Sur la question du périmètre, lorsque le premier commandant des opérations de secours est intervenu, il y avait initialement un périmètre de 300 mètres. Par rapport aux flux thermiques et à la suite des différentes explosions, il a été décidé, conformément à nos procédures, de porter ce périmètre à 500 mètres. Dans ces cas-là, nous nous mettons en relation avec les services de police, en relation avec la commune également, pour fixer l'objectif à tenir. Bien évidemment, vous imaginez que pour un périmètre circulaire, sur une carte tout va bien, mais lorsqu'il faut le réaliser sur le terrain, pratiquement, cela est plus compliqué. Cette tâche difficile incombe à nos collègues de la police. Je laisserai peut-être Philippe en reparler, notamment sur la question des véhicules qui étaient bloqués, alors que des piétons pouvaient rentrer.
Sur les remorqueurs, nous avons eu la chance de pouvoir bénéficier de trois remorqueurs : deux du Havre et un de Rouen. Je n'ai pas les heures de demandes, mais j'ai les heures d'arrivée sur site. Le premier remorqueur de Rouen est arrivé à 5 heures 48, le second est arrivé à 12 heures 30 et le troisième à 15 heures. J'en profite pour souligner l'extrême compétence de ces équipages. Nous avons aujourd'hui une convention qui nous lie au port du Havre et qui facilite les choses. En début d'année, nous allons signer avec le port de Rouen, ce qui facilitera les formations.
Pourquoi des remorqueurs ? Ce sont des navires de mer qui viennent avec des puissances de pompage importantes. Avant leur arrivée, nous n'avions plus que 360 mètres cubes par heure disponibles – puisque le réseau à l'intérieur de l'entreprise était tombé – c'est-à-dire 6 000 par minute que nous prenions sur le réseau ville. À ce moment-là, il n'était pas question de pomper sur le réseau ville plus que ce qu'il pouvait donner, pour ne pas prendre le risque de dégrader le réseau, avec des incidences fortes sur l'eau potable pour les riverains. Tactiquement, dans ces cas-là, lorsque nous avons besoin de gros débit, il vaut mieux être maître chez soi, c'est-à-dire ne pas être tributaire d'installations fixes. D'ailleurs, nous l'avons bien vu à Lubrizol puisque les installations sont tombées. Cela peut arriver, mais c'est à nous de nous adapter. Nous avons bénéficié de l'apport de ces remorqueurs, qui nous ont permis d'emmener très rapidement plus de 1 440 mètres cubes par heure, pour alimenter notre dispositif d'extinction.
La question des moyens mutualisés est une question importante, puisque ce jour-là, nous avons bénéficié de l'apport de moyens privés. Ils sont venus du Havre, de Rouen. Ce sont des moyens de projection qui ont participé à la lutte. Je tiens à souligner l'extrême compétence de ces moyens privés, parce que les sapeurs-pompiers du service public n'ont pas éteint tout seuls ce feu. Heureusement que ces gens-là sont venus nous compléter. Il y a eu des renforts émulseurs.
Aujourd'hui, avec le recul, se pose la question du cadre juridique de l'engagement de tous ces personnels. Dans la tempête, tout le monde est sur le pont. Il y a des conventions d'assistance entre industriels, il y a aussi la voie de la réquisition. Aujourd'hui, si vous posez la question « Dans quel cadre juridique avez-vous fait la manipulation ? », nous avons appelé au secours et tout le monde est venu nous aider. Le résultat est là. Je pense que la question du cadre juridique et des renforts publicsprivés est essentielle. Comme nous avons des entreprises à risque, nous avons la chance d'avoir des gens qui connaissent parfaitement leur métier, dans ces usines qui ont des moyens surpuissants, et qui peuvent nous aider. Il serait dommage de s'en passer au moment où nous en avons besoin.
D'autant que comme le feu était hors-norme, les moyens du service public n'étaient pas suffisants. Le privé est intervenu, ainsi que d'autres moyens en renfort de l'extérieur.
La question des pompiers « en entreprise », elle aussi est importante. Toutes les entreprises Seveso n'ont pas forcément de pompiers en poste. Cependant, il y a des équipes de sécurité, ce sont des gens qui sont formés. Suite à cet événement, je pense qu'il serait important d'inciter les industriels à recruter ou à former dans leur rang plus de sapeurs-pompiers volontaires. Sur Lubrizol, nous en avions cinq, mais si nous pouvions en avoir plus, bien évidemment, nous sommes preneurs : hommes ou femmes, petits ou grands, tout le monde est bienvenu chez nous, chez les sapeurs-pompiers.