Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 18h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • analyse
  • cellule
  • dioxine
  • incendie
  • médecin
  • phase
  • sanitaire
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  France Insoumise    PS et divers gauche    En Marche    MoDem  

La réunion

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La séance est ouverte à dix-huit heures dix.

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Vous êtes auditionnés dans le cadre d'une mission d'information qui a été décidée par la conférence des présidents de l'Assemblée nationale. Elle vise à faire un retour sur l'incendie de grande ampleur de Lubrizol à Rouen. Nous nous intéressons à l'événement pour essayer d'en faire toute la lumière et de le comprendre, mais aussi aux retours d'expériences et aux enseignements que nous pouvons en tirer. Ils peuvent être utiles à la mission qui doit être la nôtre, pour améliorer les dispositifs – notamment les dispositifs de gestion de crise – ou concilier la présence d'activités classées et de populations.

Nous avons beaucoup d'auditions programmées sur plusieurs mois, et nous nous intéressons, dans un premier temps, à l'évènement en lui-même. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité auditionner l'Agence régionale de santé (ARS). Je vous remercie d'être venus aussi nombreux avec l'ensemble des services qui devaient être mobilisés au moment de l'événement.

D'abord, nous aimerions comprendre la chronologie de l'événement de votre point de vue :

– À quel moment avez-vous été alertés ?

– Quels moyens avez-vous mobilisés dès l'obtention de l'information ?

– Quel est votre niveau de participation dans tout ce qui relève de l'opérationnel autour du Préfet dans un événement de cette nature ?

– De quelle façon avez-vous accompagné les populations dans la compréhension de cet événement ?

– Comment prenez-vous en charge aujourd'hui tout ce qui relève du post-événement sur la question médicale ou épidémiologique ? Quelle est votre contribution aux analyses qui ont été réalisées dès le déclenchement de l'événement et dans sa suite, et comment accompagnez-vous ces analyses qui sont rendues publiques ?

Au-delà, il me semble important de savoir comment l'ensemble des professionnels de santé se sont mobilisés. Nous avons des retours de témoignages indiquant que les habitants se sont tournés parfois directement vers les mairies, parfois les pompiers, la préfecture, le centre hospitalier universitaire (CHU), le médecin traitant ou les pharmaciens. J'aimerais savoir comment vous avez diffusé à l'ensemble de ces acteurs une information en ce qui concerne le volet médical.

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J'ai trois typologies de thématiques à aborder avec vous. La première est l'information à la population. Comment avez-vous organisé l'information des populations en dehors de votre site internet ? Comment avez-vous organisé l'information détaillée, notamment auprès des professionnels de santé qui sont en contact régulier avec la population ? M. le président évoquait les pharmaciens, les médecins libéraux, les infirmiers. Il est important de savoir quels ont été les vecteurs de communication à destination de cette population. Jugez-vous que les informations que vous avez communiquées ont été suffisamment relayées auprès de la population par les différentes personnes qui sont censées le faire ?

La deuxième typologie de questions concerne le risque pour la santé. Le président-directeur général (PDG) de Lubrizol nous indiquait hier que selon lui, cet incendie n'était pas plus dangereux qu'un feu de cheminée. Quel commentaire avez-vous à faire sur ce qui a été dit hier à ce propos ? En l'état actuel des connaissances, quel bilan faites-vous des risques pour la santé ? Qu'en est-il des différents risques de pollution évoqués : suie, qualité de l'air, amiante, dioxine ? Pouvez-vous nous donner des éléments sur le suivi épidémiologique ? Quels sont aujourd'hui les résultats qui sont définitifs et quels sont les résultats sur lesquels nous attendons encore des analyses supplémentaires ?

La troisième typologie de questions concerne spécifiquement le sujet de l'amiante, qui a causé beaucoup de difficultés dans les quinze premiers jours qui ont suivi l'événement. Il est apparu dans un premier temps que la préfecture indiquait que, selon elle, il ne pouvait pas y avoir de projections de fibrociment au-delà d'un périmètre de 800 mètres au-delà du site. Dans les jours qui ont suivi, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait eu des projections de fibrociment à plus d'un, voire deux kilomètres. Comment se fait-il qu'il y ait eu ce décalage au début ? Ensuite, j'ai un problème majeur concernant ce fibrociment. Il y a encore aujourd'hui des personnes qui ne sont pas au courant qu'elles peuvent avoir du fibrociment dans leur jardin. Comment faisons-nous pour informer cette population qu'elle peut être impactée par cette pollution, que le site de Lubrizol prend en charge l'enlèvement de cette matière, et que cela ne présente pas de danger pour la santé ? Je pense que c'est essentiel pour répondre aux problématiques de confiance de la population.

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Christine Gardel, directrice générale de l'Agence régionale de santé (ARS) de Normandie

Pour commencer, il est important de dire que le périmètre de responsabilité de l'ARS inclut le suivi sanitaire de la population. Nous étions en situation sanitaire exceptionnelle. Nous avons aussi une responsabilité sur la qualité de ce que nous appelons l'eau de consommation humaine, l'eau du robinet.

En situation sanitaire exceptionnelle, nous nous mettons sous l'autorité du Préfet. C'est ce que nous avons fait dès que l'incendie s'est déclaré. Toutes les actions que nous menons sont présentées, discutées et validées dans le cadre de ce comité opérationnel départemental qui est présidé par le Préfet et qui a été déclenché à 3 h 45. Nous participons au centre opérationnel départemental (COD). De la même manière, nous avons été mobilisés dans le cadre du plan particulier d'intervention (PPI) qui a été déclenché à cinq heures du matin.

Nous organisons aussi au niveau régional – puisque nous sommes l'ARS – mais nous nous mettons ici à disposition du préfet de département. Nous avons toute l'organisation départementale, dans le cadre du COD, mais nous sommes aussi une agence régionale de santé. Nous avons donc également une organisation régionale à mettre en place. Il s'agit de la cellule régionale d'appui au pilotage sanitaire (CRAPS) qui coordonne tout le personnel, tous nos agents. Sur cet incendie, 20 personnes ont travaillé depuis le début avec des expertises. Nous avons des ingénieurs de génie sanitaire, des médecins de santé publique – dont le responsable est à mes côtés – des infirmiers de santé publique. Toutes ces personnes ont travaillé.

L'ARS est intervenue en trois phases. La première était le temps de l'alerte et de la mobilisation pour l'incendie. Nous rentrions dans une situation sanitaire exceptionnelle dont nous ne connaissions pas les enjeux et les conséquences. Cela a nécessité de mettre tous les établissements de la zone en alerte, au cas où il y aurait des victimes. Nous avons prévenu le service d'aide médicale urgente (SAMU) et les établissements de santé. Ensuite, le Préfet a très vite pris une décision au vu de retours que lui donnait le Service départemental d'incendie et de secours (SDIS). Il n'y avait pas d'effet de toxicité aiguë. Nous savions du SAMU qu'il n'y avait pas d'arrivée massive, même si nous avons eu des fake news sur ce sujet. Il y avait beaucoup d'appels au SAMU de gens inquiets, mais il n'y avait pas d'arrivée massive dans les services d'urgence. Le SAMU a reçu beaucoup d'appels les premiers jours, mais c'est normal. Nous le voyons sur les images, la population était très inquiète. Toutefois, il n'y a pas eu beaucoup de sorties du service médical d'urgence et de réanimation (SMUR) pour aller chercher des personnes et les faire passer dans les services d'urgence.

Le préfet a dit que sur 12 communes, il demandait simplement la mise à l'abri des personnes vulnérables. À partir de cette décision, nous devions agir. Il y a des personnes vulnérables dans les établissements de santé. Nous avons donc prévenu tous les établissements de santé de la zone de ces 12 communes. Nous sommes très bien organisés, parce que l'organisation avec les établissements de santé en situation sanitaire exceptionnelle est bien formalisée. Nous avons des contacts d'alerte dans tous les établissements. Nous envoyons un email sur une boîte suivie et nous doublons cela d'un appel téléphonique. La mise à l'abri des personnes vulnérables suite à la décision de monsieur le Préfet, dans les établissements sanitaires et dans les établissements médico-sociaux des 12 communes, a été faite à partir de 8 heures Entre 8 heures et 9 heures 30, nous avions prévenu tous ces établissements, soit 14 établissements de santé et 37 établissements médico-sociaux sur une zone des 12 communes qui compte 180 000 habitants.

Nous avons eu un autre souci lors de cette phase très urgente. Le préfet a annoncé qu'il fallait éviter les déplacements et éviter d'être exposé aux fumées. Pourtant, il nous fallait assurer la continuité des soins. Autrement dit, il fallait garantir la relève des personnels soignants dans les établissements de santé à cette heure. Nous avons alerté les établissements sur le fait qu'ils devaient s'assurer de la continuité des soins et avoir les relèves à temps, d'infirmiers et de personnels soignants de jour, de façon à pouvoir la garantir.

Ensuite, il a fallu que nous nous assurions de la capacité du système de santé à prendre en charge les éventuelles victimes, dont nous ne connaissions pas le nombre. Nous avons renforcé le SAMU. Le premier jour et dans les jours qui ont suivi, le nombre d'appels au SAMU était plus important. Nous avons alors donné du renfort en médecins généralistes aux plateformes pour pouvoir décrocher. Nous avons fait venir des respirateurs sur les sites au cas où nous en aurions besoin. En accord avec les responsables du SAMU, nous avons acheminé des respirateurs à Rouen.

Nous partageons avec les établissements de santé une boîte alerte mais nous prenons le téléphone pour nous assurer que les messages qui lui sont adressés sont bien reçus. Pour cela, nous sommes très bien entraînés. Nous faisons des exercices. C'est organisé de cette manière. Dans le cas de cet incendie, il s'agissait aussi de prévenir la médecine de ville qu'elle allait peut-être avoir des consultations particulières liées à cela. Nous ne l'avons pas fait directement mais par l'intermédiaire des unions régionales de professionnels de santé (URPS). Nous leur avons adressé un email d'information destiné aux médecins, aux infirmiers et aux pharmaciens, pour leur dire qu'il fallait garantir la continuité des soins, et les informer qu'ils risquaient d'avoir beaucoup de consultations. Nous savons que c'est ce point que nous devons retravailler.

Dans un second temps, dans l'après-midi du 26, nous avons prévenu tous les établissements des départements 76 et 27 qu'ils allaient peut-être devoir renforcer les premiers établissements alertés. Il fallait mettre à l'abri les personnes vulnérables. Nous avons des établissements médico-sociaux, qui accueillent notamment des enfants en situation de handicap, et nous leur avons demandé de ne pas les admettre le vendredi.

Notre deuxième responsabilité est le travail sur l'eau potable, l'eau du robinet. Ceux qui sont de la Seine-Maritime savent que l'eau ne vient pas de la Seine ni d'autres rivières, mais elle vient de nappes souterraines. Nous étions alors un peu « tranquilles ». Par mesure de précaution, nous avons simplement demandé de fermer les captages, d'occulter les ventilations pour éviter que les suies tombent dedans. Nous avons fait les premières analyses de métaux et d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), sur quatre réservoirs de la métropole sous le panache : Rouen, Mont-Saint-Aignan, Bihorel et Quincampoix.

À la fin de cette première journée du 26 septembre, qui est pour moi le premier temps de notre action, l'ARS a pu confirmer que l'eau du robinet était potable. Nous avions un système sanitaire d'établissements de santé qui était organisé pour mettre à l'abri les personnes vulnérables et pour prendre en charge celles qui auraient pu nécessiter des soins pendant cette phase aiguë.

La deuxième phase est le moment du panache de fumée, des suies et des odeurs d'hydrocarbures. Là, nous nous sommes engagés dans le suivi sanitaire de la phase aiguë et la surveillance de l'eau du robinet. Nous avons suivi l'activité du SAMU, c'est-à-dire le nombre d'appels. Normalement, le SAMU reçoit en moyenne 900 appels par jour. Les 26 et 27 septembre, il a reçu un nombre d'appels beaucoup plus important. Le premier jour, il y en avait 1 450. Il s'agissait de personnes inquiètes qui demandaient des conseils, mais qui n'étaient pas en urgence vitale. Il n'y a pas eu de sortie de SMUR. Il n'y a pas eu d'hospitalisation pour des urgences vitales. Toutefois, les personnes étaient très inquiètes concernant ce qui allait se passer et les risques encourus. Elles avaient besoin de conseils. L'activité du SAMU a connu un pic le premier et le deuxième jour, puis c'est resté aux alentours de +20 %. Depuis les 3-4 octobre, nous sommes revenus au nombre de décrochés habituel.

Ensuite, nous avons regardé les passages aux urgences. Sur la métropole rouennaise, nous avons quatre services d'urgence : deux dans le privé, deux dans le public. Nous avons voulu savoir ce qui s'y passait. Ils reçoivent près de 600 patients par jour. Ils ont enregistré 254 passages aux urgences en lien avec l'incendie Lubrizol entre le 26 septembre et le 16 octobre. En moyenne, cela fait 25 passages par jour jusqu'au 4 octobre. 9 hospitalisations ont été nécessaires. Quand nous avons fait le dernier pointage, le 10 octobre, me semble-t-il, il n'y avait plus de patients hospitalisés en lien avec l'incendie Lubrizol.

Nous avons eu deux temps dans ces passages aux urgences, même dans cette phase aiguë. Les premiers passages étaient liés aux conséquences des fumées, avec des symptomatologies fonctionnelles telles qu'on nous les a rapportées, c'est-à-dire des gens présentant de l'irritation, des toux, des nausées, des vomissements, etc. Ensuite, les passages résultaient d'un syndrome inflammatoire du fait de l'irritation des premiers jours, sur des patients ayant déjà des pathologies respiratoires. C'étaient des crises d'asthme ou des recrudescences de bronchites, dont certaines ont nécessité des hospitalisations.

Nous continuons de suivre de façon hebdomadaire avec Santé publique France, le recours aux soins urgents, que ce soit les passages dans les quatre services d'urgence de la métropole ou les appels à SOS Médecins ou du centre antipoison. Nous avons les derniers résultats que nous pourrons vous donner, si vous le souhaitez.

Nous continuons de faire parvenir les communiqués de presse aux URPS, bien que le directeur de la caisse primaire ne voie pas d'augmentation notable du nombre de consultations de médecine générale dans la période post-Lubrizol du 27 septembre à aujourd'hui. Nous sommes sur des masses tellement énormes qu'il faudrait que cela bouge beaucoup pour que cela se voie. En tout cas, il ne peut pas nous dire cela. Par contre, il peut nous dire qu'il y a eu une augmentation des arrêts de travail sur cette période-là. Ce sont des arrêts de travail de courte durée, de trois ou quatre jours. Sur la période du 26 septembre au 3 octobre, le directeur de la caisse primaire relève environ un millier d'arrêts de travail supplémentaires. Je ne peux parler qu'en termes quantitatifs, je n'ai pas d'éléments qualitatifs. Nous continuons de suivre tout cela même aujourd'hui, alors que nous sommes dans la phase post-accidentelle, parce que nous envisageons un suivi épidémiologique.

Pendant la phase aiguë, nous avons donné des mesures de précautions et des recommandations sanitaires aux établissements de santé, parce qu'il fallait que l'activité de santé continue, notamment sur les activités de bloc. S'il y avait des suies, il fallait bien donner quelques conseils. Nous avons aussi donné des recommandations sanitaires aux personnes à leur domicile et aux écoles. Nous avons aussi donné des informations générales à la population. Nous l'avons invité à appeler le 116 117 pour demander conseil, parce qu'en région, il est impliqué dans la permanence des soins. Nous avons ouvert une cellule d'urgence médico-psychologique. Elle n'a pas reçu beaucoup de monde. Je crois même que personne n'y est allé le premier jour. Les gens sont restés chez eux plutôt que de sortir. Ce n'est peut-être pas plus mal qu'ils n'y soient pas allés. Nous avons fermé cette cellule peu après.

La maire de Petit-Quevilly m'a alors dit qu'il n'était pas normal de ne pas offrir de soutien à ses habitants, qui étaient très inquiets. C'est après cet échange qu'en rentrant, j'ai décidé d'ouvrir une cellule de soutien psychologique, différente de la cellule d'urgence médico-psychologique telle que nous la connaissons dans les attentats, mais qui permet quand même d'écouter la souffrance et l'inquiétude. Le docteur Navarre pourra vous en parler. De mémoire, elle a rouvert le 2 octobre. Nous nous étions demandés si nous allions la laisser ouverte le week-end, étant donné qu'il n'y avait pas beaucoup de passage. Nous en avons rediscuté et nous nous sommes dit qu'il y avait peut-être des gens inquiets qui travaillent et qui vont profiter du week-end pour aller dans cette cellule de soutien. Nous l'avons laissée ouverte le samedi et le dimanche. Elle n'a pas reçu grand monde, mais elle était là, et c'était important pour la population de savoir qu'elle était là.

Dans cette période, nous sommes également intervenus « à la demande ». Il y avait de l'inquiétude dans les écoles. Nous y sommes allés, avec la directrice de santé publique et l'ingénieur de génie sanitaire. Dans une école, du plomb avait été trouvé. Il a fallu aller vérifier. Dans la cour d'une autre école, un débris a été trouvé qui pouvait venir d'une toiture avec des fibres d'amiante. Là aussi, nous y sommes allés. Nous avons fait analyser en urgence le débris trouvé. Nous sommes aussi allés en mairie, parce que la mère de Préaux était très inquiète concernant des résultats Atmo de dioxines dans l'air. Ces informations arrivent bien plus vite que celles que nous voudrions donner, sur les conseils, les recommandations et les résultats d'analyses. Il est indispensable de se rendre sur place et expliquer. Généralement, nous arrivons à rassurer, ou éventuellement, nous agissons. Dans tous les cas, nous devons comprendre la situation.

Par ailleurs, nous avons continué la surveillance de l'eau du robinet. Nous avons fait une hiérarchisation en deux parties des captages d'eau souterraine à risque, compte tenu des risques d'infiltration dans les nappes souterraines. Il y a des captages karstiques et non karstiques, mes voisins vous expliqueront cela mieux que moi.

Par contre, nous avons aussi étendu le nombre d'analyses et le nombre de substances chimiques que nous recherchions : les d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les métaux, les solvants benzéniques, les dioxines, les furanes, les polychlorobiphényles (PCB) et les phtalates. Ensuite, nous avons communiqué parce que nous étions en phase aiguë. Il faut que nous arrivions à faire les deux choses en même temps. Nous le faisions à notre niveau, nous mettions en ligne sur le site de l'ARS des communiqués de presse, nous donnions tous les résultats publiés sur le site de la préfecture. Nous participions à tous les points presse. Quand nous avions des zones de risques, nous nous déplacions. Nous donnions nos communiqués de presse aux professionnels de santé de terrain. Nous considérions que la population qui voulait savoir irait sur notre site. Nous avons appris qu'elle prend son téléphone portable et regarde ses messages, les médias ou utilise les réseaux sociaux.

Sur le plan sanitaire, depuis le 4 octobre, nous considérons que nous sommes en phase post-accidentelle. C'est à ce moment que la population nous a demandé ce que nous allions faire. Elle craignait que nous la laissions alors que la phase aiguë était passée. En termes de besoin de santé en phase aiguë, nous pouvons considérer que nous n'avons pas eu de répercussions importantes. Le 26, il n'y a pas eu de morts ni de blessés. L'incendie a été arrêté dans les 12 heures. Il n'y a pas eu de suractivité ou d'hospitalisations en urgence, pas d'impact aigu sur la santé physique des personnes, au vu du fonctionnement du système.

Évidemment, la population est inquiète. Elle se demande ce que cela va donner demain, même si elle est aujourd'hui rassurée. Il faut absolument l'entendre. Nous l'avons entendue les jours où la cellule a été ouverte. Elle a été fermée quand elle n'a plus reçu personne. Pour autant, la population reste inquiète pour sa santé dans les années qui viennent, compte tenu de ce qu'elle a vu et de ce qui a brûlé. Il faut aussi entendre cette souffrance-là, qui est une souffrance d'incertitude et d'inquiétude. Pour cela, la ministre s'appuie sur Santé publique France, qui est l'instance d'expertise de santé publique auprès du Gouvernement. Elle va travailler avec nous à comprendre cette inquiétude de la population, pour la questionner, l'évaluer. Une enquête en population qui sera menée, avec un questionnaire sur les indicateurs de qualité de vie, sur l'impact psycho-affectif, sur la santé ressentie. Nous avons besoin de le réaliser sur toute cette population, et aussi de façon un peu scientifique, afin de voir quel est l'impact. Le suivi épidémiologique, ce n'est pas simplement rechercher un cancer ou une augmentation du nombre de cancers puis aller voir comment faire pour savoir ce que nous allons chercher. C'est aussi examiner la façon dont nous abordons le ressenti de la population et observer ce que cet accident industriel majeur a perturbé dans la vie de ces personnes. Il faut notamment savoir faire des questionnaires sur des périmètres où nous savons ce que nous mesurons, à proximité de l'usine et dans les 12 communes, auprès de ceux qui ont vu le panache et qui l'ont vu retomber. Cela nécessite d'être construit sur un plan scientifique. Ces analyses sociologiques par questionnaires nécessitent une méthode scientifique. C'est Santé publique France qui va composer celui qui sera adressé à la population.

Pendant cette phase post-accidentelle, nous continuons la surveillance renforcée de l'environnement. Nous sommes allés regarder dans l'air, dans les suies, les végétaux, le sol. Les lichens sont des illustrateurs de la pollution des substances trouvées dans le sol, parce qu'il peut y avoir de la bioconcentration au fil du temps. Il faut donc continuer de regarder. Il s'agit de l'interprétation de l'état du milieu. Le préfet a pris un arrêté demandant aux exploitants d'engager cette interprétation de l'état du milieu. Ces prélèvements successifs dans le temps, sur différentes matrices – comme disent nos ingénieurs – permettent de voir si nous avons une accumulation de substances chimiques dans le sol. Nous allons chercher celles qui sont dangereuses – les HAP, les dioxines, les métaux. Nous allons ensuite pouvoir faire cette interprétation de l'état du milieu, c'est-à-dire voir s'il y a des produits toxiques dans le milieu qui peuvent avoir un impact sur la santé. C'est la première phase. À partir de cette interprétation de l'état du milieu, il y a une deuxième phase. Il s'agit de voir, si nous trouvons beaucoup de métaux lourds ou de dioxines dans le sol, s'il y en a aussi chez les humains dans le périmètre où nous avons trouvé ces substances. En fonction de l'état du milieu, le protocole de biosurveillance prévoit que l'on s'interroge sur ce que cela donne chez les humains, si nous retrouvons chez eux une accumulation des mêmes marqueurs.

Le préfet va demander aux deux exploitants concernés, par arrêté, une évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) provoqués par le sinistre. Nous chercherons à savoir si les produits trouvés présentent un risque ou un surrisque pour la santé de la population. Est-ce que ce produit trouvé, pour cette population, avec ce mode de vie, présente un risque pour sa santé ? Quand nous préparions l'audition, nous avons essayé de prendre des exemples. Nous ne voulions pas être trop abscons. Par exemple, nous avons recherché des dioxines dans les oeufs, parce qu'elles s'accumulent dans le gras. Si dans l'interprétation de l'état des milieux qui va se faire dans les trois prochains mois, nous trouvons des résultats de dioxines anormaux sur le périmètre agricole d'une commune, où beaucoup de gens mangent les oeufs de leurs poules, nous allons regarder cette population. Nous allons regarder par biosurveillance si elle a eu une accumulation de dioxines compte tenu de ses habitudes alimentaires. Si elle mange tous les jours un oeuf de son poulailler qui a un taux de dioxine important, nous allons lui demander d'adopter des mesures de précaution, comme de jeter les oeufs ou de n'en manger qu'une fois par semaine. Si, en biosurveillance, nous voyons qu'il y a une imprégnation importante de la population d'un territoire par des dioxines, cela va nécessiter un suivi médical particulier. Le médecin traitant dispensera des recommandations de bonnes pratiques et de bon suivi en fonction de l'analyse de biosurveillance, aux individus de ce périmètre qui ont ce mode de vie. Celui qui ne mange pas les oeufs de ses poules n'aura peut-être pas ce problème, parce qu'il travaille et qu'il achète des plats préparés dans son supermarché.

Enfin, en fonction de cette évaluation quantitative des risques sanitaires, qui est de la responsabilité des exploitants mais qui sera expertisée par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), pour vérifier si cela a bien été fait et si les conclusions sont prises en compte, nous réaliserons des analyses de la santé de la population qui a été sous le panache. Autrement dit, si dans ces produits, un surrisque a été détecté dans l'évaluation quantitative des risques sanitaires de cancer du foie, nous allons rechercher des indicateurs de données de santé pour voir s'il existe plus de cancers du foie dans cette population que dans la population générale. Nous irons aussi chercher des indicateurs de santé sur le comportement à court terme de la population. Nous allons rechercher s'il y a plus d'infarctus du myocarde, plus de traitements antidépresseurs dans cette population par rapport à la population générale. Il ne s'agit pas simplement des conséquences de pathologies qui vont se déclarer dans le long terme. Nous ne pouvons pas attendre. Ce qui est très important pour la population, c'est de savoir que nous ne les abandonnons pas une fois la phase aiguë terminée. C'est la responsabilité de l'État. Nous allons regarder le milieu, les êtres humains et les pathologies de ce territoire. Nous allons continuer les prélèvements de façon à voir ce qui peut se passer à moyen et long terme.

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Ma question porte sur le mercaptan. J'ai cru comprendre que c'est la substance qui est responsable des odeurs incommodantes. Je n'ai pas très bien compris. Je ne suis pas allée sur le site à Rouen, je n'ai donc pas senti, mais j'ai entendu dire que cela sentait très fort, et que cela donnait des irritations, des malaises. Cela nous a encore été confirmé tout à l'heure par la maire de Petit-Quevilly. J'aimerais savoir comment nous pouvons répondre à la population en lui disant qu'il n'y a aucun risque, alors qu'elle a une perception et une appréciation différentes, ce qui crée de la défiance par rapport à la parole publique.

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Comment envisagez-vous de renforcer l'information des professionnels de santé, au-delà de l'information des URPS ? Dans les zones touchées par les séquestres agricoles et où il y a une grande visibilité des retombées de suies, certains sont allés chez leur médecin qui était un peu désemparé sur la conduite à tenir. Comment pouvons-nous renforcer ce lien sur le territoire ? Cela me semble très important. Je voulais aussi demander au docteur Navarre quel était le profil des personnes qui ont été reçues dans la cellule de soutien psychologique. Qu'avaient-elles de plus lourd à porter, si j'ose dire ? Venaient-elles d'un bassin géographique déterminé plus que d'autres ? Enfin, vous avez présenté avec une grande précision toute l'articulation des différents sujets de suivi sanitaire et épidémiologique qui seront mis en oeuvre. Quand pensez-vous pouvoir finaliser cette préparation et commencer ces enquêtes ? Surtout, comment éviter que, dans la population, ce suivi génère à nouveau des angoisses ? Comment le présenter de façon simple et compréhensible pour bien passer le message ? Nous continuons à vous accompagner, et cela ne veut pas dire qu'il y a un risque caché. Comment pensez-vous préparer tout cela ?

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Je voudrais tout d'abord saluer le professionnalisme et l'implication de Mme la Directrice et de l'ensemble de ses services dans la gestion de cette crise. Je pense que c'est la communication qui n'a pas très bien fonctionné. Aujourd'hui, les populations sont inquiètes. Comment fait-on demain pour les informer ? Qui leur explique ? Vous nous avez indiqué que la communication entre vous et les différentes unions régionales avait plutôt bien fonctionné, et celle entre les unions régionales et les professionnels de santé, un peu moins. Quid d'un système d'information en direct des professionnels de santé et des élus locaux ? C'est quand même le premier maillon dans les communes rurales du territoire. Il serait peut-être bon d'avoir une réflexion à ce sujet-là. Avez-vous prévu d'organiser des réunions d'information sur l'ensemble des territoires impactés, en particulier sur les territoires ruraux, où les élus et les citoyens ne se sentent pas informés ? Vous faites le travail, mais nous devons réussir à démultiplier cela sur l'ensemble des territoires. Je pense que les professionnels de santé, aujourd'hui, de par les problématiques que nous connaissons tous et sur lesquelles nous travaillons ensemble, n'ont pas spécialement le temps d'informer tous leurs patients. Il y a 110 communes impactées, il faudrait peut-être réfléchir à organiser des réunions avec les associations de maires et les élus locaux.

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Vous avez évoqué beaucoup de choses, même si à un moment donné, je me suis un peu perdu dans vos explications. Je voudrais clarifier un certain nombre de points. Je voudrais savoir si vous pensez réellement que les messages sanitaires ont été bien compris des populations. Quelque chose a-t-il manqué ? Sur les substances recherchées dans l'air, à votre connaissance, a-t-on cherché à mesurer l'ensemble des substances que nous étions susceptibles de trouver, compte tenu de la combustion qui a duré plusieurs jours ? Avons-nous vraiment fait le nécessaire sur le spectre même des molécules que nous cherchons ? Nous avons parlé des HAP, des dioxines, des furanes, etc. Nous savons que ce sont des composés fort peu sympathiques, mais avons-nous eu un spectre suffisamment large, d'après vous ?

Concernant l'information au public, quand nous regardons d'un peu plus près les signalements des odeurs, qui remontent sur la plateforme ODO mise en place par Atmo Normandie et que nous retrouvons sur le site de Santé publique France, nous réalisons que dans 63 % des cas, ils sont accompagnés de symptômes. C'est encore le cas aujourd'hui. Que répondons-nous à ces gens ? C'est une question que je vous pose directement.

Par ailleurs, sur l'information des professionnels de santé, je connais du monde qui habite dans la région et j'ai eu vent d'une conférence qui s'est tenue dans un lieu public de la ville de Rouen, en présence de médecins, de pédiatres, qui 10 jours après l'incendie se sont plaints de ne pas avoir reçu d'informations de la part de l'ARS. Ces informations qui me sont remontées sont-elles correctes ?

Enfin, Mme la ministre Élisabeth Borne est venue ici en audition suite à l'incendie. Elle a évoqué la mise en place d'un registre de santé. Est-il en place ou va-t-il se mettre en place ? Ce registre de santé est pour moi extrêmement important pour assurer le suivi épidémiologique et le suivi des risques qu'il peut y avoir par la suite, notamment avec les retombées potentielles d'un certain nombre de composés qui se fixent sur la graisse animale.

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Vous avez pointé le moment compliqué de la phase d'analyse. Dans cette phase, estimez-vous que les principes de précaution vis-à-vis de la population ont été respectés ? Y a-t-il eu un décalage ? Que se serait-il passé si les analyses n'avaient pas été rassurantes ?

Ensuite, comment jugez-vous les principaux émetteurs d'informations qui passent sur les médias et leurs contradictions dans un moment d'affolement d'une population ? Je pense par exemple aux propos des préfets de Seine-Maritime et de l'Oise qui ont été contradictoires, ou en tout cas, pas tout à fait les mêmes, ainsi qu'à ceux de la ministre. L'un de ces émetteurs officiels a expliqué sur France info que la suie n'était pas dangereuse en tant que telle, sauf si on l'ingurgite. Quand vous entendez dans une population ce genre de phrase, inévitablement, vous vous demandez ce que veut dire ingurgiter. Comment voyez-vous les choses à ce niveau-là ?

Aussi, vous parlez des risques dans le sous-sol, vous évoquez les dioxines. Vous étiez partie dans l'idée de consommer des oeufs tous les jours ou toutes les semaines. C'est très compliqué à entendre. Jusqu'où vont ces dangers ? Je sais que la dioxine est dangereuse mais je ne sais pas à quel point. Comment peut-on informer ou rassurer une population de manière objective sur les risques réels ?

Enfin, vu les risques industriels, y a-t-il une formation spécifique par l'ARS des professionnels de santé sur les conséquences de ce qui peut se produire ?

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Concernant ce fameux plan de suivi médical et épidémiologique, se fait-il selon la formule prescrite par la circulaire 2012, ou est-il spécifique à cet évènement ? Le mettez-vous en oeuvre parce qu'il est prévu par les textes, ou répond-il à une demande d'élus à laquelle le premier ministre aurait répondu favorablement ? Quelles sont ses spécificités ?

Une étude épidémiologique est longue, par nature. Comment va-t-on gérer ce temps long ? Il est important de suivre dans la durée, puisque la population le demande. C'est la nature même de son inquiétude. En général, elle souhaite savoir ce qui va se passer par la suite. Y a-t-il des éléments d'étape ? Avons-nous des comparaisons des études épidémiologiques avec des évènements industriels du même type, pour essayer de définir un peu cette échelle de temps ?

Par ailleurs, vous avez rappelé tout à l'heure que le préfet mettait en oeuvre des arrêtés pour demander à l'exploitant qu'il puisse y avoir une évaluation quantitative du risque sanitaire, etc. Tout cela a un coût. D'ailleurs, tout ce qui est mis en oeuvre par arrêtés du préfet a un coût. J'imagine qu'il est supporté par le principe du pollueur-payeur. Pouvez-vous me confirmer que ce n'est pas la puissance publique qui va le financer, mais que c'est bien l'exploitant qui le prendra en charge ?

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Jérôme le Bouard, responsable unité territoriale et adjoint du responsable du pôle Veille et sécurité sanitaire de l'ARS

Je vais grouper les questions sur le mercaptan et la métrologie de l'air. Par rapport aux mesures qui ont été prises au moment de l'évènement, dans un premier temps, ce sont les moyens du SDIS qui ont été mobilisés en urgence. Cela porte sur un nombre restreint de gaz qui sont les plus toxiques et qui présentent une toxicité immédiate. Très rapidement, nous avons mobilisé les moyens d'Atmo Normandie, qui était présent en cellule de crise préfectorale et qui a procédé à des prélèvements par canisters. Ce sont des sortes de ballons que nous remplissons d'air et que nous envoyons en laboratoire pour analyser un spectre assez large de substances. J'ai tendance à dire qu'Atmo Normandie a mesuré un nombre très important de substances que nous étions susceptibles de retrouver dans l'air, avec des délais analytiques qui ont pu paraître longs à la population. Nous avons mesuré le benzène, le toluène, les gaz et les substances gazeuses qui présentent des toxicités que nous maîtrisons mieux. Atmo Normandie est aussi allé rechercher des composés dits soufrés, qui sont responsables des odeurs que sentent les Rouennais. Nous sommes allés assez loin dans la portée des analyses qui ont été réalisées. Atmo Normandie mesure encore aujourd'hui des composés soufrés qui sont responsables des odeurs. Ensuite, on ne peut pas nier que le fait d'être exposé à des mauvaises odeurs, pour des raisons physiologiques ou même psychologiques, va générer des effets de santé, des troubles de type céphalées, des troubles irritatifs. C'est documenté. Je pense que personne ne l'a jamais nié. Cela incommode fortement.

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Christian Navarre, référent de la cellule Urgence médico psychologique

Je suis médecin-psychiatre. Je précise que la cellule d'urgence médico-psychologique dont parlait Mme Gardel a été mise en place dès le premier jour, puisqu'elle est censée intervenir dans les catastrophes avec un grand nombre de victimes. Heureusement, il n'y a pas eu de victimes physiques graves. Nous nous attendions à avoir des survivants, des endeuillés, des blessés, ce qui n'a pas été le cas. Elle a donc été désactivée. J'insiste sur le fait que ce sont des infirmiers, des psychologues et des médecins volontaires, qui sont sortis des obligations hospitalières de l'hôpital local de psychiatrie du Rouvray. C'est au bout de quelques jours, à la demande des élus, et en particulier de la maire de Petit-Quevilly, que les autorités, l'ARS et la préfecture, nous ont demandé de mettre quelque chose en place. Ce sont les mêmes personnels que la Cellule régionale d'urgence médico-psychologique (CUMP qui se sont adaptés à une situation qui n'est pas forcément de leur ressort. J'ai appelé cela l'accueil psychologique citoyen, parce que nous n'avons pas constaté de pathologie mentale de stress dépassé comme on pourrait le voir lors d'un attentat. Pour répondre à madame, effectivement, nous avions des gens qui avaient été apeurés par l'explosion, des gens qui étaient autour de l'usine plutôt isolés, c'est-à-dire sans avoir pu discuter avec leur famille ou des voisins. Ce sont des gens qui sont venus parce qu'ils avaient l'impression d'avoir été abandonnés. Surtout, il y avait une colère très importante au regard de la désinformation, un stress important par rapport à l'avenir, un sentiment d'abandon et de complotisme, l'impression qu'on leur cache quelque chose puisqu'on ne leur dit rien. Je tiens à dire que tous les volontaires de la cellule d'urgence, y compris moi-même, sommes impliqués. J'ai aussi des suies dans mon jardin. Nous prenions sur nous, mais du fait de ce sentiment d'abandon, les familles qui vivaient ailleurs ont appelé car elles s'inquiétaient de ne plus avoir aucune information visible.

Je tiens à signaler – avec beaucoup de neutralité – que ce qui a cassé la communication sur cette affaire Lubrizol est le décès du Président Chirac. En effet, d'un instant à l'autre, toutes les chaînes et les réseaux sociaux que regardent les gens, plutôt que les sites de l'ARS ou de la préfecture, et qui étaient en info continue et se sont portés sur le décès du Président Chirac. Rouen a disparu. Le seul média qui s'en préoccupait encore était France bleu Normandie, qui a passé des petits reportages. Pendant ces quelques jours, il y a eu un vide, et c'est vrai que cela a entraîné une angoisse de séparation, car nous savons que ce qui est important dans la gestion de crise, c'est la collectivité, la solidarité nationale, l'impression que les gens sont dans une communion, s'identifient et partagent la difficulté. Tout d'un coup, nous nous sommes retrouvés face à des plateaux forts intéressants sur les débats des années qui ont précédé. Rouen avait totalement disparu des écrans. Je tiens à dire que cela a participé aux plaintes et à ce sentiment que les choses étaient manipulées. On nous a même reproché d'être complices de cette affaire, puisque nous étions là pour soutenir la population. Je souligne que nous avons dit d'emblée que nous n'avions pas de réponse, que nous étions comme eux.

Pour ceux qui se demandent ce que nous faisons dans une cellule psychologique, c'est tout simple. Grâce à la Croix-Rouge, il y avait du café chaud, des collations. Les gens rentraient, échangeaient, constituaient des groupes de paroles. C'est de cela que les gens avaient besoin : se rencontrer et en parler. Il n'y a pas de magie. Cela a été fait dans des locaux de la mairie de Rouen et avec cette ambiance conviviale où nous savions que nous étions tous dans la même situation. Nous parlons de résilience : affronter le stress, affronter l'évènement, s'en sortir par ses propres moyens. Par contre, s'il y avait des toux, des nausées, nous renvoyions sur le médecin traitant. S'il y avait des demandes juridiques, nous renvoyions sur les associations ou les avocats qui manifestaient, quelques mètres plus loin, devant la préfecture.

La colère est un symptôme de stress. Dans les moments de crise, on court-circuite notre cerveau préfrontal – c'est-à-dire le raisonnement et la logique – et on passe à une distorsion cognitive. Cela concerne tout le monde, décideurs comme citoyens. On a un moment de confusion collective. C'est pour cela qu'il est important de donner des informations.

Voilà ce que nous avons tenté de mettre en place de façon assez originale. Je pense que c'est aussi une leçon que nous aurons pour le futur. Nous sommes une société où les gens sont de plus en plus individualistes, mais aussi de plus en plus isolés. Ils ont besoin de cette espèce de cordon ombilical d'information. Sommes-nous toujours conscients de ce côté humain ? Les chaînes d'information continue ont fait défaut. Cela a manqué aux gens et c'est aussi pour cela qu'ils étaient un peu perdus. À ce moment-là, ce média est très thérapeutique. C'est un hasard, mais il se trouve qu'effectivement, il y a eu un black-out sur Rouen pendant quelques jours. C'est essentiellement de cela que les gens se plaignaient, outre les conséquences futures. Ils avaient besoin de repartir chez eux, non pas apaisés sur le fond, mais apaisés sur la forme, c'est-à-dire moins stressés, moins angoissés, sachant qu'il fallait affronter le futur.

Par rapport à la population, il s'agissait globalement d'enfants de dix ans qui avaient eu peur de l'explosion, de personnes âgées isolées, de certains patients qui étaient déjà suivis pour dépression. Cependant, on ne peut pas dire que cela a entraîné des pathologies psychiatriques aiguës. C'est plutôt un vécu dans les rues de Rouen, avec une odeur nauséabonde assez insupportable. Je précise aussi pour l'anecdote que j'ai été élevé dans le Sud-Ouest. À l'époque, il y avait le gaz de Lacq. Il y avait des grandes montagnes de soufre, et quand l'air venait de la mer, toute la région sentait le soufre.

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Cédric Damm, médecin anesthésiste et réanimateur du SAMU de Rouen

Le SAMU a eu deux séquences au lieu de trois, si je reprends le même séquençage que celui décrit par Mme Gardel. Nous avons eu la phase aiguë, l'incendie, puis nous avons eu la deuxième phase qui est le post-incendie, qui a duré une dizaine de jours. En tant que service d'urgence, nous sommes bien sûr moins concernés par le suivi qui a été décrit par l'ARS. Monsieur Adam, vous demandiez comment s'était passée l'alerte. Je pense que cela a été décrit par les pompiers. Nous avons eu un appel dans la nuit à 2 h 46 précisant qu'il y avait un incendie. Des incendies arrivent régulièrement la nuit. Quand cela arrive, en général, cela s'éteint assez vite. Nous savions que c'était un incendie industriel, mais il n'y avait pas de blessé. 13 minutes plus tard, nous avons appris qu'il prenait de l'ampleur. Nous avions notamment une équipe qui revenait d'intervention, qui avait confirmé que c'était très visible, avec un beau panache de fumée. Nous avons rappelé le Centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (CODIS). Les pompiers nous ont confirmé et nous ont dit qu'ils avaient envoyé des véhicules.

Notre régulateur a décidé à juste titre de prévenir le Service Interministériel Régional des Affaires Civiles et Économiques de Défense et de Protection Civile (SIRACEDPC) et l'astreinte de la Préfecture, qui n'était pas au courant. La préfecture a été appelée 25 minutes après le début de l'alerte incendie. C'est ce qui a permis, au bout de 30 minutes, d'activer le centre opérationnel départemental (COD) de la préfecture. Le SAMU a essayé d'avoir une confirmation de l'importance de l'incendie. Notre équipe qui était à proximité nous a alertés sur le fait qu'il y avait un incendie. Nous ne lui avons pas dit d'aller sur le site. Nous avons raisonné pour protéger aussi notre équipe. Elle est revenue au SAMU en attendant que nous ayons un point de première destination, qui est décrit par les pompiers. C'est un point où l'on regroupe les moyens de secours à l'abri de tout danger. Le colonel des sapeurs-pompiers a dû vous dire qu'ils ont reculé à plusieurs reprises, du fait des explosions de l'incendie, des informations qu'ils avaient sur le contenu des cuves. Nous avons attendu. C'est vraiment une règle chez nous de ne pas mettre en danger nos équipes de secours.

Nous avons secondairement envoyé une équipe de secours en renfort des pompiers, après avoir discuté avec le COD, l'ARS et le CHU, qui avait aussi activé sa cellule de crise. Nous avions bien sûr prévenu les centres hospitaliers, mais en premier lieu le CHU, qui était quasiment dans le panache. L'important est de savoir comment nous nous dimensionnons. Là, c'est simple, il n'y a pas de victimes. Il y a eu des personnes incommodées, mais il n'y a pas eu de victimes graves. Nous aurions très bien pu avoir 500 victimes, ou avoir 30 pompiers blastés ou brûlés, que nous aurions pris en charge initialement, mais qu'il aurait fallu transporter sur un centre de grands brûlés. Nous savons combien les places sont chères. L'important est de dimensionner et d'anticiper les moyens nécessaires.

Une fois que nous avons compris que la population n'était pas totalement exposée lors de la phase aiguë, notre crainte concernait la colonne des 150 pompiers qui étaient sur place et qui reculaient. Nous avons envoyé des équipes et du matériel à partir du moment où nous avions un périmètre de sécurité. Parallèlement, le CHU se dimensionnait en libérant certains lits de réanimation qui étaient libérables et en activant un couloir de réserve que nous avons. Nos pharmaciens renforçaient aussi les réserves d'oxygène, parce que ce sont des pathologies plutôt respiratoires. De son côté, le médecin de la cellule de préfecture, en lien avec l'ARS, avait demandé un renfort de respirateurs, parce que si certaines cuves avaient explosé, nous aurions pu avoir des intoxiqués massifs graves, que nous aurions dû ventiler, en ventilation artificielle, endormis un peu comme quand nous sommes en anesthésie. Le but était vraiment de dimensionner. Nous étions dans l'anticipation. En parallèle, nous avions appelé l'astreinte de l'ARS. Je vous ai dit que nous avions eu le premier appel à 2 heures 46, et nous avons eu la confirmation de la gravité une heure plus tard. C'est vers 4 heures que nous avons prévenu l'ARS que nous avions un incendie avec un risque sanitaire immédiat.

En phase aiguë, nous nous sommes dimensionnés pour avoir du rappel de personnels. Très vite, comme une saturation de Rouen s'annonçait, nous avons anticipé le retour du personnel du CHU et du SAMU avant les embouteillages. Cela a pu être contesté, mais c'était une décision réfléchie sur le fait que, malgré le panache, il fallait aussi que les personnels soient relevés, et que le personnel hospitalier arrive. D'ailleurs, dans les professionnels de santé, nous n'avons pas eu de remarques ou de critiques particulières. Ils ont répondu de manière très positive et rapidement. C'est une caractéristique des situations sanitaires exceptionnelles.

Nous avons aussi des médecins généralistes qui sont venus en renfort, parce que très vite, nous avons supposé que nous allions avoir des appels à partir du moment où le soleil allait se lever, ce qui a été le cas. Nous avons eu 70 % d'appels supplémentaires le premier jour, et 40 % le deuxième jour. Ensuite, cela s'est amenuisé progressivement autour de 20 %. Cela a duré une dizaine de jours. Nous avons dû faire face à un afflux d'appels assez important. Nous avons donc renforcé le personnel. Quand nous avons eu la dioxine, très vite, il y a eu une petite psychose. Dès qu'il y avait une éruption – ce qui arrive fréquemment en ce moment avec le début des viroses – nous utilisions notre système de visioconférence, qui avait été testé pendant l'armada. Cela permet de voir l'enfant, soit par photo, soit par vidéo, de manière à reconnaître assez facilement si ce sont des lésions spécifiques ou virales. La technologie nous aide bien. D'ailleurs, en matière de technologie, nous sommes forcément limités en termes de moyens. Nous avons besoin d'une coordination régionale. Nous l'avons notamment par notre logiciel de régulation, mais nous avons aussi besoin d'alerter le SAMU et les SMUR périphériques. Nous avons besoin d'avoir des informations partagées. Nous sommes toujours dans l'information. Les services d'urgence ont besoin de pouvoir raisonner sur une information fiable. C'est certainement une piste à travailler. Comment passer une information fiable, coordonnée, non redondante, vérifiée avec tous les services d'urgence ? La technologie le permet.

En termes de matériel, nous nous apercevons que nous avons des postes sanitaires mobiles qui sont des grosses remorques, mais qui ne sont pas utilisables en situation aiguë, parce que ce sont des grosses valises. Nous avons besoin de kits. Si nous avions eu dix pompiers brûlés, nous aurions eu besoin d'avoir le matériel en quantité. Nous l'avons, parce que nous nous sommes organisés comme cela, mais ce n'est pas le choix au niveau national. Il s'agit plutôt d'avoir des kits de prise en charge habituelle pour un certain nombre de victimes. C'est important.

Nous n'avons pas eu de patients aigus pris en charge par le SMUR. Nous avons envoyé des SMUR pour gérer des situations, par exemple, de stress collectif dans certaines entreprises, pour dédramatiser. Le stress était lié à cette odeur, avec des vrais symptômes, des maux de tête, des douleurs abdominales, mais il fallait faire la différence entre les symptômes et la gravité. Nous avons contribué à faire cela sur le terrain.

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Dans la communication que l'on donne aux personnes à ce moment-là, au lieu de reconnaître les symptômes, on leur dit qu'ils vont se sentir mal, mais que ce n'est pas grave, qu'ils sont sans conséquences sur le long terme. Est-ce aider les populations sur le plan psychologique ?

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Cédric Damm, médecin anesthésiste et réanimateur du SAMU de Rouen

Nous avons répondu à des dizaines de personnes qui appelaient et manifestaient leur inquiétude. Nous ne remettions pas en cause leurs symptômes. Ils avaient des symptômes et nous leur donnions des explications assez simples, nous essayions de rassurer, avec le niveau de connaissance que nous avions à ce moment-là. Nous pouvions répondre sur les symptômes au moment de l'appel. Par contre, si on nous demandait si c'était grave à long terme, nous ne pouvions pas répondre, étant donné que nous n'avions pas les informations sur l'analyse. Nous répondions que nous ne savions pas et que c'était en cours. En revanche, sur les symptômes, nous leur donnions des conseils assez pragmatiques pour les rassurer. C'est cela qui nous a permis de traiter 70 % d'appels de plus. Cela s'est prolongé. Nous avons eu l'aide de médecins généralistes, avec le soutien de l'ARS, qui nous ont permis de maintenir un niveau de réponse adéquat. Actuellement, nous n'avons plus d'appels en rapport avec cela.

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élise Noguera, directrice générale adjointe de l'ARS

Le lien a été fait immédiatement avec les unions régionales sur la diffusion de l'alerte dès le premier jour, puis avec des recommandations sanitaires, des analyses que nous faisions et des résultats que nous donnions. Elles-mêmes ont bien observé que la diffusion des communiqués de presse sur leur propre site n'était peut-être pas suffisante, puisque quatre jours après, les unions régionales lançaient des enquêtes auprès des infirmiers, des médecins ou des pharmaciens, pour s'assurer que l'information qu'ils avaient reçue convenait aussi aux questions de leurs patients ou des usagers qui se présentaient dans leurs officines.

En synthèse, nous pouvons dire que la chaîne de transmission des informations n'a pas été suffisante en temps réel, dans le cabinet d'un médecin ou dans une officine, au jour le jour et au quotidien en fonction des résultats et des éléments dont nous disposions. Par contre, il y a eu un souci très vite pour les équipes de l'ARS, mais aussi les URPS, pour voir si le vecteur de communication était adapté. Sur cette première base, quatre jours plus tard, nous avions déjà un questionnaire qui indiquait que les professionnels – certains médecins ou infirmiers – avaient bien vu la diffusion d'informations mais la considéraient comme n'étant pas assez adaptée à leur quotidien. Dans un quotidien de travail avec des consultations et des usagers qui se présentent dans une officine, il faut avoir le temps d'aller chercher l'information, d'aller la lire, la comprendre, eux-mêmes étant Rouennais ou dans les environs de Rouen, et de ce fait impliqués à titre personnel.

Nous avons échangé sur cet ajustement tout au long de la première semaine d'octobre, après le week-end des 29 et 30 septembre. Nous avons bien vu que nous pouvions, en plus de l'information sur le site, améliorer et ajuster nos supports de communication. Nous avons donc adapté ceux que nous diffusions au grand public par des questions-réponses un peu plus fines. Nous avons aussi diffusé une synthèse des analyses la semaine où leurs résultats nous parvenaient. Les professionnels de santé, formés à recevoir ce type d'informations, souhaitaient en savoir un peu plus. Nous avons ajusté les supports qui leur étaient destinés, en accord avec leurs ordres professionnels. Nous avons aussi fait le choix d'adresser un courrier à l'ensemble des professionnels de santé, infirmiers, médecins libéraux et pharmaciens, pour leur indiquer le travail conjoint que nous menions, par souci du travail collectif dans la gestion de crise ou en post-crise. Peut-être, les premiers jours, l'information qui leur arrivait n'était pas dans le bon média ou n'était pas adaptée à leur compréhension. Peut-être ne répondait-elle pas à dans leurs questionnements. Peut-être ne parvenaient-ils pas à la transmettre à leurs patients. Nous y travaillions. C'est un travail itératif. Les ordres et les URPS se sont demandé, quatre jours plus tard, si la façon dont ils diffusaient l'information suffisait, si les professionnels de santé étaient en mesure de comprendre et d'accepter les résultats sur l'amiante, les dioxines, etc. Nous avons eu trois réunions avec eux pour prendre le temps de les débriefer et d'adapter nos supports. Je souhaite les remercier, parce qu'il y a eu un très bon niveau de responsabilité, des réunions publiques où certains intervenaient avec des questionnements bien légitimes. Chacun a essayé de raisonner par étapes.

Nous avons eu un temps de gestion de crise, celui de l'action et de la mise en sécurité des populations. Nous avons celui de l'explication, qui demande du calme, et de faire appel à notre partie du cerveau plus rationnelle. Nous avions des temps d'échange suffisants et consistants avec eux pour qu'ils arrivent à une représentation commune qu'ils puissent partager à leur tour avec leurs patients. Les pharmacies d'officine sont des relais essentiels puisque ce sont elles qui ont été sous le feu des premières questions, qui connaissent bien leurs patients, qui ont du temps pour l'échange et qui savent comment trouver la bonne question et la bonne réponse à apporter. Ce sont des temps d'échange qui vont bien au-delà du temps réel de communication que nous pourrons avoir. Ce sont des temps de reprise. On peut revenir dans son officine pour demander si on n'est pas sûr, ou demander à son infirmière à domicile. Ce sont des relais essentiels en situation sanitaire exceptionnelle et nous allons poursuivre ce travail avec elles. Les établissements sont prêts à associer un grand nombre de professionnels en ville à des entraînements de gestion de crise.

Les questions sur la surveillance épidémiologique sont importantes aussi. La ministre l'a rappelé lors du premier comité de transparence et de dialogue. Nous raisonnons aussi avec les éléments, les analyses et les résultats d'analyses que nous avons. Nous évacuons les risques les plus forts, et au fur et à mesure, nous en faisons des déductions. Je pense que pour cela, même si au beau milieu de la crise, il est difficile d'opérer ce tri en même temps que nous agissions, nous devons remercier l'ensemble des professionnels de santé parce qu'ils ont su le faire et le retranscrire.

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Christine Gardel, directrice générale de l'Agence régionale de santé (ARS) de Normandie

Dans la communication, nous avons aussi vu comment intégrer la population. La transparence nécessite de donner toutes les informations que nous avons. Cela s'est fait. Il faut que ces informations soient accessibles et adaptées à la cible à laquelle elles s'adressent. Mettre en ligne les milliers de résultats des examens qui ont été faits, ce n'est absolument pas accessible à la population. C'est ce que nous avons senti, et ce sur quoi nous allons travailler à l'agence. Il faut que nous puissions rendre l'information accessible en fonction de la cible, et utiliser les nouveaux moyens de communication pour pouvoir le faire. Le communiqué de presse, c'est bien quand nous avons besoin d'une information à froid, mais à chaud, ce n'est pas un moyen de communication et d'information. Nous en avons fait le constat. J'imagine que vous le ferez aussi. Comme nous avons vu les professionnels, nous sommes très vite revenus vers les représentants des usagers et des associations, pour tout de suite utiliser les difficultés que nous avions pour pouvoir d'emblée lier cela à la pratique.

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Nathalie Viard, directrice de la santé publique

L'information est diffusée, mais elle n'est pas forcément accessible et elle doit être organisée pour être comprise par différentes cibles. Nous avons cité le travail qui a été fait auprès des professionnels de santé. Il y a le travail à faire auprès de la population, puisque nous avons donné beaucoup d'informations mais celles-ci n'ont pas forcément été comprises. L'information n'est pas toujours adaptée à tous les publics qui doivent la recevoir. Nous avons quand même travaillé sur des supports de questions-réponses peut-être inadaptés. Notre site internet ou celui de l'ARS ne sont pas forcément les sites les plus consultés. Nous avons travaillé avec les associations de représentants d'usagers, puisqu'elles sont le plus à même de nous aider à approcher les questions et les modalités de réponses des personnes, en particulier les personnes malades chroniques comme les insuffisants respiratoires, qui pouvaient, dans ce contexte-là, être encore plus inquiets que les autres. Nous avons organisé une réunion avec la conférence des représentants des usagers qui siège dans la conférence régionale de la santé et de l'autonomie (CRSA), qui est notre instance de démocratie sanitaire. Ils nous ont remonté les mêmes difficultés que celles que l'on vient d'évoquer à l'instant. Comme les professionnels de santé ont tout de suite été partie prenante en disant qu'ils étaient prêts à travailler avec nous sur la reformulation des messages, à utiliser les vecteurs d'information qui sont les nôtres, avec la difficulté d'avoir la plus grande réactivité possible face aux réseaux sociaux qui vont beaucoup plus vite que nous et que les associations, il y a un vrai travail à faire avec eux. Nous les avons rencontrés et nous allons continuer de les rencontrer pour adapter le message, en particulier pour expliquer le suivi sanitaire dont nous voyons bien que les différentes étapes sont assez complexes à comprendre. Là aussi, il va falloir que nous ayons ce souci de travailler avec ces relais que sont les associations d'usagers.

Ensuite, vous avez demandé que les élus, qui sont aussi une cible de communication et d'information, puissent accompagner les habitants. À l'occasion de réunions, nous avons pu rencontrer l'association départementale des maires de Seine-Maritime. Nous nous sommes dit qu'il fallait que nous resserrions nos liens avec cette association. Nous avons commencé par leur diffuser notre support de questions-réponses qui répond en grande partie et de manière assez simple aux questions qui sont posées. Nous nous sommes mis à leur disposition pour répondre sous forme écrite à des mails qu'ils pouvaient nous envoyer, mais nous nous sommes aussi déplacés à la demande pour pouvoir expliquer l'information que nous essayions de diffuser. Voilà les sujets sur lesquels nous essayons de travailler pour améliorer l'information et surtout son accessibilité.

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Christine Gardel, directrice générale de l'Agence régionale de santé (ARS) de Normandie

Nous allons maintenant voir avec Benoist Cottrelle comment gérer des situations sanitaires exceptionnelles dans les établissements de santé. Nous y sommes formés et en avons l'expérience mais l'un des enseignements à tirer de cet accident industriel concerne la gestion d'une situation sanitaire exceptionnelle de la population générale . Nous voyons bien que nous devons investir ce champ-là avec les professionnels de santé de ville et que nous avons des progrès à faire.

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Benoist Cottrelle, adjoint à la directrice de la santé publique

Je voudrais juste vous présenter un peu l'organisation de notre service, que nous appelons, au sein de l'ARS, veille et sécurité sanitaire. Nous sommes une équipe de 15 personnes : des médecins, des infirmiers, des secrétaires. Nous avons la particularité, en Normandie, d'être polyvalents sur tous les champs de la veille sanitaire. C'est comme cela que j'ai voulu l'organisation du service. Aucune des 15 personnes n'est, à strictement parler, formée aux situations sanitaires exceptionnelles. Les formations qui se font à l'école des hautes études en santé publique durent trois semaines, avec chaque semaine un cycle de formation assez intense.

Ensuite, nous vous avons parlé de notre organisation en CRAPS. Nous avons à la fois un noyau dur interne et un réseau externe que nous veillons à maintenir dans une relation de confiance, pour répondre globalement à ces situations exceptionnelles. Le pôle Veille et sécurité sanitaire est un peu le noyau dur de la réponse. Il doit s'adjoindre des services de l'ARS et surtout faire appel à des experts extérieurs, qui sont essentiellement, dans ce genre de situation, la cellule nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC). Il y a aussi tout le réseau d'expertise des agences nationales, des infectiologues quand il s'agit d'un phénomène infectieux, des toxicologues du centre antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) d'Angers – puisque nous dépendons d'Angers – des équipes du SAMU et des urgentistes.

Il faut savoir également que nous participons régulièrement aux exercices qui sont organisés par la préfecture dans chaque département. Les agences régionales de santé participent à tous les exercices organisés par les préfectures dans chacun des départements à proportion des risques. Dans le département de la Seine-Maritime, la densité de sites industriels et de centrales nucléaires fait que ces exercices sont plus fréquents qu'ailleurs. Au cours des dernières années, nous avons aussi travaillé sur l'accueil de nombreuses victimes, eu égard à l'actualité malheureuse des attentats.

L'organisation de notre réponse sanitaire aux situations exceptionnelles dépend du dispositif Organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles (ORSAN), qui fait le pendant du dispositif Organisation de la réponse de sécurité civile (ORSEC). Dans l'ORSAN, il y a un volet que nous appelons ORSAN AMAVI (accueil massif de victimes non contaminées), pendant du volet Nombreuses victimes (NOVI) d'ORSEC. Ce sont surtout sur ces volets que nous avons travaillé ces dernières années, avec les établissements sanitaires, les établissements hospitaliers, les services d'urgence, les SAMU, pour permettre de dimensionner le système de santé à l'accueil de nombreuses victimes. La communication vers les professionnels de ville est une nouvelle dimension de ces organisations que nous avons découverte à l'occasion de cet évènement. Nous ne l'avions pas encore intégrée à nos exercices. Il est prévu, dans le nouveau guide ORSAN en cours de validation au niveau national, qu'il y ait un volet de mobilisation, prévu pour impliquer les professionnels de ville dans la gestion des situations sanitaires exceptionnelles. Nous ne savions pas vraiment jusqu'à quel point, dans quelles mesures, avec quels canaux d'information, avec quel système d'alerte rapide nous pourrions communiquer avec eux, de façon plus individuelle. Je pense que l'évènement que nous venons de vivre sera d'un bon enseignement à ce sujet.

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Je vous remercie de la précision et la description de l'ensemble du dispositif. Vous avez donné quelques pistes et l'objet de la mission est de faire des préconisations. Je pense qu'il faut avoir un retour d'expérience, tirer les enseignements, mais surtout agir pour l'avenir. Merci de nous avoir permis cela.

La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à Rouen

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 18 h 10

Présents. - M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, M. Xavier Batut, M. Christophe Bouillon, M. Éric Coquerel, M. Jean-Luc Fugit, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Annie Vidal

Excusés. - M. Jean Lassalle, M. Sébastien Leclerc, Mme Sira Sylla