Le SAMU a eu deux séquences au lieu de trois, si je reprends le même séquençage que celui décrit par Mme Gardel. Nous avons eu la phase aiguë, l'incendie, puis nous avons eu la deuxième phase qui est le post-incendie, qui a duré une dizaine de jours. En tant que service d'urgence, nous sommes bien sûr moins concernés par le suivi qui a été décrit par l'ARS. Monsieur Adam, vous demandiez comment s'était passée l'alerte. Je pense que cela a été décrit par les pompiers. Nous avons eu un appel dans la nuit à 2 h 46 précisant qu'il y avait un incendie. Des incendies arrivent régulièrement la nuit. Quand cela arrive, en général, cela s'éteint assez vite. Nous savions que c'était un incendie industriel, mais il n'y avait pas de blessé. 13 minutes plus tard, nous avons appris qu'il prenait de l'ampleur. Nous avions notamment une équipe qui revenait d'intervention, qui avait confirmé que c'était très visible, avec un beau panache de fumée. Nous avons rappelé le Centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (CODIS). Les pompiers nous ont confirmé et nous ont dit qu'ils avaient envoyé des véhicules.
Notre régulateur a décidé à juste titre de prévenir le Service Interministériel Régional des Affaires Civiles et Économiques de Défense et de Protection Civile (SIRACEDPC) et l'astreinte de la Préfecture, qui n'était pas au courant. La préfecture a été appelée 25 minutes après le début de l'alerte incendie. C'est ce qui a permis, au bout de 30 minutes, d'activer le centre opérationnel départemental (COD) de la préfecture. Le SAMU a essayé d'avoir une confirmation de l'importance de l'incendie. Notre équipe qui était à proximité nous a alertés sur le fait qu'il y avait un incendie. Nous ne lui avons pas dit d'aller sur le site. Nous avons raisonné pour protéger aussi notre équipe. Elle est revenue au SAMU en attendant que nous ayons un point de première destination, qui est décrit par les pompiers. C'est un point où l'on regroupe les moyens de secours à l'abri de tout danger. Le colonel des sapeurs-pompiers a dû vous dire qu'ils ont reculé à plusieurs reprises, du fait des explosions de l'incendie, des informations qu'ils avaient sur le contenu des cuves. Nous avons attendu. C'est vraiment une règle chez nous de ne pas mettre en danger nos équipes de secours.
Nous avons secondairement envoyé une équipe de secours en renfort des pompiers, après avoir discuté avec le COD, l'ARS et le CHU, qui avait aussi activé sa cellule de crise. Nous avions bien sûr prévenu les centres hospitaliers, mais en premier lieu le CHU, qui était quasiment dans le panache. L'important est de savoir comment nous nous dimensionnons. Là, c'est simple, il n'y a pas de victimes. Il y a eu des personnes incommodées, mais il n'y a pas eu de victimes graves. Nous aurions très bien pu avoir 500 victimes, ou avoir 30 pompiers blastés ou brûlés, que nous aurions pris en charge initialement, mais qu'il aurait fallu transporter sur un centre de grands brûlés. Nous savons combien les places sont chères. L'important est de dimensionner et d'anticiper les moyens nécessaires.
Une fois que nous avons compris que la population n'était pas totalement exposée lors de la phase aiguë, notre crainte concernait la colonne des 150 pompiers qui étaient sur place et qui reculaient. Nous avons envoyé des équipes et du matériel à partir du moment où nous avions un périmètre de sécurité. Parallèlement, le CHU se dimensionnait en libérant certains lits de réanimation qui étaient libérables et en activant un couloir de réserve que nous avons. Nos pharmaciens renforçaient aussi les réserves d'oxygène, parce que ce sont des pathologies plutôt respiratoires. De son côté, le médecin de la cellule de préfecture, en lien avec l'ARS, avait demandé un renfort de respirateurs, parce que si certaines cuves avaient explosé, nous aurions pu avoir des intoxiqués massifs graves, que nous aurions dû ventiler, en ventilation artificielle, endormis un peu comme quand nous sommes en anesthésie. Le but était vraiment de dimensionner. Nous étions dans l'anticipation. En parallèle, nous avions appelé l'astreinte de l'ARS. Je vous ai dit que nous avions eu le premier appel à 2 heures 46, et nous avons eu la confirmation de la gravité une heure plus tard. C'est vers 4 heures que nous avons prévenu l'ARS que nous avions un incendie avec un risque sanitaire immédiat.
En phase aiguë, nous nous sommes dimensionnés pour avoir du rappel de personnels. Très vite, comme une saturation de Rouen s'annonçait, nous avons anticipé le retour du personnel du CHU et du SAMU avant les embouteillages. Cela a pu être contesté, mais c'était une décision réfléchie sur le fait que, malgré le panache, il fallait aussi que les personnels soient relevés, et que le personnel hospitalier arrive. D'ailleurs, dans les professionnels de santé, nous n'avons pas eu de remarques ou de critiques particulières. Ils ont répondu de manière très positive et rapidement. C'est une caractéristique des situations sanitaires exceptionnelles.
Nous avons aussi des médecins généralistes qui sont venus en renfort, parce que très vite, nous avons supposé que nous allions avoir des appels à partir du moment où le soleil allait se lever, ce qui a été le cas. Nous avons eu 70 % d'appels supplémentaires le premier jour, et 40 % le deuxième jour. Ensuite, cela s'est amenuisé progressivement autour de 20 %. Cela a duré une dizaine de jours. Nous avons dû faire face à un afflux d'appels assez important. Nous avons donc renforcé le personnel. Quand nous avons eu la dioxine, très vite, il y a eu une petite psychose. Dès qu'il y avait une éruption – ce qui arrive fréquemment en ce moment avec le début des viroses – nous utilisions notre système de visioconférence, qui avait été testé pendant l'armada. Cela permet de voir l'enfant, soit par photo, soit par vidéo, de manière à reconnaître assez facilement si ce sont des lésions spécifiques ou virales. La technologie nous aide bien. D'ailleurs, en matière de technologie, nous sommes forcément limités en termes de moyens. Nous avons besoin d'une coordination régionale. Nous l'avons notamment par notre logiciel de régulation, mais nous avons aussi besoin d'alerter le SAMU et les SMUR périphériques. Nous avons besoin d'avoir des informations partagées. Nous sommes toujours dans l'information. Les services d'urgence ont besoin de pouvoir raisonner sur une information fiable. C'est certainement une piste à travailler. Comment passer une information fiable, coordonnée, non redondante, vérifiée avec tous les services d'urgence ? La technologie le permet.
En termes de matériel, nous nous apercevons que nous avons des postes sanitaires mobiles qui sont des grosses remorques, mais qui ne sont pas utilisables en situation aiguë, parce que ce sont des grosses valises. Nous avons besoin de kits. Si nous avions eu dix pompiers brûlés, nous aurions eu besoin d'avoir le matériel en quantité. Nous l'avons, parce que nous nous sommes organisés comme cela, mais ce n'est pas le choix au niveau national. Il s'agit plutôt d'avoir des kits de prise en charge habituelle pour un certain nombre de victimes. C'est important.
Nous n'avons pas eu de patients aigus pris en charge par le SMUR. Nous avons envoyé des SMUR pour gérer des situations, par exemple, de stress collectif dans certaines entreprises, pour dédramatiser. Le stress était lié à cette odeur, avec des vrais symptômes, des maux de tête, des douleurs abdominales, mais il fallait faire la différence entre les symptômes et la gravité. Nous avons contribué à faire cela sur le terrain.