La séance est ouverte à quatorze heures.
Cette séance est suivie sur un Facebook Live permettant aux personnes qui nous regardent et qui le souhaitent de réagir à cette audition. Nous sommes très heureux d'accueillir M. le préfet de la région Normandie, préfet de la Seine-Maritime, accompagné de différents services. Sur décision de la conférence des présidents, nous sommes en mission d'information pour faire toute la lumière sur l'incendie Lubrizol, pour comprendre l'événement, faire un retour d'expérience et tirer toutes les conclusions utiles, notamment pour améliorer si besoin, les dispositifs de gestion de crise, de post-crise et puis aussi pour interroger la législation existante – c'est notre rôle de parlementaire.
Je voudrais commencer par vous interroger sur un décalage, un besoin de cohérence, entre ce qui figure dans le plan de prévention des risques technologiques (PPRT), dans ce que l'on appelle le tableau des phénomènes dangereux, et leur probabilité, s'agissant des bâtiments A4 et A5 qui ont brûlé. Il est indiqué qu'ils relèvent d'une probabilité dite « E », c'est-à-dire extrêmement improbable. Dans un certain nombre de documents, on évoque même une probabilité d'un tous les 10 000 ans. Je voudrais savoir s'il s'agit d'un modèle spécifique et qu'est-ce qui explique une telle probabilité, sachant que dans le plan particulier d'intervention (PPI), il est indiqué que les grands feux d'hydrocarbures font partie des premières manifestations de risques industriels. Il y a un besoin de compréhension par rapport à cette probabilité extrêmement faible et en même temps, sur la question de la reconnaissance du risque incendie comme étant fortement probable.
Monsieur le préfet, vous êtes le pilote des opérations de gestion de crise et de communication de crise, vous êtes en quelque sorte aux commandes du comité opérationnel départemental. J'aimerais savoir pourquoi les maires ont tardé à disposer d'une information utile dans ce genre d'événement. D'autant plus que nous avions eu un précédent en Seine-Maritime, puisqu'en 2013, au moment de la fuite du mercaptan, un certain nombre de recommandations avaient été formulées dans un rapport. Parmi ces recommandations, il était indiqué la nécessité de prévenir le plus en amont possible l'ensemble des élus et de les associer, en faire des relais. Est-ce que vous avez eu connaissance de ces recommandations ? Pouvez-vous nous décrire plus précisément la façon dont vous avez eu à mobiliser, informer l'ensemble des maires ?
Pendant la catastrophe, j'aimerais savoir comment, à partir de quand et avec quelle régularité vous avez informé le gouvernement et quelles étaient les instructions que vous avez reçues de la part du gouvernement pendant toute la durée de l'événement.
Monsieur le préfet, vous avez signé un arrêté suspendant les activités de Lubrizol. Le chief executive officer (CEO) de Lubrizol Corp., que nous avons auditionné il y a quelques jours, ne cachait pas sa volonté de reprendre les activités, considérant que le site de production n'était pas atteint. J'aimerais savoir quelles sont selon vous les conditions qui pourraient permettre de signer un arrêté autorisant à nouveau le redémarrage. Si tel est le cas, j'aimerais savoir si ce type d'arrêté est soumis à un avis des collectivités d'implantation, c'est-à-dire est-ce que c'est de votre prérogative seule ou est-ce qu'il y a quand même une demande d'avis de la part des collectivités.
La semaine dernière, nous avons aussi auditionné la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) qui nous a rappelé que contrôler les sites classés, les Seveso notamment, était une mission essentielle. Dans notre pays, nous avons 1 362 sites Seveso, ce qui est un nombre assez important. Je ne fais pas la distinction entre seuil haut et seuil bas. La DREAL a des missions très étendues, très larges et les inspecteurs contrôlent aussi d'autres installations classées en grand nombre. Je voudrais savoir si vous êtes favorable à l'idée que je défends, qui est la création de ce que l'on pourrait appeler « l'Autorité de sûreté des sites Seveso », qui permettrait ce type de contrôle, qui permettrait de dédier des inspecteurs d'en faire une autorité indépendante dotée d'un budget propre, avec un président ayant un mandat non reconductible soumis à l'accord des assemblées, comme nous le faisons pour une autorité indépendante.
Nous pouvons comparer cela à l'Autorité de sûreté nucléaire. Aujourd'hui, nous voyons que cette autorité, qui est considérée souvent comme le gendarme du nucléaire, est reconnue, parce que ses sanctions, ses injonctions, ses recommandations sont publiques. Elle fait autorité. J'insiste sur ce point. Je pense que si notre pays se dotait d'une telle autorité, avec un dispositif dédié exclusivement aux contrôles des sites Seveso, cela permettrait de rétablir une forme de confiance et permettrait aussi à une telle autorité d'être dotée des moyens suffisants pour pouvoir faire face aux missions que nous souhaitons lui confier. J'aimerais vous entendre par rapport à cela, avoir votre retour d'expérience.
S'agissant du fameux plan de suivi médical et épidémiologique, nous avons bien compris l'ensemble des mesures que vous souhaitez mettre en oeuvre, notamment la question du protocole. Sur la question du calendrier, nous avons une interrogation. On nous indique qu'un certain nombre d'opérations pourrait commencer en mars 2020. Nous aimerions savoir s'il est possible d'ici là d'établir un registre médical. En effet, les élus et les habitants s'interrogent à ce sujet. Nous comprenons parfaitement que pour établir le protocole, du temps soit nécessaire, mais il est aussi utile de dire ce qui va se passer d'ici mars 2020.
Après une première semaine d'audition, nous voyons déjà plusieurs points qui nous semblent importants de rappeler : le rôle essentiel joué par les sapeurs-pompiers ; le fait que nous n'ayons eu ni morts ni blessés ; les risques immédiats pour la santé au sein du panache ; l'engagement de Lubrizol d'indemniser les agriculteurs, les commerçants, les petites entreprises, impactés par cette situation ; les manquements de la part de Normandie Logistique qui doivent encore être précisés ; et enfin, la nécessité d'améliorer l'information et la communication de nos habitants, ainsi que la culture du risque sur notre territoire.
Même si plusieurs sujets commencent à émerger, nous avons encore beaucoup de questions. Ma première question sera sur l'actualité « chaude », si je puis dire, avec l'ouverture d'une information judiciaire « contre X » révélée hier. À ce stade, pouvez-vous nous préciser ce que cela implique ?
Au gré de différentes rencontres sur le territoire de la métropole de Rouen, j'ai été alerté sur le fait qu'en plus de l'incendie de Lubrizol, il y avait eu une perte d'alimentation électrique de Borealis quelques jours après, il y a eu également chez une autre entreprise, Surveyfert, un feu peu de temps après l'incendie de Lubrizol, et également dans la même zone géographique, un quatrième endroit qui pose question. Je voudrais savoir si vous avez des éléments à ce sujet et si nous pourrions imaginer qu'il y a un lien avec les événements de Lubrizol.
Sur l'incendie, est-ce qu'une semaine après l'audition des différents services de l'État, nous en savons un peu plus sur l'origine de l'incendie ? Quels enseignements et retours d'expérience pour modifier certaines procédures liées à l'intervention des secours ?
Sur les contrôles de sites, il apparaît que le site Lubrizol comptait parmi les sites les plus régulièrement visités. Qu'en est-il pour Normandie Logistique ? Le site de Normandie Logistique aurait-il dû être soumis à un régime de contrôle plus contraignant, selon vous et selon la réglementation en vigueur ?
La semaine dernière, il a également été révélé par M. Berg, que des infractions pénales et des défaillances administratives de la part de Normandie Logistique avaient été constatées, pourriez-vous nous donner plus d'éléments à ce sujet ?
Sur la communication et la prévention, quelles propositions auriez-vous pour améliorer l'information auprès des populations en amont et en cas d'incident, notamment sur l'usage des sirènes ? À l'avenir, quelle communication faut-il envisager en direction des élus ?
Sur les indemnisations, pourriez-vous nous donner des éléments sur les dates des premiers versements, par quels canaux et avec quel plafonnement ? Est-ce qu'il y a un caractère irrévocable à l'indemnisation ? Il s'agit d'éléments sur lesquels Monsieur le président et moi-même avons eu des pistes à l'occasion du comité de transparence et de dialogue de la semaine dernière. Cela étant, je pense qu'il est important que vous puissiez rappeler ces éléments devant la représentation nationale.
C'est la même chose sur le suivi de la population et l'étude épidémiologique, qui a été présentée au comité de transparence et de dialogue de vendredi dernier, par Mme Gardel de l'autorité de santé de la région Normandie. Pourriez-vous nous préciser le déroulé exact des différentes étapes de ce suivi, avec les implications que certaines étapes impliquent ? Par exemple, si on imagine qu'il y a une pollution dans les sols, qu'est-ce que cela implique pour la population, etc. ?
Enfin, pouvez-vous nous parler des actions de dépollution en cours et à venir, sur les événements qui sont liés à cet incendie de Lubrizol ?
Nous avons eu à faire face à un incendie industriel majeur, de très grande ampleur, sur un site situé non loin d'une zone urbanisée de Rouen, ce site Lubrizol, ce site Seveso seuil haut qui présentait la particularité d'être entouré de deux sites « Seveso seuil bas » et de trois installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Autrement dit, quand le feu est signalé à 2 heures 39, que les premiers sapeurs-pompiers arrivent, que le travail commence à se dérouler, assez vite apparaissent cet environnement particulier et cette dangerosité. À tel point qu'aux alentours de 3 heures 45, je suis alerté. Je décide d'activer le Centre opérationnel départemental de la préfecture. Je me rends à la préfecture, les services s'y rendent également. Très classiquement, je prends la main en tant que directeur des opérations de secours par rapport aux maires. Le Code de la sécurité intérieure prévoit que lorsqu'il y a des événements de grande ampleur, qui dépassent le territoire d'une commune ou les moyens dont la commune peut disposer, le préfet prend la main. Il s'agit d'une procédure assez classique.
Ce transfert se fait très souplement et très normalement. Les relations de travail avec la mairie de Rouen, comme avec la Métropole, sont fluides et de bonne qualité.
À ce stade, je n'ai pas de contact avec le maire, je ne l'aurais qu'au matin. Mais je sais que nos cabinets sont en lien.
Il m'est remonté un certain nombre d'éléments d'information par les sapeurs-pompiers sur place, pour me permettre en tant que directeur des opérations de secours, de fixer une ligne stratégique et d'organiser l'action du service. Au vu de l'ampleur du feu, je décide d'activer le PPI. De la description qui m'est faite, je comprends qu'il ne s'agit pas d'un scénario d'explosion, qu'il ne s'agit pas d'un scénario de gaz toxique au sens effets létaux et irréversibles, mais d'un scénario d'incendie majeur, évidemment avec le sujet des fumées. Cela étant, nous sommes bien sur un scénario thermique au vu du PPI.
J'ai cette analyse qui m'est faite, j'ai cette localisation qui m'est faite et je fixe deux missions très précises au colonel. Je lui demande d'une part, par tout moyen, d'éviter absolument toute forme d'effet domino, c'est-à-dire qu'il n'est pas envisageable que ce feu se propage ou prenne d'autres dimensions ; d'autre part, de me renseigner très vite sur les situations de qualité de l'air, pour ajuster la conduite à tenir vis-à-vis de la population.
Je déroule avec précision ces protocoles, avec le souhait, voire l'obsession, que nous n'ayons ni morts ni blessés, et si possible, ni destructions de biens privés. Dans ces circonstances, nous ne pouvons pas ne pas penser à d'autres accidents industriels. C'est sur ces bases que le colonel déploie son travail. Tout au long de la nuit et de la matinée, nous sommes complètement axés sur ce schéma.
Comme dans toute crise, des événements imprévus se produisent. Nous avons été confrontés à deux difficultés.
Première difficulté, un problème d'alimentation en eau. À un moment donné, il y a eu une baisse de la ressource d'eau, c'est-à-dire que la réserve interne à l'entreprise, 39 poteaux à l'entreprise et 2 000 mètres cubes de réserve sont consommés. Je précise qu'il y a toujours eu de l'eau, il n'y a jamais eu d'interruption d'eau, puisque le réseau public était là. Cela étant, il y a eu pendant un certain temps, un manque de moyens. Ce temps a dû être utilisé pour déployer des systèmes alternatifs, notamment par pompage dans la Seine et l'appui de bateaux-pompes.
La deuxième difficulté que nous avons rencontrée, qui est encore plus problématique, est une forme de mini marée noire. En effet, les hydrocarbures et produits huileux se répandaient, augmentés des émulseurs, de l'eau versée, des bassins de rétention et autres qui débordaient, et commençaient à se déverser dans la Seine. Nous avions le risque d'une pollution majeure de la Seine jusqu'au Havre.
Parallèlement au front de l'incendie, j'ai dû traiter le front de la pollution, en mobilisant des outils du Plan « pollution maritime » (POLMAR), c'est-à-dire en faisant venir du Havre des barrages flottants pour arriver à faire cesser totalement l'événement.
Le travail s'est poursuivi. À 10 heures 30, nous avons eu un feu circonscrit, c'est-à-dire stabilisé ; à 13 heures, nous avons eu un feu maîtrisé ; et à 15 heures nous avons eu un feu éteint. En 12 heures très exactement, le feu était éteint. Fort heureusement, il l'a été sans tués, sans blessés, sans immeubles détruits et sans marée noire, puisque c'est quelque chose qui était quasiment inévitable. Les choses se sont terminées ainsi. Évidemment, il a eu des dégâts. Je songe à la pollution liée au panache et aux chutes de suie, pollutions qui ont durement touché nos agriculteurs.
Quelques mots sur l'information et l'alerte de la population, ainsi que sur l'articulation avec les élus locaux. Pour ma part, je considère que cette crise a été bien gérée sur le plan opérationnel. C'est ce que nous avons vécu minute par minute, ce à quoi nous avons été confrontés et qui était d'une ampleur extrême.
Cela étant, il y a deux points qui sont perfectibles et qui doivent être revisités. Le premier est la question de l'information des populations. Quel a été l'angle d'attaque qui a été le mien ? Je vous ai décrit la stratégie opérationnelle, je vais vous dire quelques mots sur ma stratégie d'information et d'alerte. Je tenais à vous faire le panorama de ce qu'a été cet incendie, parce qu'il permet de comprendre les choix qui ont été faits. Parce qu'il était démesuré, parce que nous ignorions véritablement comment il allait tourner, nous avons fait le choix de mettre le paquet sur l'information directe de la population et de le faire par des voies de tweets, de conférences de presse, etc., à 4 heures 50, à 5 heures 15, à 6 heures 45, etc. Nous avons essayé de communiquer un maximum, pour expliquer ce qu'il se passait et pour indiquer les bons comportements à adopter.
Nous avons fait ce choix au détriment d'un usage très juridique du dispositif classique des sirènes. C'est un sujet qui a fait débat. Dans cette situation avec un incendie majeur, à mesure que le temps avançait, nous commencions à comprendre un petit peu la nature, les contours, nous savions – je ne l'ai pas dit, mais cela tombe sous le sens – par l'étude de dangers, par l'action de la DREAL, ce qui se faisait dans cette usine, et donc le type de produits qui brûlait. La question se posait de l'activation des sirènes : fallait-il à quatre ou à cinq heures du matin, activer les 31 sirènes du PPI de Rouen ou fallait-il prendre une autre position, sachant que le PPI est très souple ? Après discussion avec l'état-major, j'ai considéré que déclencher les sirènes était, à l'évidence, contre-productif. À ce moment-là, alors que la population était confinée ou quasi confinée, elle était en tout cas à l'abri, nous étions en pleine nuit, cette situation était la plus sécurisante qui soit, et j'aurais véritablement créé des effets inverses. Quand vous faites sonner une sirène, cela signifie qu'il faut rester à l'abri et écouter la radio. Cependant, dans la pratique, quand vous faites sonner une sirène, les gens sortent.
Il y avait ce premier risque, le risque d'avoir des mouvements de panique, d'avoir des voies routières occupées, avec des départs, au moment où les sapeurs-pompiers et des renforts arrivés sur le site, et enfin, le 15 et le 18 immédiatement « embolisés ».
J'ai donc fait un choix hybride, sans doute imparfait, qui m'a paru dans la circonstance – il faut toujours se mettre au moment où l'événement se produit – être le moins mauvais. Dès cinq ou six heures du matin, nous avons commencé à annoncer que des sirènes seraient actionnées, mais limitées aux deux sirènes à proximité du site et avant que les personnes prennent leur travail. Elles ont sonné à 7 heures 45, très exactement à 7 heures 51.
Pour l'analyser avec honnêteté, je pense que cette décision était une bonne décision ou la moins mauvaise décision, d'un point de vue « macro », c'est-à-dire aux environs. Je pense qu'elle ne l'était pas pour la commune de Petit-Quevilly, car Petit-Quevilly était en immédiate proximité. Elle voyait donc l'incendie depuis trois ou quatre heures du matin. Le fait d'entendre la sirène à 7 heures 45 pouvait donner un sentiment de décalage, d'incompréhension, quand bien même l'avais-je annoncé une à deux heures avant, en expliquant pourquoi nous procédions ainsi. Tout le monde n'écoute pas la radio à un moment M.
J'en arrive à une conclusion un peu abrupte, mais c'est l'intérêt des retours d'expérience et du travail d'analyse que nous avons d'ailleurs engagé au sein de l'État et que j'ai souhaité élargir à des maires. Je souhaite associer des maires à ce retour d'expérience, j'ai commencé à le faire. Nous ne pouvons plus gérer des crises du XXIe siècle avec un outil du XXe siècle !
Je ne vais pas vous tenir un discours « anti-sirènes », car les sirènes ont des vertus. Je rappelle simplement qu'elles sont issues de la défense passive des années 30, qu'elles ont certes été modernisées, mais que vous avez des sirènes pour les « Seveso seuil haut », vous avez des sirènes pour les sites nucléaires, vous avez des sirènes pour les ouvrages hydroélectriques qui ont une autre signification, vous avez la sirène des mairies du mercredi, les sirènes du plan d'opération interne (POI).
Ensuite, vous avez la conduite à tenir : quelle est la conduite à tenir ? Est-ce que nous pouvons dire que tous nos concitoyens, lorsqu'une sirène sonne, par exemple dans une circonstance telle que nous l'avons vécue, savent qu'elle est la conduite à tenir ? Évidemment que non.
Il y a eu des évolutions technologiques sur le sujet. D'abord, il y a eu dans le département, je pense à Port-Jérôme et à Gonfreville, de bonnes pratiques avec des systèmes d'alarme box. C'est un progrès, mais je pense que c'est quelque chose qui est encore insuffisant, qui n'est pas satisfaisant, parce que c'est un système qui fonctionne sur inscription ou sur un travail de connectivité de la collectivité qui recense. Il faut du volontariat de la personne.
Je crois qu'il faudra passer, c'est évidemment un choix stratégique assez fort, au système de Cell broadcast, qui est un système pratiqué dans certains pays. Sauf erreur de ma part, il y a une directive européenne qui doit nous inviter à cela d'ici 2022, et qui permet par le bornage des téléphones portables, d'envoyer d'office des messages à tous les téléphones qui dépendent d'une zone. En tant que préfet directeur des opérations de secours et dans une situation de crise, comme nous avons un tableau des sirènes que nous activons, j'essaie d'imaginer un tableau avec des pylônes que nous activerions, sur des périmètres qui seraient forcément plus larges que notre périmètre opérationnel, en étant certains que toutes les personnes seront touchées, avec un message adapté.
Aujourd'hui, tout le monde a un téléphone portable, même dans des milieux très modestes. Le téléphone portable est quand même aujourd'hui très répandu. Dans une société plus connectée, plus mobile, pensons aux visiteurs, aux étrangers, etc., plus individualiste aussi, ce système serait vraiment le moyen d'avoir une information, une alarme du citoyen parfaitement calibrée, en temps réel et sans effet frontière. Si je reprends l'exemple cité tout à l'heure, la difficulté avec la commune de Petit-Quevilly ne se serait pas produite.
Le deuxième sujet de communication est l'articulation avec les maires. Pour répondre avec franchise, eu égard de ma prise de fonction, je n'avais pas encore pris connaissance des conclusions de l'incident mercaptan de 2013.
Sur l'information des collectivités locales, le parti pris a été un peu le même. C'est pour cela que je tenais à vous raconter l'intensité de ce que nous avons vécu, ce feu monstrueux, et cette nécessité d'être entièrement mobilisés dessus. De la même manière que nous avons fait le choix de prévenir massivement la population par les médias, nous avons eu la même attitude vis-à-vis des communes, c'est-à-dire en prévenant tout de suite les services de permanence. Par exemple, entre 3 heures 30 et 4 heures, le panache n'était pas complètement orienté, nous avons pris contact avec des communes comme Rouen, Petit-Quevilly, Canteleu, Petit-Couronne, Grand-Couronne, Grand-Quevilly, etc., qui pour la plupart d'entre elles n'étaient plus concernées par le sujet.
Aux alentours de 6 heures, nous avons pris contact avec les communes de ce que j'appelle « la cuvette rouennaise », Rouen c'était déjà fait, à savoir Bois-Guillaume, Mont-Saint-Aignan, Bihorel. Très clairement, les vents s'orientaient ainsi. Ensuite, nous avons anticipé une évolution du panache au-delà de la cuvette, qui portait sur une douzaine de communes. Comme je n'ai pas utilisé de sirènes, je n'ai pas fait de Gestion de l'alerte locale automatisée (GALA) aux maires.
Dans les communes de ce périmètre opérationnel, puisque nous avions 12 communes, toutes les communes avaient été informées, mais par le canal de leur service.
Le travail a pu se faire. Dans la journée, nous avons continué d'avoir des contacts, et surtout nous étions mobilisés sur l'extinction du feu.
Par précaution, j'ai souhaité que l'on fasse une reconnaissance hélicoptère du panache. C'est de cette façon que nous avons délimité d'abord un panache à 4 kilomètres, puis un panache à 22 kilomètres, qui était bien identifié. Il est allé très loin, puisque nous avons retrouvé des traces, mais nous n'étions plus du tout dans un panache de même nature. Le panache opérationnel était effectivement sur ces douze communes. En cours de journée, quand il apparaissait que côté Rouen le feu diminué et que par ailleurs, le panache se diluait et s'étendait, il était nécessaire d'alerter toutes les autres communes.
À ce moment-là, nous avons utilisé l'outil GALA en envoyant un message aux maires. Cependant, comme nous n'avions pas, par définition, de délimitation du nuage, par précaution, nous n'avons pas voulu tracer un trait par rapport au débat éternel qu'un nuage ne connaît pas les frontières, et nous avons diffusé largement ce message. Il s'agissait d'un message de recommandation, qui est un peu différent de ce qui se passait dans les douze communes, mais qui invitait les maires à être attentifs aux personnes fragiles, c'est-à-dire aux personnes âgées, enfants, etc. Comme nous l'avons diffusé largement, il a été globalement compris à l'intérieur.
Cela étant, dans les communes en frontières de Rouen, nous avions des maires qui n'avaient pas été contactés depuis le matin, puisqu'ils n'étaient pas dans le périmètre des douze communes, qui pouvaient au loin voir le panache, mais qui n'étaient objectivement pas concernées par le problème et qui recevaient en début d'après-midi, un message d'attention.
Je pense qu'en interne nous aurons à réfléchir à une « protocolisation » de GALA, c'est-à-dire une instruction ministérielle ou un texte qui imagine peut-être qu'en début d'événement, nous avisions par message GALA tous les maires du département, quand bien même ils ne sont pas concernés, puis en cours d'événement de le doubler d'un autre message GALA.
Certaines préfectures utilisent GALA en vocal – c'est ce que nous faisons en Seine-Maritime, d'autres communes utilisent GALA par écrit en SMS. Un certain nombre de maires m'ont fait part de leur préférence pour l'écrit, en disant : « Si l'on reçoit un écrit, c'est pour nous plus commode ». Cela étant, quand nous faisons un message GALA oral, nous sommes beaucoup plus précis, longs et complets ; par écrit, c'est 160 caractères.
Enfin dernier point sur GALA, il ne faudrait pas non plus que cette « protocolisation » mette en difficulté les maires. Soit nous avons des informations générales à donner aux maires, et là, l'outil peut être intéressant ; soit il s'agit de demander aux maires de faire quelque chose, notamment en direction de la population, et là, nous tombons sur un autre sujet : quels sont les moyens réels, la capacité réelle des maires d'aviser leur population ? Quand vous avez un village de 200 habitants, vous prenez un haut-parleur et il n'y a pas de problèmes. Cela étant, dès que vous avez 5 000 ou 10 000 habitants, voire plus, comment aviser chaque pavillon de lotissement, chaque cage d'escalier, chaque palier, etc. ?
Je pense qu'il faut « protocoliser » le système GALA, c'est-à-dire dans son usage d'un certain nombre de règles, en réserver l'usage à l'information des maires ou à des conduites générales à tenir, mais si cela doit concerner toute la population, il faudrait aussi utiliser le canal Cell broadcast. Cela permettrait d'avoir trois gagnants : le préfet, le maire qui est sûr que sa population est prévenue et le citoyen qui a reçu l'information.
Il s'agit des deux enseignements que je tire de cette crise. Sur le plan opérationnel, je suis plutôt satisfait du bilan, mais très clairement, nous avons dans un cas, une modernisation d'outils à effectuer, un choix de matériel, nous sommes sur des sujets d'investissement ; et dans l'autre cas, nous sommes sur des éléments de doctrine, c'est-à-dire la fixation d'une doctrine pour traiter ce sujet.
Voilà pour cette présentation générale, je pense qu'elle était nécessaire. Elle répond, Monsieur le président, à votre question sur l'enchaînement des séquences et parfois les quiproquos vis-à-vis des maires, notamment des maires frontaliers. D'ailleurs, c'est pour cela que quand je parlais d'effet frontière, vous voyez bien qu'avec un autre outil, nous aurions réglé le sujet. D'autres communes en frontière ont réglé le sujet aussi.
Je dirais même que prévenus par Cell broadcast, nous sommes toujours frontaliers de quelqu'un. Cependant, l'usage de Cell broadcast porte justement sur des périmètres globaux, qui dépassent un périmètre opérationnel. De ce fait, soit nous sommes prévenus et cela signifie que nous sommes concernés ; soit nous ne sommes pas prévenus et cela signifie que nous ne sommes pas concernés.
Sur les instructions reçues du gouvernement, nous étions en liaison constante avec le Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC). Nous avons eu également une visite du ministre de l'Intérieur à 11 heures, accompagné du directeur général de la Sécurité civile, qui est venu sur site pour se rendre compte de la situation. Le maire de Rouen, la maire de Petit-Quevilly – après un petit loupé de notre part, malheureusement – étaient présents et ont pu avoir un temps d'échange. C'est plus en termes d'appui de la part du ministère qu'en termes d'instruction, que nous avons pu travailler, notamment par la mobilisation de moyens. Je rappelle que nous avons eu des moyens venant de six services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Nous avons le détail des SDIS que l'on pourra évidemment vous donner, si vous le souhaitez.
Le jour de l'incendie, j'ai suspendu l'activité de Lubrizol, comme l'activité de Normandie Logistique. Je l'ai fait par arrêté. Pour le moment, je ne suis pas dans la disposition d'esprit d'examiner un redémarrage. Pour le moment, Lubrizol, comme Normandie Logistique, doit nettoyer les pollutions, doit remettre en état son site, doit rendre compte d'un certain nombre d'infractions qui ont été constatées administrativement et pénalement. Je crois qu'il faut d'abord que Lubrizol traite cet aspect avant de reparler d'une possibilité de redémarrage, dont j'ai noté en écoutant le président-directeur général, qu'elle se ferait sur des conditions différentes. Ce ne serait pas la construction d'un stockage à l'identique, etc. Il m'est difficile d'aller au-delà sur ce point, car je n'ai pas de dossiers entre les mains et nous ne sommes clairement pas dans cette séquence.
Je suis plus gêné pour vous répondre sur le principe d'une autorité de sûreté des sites Seveso. Je pense que ce sujet relève du domaine politique ou de choix politiques.
Je vous ai parlé de la stratégie avec le colonel pour éviter l'effet domino d'une part, et d'autre part, m'indiquer très vite la conduite à tenir sur la population. Les choses ont été claires. Les sapeurs-pompiers effectuent toujours une série de mesures à destination de leurs personnels, ce que l'on appelle « Le module lutte contre les sinistres », en procédant à un certain nombre de mesures : taux d'oxygène, taux de monoxyde de carbone, etc. Puis dans la foulée, ils mettent en oeuvre un autre module de mesures relatives à la protection des populations, et qui couvre un éventail beaucoup plus important.
Un peu après quatre heures, j'ai pu disposer de ces éléments et c'est ce qui m'a permis de dire : « Je n'évacue pas Rouen, je ne confine pas Rouen. », c'est-à-dire rester chez soi en calfeutrant les issues, mais : « Je recommande d'éviter les déplacements inutiles pour limiter l'exposition à l'air ». Pour les personnes fragiles, nous avons pris un certain nombre de mesures plus fermes, qui n'étaient pas des recommandations, mais des fermetures. J'ai pu le faire là aussi, par l'éclairage qui m'a été donné par ces analyses et par le déploiement de 26 mesures effectuées par les sapeurs-pompiers jusque sur les contreforts de Bois-Guillaume, c'est-à-dire de la cuvette rouennaise, et tout cela dès la fin de la nuit.
Sur le PPRT, il a contribué à réduire les risques de manière importante, notamment sur du gaz et de l'acide chlorhydrique.
Le PPRT est issu de la loi de 2003. Ce dispositif légal vise, pour les sites Seveso seuil haut présents en 2003 – il y a des règles différentes pour les nouveaux sites Seveso – à réduire les risques à la source, notamment en matière d'urbanisme, pour éviter que les effets létaux d'un site Seveso seuil haut débordent du site. Il y a trois rubriques de risques :
– le risque létal lié à l'explosion ;
– le risque létal lié à l'incendie ;
– le risque létal lié à la diffusion de gaz toxiques.
Pour ce PPRT, comme pour les autres, ce sont ces trois risques qui ont été traités chez Lubrizol.
Le PPRT a été prescrit le 6 mai 2010 et approuvé le 31 mars 2014. Concrètement, il a permis d'éliminer sur le site deux cuves de gaz de pétrole liquéfié : une de 9 tonnes et une de 3,2 tonnes. La cuve de 9 tonnes était présente entre le hangar 4 et 5 et n'était plus là le 26 septembre. La cuve de 3,2 tonnes était présente près de la rue de Madagascar. Je rappelle que ces cuves constituent un danger important. C'est ce qui est arrivé à Feyzin, en 1966, où il y a eu 18 morts. Le feu se rapproche de la cuve, il affaiblit la résistance du métal, dedans le gaz liquéfié est en phase comprimée, la température augmente, la pression augmente, à un moment donné, la sphère s'ouvre en deux et vous avez une boule de feu qui est extrêmement létale. Dans le cadre du PPRT, il faut se féliciter que les prescriptions préfectorales, ainsi que les actions de l'exploitant surveillées par l'État ont abouti à la suppression de ces deux cuves.
Dans le cadre du PPRT, une autre action très importante a été prescrite. Sur le site, il y avait également une cuve de 20 mètres cubes d'acide chlorhydrique. Elle n'était pas à l'endroit de l'incendie, elle était un peu plus loin. Cela étant, si elle était restée, elle aurait obligé des pompiers à la protéger, à l'avoir dans le dos, si je puis dire, à travailler sur deux fronts. Il faut savoir que l'acide chlorhydrique est extrêmement dangereux, à la fois par inhalation et aussi par brûlure de la peau. Cette cuve a été supprimée. L'endroit où elle a été replacée est différent de l'endroit initial. Ce sont deux armoires : une de quatre bonbonnes d'un mètre cube, et une de deux bonbonnes d'un mètre cube, six mètres cubes en tout. Il faut se féliciter de ces deux actions qui ont permis très concrètement de contribuer au bilan sans morts et sans blessés de cet incendie.
Lorsque l'on présente en comité départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) le PPRT, les différentes actions qui le concrétisent et qui sont réglementées par arrêté préfectoral, l'exploitant présente des statistiques, des probabilités des différents risques que l'on est en train de réduire : sur tel produit, telle quantité, il y a un facteur, etc. Cela étant, ce n'est pas du tout sur ces probabilités que nous appuyons les actions de réduction des risques à la source. Simplement, dans la présentation du risque dont il s'agit, il y a des facteurs de probabilité, mais en l'occurrence un PPRT est très pragmatique. Nous allons voir l'exploitant, nous regardons avec lui sa carte, ses zones d'effets qui sont modélisées au début du PPRT et nous lui disons : « Cela ne va pas, il faut réduire, supprimer, baisser vos quantités stockées ». Il n'y a pas de liens, il me paraît très important de le rappeler.
Le PPRT est sur une approche probabiliste. Il vise à réduire les risques au maximum, mais il s'appuie sur des mesures de réduction du risque à la source et établi sur la base d'une approche probabiliste, alors que le PPI est sur une approche dite « déterministe », l'idée est de prendre d'office les scénarios les plus « majorants ».
Le PPI est vraiment un plan d'action opérationnel : nous avons l'événement, que faisons-nous ? Comment le gérons-nous ? Comment le réduisons-nous ?
Sur le volet technique, à ce stade, les causes de l'accident ne sont pas élucidées. L'enquête judiciaire est en cours. Elle porte notamment sur ce sujet. M. le préfet m'a demandé que l'enquête administrative comporte quatre blocs :
– les rapports d'inspection que nous devons faire sur ce qui s'est passé, notamment la conformité des exploitants par rapport aux règles qui leur sont applicables le 26 septembre ;
– l'avis de l'inspection des installations classées sur les causes de l'accident, notamment sur les rapports accidents que les deux exploitants nous devaient et qu'ils nous ont communiqués ;
– une rubrique sur l'impact de l'accident sur l'eau et la nature ;
– la synthèse des prélèvements opérés à ce jour et ce que l'on peut en dire.
Le 22 octobre, l'inspection des installations classées a finalisé le rapport d'inspection sur Normandie Logistique. Il a notamment donné lieu à une mise en demeure de l'exploitant de se conformer à un certain nombre de dispositions, et le même jour, à une transmission d'un certain nombre de constats d'infractions au parquet. Il y a notamment le fait qu'en 2010, l'exploitant Normandie Logistique aurait dû se manifester pour nous dire : « Je suis dorénavant installation classée enregistrement », mais il ne l'a pas fait. Il s'agit d'une défaillance dans ses obligations par rapport à l'administration. Ce point est important, puisqu'il était toujours connu chez nous comme installation classée et soumise à simple déclaration. Dans les bonnes pratiques, ce type d'installation est visité – en visite d'inspection et non de travail – lorsqu'il y a un signalement d'un maire ou d'un riverain, parce qu'il y a du bruit, des odeurs, des activités suspectes. En l'occurrence, cela n'a jamais été le cas chez cet exploitant. Cette défaillance de l'exploitant dans ses obligations administratives est évidemment très importante.
Le 28 octobre, nous avons finalisé le rapport d'inspection sur Lubrizol. Le même jour, ce rapport d'inspection a été notifié à l'exploitant Lubrizol et a donné lieu à un projet de mise en demeure de mise en conformité. Dans ce cadre, je suis sous l'autorité, non pas du préfet, mais du parquet. J'ai également transmis au parquet, au procureur, un procès-verbal d'infraction relatif à l'exploitant Lubrizol. Cela me paraît également important de le signaler.
Sur les causes de l'incendie, à ce stade, les deux rapports accidents, que les deux exploitants ont remis au préfet et à l'inspection, sont des chronologies de départ d'alarme, ce qui n'est pas satisfaisant. Nous avons demandé au parquet, qui en dispose, la possibilité d'avoir une copie ou de visionner les vidéos de surveillance que Lubrizol nous indiquait avoir remises au parquet. Récemment, le parquet nous a indiqué qu'il ne souhaitait pas nous les communiquer, parce qu'il les réservait à l'enquête judiciaire. Pour autant, nous allons quand même émettre un avis de l'inspection sur les rapports accidents que nous avons reçus. Cela est en cours et sera fait certainement cette semaine.
Pour ce qui est des actions de dépollution, elles sont engagées. Normandie Logistique, mise en demeure le 18 octobre et le 22 octobre d'être beaucoup plus proactive sur le sujet, nous a écrit ce matin pour nous donner une visibilité d'action extrêmement énergique de dépollution et de mise en conformité. Cela me paraît important de le rappeler. Nous sommes en train de regarder sa réponse à la mise en demeure qu'elle a reçue au début de la semaine dernière. Les actions de dépollution sont également lancées chez Lubrizol, sachant qu'en la matière, notre priorité est la prévention du risque de suraccident. Je rappelle que le premier item de la prévention du risque de suraccident était l'enlèvement des 63 fûts de penta sulfure de phosphore du site, qui est un produit extrêmement dangereux. Ces fûts sont partis. Les fournisseurs de Lubrizol les ayant repris, c'est une affaire qui est réglée.
Actuellement, nous sommes sur le traitement des 1 389 fûts comportant 160 fûts, qui contenaient avant l'incendie, le produit qui lorsqu'il est chauffé émet éventuellement du mercaptan et du sulfure d'hydrogène (H2S). C'est sur ce point que nous sommes prioritairement en surveillance auprès de Lubrizol. Le travail d'élimination de ces fûts a démarré concrètement lundi dernier. Après de nombreux jours d'essais, neuf fûts ont été éliminés en deux heures. Le robot est en panne et va être réparé. Nous attendons de la part de Lubrizol les indications les plus précises sur le moment où cela va redémarrer.
Je voudrais insister sur le comportement des salariés de Lubrizol. Il y a eu vraiment de leur part un comportement héroïque, cette nuit-là. En effet, ils ont déplacé tous ces containers de penta sulfure de phosphore, produit extrêmement inflammable et dangereux. Ils l'ont fait pendant l'incendie. Il s'agit d'un comportement vraiment exceptionnel. Nous avons eu l'occasion de le saluer, mais je me permets de le refaire devant la représentation nationale.
Aujourd'hui, considérez-vous qu'une évaluation environnementale, en rapport avec les augmentations de stockage Lubrizol, aurait été opportune et de nature à prévenir l'accident ou à améliorer la gestion de crise et de post-crise telle que nous la vivons aujourd'hui ?
Vous avez évoqué la situation de « mini marée noire » pendant l'événement et qui risquait d'être inévitable. Avant la catastrophe, nous étions en cours d'établissement du projet local d'urbanisme intercommunal et donc des mutations à venir de l'aménagement du territoire de l'agglomération rouennaise.
Deuxième question, je n'ai toujours pas compris sur quelles bases juridiques et techniques s'était opéré le stockage Lubrizol chez Normandie Logistique et si, à l'occasion des deux visites qui avaient été faites, vous aviez eu connaissance de ce stockage d'un propriétaire, Lubrizol, chez une autre entreprise voisine, Normandie Logistique.
Sur la zone de confinement de 500 mètres à la ronde décrétée pendant l'incendie, il y a visiblement beaucoup d'habitants qui ne parvenaient pas à savoir s'ils faisaient partie ou non de cette zone. Certains se sont aussi demandé pourquoi leur quartier, leur rue, ne faisait pas partie de la zone. Je voudrais avoir des précisions sur la façon dont les riverains ont été alertés. Quel a été le processus de décision pour établir ce périmètre de confinement ?
L'entreprise Paprec de Petit-Quevilly a des questions, notamment liées à l'accès au site de l'entreprise le matin suivant la nuit de l'incendie. Il leur a été refusé l'accès par véhicule, mais ils disposaient d'une autorisation de se rendre à pied sur leur lieu de travail. Les raisons sont assez floues. Pourquoi cela était-il interdit en véhicule et autorisé à pied ?
Monsieur le préfet, vous siégez au conseil national de l'air, que j'ai l'honneur de présider, vous imaginez que je vais obligatoirement vous demander quelles ont été les relations avec Atmo Normandie sur cette période. Au-delà de la surveillance réglementaire, quels processus d'échanges ont été décidés entre vous et cet organisme, par rapport aux enquêtes de mesures de pollution qui ont suivi l'accident ? Je voudrais en savoir plus sur qui a pris l'initiative de quoi.
Par rapport à l'assureur de l'industriel Lubrizol, je voudrais savoir si vous avez connaissance du rapport de cet assureur à la suite de l'incendie. Ma question est peut-être posée trop tôt ? Vous n'avez peut-être pas accès à cette information ? Je suis néanmoins curieux de savoir ce que dit l'assureur de l'industriel.
Je voudrais rebondir sur les propos qui ont été tenus par le DREAL la semaine dernière, et notamment les 38 contrôles sur le site en sept ans, alors que la loi ou les textes réglementaires imposent au moins une visite par an. Je voulais savoir si vous étiez informé de la périodicité de tous ces nombreux contrôles. Est-ce que vous les avez, vous ou vos prédécesseurs, encouragés ? Avez-vous eu des comptes rendus réguliers ? Par rapport à ce nombre de contrôles supérieurs à ce que les textes imposent, avez-vous suspecté des difficultés particulières, des problèmes de stockage ou en tout cas des choses qui ne seraient pas respectées du point de vue réglementaire ?
Aujourd'hui, est-ce que les entreprises qui jouxtent Lubrizol, au-delà de l'incendie lui-même, sont encore concernées ? Par exemple, est-ce qu'il y a des mesures de chômage technique ou partiel, ou des questions d'accès qui ne peuvent pas se faire pour des entreprises voisines ? Comment gérez-vous cela avec les chefs d'entreprise, mais également avec les employés qui pourraient être concernés ?
La semaine dernière, en tant que président d'une commission locale d'information (CLI) de centrale nucléaire, je faisais le lien sur la manière dont les choses se passent au niveau des CLI. J'imagine qu'il s'agit d'un sujet que vous connaissez fort bien de par vos responsabilités. Actuellement, dans le cadre de l'extension des PPI de 10 à 20 kilomètres, les services de l'État ont une responsabilité particulière, d'une part en direction des maires concernant les plans de sauvegarde, puisque les nouvelles communes concernées par l'extension du PPI doivent prendre des mesures dans ce domaine ; et d'autre part concernant les centrales nucléaires et la distribution des pastilles d'iode en cas d'incident. Le parallèle peut être fait ici.
Tout à l'heure, le président de la commission évoquait les progrès qui peuvent être faits en la matière, en termes de communication notamment. Monsieur le préfet, par rapport aux mesures que vous avez prises en pleine nuit de ne pas activer ces sirènes, cette mesure n'est sans doute pas parfaite, mais elle me paraît pertinente en pleine nuit pour ne pas alerter et faire en sorte que les gens sortent inutilement devant chez eux. Comment pouvons-nous alors améliorer la chaîne de communication ?
Cela se fait avec les maires dans le cadre des plans de sauvegarde, cela se fait dans le cadre d'une chaîne très particulière concernant les centrales nucléaires, je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait pas se faire ici. Certes, il faudrait une organisation nouvelle, des moyens budgétaires à mettre sur la table, mais je pense qu'il faudra faire sortir de cette mission, dans plusieurs semaines ou plusieurs mois, des propositions très concrètes. Ce n'est pas la peine de réinventer l'eau chaude ! Il suffit notamment de regarder ce qui se fait par rapport aux centrales nucléaires existantes et en prendre un certain nombre de références.
Tout d'abord, je voudrais saluer l'ensemble de votre travail, l'ensemble du travail des services de l'État à la gestion de cet incident. Je voudrais vous réaffirmer mon soutien et vous dire que dans ces missions parlementaires ou ces commissions d'enquête, nous devons travailler avec l'ensemble des services de l'État pour trouver ensemble les meilleures pistes d'amélioration pour le bien-être de tous.
Je vais revenir sur un sujet qui me tient à coeur, il s'agit des moyens pour le Plan pollution maritime (POLMAR). Je pense qu'aujourd'hui, tous ensemble, nous devons faire en sorte de maintenir ces moyens POLMAR en proximité, cela veut dire au Havre. Vous n'êtes pas sans savoir que ces moyens devaient être concentrés à Brest pour des raisons qui tiendraient à maintenance. En ce sens, je vous ai écrit ainsi qu'au ministre de l'Intérieur, il y a quelques jours. Il s'agit d'un courrier qui était déjà prévu depuis un certain temps. Cela montre que les moyens à proximité ont permis d'éviter une pollution majeure de la Seine.
Le deuxième sujet sur lequel je voulais rebondir est le sujet du bornage et de l'alerte des citoyens via la téléphonie mobile. Nous savons très bien qu'en ce qui concerne la téléphonie mobile sur les territoires ruraux, en particulier dans le Pays de Bray, tous les citoyens n'ont pas accès à une couverture de téléphonie mobile, même si les choses s'améliorent vite grâce au New Deal et grâce à l'implication d'acteurs de l'administration ou des opérateurs.
Il y a un deuxième sujet – nous l'avons vu lors de l'audition d'Yvon Robert, le maire de Rouen – la nuit, nous ne dormons pas tous avec notre téléphone au bord du lit et nous n'avons pas tous notre téléphone allumé. Je pense que la téléphonie mobile doit être couplée avec autre chose. En cas d'accident sur des sites nucléaires, comme on peut en avoir en Seine-Maritime, qu'en est-il de l'alimentation des antennes qui ne seront pas stratégiques en électricité ? La téléphonie mobile oui, mais je pense qu'il faut derrière la coupler avec une autre solution.
J'ai une question pour le colonel des pompiers. Vous avez manqué d'eau. Il y en a toujours eu, mais sans doute pas suffisamment. J'ai une interrogation sur un endroit « Seveso » assez large, qui est le territoire de Gonfreville-l'Orcher, du Havre et Notre-Dame-de-Gravenchon. Les entreprises ont en interne des services de pompier, sont-ils suffisants eu égard à ce qui vient de se passer, ou faut-il réfléchir éventuellement à un dispositif mutualisé de proximité, en complément des services propres de chacune de ces entreprises ?
Je tiens à saluer aussi les remorqueurs du Havre qui ont remonté la Seine pour vous accompagner dans cette lourde tâche. À quel moment les avez-vous appelés ? Techniquement, comment pouvons-nous essayer d'anticiper, pour essayer de diminuer le temps de trajet qui malgré tout, même s'il est rapide, lorsque nous avons besoin d'eau n'est jamais assez rapide ?
Monsieur le préfet, le 2 octobre, vous avez pris un arrêté relatif aux restrictions sanitaires de mise sur le marché de production alimentaire, cela étant bien évidemment nécessaire au regard de la sécurité des populations, le temps que les analyses puissent être faites. Cependant, nous étions en pleine période de chasse. J'ai été largement sollicitée sur cette question, puisque les communes couvertes par le panache sont des communes de chasseurs. Ils se sont interrogés sur la possibilité ou pas de consommer les animaux abattus. Aujourd'hui, nous sommes rassurés sur les analyses qui ont été faites, mais j'aimerais avoir votre avis sur ce sujet, plus en termes de retour d'expérience qu'autre chose, puisque désormais les grosses interrogations sanitaires sont levées.
Ma seconde question concerne l'aire des gens du voyage qui est située à 500 mètres du site de l'usine Lubrizol. En décembre 2013, suite à l'enquête publique sur le PPRT Lubrizol, cette aire a été déclarée comme non utilisable, avec un certain caractère d'urgence. Or à ce jour, la situation de cette aire reste inchangée. Pouvez-vous m'en dire plus sur le devenir de cette aire ?
Ma première question concerne les forces de l'ordre. Nous avons beaucoup parlé des pompiers et d'ailleurs, nous avons rencontré le colonel la semaine dernière. Il nous a expliqué tout le suivi médical qui était mis en place pour les sapeurs-pompiers. Je me pose la question vis-à-vis des forces de police, puisque nous savons qu'il y a eu du barriérage dans cette fameuse zone de 500 mètres. Il y a également des articles qui sont parus indiquant le sentiment d'abandon de ces forces de l'ordre, pendant toute la durée de l'incendie. J'aimerais savoir ce qui a été mis en place pour ces forces de l'ordre, notamment pour la police. J'aimerais savoir si nous avons le même suivi médical pour les forces de police.
L'extension du colisage sur le site, a-t-elle eu un impact sur l'ampleur de l'incendie, qui avait été autorisée il y a peu ou qui était en cours de réalisation ?
Concernant le PPI de Lubrizol, avec le recul, était-il adapté ? Va-t-il faire l'objet d'une remise à niveau ? Allons-nous nous réinterroger sur l'ensemble du site, sur les PPI, pour prendre en compte la partie où cela part d'un site et va sur un autre, comme cela s'est passé sur Lubrizol ? Dans ces PPI, allons-nous prendre en compte cette mitoyenneté entre entreprises dans le secteur ?
Vous avez indiqué, Monsieur le préfet, que vous étiez assez satisfait de la direction opérationnelle. À vous écouter et au constat que nous pouvons faire, nous pouvons être satisfaits du drame que nous avons sans doute évité. Vous soulignez une question qui me semble extrêmement importante, qui est la question de l'information de la population. Nous avons parlé des sirènes, nous avons parlé de l'information de la population pendant la crise, mais j'ai une question sur la culture du risque. Est-ce que vous pensez que la culture du risque est suffisamment développée sur le territoire de Rouen et d'ailleurs, sur d'autres territoires considérés « à risques » ? Comment pourrait-on l'améliorer ? Est-ce que vous pensez que les outils existants, comme le document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM), sont aujourd'hui suffisants ? D'ailleurs, ont-ils été suffisamment transmis à la population ? Quel dispositif peut-on imaginer pour que cette culture du risque soit extrêmement connue et appréhendée par les citoyens qui vivent à proximité de territoires comme celui-ci, qui peuvent être des risques industriels, des risques nucléaires, mais aussi des risques parfois naturels ? Dans la gestion de cette crise, la difficulté arrivée après le moment aigu de votre gestion opérationnelle est sans doute due à ce manque de culture du risque.
Ma question peut former une sorte de redite, mais je pense que compte tenu de la polémique qui court sur les ondes médiatiques, il est toujours bon d'entériner les choses. Elle concerne les produits stockés à Normandie Logistique. Le directeur de Lubrizol nous a assuré que les produits que Lubrizol avait envoyés sur le site de Normandie logistique n'étaient pas classés Seveso. Pouvez-vous le réaffirmer publiquement ?
D'autre part, si d'autres sociétés que Lubrizol avaient stocké leurs produits sur le site de Normandie Logistique, avez-vous l'assurance que ces produits étaient sans dangerosité particulière ?
Sur l'ouverture d'une information judiciaire contre X, je n'ai pas d'élément particulier, puisque nous sommes dans le champ judiciaire.
Sur les différents incidents qu'il y a eu, le cas de Borealis est intéressant, parce que c'est un établissement extrêmement sensible, qui a eu un incident électrique de mémoire, et qui déclenche son POI. Cela montre que nous avons un bon fonctionnement de nos procédures. Les pompiers interviennent, ils font sonner leurs sirènes internes, etc. Je me suis posé la question : doit-on communiquer ou pas ? La logique aurait voulu que je ne communique pas un POI, car cela est interne à l'entreprise. Compte tenu du contexte très particulier, j'ai fait le choix de le communiquer. Beaucoup de maires de la zone m'ont dit que j'avais bien fait, tout en convenant que cela était lié au contexte. En sens inverse – pour vous faire sourire, même si le sujet est un peu austère – le mercredi suivant, on m'a demandé : « Ne faudrait-il pas demander à la mairie de Rouen et aux mairies de ne pas faire sonner la sirène du mercredi ? ». J'ai dit : « Non, au contraire, retour à la vie normale, nous faisons sonner la sirène ».
En revanche, sur les différents incidents que vous citez, ils sont très identifiés et très suivis par l'inspection des installations classées. Nous avons eu aussi un cas qui semble être d'origine criminelle. Je crois qu'il y a eu un cas de tentative d'intrusion répétée. Nous avons des contacts très étroits avec l'exploitant.
Sur les indemnisations, les deux fonds d'indemnisation ont été mis en place par Lubrizol. Ils sont opérationnels, nous pouvons y déposer des dossiers à partir du 4 novembre. Il s'agit d'un fonds agricole et d'un fonds généraliste. Les premiers paiements interviendront à partir du 18 novembre. Il était très important d'agir rapidement.
Sur les actions de dépollution, les choses sont en train de se mettre en place.
Sur les 39 visites, j'en ai été informé à l'occasion de cet événement. Encore une fois, ma prise de fonctions n'est pas si récente que cela, mais n'est pas non plus très ancienne. À ce stade, je n'ai pas suspecté de manquements, mais au contraire quelque chose qui correspond plutôt à ce que je souhaite en termes de doctrine, à savoir que nous ayons une inspection des installations classées très présente, qui ne soit pas sur des contrôles trop administratifs. Très honnêtement, je n'avais pas suspecté de manquements.
Sur les entreprises voisines, oui, il y a des mesures d'activité partielle. Je n'en ai pas les détails, mais je suis prêt à vous les donner. Nous avons évidemment tout cela.
Sur les sujets d'accès aux entreprises, les choses sont rétablies partout. Nous avons encore un petit sujet rue Bourbaki, mais autrement tout est rétabli.
Nous avons évidemment une commission de suivi de site avec les riverains. Compte tenu de l'émoi suscité par cet événement, le gouvernement a souhaité mettre en place un comité pour la transparence, qui est finalement une assez bonne formule, où tous les 15 jours pour le moment, puis sur un rythme plus espacé, nous réunissons une centaine de personnes : les parlementaires, les maires en immédiate proximité, les consulaires, les associations de l'environnement, les membres de cette commission. Il y a un échange qui est assez fort. La chaîne de relation avec les maires renvoie à une question sur la culture du risque. Le cas est intéressant, car dans le département, nous avons des cultures différentes en matière de culture du risque.
Sur la question des moyens posée par M. Batut, je ferai remonter la demande que vous avez formulée, mais je n'ai pas compétence pour me prononcer dessus.
Sur la téléphonie mobile en milieu rural, vous avez raison. Je ne voudrais pas que mon discours soit un discours forcené anti-sirène. Je dis simplement que nous ne pouvons plus gérer les crises du XXIe siècle avec des sirènes. Il faut autre chose. Que nous ayons des sirènes en redondance que nous utilisons à certains moments ou dans certains événements peut se concevoir, mais cela ne doit pas être le système de droit commun.
En revanche, je n'adhère pas à la question de l'alimentation des antennes, parce que l'argument est parfaitement réversible pour l'alimentation des sirènes. Nous en avions discuté avec un collègue en disant : « Par exemple, s'il y a une grosse inondation, les pylônes peuvent être arrachés et la sirène peut être aussi en difficulté », d'où la nécessité d'avoir des systèmes redondants. Il faut que nous ayons quand même une colonne vertébrale. Je pense que la colonne vertébrale doit être le Cell broadcast, parce que cela correspond à l'état de la société. Aujourd'hui, le citoyen veut être informé directement, personnellement, il a une vie très mobile, très autonome. Dès lors que l'outil existe, il faut aller vers cette voie.
Sur le sujet de la chasse, très honnêtement, je n'ai plus la réponse. J'ai un blanc, j'en suis confus, d'autant que nous avons traité le sujet. Je vous propose de faire le point en rentrant et je vous promets une réponse.
Sur l'aire des gens du voyage à proximité, je dois rappeler deux choses. D'une part, il s'agit d'une responsabilité de la ville ou de la métropole, c'est une responsabilité locale. Je dois insister sur le fait que la métropole a eu des contacts avec ces familles à plusieurs reprises. Il y a eu des refus de ces familles de bouger, avec des exigences ou des refus d'aller sur d'autres aires qui leur ont été proposées. Il n'y a pas eu d'inaction. Il y a eu plutôt des refus.
Sur les policiers, les choses sont très claires. Nous avons trois zones. Il y avait la question du foyer sur lequel les sapeurs-pompiers intervenaient au milieu du feu, au milieu des hydrocarbures, avec des hydrocarbures jusqu'au genou, etc. Là, il y a un protocole médical dédié. Il y a une deuxième zone à l'opposé, qui est à la limite des 500 mètres, c'est-à-dire les points de contrôle où se situaient les policiers. Là, il n'y a pas de contrôle particulier hormis bien sûr, le suivi traditionnel du médecin de prévention et la présentation des choses en CHSCT. Il y a un troisième cas de figure, celui des fonctionnaires de police ou d'autres fonctionnaires – je pense aux inspecteurs du travail et aux inspecteurs de la DREAL – qui sont entrés dans le périmètre des 500 mètres. Là, même si la chose peut se discuter, il a été décidé de leur appliquer le même régime que les sapeurs-pompiers au coeur du foyer. Il y a eu des inquiétudes, mais nous avons fait en sorte d'afficher une doctrine claire, qui soit la plus avantageuse pour les agents, et surtout très clairement expliquée pour qu'il n'y ait pas ces inquiétudes.
Sur « le PPI était-il adapté ? », j'ai tendance à dire oui, parce qu'il est assez souple. Il nous a donné des hypothèses de travail, des outils que nous avons mobilisés. Le PPI est une boîte à outils. Si je prends l'exemple des fumées, nous avons cette distance de 1 340 mètres dans le sens du vent à 100 mètres de hauteur, à partir de laquelle les effets létaux, irréversibles, etc., ne sont plus en vigueur. Nous avions un foyer qui était très particulier. Nous avons eu l'enchaînement que je vous ai décrit, parce que nous avions fait cette reconnaissance du moment le plus fort et le plus dense. Nous avons mis 22 kilomètres. Nous avons pris une distance qui était hors de toute norme. Je n'ai pas ressenti de gêne là-dessus, si ce n'est la vigilance à avoir sur tout ce qui est mitoyen. Il faut savoir que dans cette zone de Rouen, c'est tout un chapelet d'industrie, c'est à la fois l'histoire, la configuration et puis la zone industrielle, qui a conduit à cette solution.
Il a été indiqué à plusieurs reprises qu'il y avait eu une autorisation d'extension du colisage sur l'entreprise dans les mois précédents. Est-ce que cette extension a eu un effet négatif ou amplificateur sur l'incendie ?
Sur la question de l'arrêté, je rappelle qu'il s'agit d'un arrêté qui a été pris l'été dernier, qui portait sur une extension des capacités de stockage dans une mesure très limitée à la fois sur les produits, dans la nature des produits et dans le volume qui représentait près de 3 % du stockage général. J'applique la loi et la réglementation telle qu'elle est, et nous étions complètement dans ce cadre-là. De par la procédure, il n'y avait pas lieu à avis de l'autorité environnementale. En tout état de cause, nous étions bien sur un dispositif qui n'était pas substantiel, sinon la règle n'aurait pas été respectée. Cet arrêté a été pris.
Il n'a pas été activé, c'est-à-dire que le bâtiment, plus exactement l'aire qui devait être bétonnée pour accueillir ces containers, a fait l'objet d'un permis de construire qui vient d'être refusé par la mairie de Rouen, pour d'autres raisons qui étaient l'arrêté de suspension d'activité que j'avais pris. Cet entreposage était situé à l'opposé du lieu de l'incendie. Il n'a pas été activé et rien n'a été construit. Je vous remercie vraiment pour cette question, car la rumeur selon laquelle cet arrêté aurait aggravé ou même était à l'origine de l'incendie est clairement un tuyau crevé. Là-dessus, il n'y a pas de sujet particulier.
En l'état, le projet d'urbanisme n'est pas remis en cause. C'est un sujet qui relève de la collectivité. Évidemment, Lubrizol doit d'abord se remettre complètement à niveau, assurer sa dépollution, se mettre en sécurité, etc. Par rapport au PPRT, nous imaginons bien qu'il devra se reconfigurer différemment, cela est évident.
Sur le stockage chez Normandie Logistique, Normandie Logistique était initialement des magasins généraux, enregistrés à ce titre en 1953. Ils sont rentrés dans les textes des installations classées un peu après la loi de 1976. Il s'agit de la loi fondatrice sur les installations classées. Ils sont rentrés en 1986, lorsqu'il y a eu un changement de rubrique. Ils se sont manifestés à cette occasion. Là-dessus, les choses sont claires. Il y a eu un nouveau changement de rubrique en 1992. La direction régionale de l'industrie, de la recherche et l'environnement (DRIRE) de l'époque les a interrogés pour savoir ce qu'il en était. Nous n'avons pas retrouvé leur réponse, mais c'était il y a 27 ans.
Il y a eu un nouveau changement de rubrique en 2010. Là, ils ne se sont pas manifestés. Nous avons des archives complètement à jour. C'est une défaillance dans leurs obligations vis-à-vis de l'administration. Aujourd'hui, ils sont connus chez nous comme installation classée soumise à simple déclaration, qui est le régime le plus simple, tandis qu'ils sont en réalité, une installation classée soumise à enregistrement, qui est le niveau intermédiaire entre déclaration et autorisation. L'effet de cette situation est qu'il y a des recommandations de visites d'une fois par an pour les établissements « Seveso seuil haut », d'une fois tous les trois ans pour les « Seveso seuil bas », puis cela descend jusqu'à une fois tous les sept ans. Pour une ICPE soumise à une simple déclaration, nous y allons lorsqu'il y a un signalement de la part d'un riverain, du maire qui, par exemple, dit : « Il y a du bruit, des odeurs, il y a des choses qui clochent, il faut aller voir… ». Nous y allons bien volontiers et nous faisons quelquefois des procès-verbaux. Là, nous n'y sommes pas allés en visite d'inspection.
En revanche, nous y sommes allés en réunion de travail en 2011, dans le cadre de l'élaboration du PPRT, mais pour regarder avec Lubrizol et Normandie Logistique, les effets initiaux du PPRT chez son voisin. Nous y sommes allés également en 2017, parce que Lubrizol nous avait indiqué qu'ils avaient, c'était à l'automne 2017, un projet d'acquisition de l'emprise. Nous y sommes allés pour leur dire : « Si vous nous saisissez un jour du dossier administratif, voilà tout ce qu'il faudra qu'il y ait dedans, parce que ce n'est pas du tout aux normes Seveso ».
La question « Est-ce que les produits Lubrizol, mais aussi d'autres, Total, etc. stockés chez Normandie Logistique étaient conformes ou pas ? » est importante. Ils ont eu du mal à nous donner leurs produits stockés et les produits stockés brûlés. Nous les avons eus en deux fois : d'abord tous les produits stockés, puis les produits stockés ayant brûlé. Avec les éléments que nous avons en main, les visites d'inspection consécutives à l'incendie, nous ne décelons pas d'irrégularité dans la nature des produits stockés chez Normandie Logistique, ni en quantité de produits ni en nature de produits, mis à part le point qui fait l'objet de la mise en demeure qui leur a été adressée le 22 octobre. Dans nos récentes visites d'inspection, lorsque nous avons essayé de recoller leurs déclarations sur ce qui avait brûlé, ce qui était stocké, avec ce que nous voyons, il y avait encore quelques petits ajustements à faire car la situation ne paraît pas complètement impeccable.
Dans la mise en demeure qu'ils ont reçue le 22 octobre, il y a d'une part l'évacuation de tous les produits, cela fait quand même un mois que cet entrepôt est suspendu, il y a encore plusieurs produits dedans et il faut que cela parte ; et d'autre part, il y a le fait que lorsqu'ils vont faire partir dans le mois qui vient, les palettes et les fûts qui restent stockés dans les morceaux de bâtiments restant, pour le morceau de hangar 1 et le morceau du hangar 2, il est prévu un huissier diligenté par l'entreprise pour constater palette par palette, fût par fût, ce qui part pour que nous puissions avoir un récolement complet. Cela étant, à ce stade, dans nos constatations sur site, nous confirmons qu'il n'y a pas d'irrégularité dans la nature des produits et les quantités de produits que Normandie Logistique stockait, ceci demeure sous l'appréciation du juge, bien évidemment.
Pour continuer, il y a bien un PPI de zone.
Sur les relations avec Atmo Normandie, elles sont de bonne qualité. Nous avons un travail assez régulier. Atmo Normandie a eu des moyens supplémentaires en tirant justement les enseignements de 2013. Le 26, ils ont fait le choix d'interrompre leurs analyses, leurs prélèvements. Cela a fait un peu débat, mais je peux témoigner qu'il n'y avait aucune mauvaise intention. Nous avons des échanges avec eux.
Je n'ai pas d'éléments sur les rapports avec l'assureur.
Sur l'accès au site de l'entreprise Paprec à pied ou en véhicule, il y a un sujet de stabilité du bâtiment attenant, celui de passages de camions, ce qui explique ce sujet particulier.
Sur la question du périmètre, lorsque le premier commandant des opérations de secours est intervenu, il y avait initialement un périmètre de 300 mètres. Par rapport aux flux thermiques et à la suite des différentes explosions, il a été décidé, conformément à nos procédures, de porter ce périmètre à 500 mètres. Dans ces cas-là, nous nous mettons en relation avec les services de police, en relation avec la commune également, pour fixer l'objectif à tenir. Bien évidemment, vous imaginez que pour un périmètre circulaire, sur une carte tout va bien, mais lorsqu'il faut le réaliser sur le terrain, pratiquement, cela est plus compliqué. Cette tâche difficile incombe à nos collègues de la police. Je laisserai peut-être Philippe en reparler, notamment sur la question des véhicules qui étaient bloqués, alors que des piétons pouvaient rentrer.
Sur les remorqueurs, nous avons eu la chance de pouvoir bénéficier de trois remorqueurs : deux du Havre et un de Rouen. Je n'ai pas les heures de demandes, mais j'ai les heures d'arrivée sur site. Le premier remorqueur de Rouen est arrivé à 5 heures 48, le second est arrivé à 12 heures 30 et le troisième à 15 heures. J'en profite pour souligner l'extrême compétence de ces équipages. Nous avons aujourd'hui une convention qui nous lie au port du Havre et qui facilite les choses. En début d'année, nous allons signer avec le port de Rouen, ce qui facilitera les formations.
Pourquoi des remorqueurs ? Ce sont des navires de mer qui viennent avec des puissances de pompage importantes. Avant leur arrivée, nous n'avions plus que 360 mètres cubes par heure disponibles – puisque le réseau à l'intérieur de l'entreprise était tombé – c'est-à-dire 6 000 par minute que nous prenions sur le réseau ville. À ce moment-là, il n'était pas question de pomper sur le réseau ville plus que ce qu'il pouvait donner, pour ne pas prendre le risque de dégrader le réseau, avec des incidences fortes sur l'eau potable pour les riverains. Tactiquement, dans ces cas-là, lorsque nous avons besoin de gros débit, il vaut mieux être maître chez soi, c'est-à-dire ne pas être tributaire d'installations fixes. D'ailleurs, nous l'avons bien vu à Lubrizol puisque les installations sont tombées. Cela peut arriver, mais c'est à nous de nous adapter. Nous avons bénéficié de l'apport de ces remorqueurs, qui nous ont permis d'emmener très rapidement plus de 1 440 mètres cubes par heure, pour alimenter notre dispositif d'extinction.
La question des moyens mutualisés est une question importante, puisque ce jour-là, nous avons bénéficié de l'apport de moyens privés. Ils sont venus du Havre, de Rouen. Ce sont des moyens de projection qui ont participé à la lutte. Je tiens à souligner l'extrême compétence de ces moyens privés, parce que les sapeurs-pompiers du service public n'ont pas éteint tout seuls ce feu. Heureusement que ces gens-là sont venus nous compléter. Il y a eu des renforts émulseurs.
Aujourd'hui, avec le recul, se pose la question du cadre juridique de l'engagement de tous ces personnels. Dans la tempête, tout le monde est sur le pont. Il y a des conventions d'assistance entre industriels, il y a aussi la voie de la réquisition. Aujourd'hui, si vous posez la question « Dans quel cadre juridique avez-vous fait la manipulation ? », nous avons appelé au secours et tout le monde est venu nous aider. Le résultat est là. Je pense que la question du cadre juridique et des renforts publicsprivés est essentielle. Comme nous avons des entreprises à risque, nous avons la chance d'avoir des gens qui connaissent parfaitement leur métier, dans ces usines qui ont des moyens surpuissants, et qui peuvent nous aider. Il serait dommage de s'en passer au moment où nous en avons besoin.
D'autant que comme le feu était hors-norme, les moyens du service public n'étaient pas suffisants. Le privé est intervenu, ainsi que d'autres moyens en renfort de l'extérieur.
La question des pompiers « en entreprise », elle aussi est importante. Toutes les entreprises Seveso n'ont pas forcément de pompiers en poste. Cependant, il y a des équipes de sécurité, ce sont des gens qui sont formés. Suite à cet événement, je pense qu'il serait important d'inciter les industriels à recruter ou à former dans leur rang plus de sapeurs-pompiers volontaires. Sur Lubrizol, nous en avions cinq, mais si nous pouvions en avoir plus, bien évidemment, nous sommes preneurs : hommes ou femmes, petits ou grands, tout le monde est bienvenu chez nous, chez les sapeurs-pompiers.
Sur la culture du risque, effectivement, il s'agit d'un sujet très français d'avoir un déficit en la matière. Il est vrai que cela est variable selon les territoires. Il y a des territoires qui ont des traditions industrielles, il y a des territoires qui vivent à côté d'équipements depuis très longtemps et qui ont cette culture. Je le dis avec modestie et simplement au regard de quelqu'un qui n'a pas une connaissance aussi fine que certains d'entre vous du département, mais très sincèrement, je pense qu'il y a un contraste assez fort entre la culture du risque en zone havraise, et la culture du risque en zone rouennaise. Pourtant, toutes les deux sont en contact avec des industries depuis fort longtemps.
À la Métropole du Havre et quelles que soient d'ailleurs les municipalités, le sujet est ancien. Il y a toujours eu une culture du risque assez fort. Par exemple, à la Métropole, vous avez une direction dédiée aux risques majeurs. Il y a tout un dispositif très soutenu, y compris de formation, d'exercice, etc., qui est assez développé. Il y a d'autres endroits – nous évoquions la communauté d'agglomération Caux vallée de Seine, c'est-à-dire autour de Port-Jérôme – où il y a des initiatives : une semaine de la sécurité ou des actions de promotion.
Sur la Métropole rouennaise, il faut reconnaître que cette culture du risque est plus faible. Il y a évidemment les dispositifs classiques : le dossier départemental sur les risques majeurs (DDRM), le plan départemental, les DICRIM, le plan communal de sauvegarde (PCS). Sauf pour une commune sur les 32 communes du périmètre, toutes ont un PCS. Au-delà des outils réglementaires, il est vrai dans la culture, dans l'exercice, que c'est quelque chose qui est moins présent. Il s'agit sans doute d'un point à travailler. En tout cas, au niveau de l'État, nous avons un fonctionnement vraiment très fluide avec la Métropole. L'idée est qu'ensemble, nous puissions avancer sur ces sujets, forts peut-être de ce que nous avons vécu et de nouveaux outils aussi. Il y a des plaquettes d'information, nous pouvons vous en laisser à titre de documentation. Il y a des exercices, je pense notamment aux exercices du plan particulier de mise en sûreté (PPMS) dans le cadre scolaire. Dans les axes d'amélioration, il faut peut-être aller vers des réunions publiques d'information, si tant est que nos concitoyens fassent aussi l'effort d'y venir. Il y a un travail en tout cas à faire sur ce point.
Le dernier exercice qui a été réalisé à Rouen est assez récent. C'était un exercice autour du site Borealis Seveso seuil haut, au Grand-Quevilly, le 1er mars 2019. Nous avions un exercice assez récent, avec la mise en service d'un nouveau dispositif sur l'agglomération rouennaise, le dispositif « Allo Industrie », destiné à donner de l'information. Encore une fois, cette culture du risque est sans doute dans notre culture française, un secteur où nous avons des marges de progrès. Dans le département, mais cela est lié à l'histoire, il peut y avoir un niveau de sensibilisation plus ou moins fort. Le travail que nous avons engagé en termes de retour d'expérience, mais en l'élargissant à des maires, nous allons le faire également avec des maires de l'intérieur. Il s'agit de quelque chose d'intéressant pour essayer d'avoir une culture du risque un peu plus soutenue.
Merci d'avoir répondu à l'ensemble des questions. Au cours de l'avancée de notre mission, nous n'hésiterons pas à revenir vers vous et vers vos services.
La séance est levée à quinze heures cinquante.
Membres présents ou excusés
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à Rouen
Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 14 heures
Présents. - M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, M. Xavier Batut, M. Christophe Bouillon, M. Pierre Cabaré, M. Pierre Cordier, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jean-Luc Fugit, Mme Perrine Goulet, M. Emmanuel Maquet, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Annie Vidal, M. Hubert Wulfranc
Excusés. - M. Jean Lassalle, M. Bruno Millienne, Mme Sira Sylla