Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 16h00

Résumé de la réunion

La réunion

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La séance est ouverte à seize heures.

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Dans le cadre d'une mission d'information qui a été décidée par la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale, et qui vise à faire un retour sur l'incendie de Lubrizol à Rouen, nous nous intéressons à l'événement pour essayer de le comprendre et de tirer toutes les conclusions et toutes les leçons qui peuvent être utiles afin d'améliorer, notamment les dispositifs, et si besoin la législation en cours s'agissant des sites industriels classés. Plus généralement, notre attention se porte sur la culture du risque.

Nous auditionnons cet après-midi, Éric Herbet, président de la communauté de communes inter Caux-Vexin, Éric Picard, président de la communauté de communes des Quatre rivières, Nicolas Bertrand qui est président de la communauté de communes Bray-Eawy, accompagné de Xavier Lefrancois qui en est le premier vice-président. Nous recevons également Denis Merville, qui est le président de l'Association départementale des maires, accompagné de Michel Lejeune qui est administrateur de cette association, mais qui est également maire de Forges-les-Eaux.

D'abord, nous aimerions comprendre la chronologie des évènements de votre point de vue :

– A quel moment avez-vous été informés de cet incendie ?

– Quelles dispositions aviez-vous à prendre comme élus sur votre territoire ?

– La communication vous a-t-elle paru fluide ? Ou bien difficile ?

– Êtes-vous allés à l'information ? Ou l'information est-elle venue à vous ?

– Plus largement, quel est votre sentiment à l'égard de l'information délivrée par ceux qui maîtrisent à la fois la gestion et la communication du risque, et sur la relation que ces derniers doivent établir avec les élus locaux, qu'ils soient des élus communautaires ou des maires ?

– Quel retour d'expérience finalement faites-vous après un évènement de cette nature ?

Au regard des territoires que vous représentez, vous avez été soumis à la question importante du soutien aux agriculteurs, qui ont été sévèrement touchés, puisque leur production a été séquestrée.

De quelle façon les avez-vous accompagnés ? De quelle façon avez-vous, avec les représentants de la profession, essayé d'obtenir gain de cause, notamment sur la question de l'indemnisation ?

Plus généralement, vous savez que deux fonds d'indemnisation ont été mis en oeuvre. Un premier concerne les agriculteurs, un deuxième concerne les collectivités locales, mais aussi le secteur économique. Aujourd'hui avez-vous été informés du mode d'emploi de ces fonds qui ont été soumis à des conventions, signées vendredi dernier ?

Plus largement, on nous dit que des particuliers ont subi aussi ce panache. Il y a de la présence de suies pour les agriculteurs certes, mais aussi chez les particuliers. Certains ont dû ou doivent procéder à un nettoyage qu'on pourrait qualifier parfois même d'industriel et qui représente nécessairement un coût. Des habitants, des particuliers ont-ils sollicité vos collectivités pour demander quel type de soutien ils pourraient obtenir ? À cet égard, avez-vous un témoignage ?

Enfin pour terminer, en ce qui me concerne, nous avons entendu, à l'aune de cet évènement majeur, la question du lieu d'implantation de ces usines. Je vous le dis de but en blanc, car vous représentez plutôt des territoires, dits « ruraux » ou « rurbains » : ces entreprises, ces usines, ces sites classés, devraient être installés à la campagne et pas en ville. Comment réagissez-vous vis-à-vis de ceux qui tiennent de telles affirmations ?

Voilà, les questions que je voulais vous poser, mais auxquelles vont s'ajouter d'abord celles de Xavier Batut.

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Quelles sont vos attentes par rapport à ce retour d'expérience ? Avez-vous déjà des préconisations à nous remonter ? En sachant que cette mission et la commission d'enquête ont surtout pour objectif de faire un retour d'expérience et des propositions législatives ou réglementaires au gouvernement pour améliorer la gestion de ce genre de crise.

Avez-vous aussi des attentes qui vous ont remontées par l'ensemble des citoyens du territoire. Je voudrais savoir aussi comment se sont passées vos relations avec les différents services de l'État au moment de la gestion de cette crise.

Monsieur le Préfet, au cours de l'audition précédente, a évoqué l'idée d'étendre le bornage de la téléphonie mobile sur les territoires. Quelle est votre impression par rapport à cela ? Sur les territoires ruraux, où nous savons que la téléphonie ne fonctionne pas toujours, cela aurait-il eu, en particulier dans le Pays de Bray, pu apporter une information à la population, en particulier quand un évènement se produit de nuit ? Ce n'est pas que de la téléphonie mobile, je pense qu'il faut croiser différents types d'informations pour essayer de toucher le maximum de population.

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Bien évidemment je réitère les questions du Président sur les informations et la manière dont vous avez vous-même reçu les informations.

J'aurais aimé savoir de quelle manière vous avez pu contacter les maires de vos communautés de communes. Et de quelle manière les populations ont pu être informées des conséquences de cet accident qui ont eu un impact sur un vaste territoire.

Je voudrais plus particulièrement m'adresser à la communauté inter Caux-Vexin, puisque dans la commune de Vieux-Manoir se trouve l'entreprise Odièvre, classée SEVESO. Nous accueillons dans notre belle campagne des sites avec un seuil en SEVESO assez haut.

J'ai cherché, je n'ai pas trouvé le document d'information communal sur les risques majeurs. Ce document existe-t-il au niveau de la communauté de Vieux-Manoir ? En tant que Président de communauté de communes, pensez-vous qu'il serait pertinent d'avoir un document d'informations communales sur les risques majeurs (DICRIM) au niveau des intercommunalités, pour établir un processus anticipé, en cas d'accident sur des sites de seuil haut, pour que la population soit informée très rapidement des consignes à suivre ?

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D'abord l'état de catastrophe technologique n'ayant pas été déclaré, nous nous retrouvons face à des conventions qui pour l'instant n'anticipent pas sur le niveau des indemnisations. Disposez-vous, à titre illustratif, de devis de remise en l'état d'équipements ou de sites à caractère public, relevant des différentes collectivités territoriales qui sont les vôtres, voire de communes, qui vous permettent d'apprécier les enjeux financiers auxquels les collectivités, et les communes en particulier, pourraient être confrontées ?

De la même manière, l'état de catastrophe technologique n'ayant pas été déclaré, nous avons nous-mêmes, y compris dans les territoires urbains, des remontées de particuliers qui sont devant des préjudices, certes sanitaires, moraux et bâtis importants. Ils font la déclinaison financière de ces préjudices.

Les devis, par exemple pour remise en état des habitations, à l'intérieur et à l'extérieur, des jardins, commencent à tomber. On nous annonce des chiffres de 1 200 à 1 900 euros le mètre carré pour une dépollution de type industriel, à laquelle des particuliers sont confrontés. Avez-vous ce type de remontées sur vos territoires ? Des problématiques plus d'ordre social et sanitaire ? Des prescriptions médicales faites par des médecins traitants pour des analyses sanguines complémentaires ? Elles impliquent des dépassements d'honoraires de l'ordre de 50 à même 400 euros pour les recherches de molécules que ce soit du plomb, voire même de la dioxine. Etes-vous confrontés à ce type d'exemples sur vos territoires ?

Et plus largement, parce qu'il nous faut comprendre aussi que le vécu, y compris aujourd'hui, c'est-à-dire en post crise, est encore réel sur les territoires. Quels sont les éléments qui vous interpellent ? Quel est le champ d'interpellation auxquels les maires sur le terrain, les élus locaux sont encore confrontés, de la part de leurs administrés ?

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Les agriculteurs sont plutôt bien accompagnés, parce que les syndicats agricoles sont très présents, il faut le souligner. J'ai une question, et Hubert Wulfranc a commencé à l'évoquer, sur l'accompagnement, pour une éventuelle indemnisation des collectivités, mais aussi des particuliers. Parce qu'il ne faut pas oublier que certains d'entre eux vont devoir faire des travaux. Comment les accompagner ? Sentez-vous le besoin d'avoir une cellule dédiée, une sorte de « guichet unique » pour pouvoir accompagner ces particuliers ?

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Je repère au moins deux maires. Je ne sais si les autres présidents ont des fonctions de maire également. Dans les responsabilités intercommunales qui sont les vôtres, où il n'y a sans doute pas la compétence « sécurité », parce que ce n'est pas prévu par les textes, certains d'entre vous instruisent-ils des permis de construire pour le compte des communes qui sont membres de vos communautés respectives ? Et si oui, puisqu'à l'instruction des permis on doit prévenir les pétitionnaires des risques qu'ils peuvent encourir, vous arrive-t-il de porter pour le compte ou mettez-vous à la signature du maire membre de l'intercommunalité les réserves d'usage, c'est-à-dire le dossier d'information des risques majeurs de la commune ?

Selon vous, avec la vision globale qui est la vôtre, quels sont les dispositifs d'alerte de la population qui existent sur votre territoire sur les risques industriels ? Et comment les habitants en ont-ils connaissance ?

Et une question accessoire, mais qui aujourd'hui prend tout son sens : savez-vous si certaines des communes qui sont membres de vos intercommunalités disposent de réserves communales de sécurité ? C'est-à-dire des gens qui s'engagent et qui deviennent collaborateurs bénévoles du service public. Ainsi, ils sont associés à la mise en place des dossiers ou mobilisables en cas de risques majeurs.

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éric Herbet, président de la communauté de communes Inter Caux-Vexin

Je vais essayer de reprendre chronologiquement les évènements. J'ai été appelé à 6 heures 51, le 26 au matin dans le cadre de mes responsabilités au niveau de l'eau et de l'assainissement au niveau de la Métropole. J'étais déjà en situation de crise, car un incendie exceptionnel implique un besoin d'eau exceptionnel. Donc j'étais déjà un peu mobilisé.

Il n'en reste pas moins vrai que j'ai été appelé à 6 heures 51 du matin pour essayer d'organiser la non-arrivée de nos enfants qui étaient attendus à l'école à 7 heures 30 le matin. Nous avons dû informer 250 familles en l'espace de 30 minutes. Cela a été assez complexe. Nous avons réussi, puisqu'aucun enfant ne s'est retrouvé devant les grilles de nos écoles. Nous avons trois écoles ouvertes à sept heures et demie du matin.

Je dois dire que c'est aussi une forme de réseau citoyen qui se met en place le plus le plus vite possible, en règle générale. Au regard de la législation. C'est effectivement le représentant de l'État qui doit activer les systèmes d'alerte à la population, et informer effectivement les maires.

J'ai eu le sentiment que les habitants se rapprochaient bien évidemment des élus, que nous étions, et ils ne pensaient pas à téléphoner au préfet, encore bienheureux, puisqu'il était fort occupé. Dans ce contexte, excusez-moi l'expression, mais nous étions un peu pris entre le marteau et l'enclume. C'est-à-dire que nous avions très peu d'informations nous disant de confiner les espaces publics, les écoles devant rester fermées. Et à la fois, nous avions énormément d'informations qui nous étaient demandées de la part de nos administrés.

J'avais aussi en face de moi les agriculteurs. En « bon père de famille », je leur disais dès six heures et demie du matin : « Laissez vos animaux enfermés, ne sortez rien du tout. Nous allons attendre un tout petit peu. » Puisque nous n'avons eu aucune information.

La seule information que nous avions était qu'il s'agissait d'une crise majeure. Toute la journée, à peu près toutes les heures, nous avons rappelé les services préfectoraux ou nous allions sur les sites pour essayer d'obtenir des informations. Parce que nous n'avions pas d'information émanant réellement des services, c'est nous qui allions en chercher.

La difficulté que nous avons pu vivre aussi, c'est une forme d'incompréhension. C'est-à-dire que les habitants étaient en quête d'informations, et ils commençaient déjà à être dans l'après. C'est-à-dire : « Oui, mais est-ce sérieux ? Est-ce grave ? Puis-je tout de même aller faire quelques courses ? ». Nous avons vécu cela comme étant quelque chose d'assez difficile à gérer parce qu'entre ce qui pouvait ressembler à une forme de psychose pour certains qui étaient calfeutrés, cloîtrés, et qui scotchaient les bouches de ventilation des huisseries, d'autres nous disaient que ce n'était strictement rien. Il fallait gérer ces deux positions assez contradictoires.

Sur le terrain, au-delà du préjudice d'image que nous avons pu subir par cette marée noire atmosphérique, c'est le « préjudice de confiance » de nos consommateurs vis-à-vis de la production locale que j'ai trouvé difficile à gérer. Nous avons la chance d'avoir nombre d'installations maraîchères et d'autres productions agricoles, et on voit que le consommateur a tendance à se détourner. On s'aperçoit, alors qu'avant, c'était un gage de qualité de faire appel à des filières courtes etc. Dans la situation présente, filières courtes et productions locales auraient tendance à détourner le consommateur…

J'ai voulu faire partager auprès de vous, mesdames et messieurs les députés, parce que la situation ne semble pas s'améliorer. D'après les contacts que j'ai pu prendre avec les commerçants locaux sur notre territoire, nous sommes entre -10 %, pour ce qui est le plus acceptable, à -50 % pour d'autres. Cela peut être extrêmement impactant en termes de chiffre d'affaires donc de ressources…

S'agissant des dispositions prises, nous devions là aussi de manière assez contradictoire, gérer une double information. Nous savions que nous n'avions, par exemple, pas le droit d'utiliser des engins de lavage haute pression. C'était assez compliqué de gérer à la fois de grands espaces publics, laver les cours d'école, avec un jet d'eau et un balai et d'arriver à le faire accepter par les parents, qui sont toujours extrêmement mobilisés et aussi par nos propres collaborateurs.

Au final, en fin de journée, j'ai reposé la question aux services préfectoraux. On m'a dit : « Mais faites-le, si vous estimez qu'il est bon de le faire ! » Nous avons quasiment perdu la journée puisqu'on s'acharnait avec des balais, des brosses et de simples jets d'eau, pour créer ce phénomène de nettoyage de surface. En termes de retour d'expérience, cela a été un quelque peu dommage, parce que nous aurions pu vraisemblablement être plus efficaces et plus efficients sur nos interventions.

S'agissant des demandes de particuliers, j'ai eu énormément d'administrés qui sont venus me voir, dès le lendemain le vendredi. À quelques unités près, je les ai bien comptabilisés à partir du samedi. Le samedi, j'en ai eu 38 dans la journée et qui sont venus en mairie, et les jours suivants, j'en avais à peu près une trentaine par jour. Je restais dans le hall de la mairie, et je préférais faire de l'information collective au fur et à mesure, parce que c'était exclusivement pour ces questions. Je les rassurais aussi sur la qualité de l'eau. En effet ; il y a eu énormément de questions sur la potabilité de l'eau et des suspicions sur la transparence de la communication en la matière. Et les publics fragiles tels que les personnes qui sont sujettes à certaines pathologies, les femmes enceintes qui étaient extrêmement inquiètes aussi, nous ont contacté par téléphone. Elles cherchaient à être rassurées.

Monsieur le député Xavier Batut nous demandait quelles étaient les attentes de nos citoyens. Ce que j'ai pu vivre à titre personnel portait plus sur la problématique de l'information. Je vais vous donner une image. Quand nous avons parfois un simple coup de vent, on sait nous trouver en nous envoyant un message Gala. Certes par anticipation, et c'est légitime, puisqu'il s'agit bien de météorologie. Néanmoins, on nous envoie un message Gala pour un coup de vent de 70 ou 80 kilomètresheure.

Là, ce qui a été assez compliqué à gérer, c'est que les administrés n'arrivaient pas à comprendre qu'avec un phénomène si grave, nous n'ayons pas d'informations très régulières. Franchement, la problématique de l'information du citoyen au quotidien a été compliquée à gérer. Même si nous pouvons nous en féliciter, la parole du maire n'est pas encore trop remise en question. Je n'ai pas eu d'administrés qui venaient nous dire : « Mais vous êtes sûrs ? Vous nous mentez ! Vous nous cachez ! ». À partir du moment où nous leur disions les choses, cela les rassurait. Mais encore fallait-il que nous disposions de l'information pour pouvoir la communiquer.

Une réponse s'agissant du bornage avec les poteaux et les pylônes de téléphonie. A titre personnel, je pense que cela aurait été efficace. Je ne détiens pas la totalité de la connaissance technique, voire scientifique. Si nous avions pu « arroser » – excusez-moi pour cette expression – nos territoires par des messages vocaux ou SMS appelant à la vigilance, quitte à les relayer sur des médias locaux, cela aurait certainement rassuré la population qui aurait eu le sentiment d'être informée.

Même si techniquement, cela peut aussi être un peu compliqué pour des personnes qui pourraient étant dans les transports ou de passage dans une zone. Il vaut mieux recevoir une information sur la crise qui sévit sur un territoire, plutôt que de ne pas être informé, et de devoir subir les problématiques d'odeurs etc.

En effet, à neuf ou dix heures le matin, certaines personnes n'avaient toujours pas connaissance, parce qu'elles n'avaient pas allumé leur radio. Elles sentaient des odeurs, mais ne savaient pas qu'il y avait l'incident Lubrizol. À neuf heures et demie, dix heures du matin, on nous appelait parfois en mairie pour cela. C'était assez compliqué.

Madame la députée Vidal nous a posé une question concernant le site d'Odièvre à Vieux-Manoir, à savoir s'il existe une information communale réelle dans le document d'urbanisme sur les risques majeurs. Je n'ai pas cette information. J'aurais plutôt tendance à penser que oui, puisque c'est une installation extrêmement récente.

Par contre, quid du DICRIM, comme madame la députée le demandait, au niveau de nos intercommunalités ? Je suis totalement de votre avis, pour gérer l'anticipation, cela aurait été certainement beaucoup plus efficace, ou moins perturbant pour nous. Nous aurions été à l'essentiel.

C'est d'ailleurs la problématique de la gestion de crise, c'est de pouvoir gérer, dans un temps très court, nombre de dossiers ou de demandes. Quand on se réfère à un document comme celui-là, en règle générale, on est un peu plus efficaces.

Monsieur le député Wulfranc a posé la question des devis de remise en état. J'en ai à titre personnel, sur la commune de Quincampoix. Ils portent surtout sur les aires de jeux pour enfants, tous les matériaux, les substrats, etc., et j'en ai déjà pour un peu plus de 20 000 euros de remise en état de nos installations sur une petite commune de 3 500 habitants. C'est effectivement souvent en lien avec les aires de jeux pour enfants, c'est là-dessus que nous sommes mobilisés en premier.

Après, nous avons essayé de gérer en deux temps, mais pour rouvrir très vite, dès le début de la semaine qui suivait, les lundi et mardi, je faisais remplacer la totalité des substrats amortisseurs avec des matériaux spécifiques concernant ces aires de jeux. Nous en avons donc à peu près pour 20 000 euros sur la totalité de la commune.

Pour le reste, c'est en cours d'estimation. Nous avons déjà eu l'occasion en fin d'année dernière de répondre à monsieur le Préfet sur un premier chiffrage. Nous sommes, en cours d'estimation. Cela va de la location de matériel à de la main-d'oeuvre, des heures supplémentaires. Faire travailler des gens le samedi et le dimanche, cela a un coût, et nous avons dû avoir recours à ces interventions de nos collaborateurs.

Des remontées de particuliers s'agissant de différents préjudices, ce qui nous semblait le plus onéreux, c'est tout ce qui touche les équipements. Ce n'est certainement pas primordial, mais cela peut être important sur certains territoires, ce sont toutes les piscines individuelles. Nous nous sommes aperçus que tous les systèmes de filtration et de désinfection, au-delà des liners, c'est effectivement très cher. Nous nous retrouvons avec des factures allant sensiblement à plusieurs milliers d'euros pour remettre en état.

Concernant les interpellations de nos habitants, j'y ai répondu tout à l'heure.

Madame la députée Firmin Le Bodo posait une question concernant l'accompagnement et l'indemnisation de nos particuliers. Le plus souvent, pour l'instant ils opèrent au travers de leur compagnie d'assurance. Leur premier réflexe est de se rapprocher des assurances. Je ne dis pas que c'est efficace, mais c'est ce qu'ils nous disent en espérant trouver la petite ligne en bas de la vingt-cinquième page du contrat qui dit qu'effectivement vous pouvez être pris en charge en cas de préjudice ! Je n'ai pas de remontées particulières à ce sujet.

Monsieur le député Jolivet s'est interrogé concernant l'instruction des permis de construire, avec éventuellement des réserves d'usage qui pouvaient potentiellement être indiquées. À ma connaissance, nous n'en avons pas. Sur une intercommunalité comme la nôtre, nous avons 64 communes, à peu près 56 000 habitants. Nous n'avons pas d'informations particulières qui sont à signaler à ce niveau.

Et nos dispositifs d'alerte, comme vous nous le demandiez, monsieur le député, se cantonnent et se résument à nos sirènes au-dessus de nos bâtiments municipaux. Une commune comme la mienne, c'est de 2 200 hectares. La commune de Quincampoix est plus grande, en termes de foncier, que la commune de Rouen, par exemple. Mais nous avons une seule sirène en plein milieu de la commune, et si vous vous trouver à 500 ou 600 mètres, vous n'entendez plus rien.

De toute façon, je ne peux avoir qu'une confiance relative en la réaction de nos habitants, parce que nous ne sommes absolument pas formés, si tant est qu'on entende cela à 2 heures 39 du matin… Et même si, monsieur le préfet l'avait déclenché à 3 ou 4 heures, je suis quasiment persuadé que nous n'aurions strictement rien entendu.

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Afin de vérifier la chaîne de distribution d'alerte des populations, je voudrais savoir quel rôle a joué France Bleu dans les messages ? Puisque normalement, elle est inscrite dans cette chaîne de distribution de l'information, et elle est normalement le bras armé opérationnel d'information du préfet.

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éric Herbet, président de la communauté de communes Inter Caux-Vexin

Vous avez entièrement raison. Cela a été vraiment « le » média, au-delà des chaînes de télévision en continu. S'agissant de la radio, cela a effectivement été le média principal. Les habitants nous disaient que même dans leurs déplacements, ils étaient continuellement sur France Bleu.

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Etait-ce un message journalistique ou les communiqués d'alerte des populations venaient de la préfecture ? Normalement, France Bleu doit se mettre en retrait sur la couverture médiatique et ne servir que la communication de l'alerte. Je voulais savoir si elle a pratiqué de cette manière.

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éric Herbet, président de la communauté de communes Inter Caux-Vexin

De ce que j'ai pu entendre, il y avait effectivement quelques messages journalistiques, dans des espaces de temps bien spécifiques, en lien avec la fréquence des informations, mais ils commentaient et donnaient un peu d'informations. C'est plus au travers de ce vecteur que de l'information institutionnelle a été diffusée et qu'ils semblaient être bien informés, à ma connaissance.

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Je signale que France Bleu sera auditionnée prochainement également.

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Nicolas Bertrand, président de la communauté de communes Bray-Eawy

Pour ce qui est de l'intercommunalité de Bray-Eawy, nous allons parler à deux voix. J'ai souhaité effectivement que Xavier Lefrançois soit à mes côtés, d'une part parce qu'il a cette délégation santé au niveau de l'intercommunalité, mais il est également président du Pays de Bray qui a été, vous le savez toutes et tous, particulièrement impacté, et de par sa profession d'agriculteur.

Tout d'abord, parce que cela a été évoqué, concernant le système d'alerte je ne peux effectivement que reprendre les propos du président d'Inter Caux-Vexin. J'ai la particularité d'être certes maire, mais la commune dont je suis maire n'était pas concernée par ce couloir selon les autorités préfectorales.

Simplement, je crois me souvenir n'avoir reçu un message sur le système gala que dans l'après-midi. Effectivement, c'est assez paradoxal. Éric Herbet évoquait le cas de la tempête, mais c'est également le cas, dès lors qu'il y a des intempéries, verglas ou autres, c'est donc assez paradoxal.

Pour répondre à la question complémentaire du député Jolivet, nous avions une cession au département, je me levais donc à 5 heures 30. France Bleu Normandie a joué véritablement un rôle important et primordial, parce qu'habituellement les équipes prennent l'antenne qu'à partir de 6 heures, et dès 5 heures 4045, elles communiquaient sur cette catastrophe.

Par rapport à votre question qui est assez précise, je serai beaucoup plus réservé sur les informations notamment données par la chaîne d'information continue BFM TV.

Ce que je souhaiterais également dire c'est qu'au travers peut-être de cette défaillance du système d'alerte auprès des élus locaux, cela a mis en évidence que sur une bonne partie du territoire, nous n'avons pas encore, malgré des spécificités locales, cette culture du risque. Il y a véritablement aujourd'hui des faiblesses dans nos questions autour de la sécurité civile.

Même si ce n'est pas lié à Lubrizol, j'ai un exemple à vous communiquer. La commune dont je suis maire entre, depuis quelques semaines maintenant, dans le plan particulier d'intervention (PPI) suite à l'élargissement du rayon de 10 à 20 kilomètres. Etant concerné par la centrale nucléaire de Penly, j'ai été convié à une réunion d'information au mois de juin. Les autorités qui étaient présentes nous ont proposé éventuellement la possibilité d'organiser des réunions avec la population. J'ai 2 000 habitants dans ma commune.

Et dès lors que ma directrice générale des services (DGS) a sollicité les services du service interministériel régional des affaires civiles et économiques de défense et de protection civile (SIRACEDPC), on nous a fait comprendre que ce serait bien de se rattacher aux deux grand-messes existantes. J'ai du mal à comprendre. Nous étions quelques jours après la catastrophe du site Lubrizol. Il y a là, véritablement un sujet à traiter.

Il a été évoqué également, mais je sais que le député Batut y est particulièrement attaché, la téléphonie mobile en milieu rural. Nous avons l'exemple, notamment sur Grigneuseville, petite commune où le maire a mis en place tout un système d'alerte de SMS sur les téléphones portables auprès des habitants volontaires. Ce système fonctionne plutôt pas mal sur le territoire.

Nous sommes également des représentants de territoires ruraux, vous l'avez compris. Nous avons beaucoup parlé du confinement de la population. Je regrette que nous n'ayons pas eu d'informations concernant le confinement des animaux, même si la mise en oeuvre aurait été peut-être difficile dans le temps, compte tenu de cette période de l'année. Je crois, d'après mon réseau, que des conseils assez proches de monsieur le préfet le lui auraient suggéré. Je m'interroge également par rapport à ces informations.

Quelques éléments également qui ont été évoqués sur l'aspect sanitaire, peut-être par M. le député Jolivet. Des médecins quelques jours après la catastrophe m'ont interpellé, parce que des administrés étaient venus les voir un peu catastrophés. Certains maires n'avaient pas pris le soin d'effectuer le nettoyage nécessaire et demandé dans les cours de l'école. J'ai appelé le sous-préfet d'arrondissement pour lui demander d'envoyer de nouveau un mail, mais je crois que cela a été aussi peut-être un peu léger, en termes de suivi.

Concernant les particuliers. J'ai, notamment dans ma commune, un particulier qui m'a contacté il y a quelques jours, ayant retrouvé, des particules d'hydrocarbures dans sa piscine, cela a été évoqué également par le président de l'intercommunalité voisine. Agnès Firmin Le Bodo évoquait cette possibilité de mettre en oeuvre peut-être une cellule d'écoute, ou un numéro, de manière à aiguiller. Je crois que ce serait intéressant, et je vais écrire au préfet Durand dans quelques jours sur ce sujet.

Se posera, à mon sens, la question également des communes pour lesquelles nous avons retrouvé ces particules, mais qui ne figurent pas dans l'annexe de l'arrêté préfectoral. Je prends le cas de ma commune, par exemple, où soi-disant nous n'avons rien eu, alors que nous avons retrouvé ici ou là quelques traces de suie. Des habitants s'interrogent, et nous parlons beaucoup de la crédibilité de la parole publique, pour se dire comment ces communes finalement ont été arrêtées, et assez tôt, me semble-t-il.

Pour ce qui est de la question des permis de construire qui relèvent de l'intercommunalité, M. le député Jolivet l'évoquait, je laisserai le président du pôle d'équilibre territorial du Pays de Bray (PETR) s'exprimer sur le sujet.

Je n'ai pas à ma connaissance de communes qui ont opté pour des réserves communales de sécurité.

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Xavier Lefrancois

Il a été dit beaucoup de choses, et je confirme qu'il y a des anomalies, il y a des choses qui ne fonctionnent pas dans notre société. Et finalement, je me suis dit que peut-être il suffirait de lire trois témoignages que j'ai reçus. Puisqu'en tant que président du PETR, j'ai écrit à l'ensemble des maires pour leur demander justement de recenser auprès de leurs administrés les difficultés qu'ils ont pu rencontrer.

J'ai reçu plusieurs courriers, et trois que j'ai sélectionnés. Un courrier d'un agriculteur, un courrier d'une élue et un courrier d'une habitante. Si vous me permettez, je vais les lire. Je vais essayer d'être assez rapide, mais c'est important, parce que cela reflète tout ce que nous venons de dire à l'instant.

Le premier est le témoignage d'un agriculteur. Vous savez, monsieur le Président que j'ai participé à une multitude de réunions suite à cette catastrophe. Il est vrai que la Chambre d'agriculture a fait son travail, et même du bon travail, mais il y a encore beaucoup à faire, et notamment sur certains agriculteurs maraîchers entre autres et apiculteurs. Je vais y revenir tout à l'heure.

« Bonjour, monsieur Lefrançois. Suite à votre courrier du 10 octobre 2019 me demandant de vous transmettre les difficultés rencontrées suite à cette catastrophe Lubrizol, notre ferme commercialise nos bons légumes labellisés bio en vente directe aux consommateurs.

« Nous nous sommes installés en 2016. Depuis trois ans, nous nous sommes fait une clientèle très intéressante. Comme vous le savez, se créer une clientèle est difficile. Or depuis cet incendie, nous constatons une perte de 47 % de chiffre d'affaires. La clientèle n'est plus là. Va-t-elle revenir, sachant aussi que notre petite exploitation à échelle humaine progresse chaque année de 15 % ? Voici une synthèse en pièce jointe, une perte estimée à 12 000 euros. Vous y trouverez les différentes pertes et dommages ainsi que les préjudices anxiété engendrés.

« Nous sommes très touchés moralement par cette pollution. Il est difficile de trouver le sommeil. Nous nous sommes engagés, vu notre éthique, au travail du sol par traction animale, et notre label bio, label que nous payons sans la moindre aide de l'État. Vous comprendrez qu'il va de soi que nous avons besoin d'aide, car notre petite structure étant jeune n'a pas de trésorerie. Nous vivons au mois le mois, ma femme et nos deux enfants à charge.

« Nous vous demandons, comme sur votre courrier, de nous défendre et de nous aider rapidement, car nous ne pouvons pas attendre très longtemps, afin que notre petite exploitation maraîchère soit pérennisée. Bon courage à vous pour essayer de nous défendre… »

C'est un habitant de Sommery en Pays de Bray. C'est un cas de figure que je pourrais multiplier par quatre, cinq, dix, parce qu'ils sont très nombreux. Vous savez en Pays de Bray, il y a des petites exploitations, notamment maraîchères, qui essaient de vivre. Certains font des marchés, et c'est leurs seules recettes, et je peux vous dire que la fréquentation des marchés, aujourd'hui, est en berne. C'est un témoignage fort venant d'un petit exploitant en Pays de Bray.

Témoignage d'une élue qui est très intéressant.

« Notre commune a été impactée par cette pollution. Dès le jeudi matin à 8 heures 30, l'odeur était très forte sur notre commune. Les mères et enseignants du regroupement scolaire ont décidé seuls de confiner les enfants à l'intérieur. Hélas, certains enfants ont dû sortir pour se rendre à la cantine scolaire sur le temps du midi, moment du pic de pollution avec une odeur provoquant une irritation de la gorge et une véritable gêne olfactive.

« Ne recevant aucune consigne des services de l'État et constatant le commencement d'un dépôt de suite, nous avions décidé de fermer les écoles le vendredi. Mais nous avons changé d'avis devant les propos rassurants du préfet le jeudi soir. Les enfants sont restés néanmoins confinés : pas de récréation le vendredi.

« Je ne comprends pas que chaque année, les élèves fassent des exercices plan particulier de mise en sureté des personnes (PPMS), et là, le jour où il faut l'appliquer, aucune décision sensée n'ait été prise. Avoir fermé des écoles jusqu'à Quincampoix, alors que nous sommes juste derrière à vol d'oiseau, comme si le nuage de fumée allait s'arrêter pile à Quincampoix.

« Nous avons donc dû nettoyer nos cours et mobiliers hier et ce matin, afin que les enfants ne soient pas en contact avec la suie. Hélas, nous en avons partout. Nous allons faire un pointage ce jour pour les habitants, afin qu'ils nettoient et se protègent également. La suie recouvre tout : menuiseries, barrières, voitures, bancs, école, toboggan.

« Nous avons des entreprises agricoles aussi et plusieurs habitants possèdent des poules et des potagers. Nous regrettons de ne recevoir un appel de la cellule de crise que dimanche après-midi. C'est un peu tard.

« Je vous remercie de transmettre notre parole à qui de droit, car nous sommes petits et pas forcément entendus. Maire de Neufbosc. »

Et pour finir, un témoignage d'un habitant :

« La commune dans laquelle j'habite, à côté de Buchy, a été impactée par le panache de fumée de Lubrizol. J'ai eu l'information de cet accident vers 8 heures 15, le jeudi, alors que je m'apprêtais à emmener mon fils de quatre ans à pied à l'école maternelle avec mon fils de six semaines. J'ignore alors que le panache de fumée issu de l'incendie s'est déplacé jusqu'en Pays de Bray.

« J'apprends à l'école que les voitures sont déjà couvertes de suie. Les enseignantes nous indiquent qu'elles vont garder les enfants à l'intérieur. Ils ne sortiront que pour aller à la cantine. Elles n'ont reçu aucune consigne, puisque seules 12 communes sont concernées par les mesures de confinement. Comment a été décidée cette liste de 12 communes, qui sont proches de la nôtre ? La préfecture pensait-elle que le nuage s'arrêterait juste près de ces communes ?

« C'est au cours de la journée que je prends conscience de l'extrême gravité, et de ce qui est en train de se passer. Les odeurs entrent dans la maison, notamment dans la chambre de mon bébé. Le lendemain, les enseignantes, n'ayant toujours reçu aucune consigne, sortent les enfants en récréation à l'extérieur. De chez moi, je les entends. Je décide alors de téléphoner aux enseignants et au maire de mon village, afin de savoir si la cour et les jeux ont été nettoyés pour éviter tout risque d'exposition des enfants aux retombées. La réponse n'a pas été claire du côté du maire. Elle semble être : « non » du côté des enseignants.

« Nous avons donc alors été confrontés à un maire n'ayant absolument pas pris conscience de la gravité de la situation, et minimisant les impacts potentiels de notre territoire, à 30 kilomètres de Rouen. Après plusieurs jours d'échanges tendus, et le déplacement de l'inspectrice dans l'école, les jeux de la cour de l'Ecole, les rebords de fenêtre ont normalement été nettoyés. Le doute persiste encore aujourd'hui vu la manière dont cela a été conduit par la municipalité.

« Mon fils de quatre ans a donc, comme tous ses camarades de maternelle, été potentiellement exposé aux pollutions, le temps que le nettoyage soit correctement réalisé. Le week-end suivant l'incendie nous procédons au nettoyage des jeux et du mobilier de jardin dans notre propriété, pareil toboggan, balançoire, bac à sable, etc., voiture.

« Face à ce constat, nous sommes anéantis. La crainte que nos enfants déclarent dans quelques années une maladie du fait de cette pollution. Allons-nous devoir les regarder grandir avec le cancer au-dessus de la tête ? Je ne peux pas m'empêcher de pleurer en les regardant et en y pensant.

« Notre potager que nous n'avons pas récolté, cette perte de légumes ayant nécessité du temps, et qui nous aurait permis aussi de nourrir nos enfants avec des produits de qualité, qu'en est-il des prochaines années ? Pourrons-nous jardiner à nouveau ? Nos arbres sur lesquels nous avons laissé les fruits pourrir ? Nos abeilles qui se sont vues exposées aux suies. La planche d'envol de ruche en était couverte, qu'elle sera l'impact pour la ruche. La cire sera-t-elle polluée ? Les poules, pourrons-nous les manger ? Que faire des oeufs ? Pendant combien de temps ne pourront-ils pas être mangés ?

« Nous ne pourrons pas consommer en toute confiance les aliments, lait, fromages, fruits et légumes venant du Pays de Bray. Le choix de l'échantillonnage pour les analyses n'ayant nulle part été précisé. Les particuliers habitants ne sont jamais évoqués dans les communications officielles ou les médias. Pourtant, le préjudice est bien réel.

« Outre le préjudice sur la santé, qu'il est impossible aujourd'hui d'évaluer, le préjudice est moral depuis l'accident, avec l'inquiétude portant sur la santé et la remise en cause du mode de vie. Les enfants pourront-ils rejouer demain dans la terre sans risque d'intégrer des polluants ? Il y a le préjudice financier, avec la perte des fruits et légumes, et donc la nécessité d'en acheter. Tout comme les essaims des abeilles, qu'en est-il de la perte de la valeur immobilière ?

« Toutes ces questions sont partagées avec nos voisins et amis, qui ont été impactés de la même manière. Serons-nous, particuliers, habitants du territoire, reconnus victimes de cet accident industriel ? »

Voilà trois témoignages, monsieur le Président, qui sont poignants. Ils sont bien réels et reflètent tout à fait les questions qui sont posées et les réponses qui ont pu être apportées jusqu'à maintenant.

Sur l'agriculture, il y a eu effectivement un énorme travail qui a été accompli, mais qui n'est pas suffisamment. Effectivement des agriculteurs ont été un peu abandonnés, un peu délaissés, ceux qui produisent différemment, qui ne produisent pas nécessairement du lait. Je pense qu'il faut quantifier un peu tout cela encore. Il est encore temps de se rattraper.

En plus, j'ai l'impression qu'on a beaucoup parlé de Rouen, mais cela s'est arrêté là. Et le nuage de suie : « C'est juste un simple nuage. Il ne faut pas s'inquiéter, il n'est pas dangereux ! » Non, cela ne suffit pas comme réponse. L'accompagnement des particuliers aussi, à mon avis, est très important.

L'analyse sanguine supplémentaire ? Il faut aussi envisager, peut-être, d'être suivi sur le plan médical à long terme.

Concernant le dispositif d'alerte de la commune. Moi aussi j'ai une sonnerie, mais qui ne suffira certainement pas, parce que la ville de 5 000 habitants est assez importante et assez éparpillée. On ne l'entend pas systématiquement, je suis tout à fait d'accord avec toi, mon cher Éric.

On aurait tellement de choses à dire.

L'appel d'urgence téléphonique : il y a des zones blanches encore en Pays de Bray, je le reconnais.

Apprendre les choses par la presse, par France Bleu, j'avoue que là France Bleu a fait un excellent travail et a garanti une bonne communication. Mais cela ne suffit pas, tout le monde n'a pas la radio branchée sur France Bleu.

Je pense qu'encore une fois la ruralité a un peu été laissée pour compte. Le Pays de Bray, c'est une zone de revitalisation rurale (ZRR), elle est déjà très en difficulté. Le monde rural souffre. Nous n'avions pas besoin de cela pour l'image de ce territoire qui est en train de se préparer pour une étude de faisabilité d'un parc interrégional naturel. Ce n'était pas le bon moment.

Nous venons de sortir un Guide du Routard justement pour promouvoir notre région. Or, nous avons tout faux ! Nous sommes en train de déstabiliser un peu toutes les initiatives en faveur de notre territoire qui vaut pourtant le coup d'être visité. Il vaut aussi le coup d'y vivre !

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éric Picard, président de la communauté de communes des quatre rivières

Gournay en Braye n'a pas été inscrite dans l'arrêté des communes impactées, et c'est vrai que dans l'immédiat nous n'avons pas été concernés, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu d'effets visibles ni constatés.

La première information que j'ai eue de source officielle vient de l'Education nationale. L'inspectrice de Neuchâtel m'a appelé en me disant : « Nous avons donné la consigne à toutes les écoles de la circonscription de laisser les enfants en confinement jusqu'à nouvel ordre, à cause de l'incendie ». Pour ma part, je l'avais appris par la voie de la télévision, le matin au petit-déjeuner.

Le confinement des élèves, certes, quid de ceux qui ne sont pas demi-pensionnaires ? Ils repartent. Les parents, nous les informons à quel moment ? Pour les communes comme la mienne, c'était assez particulier. Et la réponse qui a été donnée, du côté de l'Ecole Georges Brassens de Gournay, a été : « Nous ne pourrons pas nous déplacer dans les lieux sportifs ou culturels, pour les activités périscolaires et extrascolaires organisées à cause de ce confinement. »

Bizarrement, j'ai vu arriver à la piscine ou encore à la médiathèque de Gournay des gens qui venaient de la proximité de Gisors ou des gens qui venaient de l'Oise, département limitrophe de notre périmètre. Il y a un confinement à opérer, mais le nuage va continuer son chemin. Peut-être avez-vous déjà entendu des représentants des collectivités territoriales de la région voisine, mais il est important aussi d'imaginer que ce nuage va continuer, paraît-il, jusqu'aux Pays-Bas. Nous n'irons pas jusqu'aux Pays-Bas, cela ne nous concerne pas. Néanmoins sur la zone des Hauts-de-France, il faut que nous soyons vigilants.

En termes d'alerte de la population, je rejoins mes collègues. Nos malheureuses sirènes d'alerte, quand bien même elles seraient encore fonctionnelles et efficaces, n'ont plus d'intérêt aujourd'hui, dans la mesure où nous n'éduquons pas nos populations à reconnaître les signaux d'alerte, ni même les pratiques qui devraient en découler, par voie d'expérience ou d'apprentissage.

Je rejoins ce que disait Xavier Lefrançois, puisque j'ai parlé de l'Éducation nationale. À partir du moment où on parle des plans de mise en sécurité des élèves, c'est un exercice que nous faisons fréquemment, que nous nous astreignons à faire, et Dieu sait que cela a provoqué des travaux dans nos écoles publiques, mettons-les en jeu ! Il faut que ce soit opérationnel.

Ensuite, le confinement des animaux a été assez tardif à mettre en place. Nous avons un marché deux fois par semaine à Gournay-en-Bray. Je vous ai dit que la ville de Gournay-en-Bray n'était pas touchée, mais lorsque nous avons des producteurs locaux qui viennent d'un rayon d'action élargi, nous avons logiquement des producteurs qui viennent nous voir. Et nous avons un marché de vifs, où nous vendons des volailles et des lapins, ont-ils été exposés ? Jusque quand ? Fallait-il empêcher cette vente ? Nous étions dans une situation d'information assez pauvre.

Sur la succession et le rythme des informations. Là aussi l'ironie du risque gala, des messages à commande et à validation téléphonique, fait que nous sommes très souvent sollicités par le SIRACEDPC. Malheureusement, dans cette affaire, nous n'avons pas été aussi précis que cela. Cela aurait peut-être été judicieux d'utiliser ce même réseau.

Pour ce qui concerne la fonction de président de communautés de communes, ce n'est pas le premier interlocuteur finalement auquel on fait appel. Le maire, c'est le premier niveau de la démocratie. Mais lorsqu'il s'agit d'un maire d'une petite commune, qui ne possède pas de service permanent dans sa mairie, comment se fait l'accueil des populations sur leur interrogation ? Tout le monde n'a pas forcément le numéro du maire en direct. Et lui n'a peut-être pas forcément la possibilité de se mettre immédiatement en permanence dans sa mairie pour pouvoir répondre à ces questions.

A cet égard, il y a quelque chose à faire aussi du côté des communautés de communes, à qui il est demandé tellement de choses qu'elles finissent par ne plus savoir exactement quel est leur rôle. Avons-nous un rôle d'ensemblier ou avons-nous un rôle simplement sur des stratégies ? Il faudra peut-être travailler sur le niveau d'information.

Sur la question de l'information des pollutions, dans les permis de construire, le Pays de Bray, que Xavier Lefrançois a défendu avec ardeur comme à son habitude, est sous les vents dominants de l'agglomération rouennaise. Tous les vents de secteur ouest, ou sud-ouest, vont nous arriver. Et le potentiel risque de pollution aérienne par effet de catastrophes industrielles du bassin rouennais est forcément récurrent. Il n'avait jamais été inscrit comme étant un risque potentiel, et on n'informait pas forcément les pétitionnaires, ni au moment des PC ni au moment des cessions de propriété.

Aujourd'hui, on nous donne de nombreuses bases de données informatisées, qui ne correspondent plus à rien parce qu'elles relèvent parfois de l'histoire antédiluvienne. Aujourd'hui, nous aurions peut-être besoin de remettre cela à jour, même si nous ne souhaitons pas forcément qu'il y ait un incident industriel aussi important.

L'autre difficulté du côté des particuliers, c'est que les maires de proximité ont été contactés par leur population, quand ils avaient des soucis, lorsqu'ils ont été dans le périmètre de l'arrêté. Mais chacun a pris ses responsabilités. Un grand nombre de particuliers se sont rendus en gendarmerie pour déposer plainte, parfois pour des raisons infondées. Mais les gendarmes ne sont pas formés non plus pour cela. Et un grand nombre de concitoyens que j'ai croisés longtemps après, m'ont expliqué leurs expériences de dépôt de plainte. Cela fait froid dans le dos.

Nous sommes en droit de nous poser la question de savoir si les habitants ont le droit d'aller à un guichet de la force publique, et donc un guichet du parquet pour déposer une plainte à bon droit. Et on leur dit : « Attendez de savoir ce qu'il se passe. Ce n'est pas la peine de vous alarmer ! » Cela n'a pas toujours été le cas, parce que cela a été vite réformé, mais l'expérience des premiers n'a pas forcément été bien vécue.

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Faut-il comprendre que finalement, les dépôts de plaintes ont été refusés ? Ai-je bien ou mal compris ?

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éric Picard, président de la communauté de communes des quatre rivières

Je ne veux pas du tout dire que les plaintes ont été refusées. Ce n'est pas le cas, mais lorsqu'effectivement un particulier vient en disant : « J'ai de la suie partout chez moi, je tousse. Je voudrais savoir comment je peux faire pour porter plainte et me prémunir, à bon droit, de mes intérêts futurs. » Il s'entend dire : « Vous toussez, ce n'est pas grave. Aujourd'hui, c'est la fumée ». Et comme le message national de la part de l'État était qu'il n'y avait pas de graves difficultés dans un premier temps. Je comprends qu'effectivement les gendarmes soient dans ce fil.

Ensuite, il faut dire simplement : « Nous allons prendre tout en note, et nous verrons après, si vous avez besoin de rajouter quelque chose ou de retrancher. » C'est cela aussi l'évolution du droit. Nous savons que les actions collectives vont être maintenant menées et que des associations se sont aussi constituées. C'est aussi cette difficulté qui ne va pas falloir manquer de regarder.

Xavier Lefrançois a pris cette tangente, nous, dans les communautés de communes, avons une action de développement économique. Nous avons une action de développement touristique. Nous devons veiller à la qualité de l'air, par nos plans climat-air-énergie territorial (PCAET) à venir. Nous devons veiller à la qualité de l'eau par tous nos plans de préservation des points de captage. Aujourd'hui nous allons nous retrouver avec une image détériorée.

C'est ce qui m'a amené à prendre une délibération pour mettre la communauté de communes dans toutes ses dispositions, dans la boucle des ayants droit au regard des difficultés que nous aurions à faire face dans le futur.

À ce stade, nous n'en avons pas eu beaucoup de retombées des prestataires de tourisme. Et nous ne savons pas ce que cela va donner dans le futur. Mais lorsque les réservations chutent de façon drastique, les prestataires de tourisme n'auront pas le profit attendu de leurs établissements ou de leurs activités. Et nous qui percevons une taxe de séjour, nous allons avoir une baisse des recettes.

C'est pourquoi la communauté de communes s'est positionnée, et a déposé une plainte collectivement sur ces sujets.

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Pour conclure, cela va de soi, l'Association des maires permettra aussi de regrouper sans doute des témoignages que vous avez reçus des maires adhérents à l'association départementale.

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Denis Merville, président de l'ADM 76, conseiller départemental, maire de Sainneville-sur-Seine

Je voudrais d'abord vous remercier d'entendre non seulement l'Association des maires, mais mes collègues maires et présidents d'intercommunalités du territoire qui a été vraiment touché. Je suis à l'autre bout du département, et donc forcément moins concerné, mais c'était important que vous ayez les témoignages des collègues. Cela montre une fois de plus combien les maires et les présidents d'intercommunalités sont les interlocuteurs de proximité de nos administrés. Il faut que cela soit bien compris maintenant, mais il ne faut pas que ce soit oublié.

Pour ma part, nous avions effectivement un conseil départemental. Ce n'était pas France Bleu, je crois que c'est par Europe 1 que je l'ai appris le matin. Ensuite, nous avons été alertés par le président actuel et l'ancien du département, qu'il y avait un problème, que la séance était reportée l'après-midi. Ensuite, on nous a demandé de faire demi-tour avec ma « collègue binôme ». Nous avons fait demi-tour pour arriver à Barentin, pour rentrer sur la fin au Havre.

Il se trouve que j'ai deux casquettes. J'ai été informé en premier par Véronique Delmas, qui est ma directrice d'ATMO Normandie, qui a été dans la cellule de crise qui a été associée. Nous l'avons dit hier au Sénat, je le confirme. Nous l'avions été beaucoup moins en 2013 à Lubrizol que cette fois-ci. Nous avons apporté notre concours en tant qu'ATMO Normandie. Et c'est elle qui m'a informé car elle était à la préfecture.

Il n'y a pas eu d'information directement au niveau de l'Association des maires. Par contre, des collègues ont appelé. J'ai au moins deux administrateurs ici, Xavier et Michel. Et nous avions un bureau du département le lundi matin, mais j'avais eu monsieur Cordier le samedi, me disant : « Monsieur le président, monsieur le préfet prend un arrêté pour 112 communes. » Comment la liste a-t-elle été arrêtée ? Aux limites administratives ? Tout cela n'était pas très clair, mais il m'a informé.

Les collègues l'ont dit les uns et les autres : « effectivement le nuage est dans le Pays de Bray, nous sommes l'objet de questions de la part de nos administrés, des agriculteurs, des commerçants. Et en tant que maire, que faisons-nous des parents d'élèves ? » J'ai appelé monsieur le préfet, qui m'a dit : « J'ai prévu une réunion avec les maires de la Métropole, je vais en faire une autre. » Mais je lui ai dit : « Il n'y a pas que cela ! » Michel était demandeur sur Forges-les-Eaux. Il a fait une réunion à Forges et une réunion à Buchy, parce qu'il fallait que les collègues soient informés.

Ensuite, j'ai eu à plusieurs reprises monsieur Cordier et monsieur le préfet, qui m'a confirmé la tenue de ces réunions. Avec l'autre casquette, mais ce n'est pas l'objet de l'entretien de ce jour, nous lui avons proposé de mettre des moyens de contrôle supplémentaires. Puisqu'il se trouve que nous n'avons pas sur Bois-Guillaume et sur Mont-Saint-Aignan notamment de capteurs. Dans la cellule de crise, Mme Véronique Delmas l'a proposé, et il a accepté. Ensuite, avec le vice-président, nous lui avons proposé de mettre en oeuvre d'autres moyens que le préfet a acceptés.

Ensuite, évidemment la question a porté sur l'indemnisation. Elle a été posée, lorsque nous avons eu le débat au département, mais même avant. Des maires ont téléphoné à l'ADEME pour demander ce qu'il fallait faire. Monsieur Cordier m'avait dit que l'indemnisation sera versée sur remise de factures. Je lui ai expliqué qu'il n'y a pas que les factures. Quand le personnel, notamment à Mont-Saint-Aignan a travaillé le samedi et le dimanche pour changer l'eau de la piscine, ce sont des coûts supplémentaires. Serons-nous indemnisés ?

Monsieur Cordier m'a rappelé après pour m'indiquer qu'une circulaire serait publiée, et que Lubrizol serait informé.

En ce qui concerne l'association des maires, nous avons été informés par les relais des administrateurs et mes demandes, à la fois sur l'indemnisation. Nous avons envoyé un mail aux maires concernés pour doubler ce qu'avait fait monsieur le préfet, pour appeler au dépôt des demandes d'indemnisation, avant le 28 octobre. Je ne sais pas s'il y aura un délai supplémentaire, parce que ce n'est pas toujours très facile, surtout en cette période.

C'est vrai que l'information et la communication, tout le monde l'a dit, posent problème pour les maires. Je suis forcé de constater, mais vous n'y voyez pas du tout une critique ou une rivalité Rouen - Le Havre, qu'il y a sur la région havraise des organismes de formation. Je le vois avec ATMO Normandie, ou avec l'Observatoire régional des métiers (ORM), par exemple, sans qu'il y ait eu fusion, avec Caux-estuaire des formations par l'ORM pour que tous les maires ou les adjoints soient formés.

J'ai distribué dans ma commune, il y a un an ou deux, une circulaire faite par l'ORM en cas de risque technologique. Et je ne suis pas une commune à proximité de la zone industrielle. Ce sont des outils qui existent. Il y a une certaine culture du risque sur la région du Havre qui n'existe pas tout à fait dans la région rouennaise. Ce n'est pas une critique à l'égard des collègues rouennais, mais incontestablement, nous sommes forcés de constater cela.

Peut-être qu'il y a aujourd'hui, avec les industriels, une synergie des actions qui sont menées. J'avais un adjoint qui était passionné par cela, et qui avait suivi des journées de formation, par l'ORM, par exemple.

Je parle devant des parlementaires, mais je l'ai dit hier au Sénat, et je prends l'autre casquette, mais la loi nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ne nous a pas simplifié la tâche pour ATMO Normandie, puisqu'à part le département de Seine-Maritime, les autres départements ne participent pas à la mesure de la qualité de l'air. En effet, ils n'y sont pas obligés aujourd'hui par la loi, en dépit de l'Assemblée des départements de France (ADF) qui l'a vivement conseillé. J'ai vu son président, Dominique Bussereau, ils ne participent pas en Normandie. Or il y a des problèmes de santé et des problèmes d'odeurs.

Aujourd'hui je dois avec ma directrice ou des vice-présidents, aller voir les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans toute la Normandie pour leur demander, puisque c'est la loi. Effectivement, je ne vais pas parler des collègues du Pays de Bray. Quand on est dans l'Orne, on dit que les risques industriels, ne nous concerne pas. La pollution, ce n'est pas nous. C'était plus simple pour nous d'avoir des subventions du département aujourd'hui, que d'aller voir EPCI par EPCI.

C'est une leçon à tirer, parce que ce serait plus simple pour nous. Et au moins, peut-être pourrions-nous rediffuser aussi. Parce que nous parlerons des odeurs à un autre moment, avec une autre casquette.

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Denis Merville, président de l'ADM 76, conseiller départemental, maire de Sainneville-sur-Seine

Je ne suis pas sûr de pouvoir venir, mais Véronique sera présente puisqu'elle elle a été elle-même dans la boucle d'information.

Et merci encore une fois d'avoir associé les collègues du territoire concerné, parce que tout le monde se tourne vers les maires, forcément. Michel qui était au bureau du département, Patrick Chauvet, et tout le monde l'a dit. Ce n'est pas une surprise quand on est maire dans les zones rurales et périurbaines, dans les intercommunalités de petite dimension. C'est vrai que nos administrés connaissent plus encore le maire que le président de l'intercommunalité.

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Michel Lejeune, administrateur de l'ADM76, conseiller départemental, maire de Forges-les-Eaux

Sur la communication, j'ai été averti par la radio et par la télévision. Je l'ai entendu à six heures et demie du matin, les télévisions annonçaient l'incendie.

Après, le relais a été pris par Pascal Martin, Président du département qui m'a dit : « Je crois que nous allons annuler, que nous allons retarder ». C'est la seule communication que j'ai eue.

La réaction des habitants a été tout de suite très vive, ce qui a fait que j'ai déposé plainte le premier. Le samedi midi, je déposais plainte suite à une réunion que nous avons eue sur la commune, et qui, dès le vendredi soir, a regroupé 300 personnes inquiètes des retombées, etc. Surtout elles étaient inquiètes pour l'avenir.

Sans être des experts en chimie, les gens comprennent la situation. On se dit que des molécules, même si on les connaît, quand elles sont chauffées à 1 000 ou 1 200 degrés, que deviennent-elles ? Quand plusieurs molécules se rencontrent, qu'est-ce que cela fait ? Ces produits aujourd'hui qui sont apparus, ne seront-ils pas des produits toxiques à long terme ? Le court terme est passé. Le long terme, c'est demain. Aujourd'hui, personne ne peut vous affirmer si ces produits dans quelques années, ne déclencheront pas des cancers, ne déclencheront pas des effets tératogènes, etc. C'est la grande inquiétude de la population. Je peux vous assurer que l'inquiétude est très vive.

Effectivement, nous sommes à 4045 kilomètres de Rouen, c'est vrai que nous ne sommes pas sous les bons vents, même si souvent le vent du Sud-Ouest amène le beau temps, ou la pluie aussi, parce que nous avons besoin de pluie. Là, ce n'est pas le cas, c'est vraiment dramatique.

Sommes-nous au courant des indemnisations ? Je vous dis non. Les agriculteurs, oui, parce qu'on a défendu quelques-uns pour que la commission nationale du lait prenne le relais, en attendant que nous ayons des aides qui soient débloquées par Lubrizol. Il y a bien sûr les maraîchers qu'il ne faut pas oublier, parce qu'ils ont été un peu oubliés. Il y a les personnes qui produisent des poissons et les personnes qui produisent également du miel. Toutes ces personnes ont été occultées. Il ne faut pas les laisser.

Il y a l'image de la commune. Ma commune de 4 300 habitants est une station classée de tourisme. C'est important, c'est très important. Pour être station classée de tourisme, la loi est très exigeante. Cela suppose beaucoup d'efforts. Aujourd'hui que pouvons-nous dire ? Qu'il y a une belle nature, saine et non polluée, etc. ? Nous ne sommes pas tout à fait crédibles.

Je ne vous en parle pas trop, parce qu'il ne faut pas faire une publicité négative, mais, par exemple, concernant le Village Vacances Familles sur la commune, nous avons eu quelques réservations de groupes qui ont été annulées. C'est un préjudice aussi. Comment sera-t-il estimé ? Je ne sais pas, mais il est là, il est présent.

Hubert Wulfranc évoquait l'état de catastrophe technologique. C'est important qu'on passe en catastrophe technologique. Vous rendez-vous compte de ce qui nous est arrivé ? Il faut absolument vous battre pour que nous soyons classés en catastrophe écologique, technologique. Cela me paraît absolument essentiel.

La plainte, je la maintiens. Un collectif est créé et rassemble pas mal de personnes. Il s'appelle le « Collectif contre Lubrizol ». Au moins nous sommes clairs. On ne dit pas les choses à moitié. Je peux vous assurer qu'il est très actif et qu'il le sera encore.

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Xavier Lefrancois

Il y a eu 58 communes qui ont été impactées en Pays de Bray. Il faut faire un prélèvement de terre dans chaque commune.

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Michel Lejeune, administrateur de l'ADM76, conseiller départemental, maire de Forges-les-Eaux

Les prélèvements sont en train de se faire aujourd'hui même.

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Xavier Lefrancois

D'abord j'espère que les maires sont au courant, je l'espère. Il faut le faire aux endroits précisément qui ont été pollués. Cela va apaiser, à mon avis, cette inquiétude. Les gens ont besoin de savoir, de connaître cette vérité, et sur du long terme.

Une autre inquiétude qui doit être connue. Des agriculteurs ont ensilé du maïs le lendemain et le surlendemain du nuage. Les maïs étaient recouverts de suie, c'était interdit. Ils l'ont fait, parce qu'ils n'avaient pas d'autre moyen de nourrir leur bête. Je ne sais pas comment va réagir la fermentation. C'est aussi le rôle de la Chambre d'agriculture de réagir par rapport à cela, de faire des prélèvements réguliers dans les silos de maïs. Évidemment, une vache mange du maïs, produit du lait et du lait et du fromage dans certains secteurs, comme sur Neufchâtel.

Nous avons eu trois semaines d'attente pour commercialiser le fromage. Il se trouve que le fromage de Neuchâtel, il faut trois semaines d'affinement, cela tombait bien, quand il y a eu cette levée. Il y en a même qui ont dit : « C'est bizarre, c'est une coïncidence. Peut-être que ce fromage est pollué », donc c'est bien pour cela que beaucoup de producteurs n'ont pas pu le vendre. C'était deux points qui sont très importants, si on veut apaiser.

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Ma question s'adresse au Président Merville. Le Président Picard disait tout à l'heure que les maires, ou la puissance publique n'éduquaient plus les habitants à la sécurité. Je voulais savoir dans vos responsabilités en tant que maire, avez-vous déjà été invité par le préfet, ou par le responsable du bureau du service SIRACEDPC à imaginer des formes de communication en direction des maires, et de savoir comment il est possible de faire diffuser cette variable sécurité auprès des collègues que sont vos élus ?

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Denis Merville, président de l'ADM 76, conseiller départemental, maire de Sainneville-sur-Seine

Non. Nous avons eu des réunions, sur la pointe du Havre. Par contre, en tant qu'association des maires, nous avons sensibilisé nos collègues aux plans communaux de sauvegarde, avec les collègues de l'Eure également. Nous avons fait une réunion commune, Seine-Maritime-Eure, il y a deux ou trois ans avec le SIRACEDPC. C'est l'intérêt aussi de la mise à jour des plans communaux de sauvegarde (PCS), ou éventuellement le concours que peuvent apporter les intercommunalités. Nous avons été un peu aidés par l'intercommunalité.

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Il nous reste à vous remercier au nom de la mission. L'énergie que vous déployez montre qu'il fait bon vivre au Pays de Bray.

La séance est levée à dix-sept heures quinze.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à Rouen

Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 16 heures

Présents. - M. Xavier Batut, M. Christophe Bouillon, Mme Perrine Goulet, M. François Jolivet, Mme Annie Vidal, M. Hubert Wulfranc

Excusés. - M. Damien Adam, M. Jean Lassalle, M. Bruno Millienne, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Sira Sylla