Je vais essayer de reprendre chronologiquement les évènements. J'ai été appelé à 6 heures 51, le 26 au matin dans le cadre de mes responsabilités au niveau de l'eau et de l'assainissement au niveau de la Métropole. J'étais déjà en situation de crise, car un incendie exceptionnel implique un besoin d'eau exceptionnel. Donc j'étais déjà un peu mobilisé.
Il n'en reste pas moins vrai que j'ai été appelé à 6 heures 51 du matin pour essayer d'organiser la non-arrivée de nos enfants qui étaient attendus à l'école à 7 heures 30 le matin. Nous avons dû informer 250 familles en l'espace de 30 minutes. Cela a été assez complexe. Nous avons réussi, puisqu'aucun enfant ne s'est retrouvé devant les grilles de nos écoles. Nous avons trois écoles ouvertes à sept heures et demie du matin.
Je dois dire que c'est aussi une forme de réseau citoyen qui se met en place le plus le plus vite possible, en règle générale. Au regard de la législation. C'est effectivement le représentant de l'État qui doit activer les systèmes d'alerte à la population, et informer effectivement les maires.
J'ai eu le sentiment que les habitants se rapprochaient bien évidemment des élus, que nous étions, et ils ne pensaient pas à téléphoner au préfet, encore bienheureux, puisqu'il était fort occupé. Dans ce contexte, excusez-moi l'expression, mais nous étions un peu pris entre le marteau et l'enclume. C'est-à-dire que nous avions très peu d'informations nous disant de confiner les espaces publics, les écoles devant rester fermées. Et à la fois, nous avions énormément d'informations qui nous étaient demandées de la part de nos administrés.
J'avais aussi en face de moi les agriculteurs. En « bon père de famille », je leur disais dès six heures et demie du matin : « Laissez vos animaux enfermés, ne sortez rien du tout. Nous allons attendre un tout petit peu. » Puisque nous n'avons eu aucune information.
La seule information que nous avions était qu'il s'agissait d'une crise majeure. Toute la journée, à peu près toutes les heures, nous avons rappelé les services préfectoraux ou nous allions sur les sites pour essayer d'obtenir des informations. Parce que nous n'avions pas d'information émanant réellement des services, c'est nous qui allions en chercher.
La difficulté que nous avons pu vivre aussi, c'est une forme d'incompréhension. C'est-à-dire que les habitants étaient en quête d'informations, et ils commençaient déjà à être dans l'après. C'est-à-dire : « Oui, mais est-ce sérieux ? Est-ce grave ? Puis-je tout de même aller faire quelques courses ? ». Nous avons vécu cela comme étant quelque chose d'assez difficile à gérer parce qu'entre ce qui pouvait ressembler à une forme de psychose pour certains qui étaient calfeutrés, cloîtrés, et qui scotchaient les bouches de ventilation des huisseries, d'autres nous disaient que ce n'était strictement rien. Il fallait gérer ces deux positions assez contradictoires.
Sur le terrain, au-delà du préjudice d'image que nous avons pu subir par cette marée noire atmosphérique, c'est le « préjudice de confiance » de nos consommateurs vis-à-vis de la production locale que j'ai trouvé difficile à gérer. Nous avons la chance d'avoir nombre d'installations maraîchères et d'autres productions agricoles, et on voit que le consommateur a tendance à se détourner. On s'aperçoit, alors qu'avant, c'était un gage de qualité de faire appel à des filières courtes etc. Dans la situation présente, filières courtes et productions locales auraient tendance à détourner le consommateur…
J'ai voulu faire partager auprès de vous, mesdames et messieurs les députés, parce que la situation ne semble pas s'améliorer. D'après les contacts que j'ai pu prendre avec les commerçants locaux sur notre territoire, nous sommes entre -10 %, pour ce qui est le plus acceptable, à -50 % pour d'autres. Cela peut être extrêmement impactant en termes de chiffre d'affaires donc de ressources…
S'agissant des dispositions prises, nous devions là aussi de manière assez contradictoire, gérer une double information. Nous savions que nous n'avions, par exemple, pas le droit d'utiliser des engins de lavage haute pression. C'était assez compliqué de gérer à la fois de grands espaces publics, laver les cours d'école, avec un jet d'eau et un balai et d'arriver à le faire accepter par les parents, qui sont toujours extrêmement mobilisés et aussi par nos propres collaborateurs.
Au final, en fin de journée, j'ai reposé la question aux services préfectoraux. On m'a dit : « Mais faites-le, si vous estimez qu'il est bon de le faire ! » Nous avons quasiment perdu la journée puisqu'on s'acharnait avec des balais, des brosses et de simples jets d'eau, pour créer ce phénomène de nettoyage de surface. En termes de retour d'expérience, cela a été un quelque peu dommage, parce que nous aurions pu vraisemblablement être plus efficaces et plus efficients sur nos interventions.
S'agissant des demandes de particuliers, j'ai eu énormément d'administrés qui sont venus me voir, dès le lendemain le vendredi. À quelques unités près, je les ai bien comptabilisés à partir du samedi. Le samedi, j'en ai eu 38 dans la journée et qui sont venus en mairie, et les jours suivants, j'en avais à peu près une trentaine par jour. Je restais dans le hall de la mairie, et je préférais faire de l'information collective au fur et à mesure, parce que c'était exclusivement pour ces questions. Je les rassurais aussi sur la qualité de l'eau. En effet ; il y a eu énormément de questions sur la potabilité de l'eau et des suspicions sur la transparence de la communication en la matière. Et les publics fragiles tels que les personnes qui sont sujettes à certaines pathologies, les femmes enceintes qui étaient extrêmement inquiètes aussi, nous ont contacté par téléphone. Elles cherchaient à être rassurées.
Monsieur le député Xavier Batut nous demandait quelles étaient les attentes de nos citoyens. Ce que j'ai pu vivre à titre personnel portait plus sur la problématique de l'information. Je vais vous donner une image. Quand nous avons parfois un simple coup de vent, on sait nous trouver en nous envoyant un message Gala. Certes par anticipation, et c'est légitime, puisqu'il s'agit bien de météorologie. Néanmoins, on nous envoie un message Gala pour un coup de vent de 70 ou 80 kilomètresheure.
Là, ce qui a été assez compliqué à gérer, c'est que les administrés n'arrivaient pas à comprendre qu'avec un phénomène si grave, nous n'ayons pas d'informations très régulières. Franchement, la problématique de l'information du citoyen au quotidien a été compliquée à gérer. Même si nous pouvons nous en féliciter, la parole du maire n'est pas encore trop remise en question. Je n'ai pas eu d'administrés qui venaient nous dire : « Mais vous êtes sûrs ? Vous nous mentez ! Vous nous cachez ! ». À partir du moment où nous leur disions les choses, cela les rassurait. Mais encore fallait-il que nous disposions de l'information pour pouvoir la communiquer.
Une réponse s'agissant du bornage avec les poteaux et les pylônes de téléphonie. A titre personnel, je pense que cela aurait été efficace. Je ne détiens pas la totalité de la connaissance technique, voire scientifique. Si nous avions pu « arroser » – excusez-moi pour cette expression – nos territoires par des messages vocaux ou SMS appelant à la vigilance, quitte à les relayer sur des médias locaux, cela aurait certainement rassuré la population qui aurait eu le sentiment d'être informée.
Même si techniquement, cela peut aussi être un peu compliqué pour des personnes qui pourraient étant dans les transports ou de passage dans une zone. Il vaut mieux recevoir une information sur la crise qui sévit sur un territoire, plutôt que de ne pas être informé, et de devoir subir les problématiques d'odeurs etc.
En effet, à neuf ou dix heures le matin, certaines personnes n'avaient toujours pas connaissance, parce qu'elles n'avaient pas allumé leur radio. Elles sentaient des odeurs, mais ne savaient pas qu'il y avait l'incident Lubrizol. À neuf heures et demie, dix heures du matin, on nous appelait parfois en mairie pour cela. C'était assez compliqué.
Madame la députée Vidal nous a posé une question concernant le site d'Odièvre à Vieux-Manoir, à savoir s'il existe une information communale réelle dans le document d'urbanisme sur les risques majeurs. Je n'ai pas cette information. J'aurais plutôt tendance à penser que oui, puisque c'est une installation extrêmement récente.
Par contre, quid du DICRIM, comme madame la députée le demandait, au niveau de nos intercommunalités ? Je suis totalement de votre avis, pour gérer l'anticipation, cela aurait été certainement beaucoup plus efficace, ou moins perturbant pour nous. Nous aurions été à l'essentiel.
C'est d'ailleurs la problématique de la gestion de crise, c'est de pouvoir gérer, dans un temps très court, nombre de dossiers ou de demandes. Quand on se réfère à un document comme celui-là, en règle générale, on est un peu plus efficaces.
Monsieur le député Wulfranc a posé la question des devis de remise en état. J'en ai à titre personnel, sur la commune de Quincampoix. Ils portent surtout sur les aires de jeux pour enfants, tous les matériaux, les substrats, etc., et j'en ai déjà pour un peu plus de 20 000 euros de remise en état de nos installations sur une petite commune de 3 500 habitants. C'est effectivement souvent en lien avec les aires de jeux pour enfants, c'est là-dessus que nous sommes mobilisés en premier.
Après, nous avons essayé de gérer en deux temps, mais pour rouvrir très vite, dès le début de la semaine qui suivait, les lundi et mardi, je faisais remplacer la totalité des substrats amortisseurs avec des matériaux spécifiques concernant ces aires de jeux. Nous en avons donc à peu près pour 20 000 euros sur la totalité de la commune.
Pour le reste, c'est en cours d'estimation. Nous avons déjà eu l'occasion en fin d'année dernière de répondre à monsieur le Préfet sur un premier chiffrage. Nous sommes, en cours d'estimation. Cela va de la location de matériel à de la main-d'oeuvre, des heures supplémentaires. Faire travailler des gens le samedi et le dimanche, cela a un coût, et nous avons dû avoir recours à ces interventions de nos collaborateurs.
Des remontées de particuliers s'agissant de différents préjudices, ce qui nous semblait le plus onéreux, c'est tout ce qui touche les équipements. Ce n'est certainement pas primordial, mais cela peut être important sur certains territoires, ce sont toutes les piscines individuelles. Nous nous sommes aperçus que tous les systèmes de filtration et de désinfection, au-delà des liners, c'est effectivement très cher. Nous nous retrouvons avec des factures allant sensiblement à plusieurs milliers d'euros pour remettre en état.
Concernant les interpellations de nos habitants, j'y ai répondu tout à l'heure.
Madame la députée Firmin Le Bodo posait une question concernant l'accompagnement et l'indemnisation de nos particuliers. Le plus souvent, pour l'instant ils opèrent au travers de leur compagnie d'assurance. Leur premier réflexe est de se rapprocher des assurances. Je ne dis pas que c'est efficace, mais c'est ce qu'ils nous disent en espérant trouver la petite ligne en bas de la vingt-cinquième page du contrat qui dit qu'effectivement vous pouvez être pris en charge en cas de préjudice ! Je n'ai pas de remontées particulières à ce sujet.
Monsieur le député Jolivet s'est interrogé concernant l'instruction des permis de construire, avec éventuellement des réserves d'usage qui pouvaient potentiellement être indiquées. À ma connaissance, nous n'en avons pas. Sur une intercommunalité comme la nôtre, nous avons 64 communes, à peu près 56 000 habitants. Nous n'avons pas d'informations particulières qui sont à signaler à ce niveau.
Et nos dispositifs d'alerte, comme vous nous le demandiez, monsieur le député, se cantonnent et se résument à nos sirènes au-dessus de nos bâtiments municipaux. Une commune comme la mienne, c'est de 2 200 hectares. La commune de Quincampoix est plus grande, en termes de foncier, que la commune de Rouen, par exemple. Mais nous avons une seule sirène en plein milieu de la commune, et si vous vous trouver à 500 ou 600 mètres, vous n'entendez plus rien.
De toute façon, je ne peux avoir qu'une confiance relative en la réaction de nos habitants, parce que nous ne sommes absolument pas formés, si tant est qu'on entende cela à 2 heures 39 du matin… Et même si, monsieur le préfet l'avait déclenché à 3 ou 4 heures, je suis quasiment persuadé que nous n'aurions strictement rien entendu.