois, les personnes étaient très inquiètes concernant ce qui allait se passer et les risques encourus. Elles avaient besoin de conseils. L'activité du SAMU a connu un pic le premier et le deuxième jour, puis c'est resté aux alentours de +20 %. Depuis les 3-4 octobre, nous sommes revenus au nombre de décrochés habituel.
Ensuite, nous avons regardé les passages aux urgences. Sur la métropole rouennaise, nous avons quatre services d'urgence : deux dans le privé, deux dans le public. Nous avons voulu savoir ce qui s'y passait. Ils reçoivent près de 600 patients par jour. Ils ont enregistré 254 passages aux urgences en lien avec l'incendie Lubrizol entre le 26 septembre et le 16 octobre. En moyenne, cela fait 25 passages par jour jusqu'au 4 octobre. 9 hospitalisations ont été nécessaires. Quand nous avons fait le dernier pointage, le 10 octobre, me semble-t-il, il n'y avait plus de patients hospitalisés en lien avec l'incendie Lubrizol.
Nous avons eu deux temps dans ces passages aux urgences, même dans cette phase aiguë. Les premiers passages étaient liés aux conséquences des fumées, avec des symptomatologies fonctionnelles telles qu'on nous les a rapportées, c'est-à-dire des gens présentant de l'irritation, des toux, des nausées, des vomissements, etc. Ensuite, les passages résultaient d'un syndrome inflammatoire du fait de l'irritation des premiers jours, sur des patients ayant déjà des pathologies respiratoires. C'étaient des crises d'asthme ou des recrudescences de bronchites, dont certaines ont nécessité des hospitalisations.
Nous continuons de suivre de façon hebdomadaire avec Santé publique France, le recours aux soins urgents, que ce soit les passages dans les quatre services d'urgence de la métropole ou les appels à SOS Médecins ou du centre antipoison. Nous avons les derniers résultats que nous pourrons vous donner, si vous le souhaitez.
Nous continuons de faire parvenir les communiqués de presse aux URPS, bien que le directeur de la caisse primaire ne voie pas d'augmentation notable du nombre de consultations de médecine générale dans la période post-Lubrizol du 27 septembre à aujourd'hui. Nous sommes sur des masses tellement énormes qu'il faudrait que cela bouge beaucoup pour que cela se voie. En tout cas, il ne peut pas nous dire cela. Par contre, il peut nous dire qu'il y a eu une augmentation des arrêts de travail sur cette période-là. Ce sont des arrêts de travail de courte durée, de trois ou quatre jours. Sur la période du 26 septembre au 3 octobre, le directeur de la caisse primaire relève environ un millier d'arrêts de travail supplémentaires. Je ne peux parler qu'en termes quantitatifs, je n'ai pas d'éléments qualitatifs. Nous continuons de suivre tout cela même aujourd'hui, alors que nous sommes dans la phase post-accidentelle, parce que nous envisageons un suivi épidémiologique.
Pendant la phase aiguë, nous avons donné des mesures de précautions et des recommandations sanitaires aux établissements de santé, parce qu'il fallait que l'activité de santé continue, notamment sur les activités de bloc. S'il y avait des suies, il fallait bien donner quelques conseils. Nous avons aussi donné des recommandations sanitaires aux personnes à leur domicile et aux écoles. Nous avons aussi donné des informations générales à la population. Nous l'avons invité à appeler le 116 117 pour demander conseil, parce qu'en région, il est impliqué dans la permanence des soins. Nous avons ouvert une cellule d'urgence médico-psychologique. Elle n'a pas reçu beaucoup de monde. Je crois même que personne n'y est allé le premier jour. Les gens sont restés chez eux plutôt que de sortir. Ce n'est peut-être pas plus mal qu'ils n'y soient pas allés. Nous avons fermé cette cellule peu après.
La maire de Petit-Quevilly m'a alors dit qu'il n'était pas normal de ne pas offrir de soutien à ses habitants, qui étaient très inquiets. C'est après cet échange qu'en rentrant, j'ai décidé d'ouvrir une cellule de soutien psychologique, différente de la cellule d'urgence médico-psychologique telle que nous la connaissons dans les attentats, mais qui permet quand même d'écouter la souffrance et l'inquiétude. Le docteur Navarre pourra vous en parler. De mémoire, elle a rouvert le 2 octobre. Nous nous étions demandés si nous allions la laisser ouverte le week-end, étant donné qu'il n'y avait pas beaucoup de passage. Nous en avons rediscuté et nous nous sommes dit qu'il y avait peut-être des gens inquiets qui travaillent et qui vont profiter du week-end pour aller dans cette cellule de soutien. Nous l'avons laissée ouverte le samedi et le dimanche. Elle n'a pas reçu grand monde, mais elle était là, et c'était important pour la population de savoir qu'elle était là.
Dans cette période, nous sommes également intervenus « à la demande ». Il y avait de l'inquiétude dans les écoles. Nous y sommes allés, avec la directrice de santé publique et l'ingénieur de génie sanitaire. Dans une école, du plomb avait été trouvé. Il a fallu aller vérifier. Dans la cour d'une autre école, un débris a été trouvé qui pouvait venir d'une toiture avec des fibres d'amiante. Là aussi, nous y sommes allés. Nous avons fait analyser en urgence le débris trouvé. Nous sommes aussi allés en mairie, parce que la mère de Préaux était très inquiète concernant des résultats Atmo de dioxines dans l'air. Ces informations arrivent bien plus vite que celles que nous voudrions donner, sur les conseils, les recommandations et les résultats d'analyses. Il est indispensable de se rendre sur place et expliquer. Généralement, nous arrivons à rassurer, ou éventuellement, nous agissons. Dans tous les cas, nous devons comprendre la situation.
Par ailleurs, nous avons continué la surveillance de l'eau du robinet. Nous avons fait une hiérarchisation en deux parties des captages d'eau souterraine à risque, compte tenu des risques d'infiltration dans les nappes souterraines. Il y a des captages karstiques et non karstiques, mes voisins vous expliqueront cela mieux que moi.
Par contre, nous avons aussi étendu le nombre d'analyses et le nombre de substances chimiques que nous recherchions : les d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les métaux, les solvants benzéniques, les dioxines, les furanes, les polychlorobiphényles (PCB) et les phtalates. Ensuite, nous avons communiqué parce que nous étions en phase aiguë. Il faut que nous arrivions à faire les deux choses en même temps. Nous le faisions à notre niveau, nous mettions en ligne sur le site de l'ARS des communiqués de presse, nous donnions tous les résultats publiés sur le site de la préfecture. Nous participions à tous les points presse. Quand nous avions des zones de risques, nous nous déplacions. Nous donnions nos communiqués de presse aux professionnels de santé de terrain. Nous considérions que la population qui voulait savoir irait sur notre site. Nous avons appris qu'elle prend son téléphone portable et regarde ses messages, les médias ou utilise les réseaux sociaux.
Sur le plan sanitaire, depuis le 4 octobre, nous considérons que nous sommes en phase post-accidentelle. C'est à ce moment que la population nous a demandé ce que nous allions faire. Elle craignait que nous la laissions alors que la phase aiguë était passée. En termes de besoin de santé en phase aiguë, nous pouvons considérer que nous n'avons pas eu de répercussions importantes. Le 26, il n'y a pas eu de morts ni de blessés. L'incendie a été arrêté dans les 12 heures. Il n'y a pas eu de suractivité ou d'hospitalisations en urgence, pas d'impact aigu sur la santé physique des personnes, au vu du fonctionnement du système.
Évidemment, la population est inquiète. Elle se demande ce que cela va donner demain, même si elle est aujourd'hui rassurée. Il faut absolument l'entendre. Nous l'avons entendue les jours où la cellule a été ouverte. Elle a été fermée quand elle n'a plus reçu personne. Pour autant, la population reste inquiète pour sa santé dans les années qui viennent, compte tenu de ce qu'elle a vu et de ce qui a brûlé. Il faut aussi entendre cette souffrance-là, qui est une souffrance d'incertitude et d'inquiétude. Pour cela, la ministre s'appuie sur Santé publique France, qui est l'instance d'expertise de santé publique auprès du Gouvernement. Elle va travailler avec nous à comprendre cette inquiétude de la population, pour la questionner, l'évaluer. Une enquête en population qui sera menée, avec un questionnaire sur les indicateurs de qualité de vie, sur l'impact psycho-affectif, sur la santé ressentie. Nous avons besoin de le réaliser sur toute cette population, et aussi de façon un peu scientifique, afin de voir quel est l'impact. Le suivi épidémiologique, ce n'est pas simplement rechercher un cancer ou une augmentation du nombre de cancers puis aller voir comment faire pour savoir ce que nous allons chercher. C'est aussi examiner la façon dont nous abordons le ressenti de la population et observer ce que cet accident industriel majeur a perturbé dans la vie de ces personnes. Il faut notamment savoir faire des questionnaires sur des périmètres où nous savons ce que nous mesurons, à proximité de l'usine et dans les 12 communes, auprès de ceux qui ont vu le panache et qui l'ont vu retomber. Cela nécessite d'être construit sur un plan scientifique. Ces analyses sociologiques par questionnaires nécessitent une méthode scientifique. C'est Santé publique France qui va composer celui qui sera adressé à la population.
Pendant cette phase post-accidentelle, nous continuons la surveillance renforcée de l'environnement. Nous sommes allés regarder dans l'air, dans les suies, les végétaux, le sol. Les lichens sont des illustrateurs de la pollution des substances trouvées dans le sol, parce qu'il peut y avoir de la bioconcentration au fil du temps. Il faut donc continuer de regarder. Il s'agit de l'interprétation de l'état du milieu. Le préfet a pris un arrêté demandant aux exploitants d'engager cette interprétation de l'état du milieu. Ces prélèvements successifs dans le temps, sur différentes matrices – comme disent nos ingénieurs – permettent de voir si nous avons une accumulation de substances chimiques dans le sol. Nous allons chercher celles qui sont dangereuses – les HAP, les dioxines, les métaux. Nous allons ensuite pouvoir faire cette interprétation de l'état du milieu, c'est-à-dire voir s'il y a des produits toxiques dans le milieu qui peuvent avoir un impact sur la santé. C'est la première phase. À partir de cette interprétation de l'état du milieu, il y a une deuxième phase. Il s'agit de voir, si nous trouvons beaucoup de métaux lourds ou de dioxines dans le sol, s'il y en a aussi chez les humains dans le périmètre où nous avons trouvé ces substances. En fonction de l'état du milieu, le protocole de biosurveillance prévoit que l'on s'interroge sur ce que cela donne chez les humains, si nous retrouvons chez eux une accumulation des mêmes marqueurs.
Le préfet va demander aux deux exploitants concernés, par arrêté, une évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) provoqués par le sinistre. Nous chercherons à savoir si les produits trouvés présentent un risque ou un surrisque pour la santé de la population. Est-ce que ce produit trouvé, pour cette population, avec ce mode de vie, présente un risque pour sa santé ? Quand nous préparions l'audition, nous avons essayé de prendre des exemples. Nous ne voulions pas être trop abscons. Par exemple, nous avons recherché des dioxines dans les oeufs, parce qu'elles s'accumulent dans le gras. Si dans l'interprétation de l'état des milieux qui va se faire dans les trois prochains mois, nous trouvons des résultats de dioxines anormaux sur le périmètre agricole d'une commune, où beaucoup de gens mangent les oeufs de leurs poules, nous allons regarder cette population. Nous allons regarder par biosurveillance si elle a eu une accumulation de dioxines compte tenu de ses habitudes alimentaires. Si elle mange tous les jours un oeuf de son poulailler qui a un taux de dioxine important, nous allons lui demander d'adopter des mesures de précaution, comme de jeter les oeufs ou de n'en manger qu'une fois par semaine. Si, en biosurveillance, nous voyons qu'il y a une imprégnation importante de la population d'un territoire par des dioxines, cela va nécessiter un suivi médical particulier. Le médecin traitant dispensera des recommandations de bonnes pratiques et de bon suivi en fonction de l'analyse de biosurveillance, aux individus de ce périmètre qui ont ce mode de vie. Celui qui ne mange pas les oeufs de ses poules n'aura peut-être pas ce problème, parce qu'il travaille et qu'il achète des plats préparés dans son supermarché.
Enfin, en fonction de cette évaluation quantitative des risques sanitaires, qui est de la responsabilité des exploitants mais qui sera expertisée par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), pour vérifier si cela a bien été fait et si les conclusions sont prises en compte, nous réaliserons des analyses de la santé de la population qui a été sous le panache. Autrement dit, si dans ces produits, un surrisque a été détecté dans l'évaluation quantitative des risques sanitaires de cancer du foie, nous allons rechercher des indicateurs de données de santé pour voir s'il existe plus de cancers du foie dans cette population que dans la population générale. Nous irons aussi chercher des indicateurs de santé sur le comportement à court terme de la population. Nous allons rechercher s'il y a plus d'infarctus du myocarde, plus de traitements antidépresseurs dans cette population par rapport à la population générale. Il ne s'agit pas simplement des conséquences de pathologies qui vont se déclarer dans le long terme. Nous ne pouvons pas attendre. Ce qui est très important pour la population, c'est de savoir que nous ne les abandonnons pas une fois la phase aiguë terminée. C'est la responsabilité de l'État. Nous allons regarder le milieu, les êtres humains et les pathologies de ce territoire. Nous allons continuer les prélèvements de façon à voir ce qui peut se passer à moyen et long terme.