Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, de nous accueillir. Vous avez posé un grand nombre de questions et je me propose de répondre dans un premier temps à un certain nombre de points. Comme vous l'avez souligné, cet accident industriel a frappé durement et durablement notre territoire. Très sincèrement, nous pouvons dire qu'aujourd'hui, la métropole et ses habitants sont encore sous le choc. Je crois que c'est vraiment une expression que nous entendons au quotidien. De nombreuses questions et craintes demeurent. C'est également pour cela que nous vous remercions de nous accueillir aujourd'hui. Nous espérons sincèrement que le travail de cette mission d'information pourra contribuer à soulever un certain nombre de points. C'est dans ce cadre que nous nous présentons devant vous aujourd'hui.
Monsieur le président, la première question que vous avez posée concernait les éléments d'information. Le jour même de l'incident, la gestion de la crise a révélé des défaillances significatives dans l'information des communes. Les élus que nous sommes n'ont pas forcément été mis en situation, facilement et dans des temps rapides, de pouvoir accompagner leurs habitants dans les meilleures conditions possibles. Sommes-nous bien préparés à gérer des crises industrielles de ce type aujourd'hui ? La question est vraiment posée. Je crois qu'il faut être honnête et répondre par la négative, si nous nous référons à ce que nous avons pu observer.
Malgré tout, je crois qu'il faut le rappeler, le pire a été évité. Nous avons été nombreux à souligner la grande réactivité des services de secours, mais nous tenons aujourd'hui à le refaire, parce que c'est vraiment un élément extrêmement important. Même si nous sommes sur une catastrophe industrielle forte, le bilan humain n'est pas à déplorer aujourd'hui.
Cela nous impose collectivement de nous interroger également sur l'ensemble des dispositifs de circulation de l'information et de sensibilisation des habitants. Pour moi, il y aura deux volets : la communication vis-à-vis des élus et celle vis-à-vis de nos habitants. Dans le respect des compétences de l'État et des communes, au niveau de la métropole, nous sommes d'ailleurs disposés à mettre à disposition des outils d'information au service d'une plus grande connaissance des risques industriels. Vous parliez également de la culture du risque et je crois qu'elle est insuffisante et doit être développée. Nous devons chacun apporter notre contribution, afin de faire en sorte que cette culture du risque soit beaucoup plus appropriée et que nous puissions nous mettre en ordre de marche derrière les services de l'État, afin d'avoir des procédures claires, précises, facilement compréhensibles et diffusables dans des délais très courts.
Vous avez également évoqué le problème des interrogations et des questions posées par nos habitants. Un gros point soulevé par ceux-ci est l'interrogation sur le suivi médical. Je crois que nous avons de l'inquiétude, voire pour certains de l'angoisse, sur l'impact de cet accident sur la santé dans l'avenir. Lors du comité pour la transparence et le dialogue qui s'est tenu récemment en préfecture, le Gouvernement a présenté son plan de suivi des personnes exposées. À cette occasion, une enquête par échantillonnage a été annoncée. Si mes souvenirs sont bons, elle devrait intervenir au printemps prochain. De notre point de vue, cette disposition est importante, mais pas suffisante. Elle ne doit en aucune façon nous dispenser de la mise en place d'un registre de suivi médical qui permettrait d'enregistrer l'ensemble des constats faits par les habitants, afin de faire en sorte qu'ensuite, ce registre permette de recenser l'ensemble des signalements médicaux et de favoriser une démarche volontaire des habitants qui en éprouvent véritablement le besoin. Je crois que c'est un point important. Il y a une avancée dans cette étude épidémiologique présentée, mais j'insiste, cet élément n'est pas suffisant. Il faut aller au-delà, permettre à chaque habitant qui se sent touché par cette catastrophe industrielle d'être enregistré, écouté, d'avoir probablement un suivi médical particulier et de contribuer peut-être à l'étude qui sera menée de façon beaucoup plus large.
Vous avez évoqué un questionnement sur la réparation des dommages. Effectivement, un certain nombre de mécanismes d'indemnisation a été proposé vendredi dernier, à Rouen, par le Premier ministre. Nous en avons pris note. Il concerne les acteurs économiques directement impactés, comme les agriculteurs, les commerçants, les artisans, les chefs d'entreprise, les collectivités. Une fois de plus, cette dimension psychologique, de préjudice immatériel, n'a pas été prise en compte et l'image de notre territoire est plus qu'altérée, avec un impact difficile à mesurer dans le temps, mais incontestable. Beaucoup d'élus, de décideurs, de simples citoyens ont vraiment eu le sentiment de voir partir en quelques heures le fruit d'années de travail consacrées au développement du territoire. Nous savons que nous allons nous relever. Nous avons la conviction, la force, l'envie et nous le ferons, mais ce travail de redressement doit être particulièrement accompagné par les industriels en premier lieu, mais également pris en compte par l'État dans ses politiques de solidarité nationale. Je crois qu'il faut reconnaître un état de catastrophe industrielle pour notre territoire, afin de permettre de faciliter l'accès à l'information et à un certain nombre d'indemnisations par l'intermédiaire des structures d'assurance qui aujourd'hui répondent à nos concitoyens qu'elles ne peuvent agir.
Nous appelons véritablement de nos voeux un signal fort des pouvoirs publics pour la transition durable de la vallée de la Seine, éventuellement à travers un nouveau contrat de projet interrégional qui serait doté de moyens conséquents. Cela nous semble être un impératif indispensable. Comme vous l'avez dit, au-delà de l'accident de Lubrizol, il y a toute la problématique de notre métropole qui recouvre un grand nombre de sites Seveso, mais de façon beaucoup plus large la vallée de la Seine qui est particulièrement industrielle et mérite aujourd'hui que nous regardions cet accident au regard d'un prisme élargi.
Un autre point, puis nous reviendrons peut-être un peu plus dans le détail. Vous avez fait référence à tout ce qui est urbanisation et soyons plus précis, à une interrogation sur le quartier qui se trouve à proximité de l'usine Lubrizol : le quartier Rouen Flaubert. L'incendie Lubrizol et de Normandie Logistique a mécaniquement amené à s'interroger sur ce projet situé en dehors du périmètre Lubrizol et du PPRT, mais suffisamment proche pour que les questions surviennent. Je voudrais rappeler ce qui a fondé la démarche de ce projet. Nous sommes vraiment en plein coeur d'agglomération rouennaise, sur une friche industrielle en reconversion de 90 hectares où l'objet du projet était vraiment de reconstruire la ville sur elle-même, comme il nous est demandé aujourd'hui de le faire prioritairement, avec une volonté d'avoir une multiplicité des fonctions urbaines. Effectivement, ce projet prévoit des logements, des bureaux, des espaces, un grand nombre d'équipements publics, beaucoup d'espaces verts et de la circulation douce. Ce qui a justifié un tel projet est à la fois la lutte contre la consommation d'espaces agricoles et naturels, contre l'étalement urbain et l'artificialisation des sols. Nous avons fait un petit exercice théorique, mais ce projet équivaudrait ailleurs, sur un secteur périurbain, à une consommation d'au moins 400 hectares. Des projets publics ou privés ont déjà été suspendus, voire remis en cause. Bien évidemment, il va falloir être extrêmement exigeants pour la suite. Il faut que nous puissions garantir à l'ensemble des personnes qui viendraient s'installer dans ce quartier, mais qui globalement vivent autour de ce secteur, de pouvoir y vivre dans des conditions de sécurité industrielle extrêmement fortes. Je crois qu'un travail important sera à mener, afin de garantir cette sécurité.
Globalement, nous pourrons y revenir un peu plus longuement, avec davantage de détails par rapport à ce projet et toutes les garanties qui devront être apportées. Il faut éviter de faire en sorte qu'il y ait une double peine pour ce quartier. Cela correspond à un besoin, une attente d'habitants qui veulent vivre en coeur de ville, à proximité de la Seine, de promenades qui ont été mises à disposition, d'aires de jeux, d'espaces naturels. Tous ces éléments sont vraiment importants.
Un dernier point est que nous souhaiterions qu'au niveau de la métropole, un certain nombre de choses soit engagé le plus rapidement possible. Entre autres avec les communes et les industriels, il faut absolument engager un travail de relecture, de questionnement, voire d'audit sur le sujet du risque. C'est essentiel. Nous devons croiser tous les risques majeurs, qu'ils soient industriels ou concernent les inondations ou les matières dangereuses. Nous devons intégrer les sites PPRT, avec une obligation de transparence sur tous ces travaux qui devront être menés vis-à-vis de l'ensemble de nos concitoyens. C'est une exigence totalement absolue et nous souhaitons la relayer auprès de vous.
À l'échelle de Rouen Flaubert, nous souhaitons également identifier très rapidement des dispositions constructives, que la réglementation n'impose pas aujourd'hui, mais peut-être pouvons-nous les anticiper. N'oublions pas que le quartier Rouen Flaubert a bénéficié de toutes les analyses, comme on peut le faire lors de la création d'une zone d'aménagement concerté (ZAC), mais qu'il n'est pas dans le périmètre PPRT Lubrizol. Nous pourrions également envisager des renforcements, en particulier au niveau de la construction, par exemple des possibilités de coupure centralisée de ventilation mécanique contrôlée (VMC). En tout cas, un travail est à mener, et dans la poursuite de ce projet, en fonction des calendriers et des résultats d'enquêtes qui seront menées, nous aurons probablement des ajustements à opérer.