La séance est ouverte à dix-sept heures vingt.
Nous allons reprendre nos auditions dans le cadre de la mission d'information qui a été décidée en Conférence des présidents sur l'incendie Lubrizol à Rouen. Cette mission d'information s'intéresse à l'évènement, en cherchant à en avoir la meilleure compréhension possible, aussi bien du point de vue de la gestion de crise que de la communication de crise, et à en tirer tous les enseignements. À partir de ces enseignements et de ce retour d'expérience, il s'agira de faire des propositions, des préconisations. C'est le rôle d'une mission d'information, soit pour faire évoluer la législation, soit pour s'adresser directement aux pouvoirs publics.
Nous recevons aujourd'hui les représentants des différents groupes politiques de la métropole Rouen Normandie, afin qu'ils puissent chacun à leur tour répondre à nos questions. J'en poserai quelques-unes, avant de céder la parole à mes collègues de la mission.
La première concerne la façon dont vous avez vécu l'évènement en termes d'information dans vos responsabilités respectives. Avez-vous le sentiment d'avoir été informés le plus en amont possible ? Un suivi a-t-il eu lieu ? Quel est votre retour d'expérience par rapport à la diffusion des informations ? Bien évidemment, ce qui m'intéresse est de connaître votre regard sur cet événement, à l'échelle d'un territoire que vous connaissez parfaitement. Quelle connaissance avez-vous aujourd'hui des dispositions qui ont été prises de la part de la préfecture, tant en ce qui concerne l'interprétation environnementale que le suivi médical et épidémiologique, toutes les mesures prises depuis l'évènement ? Avez-vous le sentiment que l'information est d'un bon niveau ? Etes-vous associés d'une façon ou d'une autre aux différentes démarches qui ont été entreprises ?
Bien évidemment, nous avons beaucoup parlé du préjudice subi à l'échelle du territoire par différents acteurs – je pense bien évidemment aux acteurs économiques, aux acteurs des collectivités locales –, mais les particuliers ont vécu cet évènement avec beaucoup d'émotion. C'est bien légitime, ils ont eu beaucoup d'inquiétudes. Avez-vous eu des remontées de la part de particuliers, notamment concernant l'indemnisation ? Nous avons compris qu'un système d'indemnisation concernait les collectivités et certains acteurs économiques, qu'un autre concernait les agriculteurs. Reste un domaine sur lequel nous n'avons toujours pas de réponse : celui des particuliers. On nous dit que certaines opérations de nettoyage sont coûteuses et compliquées. Avez-vous été sollicités à ce sujet ?
Ensuite, et je terminerai là pour ce qui me concerne, nous voyons bien qu'une question d'urbanisme se pose, surtout en lien avec le plan de prévention des risques technologiques (PPRT), mais plus globalement sur le fait d'être dans un territoire avec une empreinte industrielle et économique ancienne. Comment appréhendez-vous cette question, que ce soit dans le présent ou pour le futur ? Lors de précédentes auditions, nous avons déjà évoqué cette empreinte industrielle, mais je vous pose la question, parce que j'imagine que vous avez un avis sur ce que nous pouvons appeler « la culture du risque ». Même si nous sommes sur un territoire très concerné par l'activité industrielle, économique, pour autant, une véritable culture du risque s'est-elle installée, diffusée ? A-t-elle infusé l'ensemble du territoire et ses acteurs économiques ?
Merci, mesdames et messieurs, de votre contribution à notre mission d'information. Bien évidemment, je relaie les mêmes questions que le président sur la chronologie des faits et celle de votre information. Je voulais surtout demander à celles et ceux qui ne sont pas maire comment l'information est arrivée jusqu'à eux. J'aimerais également savoir si entre élus de la métropole, vous avez un système d'information. Comment fonctionne-t-il pour les situations d'urgence ?
J'ai également une question sur le futur plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la métropole de Rouen qui doit être voté début 2020. Comment prend-il en compte le risque industriel dans l'agglomération rouennaise ? Dans le projet d'aménagement et de développement durable du PLUi de la métropole, la zone à proximité du pont Flaubert se situe dans une zone où – je cite – « Il faut privilégier un développement urbain plus intense. » Pouvez-vous m'expliquer ce choix ? Comment pourrions-nous imaginer différemment le développement de cette zone urbaine ?
Nos interlocuteurs sont les porte-parole de groupes politiques, et c'est à ce titre que nous les écoutons. En même temps, les questions venant d'être posées se situent à ce niveau. Bien évidemment, c'est leur vision de l'avenir du territoire qui nous intéresse. Il en a d'ores et déjà été question, notamment dans la bouche de Gilbert Renard, lors du comité de transparence et de dialogue. C'est l'avenir de l'aménagement du territoire rouennais, compte tenu de ses empreintes en général et de l'accident que nous avons vécu en particulier. Plus spécifiquement, c'est une vision, à court et moyen terme, sur le vivre ensemble, d'une empreinte industrielle majeure, avec bien nécessairement les emplois et les bassins d'emploi y afférents. Enfin, c'est la légitime préoccupation de la préservation et de l'amélioration de l'environnement dans toutes ses dimensions, qu'il s'agisse de la réserve en eau, de la qualité de l'air, de la qualité de vie en général pour les populations. C'est davantage une vision politique face à l'émergence de cet accident majeur qu'il serait utile d'entendre de votre part.
Je vais maintenant vous laisser la parole et si mes collègues souhaitent réagir, ils pourront le faire bien volontiers. Certains sont deux par groupe. Je vous demande d'équilibrer la parole, même si bien évidemment, aucun temps ne vous est attribué. Il faut simplement que ce soit assez dynamique et que nous puissions nous permettre une reprise de questions, si nécessaire. Pour un premier tour de table, vous pouvez prendre cinq minutes par groupe, si vous le souhaitez, mais il faut que ce soit assez rythmé.
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, de nous accueillir. Vous avez posé un grand nombre de questions et je me propose de répondre dans un premier temps à un certain nombre de points. Comme vous l'avez souligné, cet accident industriel a frappé durement et durablement notre territoire. Très sincèrement, nous pouvons dire qu'aujourd'hui, la métropole et ses habitants sont encore sous le choc. Je crois que c'est vraiment une expression que nous entendons au quotidien. De nombreuses questions et craintes demeurent. C'est également pour cela que nous vous remercions de nous accueillir aujourd'hui. Nous espérons sincèrement que le travail de cette mission d'information pourra contribuer à soulever un certain nombre de points. C'est dans ce cadre que nous nous présentons devant vous aujourd'hui.
Monsieur le président, la première question que vous avez posée concernait les éléments d'information. Le jour même de l'incident, la gestion de la crise a révélé des défaillances significatives dans l'information des communes. Les élus que nous sommes n'ont pas forcément été mis en situation, facilement et dans des temps rapides, de pouvoir accompagner leurs habitants dans les meilleures conditions possibles. Sommes-nous bien préparés à gérer des crises industrielles de ce type aujourd'hui ? La question est vraiment posée. Je crois qu'il faut être honnête et répondre par la négative, si nous nous référons à ce que nous avons pu observer.
Malgré tout, je crois qu'il faut le rappeler, le pire a été évité. Nous avons été nombreux à souligner la grande réactivité des services de secours, mais nous tenons aujourd'hui à le refaire, parce que c'est vraiment un élément extrêmement important. Même si nous sommes sur une catastrophe industrielle forte, le bilan humain n'est pas à déplorer aujourd'hui.
Cela nous impose collectivement de nous interroger également sur l'ensemble des dispositifs de circulation de l'information et de sensibilisation des habitants. Pour moi, il y aura deux volets : la communication vis-à-vis des élus et celle vis-à-vis de nos habitants. Dans le respect des compétences de l'État et des communes, au niveau de la métropole, nous sommes d'ailleurs disposés à mettre à disposition des outils d'information au service d'une plus grande connaissance des risques industriels. Vous parliez également de la culture du risque et je crois qu'elle est insuffisante et doit être développée. Nous devons chacun apporter notre contribution, afin de faire en sorte que cette culture du risque soit beaucoup plus appropriée et que nous puissions nous mettre en ordre de marche derrière les services de l'État, afin d'avoir des procédures claires, précises, facilement compréhensibles et diffusables dans des délais très courts.
Vous avez également évoqué le problème des interrogations et des questions posées par nos habitants. Un gros point soulevé par ceux-ci est l'interrogation sur le suivi médical. Je crois que nous avons de l'inquiétude, voire pour certains de l'angoisse, sur l'impact de cet accident sur la santé dans l'avenir. Lors du comité pour la transparence et le dialogue qui s'est tenu récemment en préfecture, le Gouvernement a présenté son plan de suivi des personnes exposées. À cette occasion, une enquête par échantillonnage a été annoncée. Si mes souvenirs sont bons, elle devrait intervenir au printemps prochain. De notre point de vue, cette disposition est importante, mais pas suffisante. Elle ne doit en aucune façon nous dispenser de la mise en place d'un registre de suivi médical qui permettrait d'enregistrer l'ensemble des constats faits par les habitants, afin de faire en sorte qu'ensuite, ce registre permette de recenser l'ensemble des signalements médicaux et de favoriser une démarche volontaire des habitants qui en éprouvent véritablement le besoin. Je crois que c'est un point important. Il y a une avancée dans cette étude épidémiologique présentée, mais j'insiste, cet élément n'est pas suffisant. Il faut aller au-delà, permettre à chaque habitant qui se sent touché par cette catastrophe industrielle d'être enregistré, écouté, d'avoir probablement un suivi médical particulier et de contribuer peut-être à l'étude qui sera menée de façon beaucoup plus large.
Vous avez évoqué un questionnement sur la réparation des dommages. Effectivement, un certain nombre de mécanismes d'indemnisation a été proposé vendredi dernier, à Rouen, par le Premier ministre. Nous en avons pris note. Il concerne les acteurs économiques directement impactés, comme les agriculteurs, les commerçants, les artisans, les chefs d'entreprise, les collectivités. Une fois de plus, cette dimension psychologique, de préjudice immatériel, n'a pas été prise en compte et l'image de notre territoire est plus qu'altérée, avec un impact difficile à mesurer dans le temps, mais incontestable. Beaucoup d'élus, de décideurs, de simples citoyens ont vraiment eu le sentiment de voir partir en quelques heures le fruit d'années de travail consacrées au développement du territoire. Nous savons que nous allons nous relever. Nous avons la conviction, la force, l'envie et nous le ferons, mais ce travail de redressement doit être particulièrement accompagné par les industriels en premier lieu, mais également pris en compte par l'État dans ses politiques de solidarité nationale. Je crois qu'il faut reconnaître un état de catastrophe industrielle pour notre territoire, afin de permettre de faciliter l'accès à l'information et à un certain nombre d'indemnisations par l'intermédiaire des structures d'assurance qui aujourd'hui répondent à nos concitoyens qu'elles ne peuvent agir.
Nous appelons véritablement de nos voeux un signal fort des pouvoirs publics pour la transition durable de la vallée de la Seine, éventuellement à travers un nouveau contrat de projet interrégional qui serait doté de moyens conséquents. Cela nous semble être un impératif indispensable. Comme vous l'avez dit, au-delà de l'accident de Lubrizol, il y a toute la problématique de notre métropole qui recouvre un grand nombre de sites Seveso, mais de façon beaucoup plus large la vallée de la Seine qui est particulièrement industrielle et mérite aujourd'hui que nous regardions cet accident au regard d'un prisme élargi.
Un autre point, puis nous reviendrons peut-être un peu plus dans le détail. Vous avez fait référence à tout ce qui est urbanisation et soyons plus précis, à une interrogation sur le quartier qui se trouve à proximité de l'usine Lubrizol : le quartier Rouen Flaubert. L'incendie Lubrizol et de Normandie Logistique a mécaniquement amené à s'interroger sur ce projet situé en dehors du périmètre Lubrizol et du PPRT, mais suffisamment proche pour que les questions surviennent. Je voudrais rappeler ce qui a fondé la démarche de ce projet. Nous sommes vraiment en plein coeur d'agglomération rouennaise, sur une friche industrielle en reconversion de 90 hectares où l'objet du projet était vraiment de reconstruire la ville sur elle-même, comme il nous est demandé aujourd'hui de le faire prioritairement, avec une volonté d'avoir une multiplicité des fonctions urbaines. Effectivement, ce projet prévoit des logements, des bureaux, des espaces, un grand nombre d'équipements publics, beaucoup d'espaces verts et de la circulation douce. Ce qui a justifié un tel projet est à la fois la lutte contre la consommation d'espaces agricoles et naturels, contre l'étalement urbain et l'artificialisation des sols. Nous avons fait un petit exercice théorique, mais ce projet équivaudrait ailleurs, sur un secteur périurbain, à une consommation d'au moins 400 hectares. Des projets publics ou privés ont déjà été suspendus, voire remis en cause. Bien évidemment, il va falloir être extrêmement exigeants pour la suite. Il faut que nous puissions garantir à l'ensemble des personnes qui viendraient s'installer dans ce quartier, mais qui globalement vivent autour de ce secteur, de pouvoir y vivre dans des conditions de sécurité industrielle extrêmement fortes. Je crois qu'un travail important sera à mener, afin de garantir cette sécurité.
Globalement, nous pourrons y revenir un peu plus longuement, avec davantage de détails par rapport à ce projet et toutes les garanties qui devront être apportées. Il faut éviter de faire en sorte qu'il y ait une double peine pour ce quartier. Cela correspond à un besoin, une attente d'habitants qui veulent vivre en coeur de ville, à proximité de la Seine, de promenades qui ont été mises à disposition, d'aires de jeux, d'espaces naturels. Tous ces éléments sont vraiment importants.
Un dernier point est que nous souhaiterions qu'au niveau de la métropole, un certain nombre de choses soit engagé le plus rapidement possible. Entre autres avec les communes et les industriels, il faut absolument engager un travail de relecture, de questionnement, voire d'audit sur le sujet du risque. C'est essentiel. Nous devons croiser tous les risques majeurs, qu'ils soient industriels ou concernent les inondations ou les matières dangereuses. Nous devons intégrer les sites PPRT, avec une obligation de transparence sur tous ces travaux qui devront être menés vis-à-vis de l'ensemble de nos concitoyens. C'est une exigence totalement absolue et nous souhaitons la relayer auprès de vous.
À l'échelle de Rouen Flaubert, nous souhaitons également identifier très rapidement des dispositions constructives, que la réglementation n'impose pas aujourd'hui, mais peut-être pouvons-nous les anticiper. N'oublions pas que le quartier Rouen Flaubert a bénéficié de toutes les analyses, comme on peut le faire lors de la création d'une zone d'aménagement concerté (ZAC), mais qu'il n'est pas dans le périmètre PPRT Lubrizol. Nous pourrions également envisager des renforcements, en particulier au niveau de la construction, par exemple des possibilités de coupure centralisée de ventilation mécanique contrôlée (VMC). En tout cas, un travail est à mener, et dans la poursuite de ce projet, en fonction des calendriers et des résultats d'enquêtes qui seront menées, nous aurons probablement des ajustements à opérer.
Nous sommes un mois après le dramatique événement. Je ne reviendrai pas sur les premières heures qui ont dénoté un certain nombre de dysfonctionnements dans la communication. L'immense majorité des maires du territoire métropolitain n'a été informée officiellement par les services de la préfecture qu'en tout début d'après-midi. C'est à travers les médias, le matin, que les maires ont pu découvrir l'ampleur de cet accident technologique de première importance.
Nous sommes sur un territoire sur lequel nous essayons de partager un avenir, qui doit nous être commun. Les communes qui ne sont pas impactées par l'accident et sont plus au sud, notamment les communes ressortissantes du groupe que j'ai le privilège de présider, auraient pu être informées. Les médias nationaux – France Bleu pour ne pas la citer – ont pris le pas sur l'information « réglementaire », ce qui a contribué à semer la panique dans les populations. À l'annonce de la fermeture de toutes les écoles, alors que ce n'était pas le sujet, très vite, la préfecture a fait en sorte que l'information soit plus précise, mais les médias nationaux ont créé une panique, y compris sur les territoires qui n'étaient pas impactés par Lubrizol. À titre personnel, il m'a fallu faire la rentrée des classes, afin de rassurer et de m'assurer que tous les enseignants étaient bien présents pour accueillir les enfants.
Sur les premières urgences, des retours que j'ai pu avoir, l'agence régionale de santé (ARS) a également été défaillante. Les médecins étaient complètement démunis face à une demande de diagnostic de la part de nombreux administrés. C'est l'aspect le plus notable, ce manque de communication, avec cette volonté de rassurer l'opinion publique, alors que dans le même temps, cette même opinion publique constatait que des policiers portaient des masques, que les ministres se dépêchaient en grand nombre. Bien évidemment, ce n'était pas de nature à rassurer. Le doute s'est donc installé. Nous vivons dans une période où la parole publique est mise à mal. Quelque part, on a contribué à alimenter le doute sur : « Ce n'est pas grave, mais tout le monde vient au chevet de la population. » Un ministre ne se déplace pas comme cela. C'est donc un doute qui subsiste encore aujourd'hui.
Nous sommes à un mois de ce triste évènement et les élus que nous sommes sont aujourd'hui invités à réfléchir à l'aménagement du territoire et au développement industriel. L'axe Seine est marqué par la présence de pratiquement toutes les filières que compte notre pays, et c'est une force. De mon point de vue et de celui de mes amis, il faut préserver cette chance que nous avons d'avoir ce bassin d'emploi très important, sur lequel pourront s'adosser de nouveaux métiers. Tout à l'heure, nous avons parlé de tertiaire supérieur, mais à quoi bon, s'il ne peut pas s'adosser sur un développement industriel conquérant et de pointe ? Il faut vraiment veiller à préserver tout cela, mais dans un cadre sécurisé.
C'est là que nous allons évoquer la culture des risques technologiques qui nous entourent. Je crois que la culture du risque n'existe pas. Elle a pu exister durant toute une période où les salariés qui travaillaient dans les usines habitaient aux alentours. Ils savaient ce qui se faisait, comment cela se faisait et quels devaient être les gestes auxquels il fallait avoir recours en cas de pépin. Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans ce cas de figure. La culture du risque s'est affaiblie, parce que malgré les efforts de communication des maires et des autorités à l'échelle de l'État, il y a une méconnaissance de ce qu'est le tissu industriel à proximité de nombreuses habitations de nos administrés. Il faut bien dire également que la culture du risque a également reculé au rythme des désengagements de l'État. L'État est moins présent dans la surveillance des sites, les réglementations sont assouplies, ce qui donne un mauvais signal. C'est donner l'impression que finalement, ces entreprises ne sont pas si dangereuses que cela. Il faudra revisiter certaines dispositions, voire revenir en arrière. Par exemple, nous avons appris au bénéfice de cet accident technologique que de nouveaux conteneurs ont été stockés, avec certes une autorisation, mais très simple, peut-être signée sur le coin du bureau du préfet. En tout cas, ce n'était rien qui pouvait alerter les élus que nous sommes. Connaissant particulièrement cette entreprise qui n'est pas complètement innocente en matière d'accidents technologiques et est dans la récidive aujourd'hui, nous aurions peut-être pu peser, afin qu'il en soit autrement.
Concernant les droits des salariés dans l'entreprise, qui mieux que les salariés pour faire jouer le droit d'alerte, lorsqu'ils sentent qu'il y a péril ? Puisque les pompiers ont été remerciés à de nombreuses reprises à juste titre, que nous leur rendons hommage encore aujourd'hui, j'en profite pour rendre hommage aux salariés de l'entreprise qui ont aidé, ont été réactifs dès les premières heures, afin que cet incendie soit le plus minime possible.
Sur le plan de l'urbanisme, il va falloir tirer des enseignements. Nous partageons tous l'idée que l'étalement urbain est un autre temps. Comme l'a dit ma collègue, il faut reconstruire le territoire sur lui-même ou plutôt la ville sur la ville. Il faut à la fois développer et sécuriser les centres de production industrielle, qu'il faut conserver sur nos territoires. C'est notre richesse. Il faut également veiller à ne pas exposer davantage de population. Le quartier Flaubert est un peu le navire amiral des projets métropolitains pour les vingt ans qui viennent. Je ne dis pas qu'il faut remettre en cause tout cela, mais à l'aune de ce qui vient de se passer, il va falloir que nous examinions les choses, de façon à ne pas exposer davantage de population.
Je crois qu'il faut que la solidarité nationale s'applique pour notre territoire, bien évidemment à travers toutes les mesures de compensation financière, en particulier pour les agriculteurs, parce que sur notre territoire, nous avons une agriculture. Je pense à ceux qui sont au-delà du territoire métropolitain, dont vous avez reçu tout à l'heure un échantillon d'élus qui doivent être soutenus. Puisque sur l'axe Seine, nous sommes exposés au risque industriel, il faut peut-être que notre territoire devienne pilote en matière de protection des biens et des personnes. Il faut travailler de façon que l'axe Seine devienne un peu le laboratoire sur le plan national de ce qui doit être une gestion plus vertueuse en matière de risques.
Je m'en tiendrai là pour l'instant, mais aujourd'hui, il est certain que la crainte sur la santé de nos administrés reste la question la plus prégnante. Il faudra un suivi le plus personnalisé possible et dans le temps, afin de voir quels auront été les effets sur la santé de ce nuage toxique qui nous a été annoncé comme étant peu dangereux. Si nous ne le contestons pas, nous doutons de la véracité de tout cela. Il faut prendre la mesure de tout cela et suivre au plus près ce qu'attendent les habitants, afin de leur redonner un peu de confiance.
D'abord, merci de nous avoir invités et de nous donner l'occasion de nous exprimer. Madame la députée, vous demandiez comment les élus qui n'étaient pas maires avaient vécu ces évènements et avaient eu accès à l'information. Autant vous dire que c'était assez compliqué. Je ne suis pas maire, mais je suis vice-président de la métropole en charge des risques technologiques. Pourtant, je n'ai eu absolument aucune information. J'ai passé tout mon temps à courir après l'information pendant la crise. Je tiens tout de même à le souligner. D'ailleurs, cela a été un révélateur pour nous tous. Nous nous sommes tous rendu compte de cette situation et du fait que la gestion de crise est un binôme entre l'État et les maires. L'échelon intercommunal n'est pas reconnu dans le dispositif de gestion des risques. Cela pose un problème, puisque nous avons des compétences concernées. L'eau a posé polémique, les transports en commun ont posé polémique. Par ailleurs, des maires qui n'étaient pas dans la zone du panache avaient tout de même des populations à gérer, parce que les populations se déplacent, vont travailler dans des communes concernées et avaient besoin d'être informées. Comme cela a été souligné par Noël Levillain, le système de gestion d'alerte locale automatisée (GALA) a informé à 14 heures 20 les maires, sur les portables, qu'il y avait un incendie à Rouen. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont un rôle à jouer. Il faut revisiter la gestion de crise, en permettant aux EPCI de jouer un rôle de coordination des communes sur le territoire. Si une avancée est à faire, c'est sur ce sujet du rôle des EPCI.
Je souligne tout de même que pour travailler régulièrement avec Yvan Robert qui est à la fois maire de Rouen et président de la métropole, une chose m'a frappé. Lorsqu'Yvan Robert posait une question par écrit à l'État, au préfet, nous n'avions pas toujours les réponses. C'est quelque chose qui me pose un problème. Je comprends bien qu'en cas de gestion de crise, le préfet a un autre rôle à jouer, mais il est tout de même bien de répondre à des questions, comme celle qui vient d'être évoquée, à savoir la mise en place du registre sanitaire.
Je rentre un peu dans la polémique. Je crois que tout cela est lié à l'obsession de l'État de ne pas paniquer les populations, ce que nous comprenons. C'est très important. Dans une gestion de crise, il faut absolument éviter les effets de panique. C'est d'ailleurs pour cela que nous n'avons pas déclenché les sirènes, etc., mais nous n'allons pas rentrer dans la polémique. Du coup, il y a cette obsession de tout contrôler. On donne l'information au millimètre, on agit au millimètre, de peur qu'y compris – et je le dis, c'est là le propos polémique – les maires, qui ne maîtrisent pas le contrôle de l'information, parce qu'ils sont trop proches des populations, contribuent à l'effet de panique. Je projette quelque chose, mais il y a un peu de cela. Il faut vraiment que nous travaillions tous main dans la main. Nous l'avons dit tout à l'heure, dans un contexte où les personnes ont de la défiance, ce sont les maires qui sont les plus proches de population. Ce sont les maires qui sont capables de dire que l'eau du robinet est réellement potable. Ce n'est pas le communiqué de presse sur le site de la préfecture qui rassurera les populations. Il faut que l'État intègre davantage les élus dans sa gestion et réponde à leurs sollicitations. Cela me paraît important.
Nous parlions de l'accès à l'information. Au fil de l'eau, nous avons découvert différents sujets. Je voudrais revenir sur deux d'entre eux qui me mettent personnellement, ainsi que mes collègues, comme Jean-Michel Bérégovoy qui est élu à la ville et est coprésident de notre groupe, en état de saturation. Le premier sujet est l'amiante. Au début de la crise, personne ne nous parle d'amiante, puis nous recevons un lanceur d'alerte qui nous appelle, nous informons la presse de la présence de l'amiante, et cela devient un sujet public. Nous apprenons que le directeur de l'usine déclare qu'il ne savait pas que le toit était en amiante. Les pompiers nous disent dans un premier temps qu'ils ne savaient pas que le toit est en fibrociment. Au conseil de suivi des sites, le 16 octobre, on nous annonce que bien sûr, tous les toits de tous les bâtiments industriels sont en fibrociment. Si tous les toits de tous les bâtiments industriels sont en fibrociment, comment se fait-il que les personnes ne le savaient pas ? Tout cela est à prendre avec des précautions, mais des témoignages de pompiers nous disent qu'au début, ils n'avaient pas leur tenue, que tout le monde n'avait pas de tenue, que les policiers n'avaient pas de protection par rapport à l'amiante. Comment est-il possible d'envoyer des serviteurs du service public sans protection particulière sur des sites où l'on sait que par définition, il y aura de l'amiante, puisque tous les toits sont en fibrociment ? Cette défaillance est tout de même absolument consternante dans l'analyse des risques.
Une deuxième chose est assez stupéfiante. Nous sommes sur un risque Seveso seuil haut, où l'on prend beaucoup de soin à analyser tous les risques. Il faut encore laisser l'enquête aller au bout, afin de déterminer d'où vient le sinistre. Une chose est probable, à savoir que l'incendie ne viendrait pas de l'intérieur des bâtiments, puisque tout était protégé par des systèmes de sprinkler, etc. On nous raconte également que l'on a manqué d'émulseurs et d'eau. On n'avait que deux heures de réserve d'eau. Pourtant, le colonel des pompiers nous a dit que le fait de traiter l'incendie en douze heures était un record. Si c'est un record, comment se fait-il que nous n'ayons que deux heures de réserve d'eau ? Par définition, partons-nous du principe que si un incendie vient de l'extérieur des bâtiments, on ne le traitera pas ? C'est complètement surréaliste. Il y a le soupçon que l'incendie pourrait venir du voisin, mais cela aurait pu être une autre configuration. À Rouen, nous avons déjà vécu cela. Un pont a brûlé, avec un camion-citerne. Que se passe-t-il, si un camion-citerne circule dans la rue à côté, a un accident et provoque un incendie ?
Un autre sujet est que nous avons entendu parler d'attaque. Apparemment, ce ne sont pas des missiles, mais de drones de raffinerie en Arabie saoudite. Que se passe-t-il, si un terroriste envoie un drone, avec des bombes incendiaires, alors que le système n'est pas prévu pour faire face à l'incendie ? Quelque chose ne va pas du tout. Françoise Guillotin l'a rappelé, la métropole va demander à l'État de réinterroger tous les risques industriels à l'aune de ces éléments. Pour le coup, ce n'est absolument pas sérieux. Puisque je parle des drones, nous avons demandé à l'État quelles étaient les mesures prises pour assurer la sécurité des risques industriels par rapport au risque de drones. Ce n'est pas une blague, puisque l'armée est en train de s'organiser pour faire face à ces risques. Nous n'avons absolument aucune réponse. Pourtant, nous protégeons les centrales nucléaires, mais n'étant pas partisan des centrales nucléaires, un drone aura un peu plus de difficultés à pénétrer dans les endroits sensibles d'une centrale nucléaire que dans un entrepôt. Ce sont des choses qu'il faut absolument intégrer dans les PPRT. Pour le moment, ce n'est pas le cas. Il faut que les PPRT intègrent le risque drone.
Un deuxième risque est le risque d'inondation. Je vous informe que, sur la carte du territoire à risques importants d'inondation (TRI) qui analyse les risques, Lubrizol est déjà en risque d'inondation faible. Nous savons tous que même un risque faible peut tout de même survenir. Cette analyse a été faite en 2014. En 2013, nous avions eu l'incident mercaptan. En 2014, l'ensemble des groupes du conseil municipal de Rouen avait rencontré les services de l'État. Il nous avait expliqué qu'il fallait réactualiser la carte, qu'elle ne l'était pas et que c'était sur le bureau du Préfet. La carte n'a pas été réactualisée depuis 2014. Vous avez dû voir qu'aujourd'hui, une communication est faite sur les zones qui seront inondées tous les ans en 2050. Évidemment, Rouen et ses sites en font partie. Lorsque l'on analyse la sécurité des sites, on ne peut pas la dissocier du risque d'inondation, parce que c'est absolument fondamental. Il y a donc une urgence à réactualiser le risque d'inondation. Lorsque nous avons posé la question à l'État, il nous a répondu : « Oui, c'est un sujet. Nous le verrons plus tard… »
Non, nous ne le verrons pas plus tard. Il faut définitivement savoir si le risque est plus large en périmètre et plus haut en intensité et ensuite, regarder si les dispositifs de sécurité sont adaptés au risque d'inondation. C'est absolument fondamental. Ce n'est pas la même chose d'intervenir sur un site sec que sur un site inondé. Je ne comprends pas que ces sujets soient dissociés, que l'on prescrive des PPRT, alors que l'on n'a pas actualisé cette question du risque d'inondation, même si cela reste un sujet complexe, avec différents scénarii.
Vous nous avez interrogés sur les indemnisations. Le principe des indemnisations me pose un souci. D'abord, elles sont plafonnées. Ensuite, ce sont des indemnisations de court terme. Un laitier normand est dans une région de réputation mondiale. Quand les Chinois ont eu des problèmes, ils sont venus acheter le lait en Normandie, parce qu'ils étaient sûrs qu'ils n'auraient pas de problème. On va indemniser le laitier pour sa perte journalière de production. Mais qui va indemniser le préjudice de long terme ? Il ne sera pas indemnisé. Pourtant, potentiellement, ces agriculteurs verront leur marché se restreindre, du fait de ce préjudice. Il ne faut pas penser qu'une fois que l'on a fait ces indemnisations qui en plus sont plafonnées, on a réglé le préjudice.
Comme l'a rappelé le président de la mission d'information, il y a également la question des particuliers. Je trouve que sur les questions de dépollution, ils ont été abandonnés à eux-mêmes. On leur disait : « Prenez des lingettes, humidifiez-les. » Pense-t-on vraiment que tout le monde lit attentivement le site de la préfecture, afin de savoir comment faire exactement pour mettre en place les bons systèmes de dépollution ? Ce n'est pas très sérieux.
Lors du même comité, que je cite, parce que c'est la seule réunion à laquelle j'ai été invité, j'ai demandé si quelque chose avait été prévu quant aux systèmes d'aération, aux VMC dans les copropriétés qui étaient sous le panache. Pour les sites médicaux, le jour même, cela a été coupé et ensuite, les entreprises spécialisées sont intervenues pour nettoyer. C'est très bien, mais qu'en est-il des copropriétés ? Tous ici, croyons-nous vraiment que toutes les copropriétés vont nettoyer leur VMC et que ce sera bien fait ? Ce jour-là, le secrétaire général a découvert le problème, a demandé si c'était traité. Il lui a été répondu que non, qu'il fallait s'en occuper. C'était le 16 octobre. Cela signifie que s'il y a de la pollution, pendant vingt jours, les personnes ont été de nouveau contaminées par leur VMC. C'est quand même incroyable. On aurait dû s'occuper de cela et missionner immédiatement une entreprise, de la même façon que l'on a missionné une entreprise pour collecter l'amiante. C'est la base. Les professionnels médicaux ont tout de suite identifié la problématique des VMC.
Sur la question du registre, pourquoi ce qui est proposé par le gouvernement ne nous convient-il pas du tout ? D'abord, parce qu'en mars, mais surtout depuis le début, on a dit aux personnes : « N'encombrez pas les services d'urgence. » C'est tout à fait légitime, les services d'urgence sont là pour traiter les urgences vitales. Ensuite, Santé Publique France a analysé le risque en fonction des remontées au niveau des services d'urgence, ce qui crée déjà un premier biais. Comme peu de sujets remontent, il n'y a pas de problème. Le préfet a écrit au président de la métropole, en disant : « Il n'est pas nécessaire de mettre en place un suivi médical approfondi au vu des remontées. » Oui, mais qu'en est-il des généralistes ? Dans les mêmes documents de Santé Publique France qui sont en ligne, en page 2, vous verrez qu'il n'y a aujourd'hui aucune remontée des médecins généralistes. Pour autant, une enquête régionale a été menée et indique que 74 % des généralistes ont dit avoir reçu des patients en lien avec Lubrizol. La réaction, normale, de Santé Publique France a été de dire : « Nous sommes passés à côté de quelque chose. Il faut réintégrer les généralistes dans notre base d'analyse. » Non, cela n'a pas été fait. La première chose à faire pour le registre de santé est de contacter les généralistes, afin de leur demander de faire remonter cette base de données de patients venus les voir. Il ne s'agit pas d'attendre le mois de mars pour finir des études environnementales et savoir s'il faut faire des suivis. Je vais vous donner les résultats des études environnementales : elles vous diront que les polluants n'ont pas dépassé les effets de seuil. Ce n'est pas le sujet. Le sujet est que nous ne savons pas ce qui se passe, quand ces composants brûlent. C'est « l'effet cocktail ». Ce ne sont pas les études environnementales qui nous diront s'il y a un problème. Ce sont les suivis biologiques des personnes qui nous diront si leurs fondamentaux biologiques se dégradent ou non. Qui mieux que les généralistes qui connaissent leurs patients pour dire : « Je constate que M. Dupont a un problème. Ce n'est pas normal » ? Dans ce type de dispositif, il faut impérativement intégrer les généralistes dès le début. C'est vrai pour Rouen, mais c'est aussi vrai pour plus tard.
Pour terminer sur Flaubert, puisqu'un petit sujet s'est engagé sur le quartier Flaubert, ne nous trompons pas de débat. Dans les PPRT sont analysés deux aléas : l'explosion et l'aléa thermique, mais ce n'est pas ce qui nous inquiète. L'aléa empoisonnement nous inquiète et il n'est pas traité pas dans les PPRT. Les habitants du quartier Flaubert ne seront pas plus ou moins exposés à l'empoisonnement que d'autres habitants. Il est normal que lorsqu'on construit un nouveau quartier, l'on se préoccupe donc de cela, mais il faut également songer à tous les autres habitants de toutes les autres communes qui sont aussi soumis à ces aléas. Comme l'ont justement rappelé les collègues, en plus, il y a des enjeux environnementaux : économiser la consommation de foncier agricole, permettre aux personnes de se déplacer en transports en commun, etc. C'est un peu un faux débat de se concentrer là-dessus, en disant qu'il n'y aurait que les futurs habitants de Flaubert qui seraient exposés. Si j'ai bien compris le périmètre de l'enquête de santé envisagée par l'État, ce sont 300 000 habitants. C'est ce sujet d'analyse des risques à cette échelle.
Comme l'a souligné Noël Levillain, nous ne pouvons pas nous passer de l'industrie et il faut faire monter le niveau de sécurité qui est visiblement un peu léger au vu de ce à côté de quoi nous sommes passés. Le quartier Flaubert n'est pas une menace pour l'industrie. Les deux sont liés. L'industrie utilise de plus en plus de tertiaire et accessoirement, nous savons qu'à Rouen nous avons un déficit d'emplois très important et nous avons besoin de ce type de projets de développement. En dehors de cette enceinte, on a opposé le projet industriel et le projet tertiaire, mais il ne faut pas opposer les deux. Il faut faire le développement du tertiaire, préserver l'industrie, mais à des conditions acceptables. Je le redis, la première condition est qu'il faut impérativement et au plus tôt que l'on nous réponde sur la question des inondations. Cela ne va pas concerner que les risques industriels, cela va aussi concerner le PLUi. Nous sommes en train d'approuver un PLUi, mais nous n'avons pas la version définitive du risque d'inondation. C'est tout de même un sujet. Nous pouvons faire des PLUi modificatifs, etc., mais l'État doit traiter rapidement ces questions d'inondation.
Voilà pour les premiers éléments et je laisserai mon collègue compléter.
Beaucoup de choses ont déjà été dites. Globalement, nous avons assisté à plusieurs actions, plusieurs attitudes en fonction des mairies. La ville de Bois-Guillaume dont je suis maire était l'une des premières touchées. Sans vouloir faire d'autosatisfaction, à la différence de certaines autres communes, nous avons eu une action, à mon sens, proactive. Il est vrai que certaines communes n'ont pas eu d'appel. Nous, nous avons reçu un appel à 6 heures 45, celui de mon adjointe qui était d'astreinte, puisque nous avons une astreinte 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, comme dans toute commune. J'ai été réveillé juste avant par les explosions, mais je me suis rendormi, en pensant que c'était l'orage. En plein sommeil, on ne réagit pas toujours très bien. Après l'appel, j'ai mis la radio et j'ai appris sur France Bleu que ce sinistre était en cours de développement. Aussitôt, j'ai mis en place notre poste de commandement communal, que nous avions déjà constitué. J'ai noté tout le déroulé de cette cellule de crise. À 7 heures 15, nous étions en réunion à la mairie, avec le directeur général des services, le directeur des services techniques, le responsable de la police, l'adjointe d'astreinte, le directeur des écoles et de la jeunesse.
Je vais intervenir dans l'ordre du déroulé. Au niveau de la crise, nous avons pris nous-mêmes des initiatives. Nous avions eu l'information qu'un sinistre majeur était en cours de déploiement. Sur la table de la cellule, nous écoutions France Bleu en direct. D'ailleurs, je ne l'ai pas refait après, parce que ce n'est pas ma tasse de thé, mais à 7 heures 30 ou 45, BFM passait en direct et j'ai dû parler un peu, en disant ce qu'il se passait.
Nous avons eu la chance que les écoles de Bois-Guillaume n'ouvrent qu'à 9 heures. Dès 8 heures, les deux voitures de police ont tourné autour des groupes scolaires. Sur les 986 enfants, nous n'en avons récupéré qu'un seul qui venait à pied à l'école. Toutes les écoles étaient fermées. Je donne le déroulé, parce qu'il peut peut-être y avoir des sources de solutions pour le futur. Nous avons utilisé le géoportail de tous les parents d'élèves. Aux alentours de 8 heures 30, tous les parents d'élèves étaient informés que les écoles étaient fermées jusqu'à nouvel ordre et que les enfants devaient rester chez eux. Nous avons donc fait vérifier par la police qu'aucun enfant n'était à l'école. Parallèlement, comme nous avons des relations assez courtoises avec les enseignants et les professeurs, chaque professeur a été appelé. Les professeurs étaient en connaissance de cause et savaient que l'école était fermée.
Nous avons pris toutes les mesures à notre initiative. Nous n'avons pas attendu d'en savoir plus, par principe de précaution. Par cette action, j'ai le sentiment qu'à Bois-Guillaume, bien que touchés dans certains quartiers, nous n'avons pas eu trop de réactions de notre population qui était à l'écoute et sur notre site Internet. Chaque fois que nous avions un appel, nous apportions une réponse, en disant qu'il fallait une unicité de parole. Il n'y avait pas 36 personnes qui parlaient, c'était le maire. Ensuite, il s'agissait de suivre les consignes de l'État, puisqu'en temps de crise, le maire devient doublement agent de l'État. Nous avons donc appliqué à la lettre les consignes et l'application de notre dossier de cahier de cellule de crise. Peut-être que j'ai eu la chance d'animer et de gérer des cellules de crise dans une autre vie professionnelle. Elles n'étaient pas de type industriel, mais de type informatique, et cela nous a peut-être aidés à constituer ce document. Un ensemble d'actions nous a donc permis, autant que faire se peut, de maîtriser la situation.
Ensuite, cela a été l'appel à l'ensemble des associations, des parcs et sports fermés. L'ensemble des actions a été suivi, je dirai malheureusement et heureusement. Paradoxalement, le fait que les sirènes n'ont retenti qu'à Rouen et à Petit-Quevilly, pour les communes qui étaient réunies en cellule de crise, cela a pu rendre service. C'est un paradoxe et bien sûr, ce n'est pas une solution. La législation n'est pas prévue pour ce genre de crise, cela a été plus ou moins dit. Aujourd'hui, c'est tout ou rien. Si l'on déclenche les sirènes, vous devez rester chez vous confiné, sans sortir et écouter la radio. Aujourd'hui, si une sirène retentit à 4 heures ou 5 heures du matin, que fait le maire ? Il va prendre sa voiture. J'ai pris mon deux-roues et je suis allé à la mairie. Si les sirènes avaient été déclenchées, je n'aurais pas eu le droit de sortir de chez moi. Comment aurais-je pu constituer la cellule de crise ? Nous n'aurions rien pu faire. J'en déduis que finalement, le non-déclenchement des sirènes a pu nous rendre service. C'est un paradoxe, mais je le note au passage.
Par contre, à travers cette situation, nous avons identifié « des trous dans la raquette » de notre bureau de crise. Lorsqu'il part vérifier un travail à quelques kilomètres, un chef de chantier ou un architecte a toujours son casque et sa paire de bottes dans le coffre. Le maire et les membres de la cellule de crise doivent avoir en permanence chez eux ou dans le coffre de leur voiture des équipements de protection individuelle leur permettant de se déplacer. Nous les avions, mais ils étaient stockés aux services techniques. Nous en tirons des conclusions et aujourd'hui, nous sommes également là pour essayer d'analyser les pistes d'amélioration. Nous avons des marges de progrès sur la façon de réagir et d'avoir un peu un paquetage de crise.
Sur le risque industriel, cela a été dit, nous l'avions fait par une lettre ouverte deux jours après : c'est adopter la culture du risque. Depuis de nombreuses années, peut-être un peu moins dans certains cas, nous avons regardé ailleurs au lieu de regarder l'industrie sans vouloir paraphraser Jacques Chirac quand il disait : « La maison brûle et nous regardons ailleurs. » Nous avons certes fait beaucoup de travail. La métropole a accompli un travail immense pour valoriser l'image de Rouen, pour la reconquête des quais, d'un ensemble sur la métropole de Rouen. C'est positif, mais en même temps, nous avons oublié de regarder grâce à qui nous faisions cela. Il ne faut pas oublier que nous avions le risque industriel et que nous l'avons complètement ignoré. Il faut également assumer ce risque industriel pesant, faisant courir de grands risques à nos populations, mais qui nous a également permis d'avoir des ressources. Je ne parle pas de l'affaire Lubrizol, mais du sinistre de l'incendie. Nous avons déposé une plainte « contre X », dès le 2 octobre. Je crois que Lubrizol est l'un des premiers, sinon le premier contributeur de recettes fiscales de la métropole. Lubrizol, c'est 1,3 million de chiffre d'affaires, dont 85 % à l'export. Le risque industriel est un risque qu'il faut que nous maîtrisions au maximum, afin de le rendre infiniment peu probable, mais nous ne l'éradiquerons pas. Le risque zéro n'existe pas, mais il faut tout de même trouver des solutions pour continuer à accepter une industrie la moins polluante possible, la plus efficiente possible, parce que c'est cette industrie qui fait bien souvent vivre nos collectivités locales en matière de financement. C'est un commentaire peut-être plus personnel, mais cela a été dit, l'axe Seine est très important. Aujourd'hui, dans le début de l'après-crise, c'est le maintien, la reprise des activités de Lubrizol ou non.
Méfions-nous du jeu de dominos. Cela a été dit par mon collègue Cyrille Moreau à l'instant, dans le plan local d'urbanisme (PLU), le risque explosion existe également. Ce sont également des recettes fiscales. Il ne faut pas voir cela que sous le prisme financier, mais tout de même. Il y a l'usine Borealis qui comporte des risques d'explosion énormes, à côté de laquelle la ville s'est développée. Encore une fois, il faut que nous nous appropriions cette culture du risque, que nous la reconnaissions, que nous puissions trouver les bonnes solutions, afin de faire face à un incident majeur.
Sur le risque santé, dans notre démarche de dépôt de plainte contre X et notre lettre ouverte que nous avons mise sur les réseaux sociaux, nous avons demandé un plan de suivi sanitaire pouvant aller au moins jusqu'à dix ans.
Concernant le personnel de la mairie et de certains établissements, avec le centre de gestion qui est à Isneauville, il y a eu un questionnaire d'évaluation à l'exposition du personnel qui a travaillé. Dans la mesure où le personnel a rempli cette fiche, elle sera classée toute la durée de vie de la personne dans le dossier sanitaire de suivi du fonctionnaire ou de l'agent territorial. Des initiatives ont été prises, pas obligatoirement sous la gouverne de l'État. Ce sont des initiatives de bon sens dans le temps de la crise.
Maintenant, nous sommes plutôt dans l'après-crise. Il faut utiliser de nouveaux systèmes de prévention ou de déclenchement d'alarme. Nous n'avons pas encore beaucoup d'abonnés, mais cela progresse, à la suite de l'incident de Lubrizol. Sur le site Internet de la ville et peut-être sur celui de l'État, ce serait éventuellement un système de SMS, que l'on envoie à tous les abonnés. Aujourd'hui, si vous allez sur le site de la ville de Bois-Guillaume, un système vous permet de décliner votre numéro de téléphone. Le jour même de la crise, vous avez des informations. C'était la première fois que nous l'utilisions et il y a eu un petit bug de démarrage, mais le SMS est arrivé sur mon portable à 9 heures du matin. Je peux le retrouver, mais il disait que toutes les écoles étaient fermées, etc. C'était un minimum de mots, en disant aux personnes d'écouter France Bleu, que tous les équipements étaient fermés et de rester chez elles. Nous avons 600 adhérents pour 614 000 habitants. C'est trop peu, mais c'est à faire savoir et je crois que c'est quelque chose qui peut se développer. Ce n'est pas très cher. Je rappelle quand même que le système des sirènes, c'est la politique du tout ou rien. Je n'ai pas la compétence pour savoir si les sirènes auraient dû être déclenchées. Nous avons interrogé la préfecture vers 8 heures 30. Dans le déroulé, j'ai l'heure de l'appel à la préfecture, afin de savoir s'il fallait que nous déclenchions les sirènes manuellement. Nous ne voulions surtout pas prendre une action qui viendrait contrecarrer celle de l'État. L'État avait décidé Rouen et Quevilly. Nous avons deux endroits pour déclencher nos sirènes, comme nous avons deux endroits pour nous réunir en cas de crise. Si nous avions déclenché cette sirène sans que Mont-Saint-Aignan ou Bihorel ne le fassent, c'était accentuer le « n'importe quoi ». Nous nous sommes donc contentés d'appliquer à la lettre. Même si nous avons eu envie de le faire à un moment donné, nous ne l'avons pas fait.
Je reviens un instant sur ce problème des procédures d'alarme. Je doute que pour la sirène, il faille du numérique. Jean-Claude Weiss a dû expliquer ce qu'ils avaient pour le site de Gravenchon. Il y a des marges de progrès énormes sur ce point. Les usines Seveso peuvent nous aider à élaborer ce système. Nous sommes Français et avec une sirène à 16 heures, à une demi-heure de la fermeture des écoles, vous trouverez des parents qui vont s'enfermer chez eux, en disant : « Mon enfant va être enfermé à l'école. » La première réaction du père ou de la mère sera d'essayer d'aller chercher l'enfant à l'école, parce que nous n'avons pas cette culture du risque. Il faut que nous l'ayons, que nous la développions, afin d'appliquer les consignes et que ces consignes soient de forme moins binaire. Aujourd'hui, nous avons un système complètement binaire et c'est un peu dommage. Dans mon propos, je n'ai pas de critique sur la façon dont cela s'est déroulé. C'est comme cela et je crois que c'est national.
Dans les marchés et les boîtes aux lettres, nous avons distribué le système de plaquettes et cela me fait venir aux aspects d'urbanisme et au quartier Flaubert. Pour d'autres raisons, nous avons des oppositions ou certaines choses qui ne nous conviennent pas dans le futur PLUi, mais je n'en parlerai pas. À l'aune de cette crise, j'ai regardé le PLUi en matière de fiches relatives au document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM), puisque le PLU de Bois-Guillaume a une fiche DICRIM sur les quatre risques identifiés sur la commune : le ruissellement avec inondation, le transport de matières dangereuses, le périmètre des PPRT et le risque marnière. Nous sommes sur un plateau, avec des zones de marnières. Dans la planche des risques industriels de la métropole, il reste aujourd'hui deux risques pour notre commune : les marnières et les ruissellements. Le périmètre du PPRT ancien Borealis qui était de huit kilomètres a été réduit. Dont acte. Au début, j'ai cru que c'était une erreur d'imprimerie, mais ce n'était pas le cas. Ensuite, j'ai un doute sur le risque de transport de matières dangereuses. Nous savons tous que sur nos axes routiers transite un certain nombre de matières dangereuses. Un camion peut prendre feu, s'immobiliser au milieu d'un carrefour et générer un risque industriel d'une ampleur moins conséquente, mais grave pour la commune. Nous avons également équipé nos voitures de police de haut-parleurs, un peu de façon publicitaire, comme lorsqu'un cirque s'installe dans une commune, afin d'informer la population. Il faut marcher sur les deux pieds.
Je reviens un instant sur la crise. Il faut du numérique, des moyens modernes, mais les moyens modernes peuvent être défaillants. Il faut également des moyens manuels d'information, comme la sirène ou la voiture de police qui va passer avec son haut-parleur, avec les équipements qui vont bien pour le policier. C'est également voir comment il peut parler dans le micro, s'il est équipé d'un masque à gaz, etc. Je ne rentre pas dans le détail, notre réunion de cet après-midi ne porte pas là-dessus. C'est pour dire que malgré tout, il y a toute une cascade de choses en conséquence, que nous avons identifiées dans notre tenue de crise.
Pour revenir sur le PLU, évidemment, peut-être que certains seraient amenés à penser que je m'engouffre dans une brèche éventuelle, pour dire « moratoire sur le PLU ». S'il le faut, je songe à revoir cette planche des risques industriels à l'aune de cette crise. Je n'y crois pas, parce que les transports de matières dangereuses existent toujours. Ils ont disparu et aujourd'hui, je n'ai pas de réponse. J'ai interpellé le président de la métropole en présence des présidents de groupe, mais je n'ai pas eu de réponse. Ce risque qui a disparu porte un problème au sens de l'enquête publique, fondamentalement.
Sur le quartier Flaubert, je suis d'accord, il faut refaire la ville sur la ville, arrêter de consommer des espaces naturels, etc., mais peut-être avons-nous « mis la charrue avant les boeufs ». Concernant Flaubert, nous l'avions dit et je reprends le propos du président actuel du Conseil constitutionnel qui m'avait dit que je jouais les Cassandres, que l'État avait donné son accord et que c'était l'État qui décidait pour Flaubert. Cela a été repris dans un article de presse de Paris Normandie en 2013, que j'ai eu l'occasion de fournir à quelques-uns. Le maire de Rouen a évoqué un moratoire sur les permis de construire à Flaubert. Comme cela a été dit, des solutions constructives permettraient peut-être d'envisager malgré tout de continuer ce projet, en y réfléchissant, en voyant s'il existe des systèmes de protection plus efficaces que ceux des permis de construire déposés. Peut-être, mais dans l'attente de cela, il faut absolument surseoir à la délivrance des premiers permis de construire, quitte à porter plus longtemps que prévu du foncier qui a été racheté ou est porté par l'établissement public foncier de Normandie (EPFN). Des prochains conseils communautaires prévoient le rachat de certains espaces à Flaubert, et ce dès lundi soir.
Pour la suite, il faut un contrôle sanitaire sur une durée assez longue, dans le cadre du suivi de toutes les personnes fragiles ou fragilisées par cette crise, par cette pollution à la fumée et tout ce qui en découle. Il faut voir si dans quelques années, il n'y a pas d'émergence d'un type de cancer qui pourrait être lié à cela. Là, ce n'est pas simple, mais il faut avoir du discernement malgré tout, par exemple dans les systèmes de nettoyage des propriétés. Des personnes sont venues me voir, en disant : « Monsieur le Maire, ma façade est sale. » Je suis allé voir la façade et le ravalement n'avait pas été fait depuis vingt ans. Peut-être qu'elle était un peu plus sale qu'elle ne devait l'être, mais ce n'est pas que Lubrizol qui l'a salie. Nous connaissons tous des personnes qui profitent parfois de certains mécanismes, mais cela dit, il faut le faire, l'analyser et que Lubrizol, les assurances ou l'origine de ce sinistre puissent en assumer les conséquences.
Sur les mesures du sol, en fin de semaine dernière, lundi et mardi, nous avons eu des prélèvements de sol dans la commune de Beaulieu et des secteurs que j'avais indiqués. Nous n'avons pas les résultats aujourd'hui et sommes impatients de les connaître, en espérant qu'ils seront conformes aux suppositions. Encore une fois, un cocktail peut générer des anomalies chimiques qui ne sont pas connues ou qui sont le résultat de mélanges.
Je voudrais dire un dernier mot sur la cellule de crise. Aujourd'hui, c'est de la responsabilité des maires. En cas de crise, la métropole peut être utilisée comme un outil. Elle nous a été très utile par rapport à l'eau. J'ai peut-être pris un risque de dire que l'eau était potable et que nous ne mettrions pas de bouteilles d'eau dans les écoles. Plusieurs parents sont venus me voir, en me disant : « Monsieur le Maire, vous n'êtes pas responsable. Vous ne voulez pas que nos enfants aient des bouteilles d'eau. Il n'est pas possible que l'eau soit potable. » J'ai répondu que l'eau était potable, que j'en avais eu la confirmation par les services de la métropole. De toute façon, la pluie agit comme un percolateur et le temps que la nappe soit bouchée, peut-être occasionnellement, s'il y a une infiltration plus rapide, l'eau n'est pas du tout atteinte. À Rouen, je crois qu'une école ou deux ont mis à disposition des bouteilles d'eau, ce qui a entraîné des mouvements d'insatisfaction d'écoles voisines ou de certains parents. Encore une fois, en cas de crise, il faut une unicité d'action et de parole. Sinon, c'est encore pire.
La métropole est un outil utile, mais l'axe État et maires doit rester prioritaire. Si la métropole rentre dans la boucle, elle doit être utilisée pour ce qu'elle a à faire au service des communes, mais elle ne doit pas être utilisée pour les directives auprès des populations.
À l'écoute des différentes sensibilités, pouvons-nous considérer qu'il y a une revendication, du moins l'expression d'une attente forte, de solidarité nationale, qui se traduirait en premier lieu, quel que soit le caractère dépassé stricto sensu, par la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et qui ferait autorité auprès de toutes les sensibilités ?
Deuxièmement, d'un point de vue plus réglementaire, la question de l'échelon communal doit être introduite dans la boucle dans les fonctions qui sont les siennes, au niveau des services et de ses compétences auprès de l'ensemble des administrés. Ce sont les compétences eaux, transports en commun et également les compétences à l'échelle des interactions dans le territoire en matière de service public, avec un focus particulier sur sa compétence urbanisme et l'introduction d'une dimension plus étoffée au niveau des PLUi en matière de risques technologiques.
Troisièmement, dans le domaine sanitaire, pouvons-nous considérer aujourd'hui le souhait particulièrement fort de l'établissement d'un registre de suivi médical, sans attendre un débat qui de toute façon continuera de courir sur les dispositions annoncées par Santé Publique France ?
Tous ces éléments rassemblent-ils les sensibilités autour de cette table ? C'est sans compter la question qui n'est pas réglée, mais qui dépend pour partie de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, à savoir la question des particuliers, même si quelques précautions sont à prendre. Gilbert Renard en a parlé, et c'est également ce que nous a dit un certain nombre de collègues reçus avant. Les préjudices, y compris d'image et d'anxiété, se traduisent également par de l'argent. Aujourd'hui, au niveau des particuliers, avez-vous un spectre de témoignages sur des dépenses à faire et qui seraient inatteignables par rapport à l'état du budget de nos concitoyens ? J'ai entendu parler de devis de dépollution qui commencent à tomber et atteignent des sommes assez significatives. Or les particuliers sont en difficulté, notamment pour remettre en état les extérieurs des maisons, les assureurs ne couvrant que la remise en état de l'intérieur. En plus, ce sont des dépollutions de type industriel, avec des interventions spécialisées assez lourdes financièrement.
De la même façon, d'un point de vue sanitaire, avez-vous des remontées sur des prescriptions médicales à l'intention de particuliers ? Ce sont par exemple des prises de sang recherchant des molécules, du plomb, etc. qui sont financièrement lourdes. Cela peut aller de 50 euros à 400 euros pour une prise de sang. Lorsque nous parlons de solidarité, il y a certes la solidarité nationale à l'échelle des territoires, mais reste posée la question de la solidarité au quotidien vis-à-vis des administrés.
Je voudrais préciser que lorsque l'on évoque la solidarité nationale, elle n'exonère pas l'application stricte et immédiate du principe pollueur-payeur. Je le dis, parce que sinon, on risquerait de mal comprendre.
Je suis député du Rhône et membre de la commission développement durable de l'Assemblée nationale. Je suis également l'un des rares chimistes de l'Assemblée nationale. Je le précise, afin que vous sachiez que je suis un peu de la chimie, puisque c'était mon précédent métier.
En vous écoutant et ayant participé à d'autres auditions, je me suis fait une réflexion. Je ne suis pas du tout de votre région et je vois le couloir de la chimie en région lyonnaise, etc. Monsieur Moreau, tout à l'heure, vous avez dit des choses qui m'ont intrigué. Si j'ai bien compris, vous êtes vice-président de la métropole en charge des questions d'environnement, mais également du risque industriel. Ce n'est pas une critique, mais je voudrais comprendre. Existe-t-il une politique du risque industriel qui s'appuie sur un service dédié ? Avez-vous une démarche politique vraiment bien établie sur la gestion du risque industriel ? Encore une fois, ce n'est pas une critique. Dans une région comme la vôtre, cela pourrait être fort utile. Vous avez tout de même des industries potentiellement à risques.
En début d'après-midi, lors d'une autre audition, notre président de la mission a émis une idée qui a retenu mon attention. C'était l'idée d'avoir une sorte de pilotage de tous les sites Seveso en France. Ce serait un peu une autorité de sécurité. Il a pris une image très claire, avec une comparaison avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cela vaudrait-il le coup d'avoir quelque chose de plus structuré ? Cela existe-t-il aujourd'hui ? Si oui, j'ai l'impression que ce n'est pas si structuré que cela. Ce n'est pas un reproche, c'est tout simplement pour comprendre.
Je ne sais pas forcément répondre à cette question. J'ai l'impression que nous avons tous dit quelque chose qui allait dans le sens du manque de culture du risque technologique et industriel dans ce pays. Il faut chaque fois qu'il y ait des catastrophes, pour que nous nous posions cette question. Le législateur agit, fait la loi. Ce qui m'interpelle, ce sont plutôt les assouplissements d'ordre législatif sur ces questions, sur lesquelles nous devrions être beaucoup plus durs.
Je donne un exemple, que je donne souvent, lorsque je rencontre des personnes. Bien sûr qu'il faut « réenchanter » la ville, j'en suis intimement convaincu. Il faut « réenchanter » notre territoire dans son ensemble ! Mais, aujourd'hui, nous sommes passés de la sidération à la colère et cette colère ne retombe pas. Elle s'exprime autrement que dans les premiers jours. Si vous avez un logement, que vous le vendez, on vous demande un diagnostic amiante. S'il y a un problème, il faut le résoudre. Quand je pilotais la reconstruction de la place des Emmurées à Rouen, nous avions trouvé un peu d'amiante dans les joints et il a fallu confiner le site pendant huit mois, avec un coût supplémentaire de plusieurs centaines de milliers d'euros. C'était légitime. Là, nous apprenons que notre appareil industriel stocke, voire enfûte dans des bâtiments obsolètes, avec des toits faits en fibrociment. Cela m'apporte la réflexion que nous sommes dans cette doctrine française, où nous avons l'impression qu'il faut nier tout risque, afin de continuer à développer un plein-emploi tout à fait illusoire. Bien sûr, ces entreprises sont extrêmement utiles. Il vaut mieux produire chez nous qu'à l'autre bout de la planète, c'est une évidence, d'abord, parce que les conditions doivent être malgré tout meilleures et que le dumping social est certainement plus fort ailleurs.
Ecoutons ce que nous disent les syndicats. J'étais à la sortie de l'usine cousine AZF en 2001 et déjà à l'époque, les salariés nous disaient : « Nous avons beaucoup plus de salariés qui ne sont pas formés. » C'était en 2001. Ils disaient : « Nous avons acheté à la SNCF des trains de stockage à simple coque, parce que ce sont des productions en continu. » La loi sort et on l'assouplit encore plus. Ce que nous vous demandons ici - c'est parce que nous vivons dans cette vallée de la Seine, mais c'est vrai dans le Rhône également - c'est que l'on durcisse ces questions, que l'on renforce les CHSCT. La question n'est pas d'opposer la production à la ville. Cela n'aurait pas de sens. Aujourd'hui, la production doit s'adapter à la ville. La ville a progressé, c'est comme cela. Nous n'allons pas revenir en arrière et supprimer des quartiers entiers. Nous sommes tous d'accord pour dire que l'étalement urbain est un véritable problème et qu'il faut essayer de lutter contre.
Vous avez tous eu raison de citer le PLUi, mais dans le PLUi, il y a encore plus de mille hectares d'artificialisation des sols. Si nous devions atteindre 1 400 hectares, cela poserait un vrai sujet pour l'avenir et tous les défis du XXIe siècle. Il faut bien construire la ville sur la ville, mais la question n'est pas de savoir si nous devons retirer un quartier ou faire en sorte de le geler, etc. La question est de savoir de quelle façon nous adaptons l'appareil industriel à cet enjeu fondamental urbain, sur lequel nous devons absolument réagir.
Il n'y a aucun exercice annuel dans notre métropole. J'en discutais avec quelques amis qui vivent ailleurs, dans d'autres lieux chauds de la planète. Ils ont des exercices fréquents. Chez nous, il n'y a aucun exercice. Je suis enseignant et sur les Hauts de Rouen, j'ai dû faire un exercice, pour voir comment réagir s'il y avait une inondation. Je ne veux pas moquer mes supérieurs ou l'État qui demandent cela, mais cela n'a pas de sens. En revanche, le nuage est passé dans ce secteur. Il a vite dévié. Pour les personnes de l'Est, c'était une bonne nouvelle, mais c'est parti vers le nord et nous savons tout ce qui s'est passé derrière. C'est catastrophique. Il n'y a aucun exercice annuel.
J'aurais dû être d'astreinte, ce jour-là. Je n'étais pas d'astreinte, parce que j'ai eu un problème de santé important quelques jours auparavant. J'ai été prévenu par des personnes qui m'ont appelé vers 6 heures 30. Aussitôt, j'ai essayé d'appeler le maire. J'ai eu le cadre d'astreinte qui m'a dit : « On ne nous a pas demandé grand-chose… » Nous nous sommes retrouvés en cellule de crise autour d'Yvon Robert et beaucoup de choses ont été entreprises. Toutes ces personnes qui m'appelaient ou que nous avons pu rencontrer demandaient ce qu'elles devaient faire, parce qu'elles n'étaient pas préparées à cela. J'attends du législateur qu'il inscrive dans le marbre de la loi ces obligations d'exercice. C'est la première chose. Cela éviterait les paniques. Dans ce cas, si les sirènes retentissent, nous saurons exactement quoi faire. Nous devons être préparés à cela. Cela n'a aucunement été fait.
Quand je parlais de colère, je ne suis pas chimiste, mais il s'avère que je connais quelques chimistes qui ont travaillé dans la production, notamment dans la sécurité. L'appareil havrais est également extrêmement conséquent et de mon point de vue relativement sécure, en tout cas plus éloigné de nous. C'est un grand lieu d'habitat et il y a des structures plus grandes faisant que si un incident arrive, il peut parfois être contenu à l'intérieur même de la structure. Ce n'est pas le cas avec Lubrizol, mais nous savons comment fonctionnent ces systèmes de noeud papillon, avec l'évènement redouté central. Cela peut être une perte de confinement, une rupture, un débordement de ce qui est produit. Dans ces cas-là, il y a des barrières de prévention en amont et si cela ne fonctionne pas, il y a des barrières de protection en aval. Visiblement, cela n'a pas extrêmement bien fonctionné.
La question que je me pose est : sommes-nous en droit de demander d'expertiser dans toutes ces entreprises la qualité de ces barrières de prévention et de protection ? Elles sont en coeur de métropole, avec 500 000 habitants. Après l'histoire d'AZF, nous avions rencontré le préfet à l'époque qui nous avait dit que s'il y avait un évènement létal très important, cela concernerait plusieurs centaines de milliers de personnes. Bien sûr, c'est le scénario le plus catastrophique, mais il peut arriver et nous ne savons pas comment fonctionnent les protections. Je ne suis pas dans ces commissions, comme mon collègue Moreau, mais je croyais que nous étions juste dans une zone de stockage, pas d'enfûtage en même temps.
Nous n'en avons pas parlé aujourd'hui, mais sur la pollution de la Seine, quel a été le bassin de rétention ? Quelle est sa taille, etc. ? Je discutais avec un certain nombre de personnes qui travaillent dans ce domaine. L'un de mes collègues m'a dit : « Je l'ai à peine vu sur le site », alors que quand vous allez au Havre, ces bassins sont considérables et énormes. Ils doivent être capables d'intégrer ce genre d'évènement, avec les pompiers qui interviennent fortement.
Ce sont des questions que nous nous posons. Vous l'avez dit, les uns et les autres, c'est l'image de notre territoire communal et intercommunal qui est largement touchée. Ce n'est pas la première fois, c'est la deuxième fois en six ans, de la même manière et venant de la même entreprise. Cela n'a pas été le cas et tant mieux, mais souvent, les premières victimes sont les personnes qui interviennent très vite. Elles ont été d'un grand courage, extrêmement précieux pour éviter le pire. Ce sont également les salariés, parce qu'à l'intérieur, il a fallu intervenir très rapidement, afin de faire sortir un certain nombre de produits encore plus dangereux qui auraient pu entraîner une catastrophe bien supérieure.
Il faut à la fois être prêt, avoir cette culture du risque, parce que c'est notre industrie, qu'elle est là et qu'il faut adapter notre quotidien par rapport à cela et en même temps avoir la clarté sur ce qui nous protège à l'intérieur. Ce n'est pas seulement ce qui protège l'entreprise, mais ce qui nous protège. Si l'entreprise explose et qu'il y a ce phénomène dominos qui peut aller très vite, c'est l'ensemble des populations qui est en danger.
Je voudrais dire un mot sur le quartier Flaubert. Je le répète, nous ne pouvons pas à la fois demander la lutte contre l'étalement urbain, nous battre contre la rarification des sols et ne pas se poser cette question du quartier Flaubert. Je ne l'ai jamais appelé « écoquartier », parce qu'il y avait justement une usine Seveso juste à côté et deux autoroutes urbaines. Il n'y en a plus qu'une, parce que l'autre est aujourd'hui en partie un site propre. C'est très bien comme cela. Un nouveau quartier a du sens. Je le dis ici avec un peu de force, en revanche, ce n'est pas à ce quartier de s'adapter à l'entreprise. C'est l'entreprise qui doit s'adapter à cette question de l'urbanisme. Par la loi, il faut que nous soyons capables d'instaurer des règles permettant de continuer à travailler, afin de donner de l'attractivité à notre territoire, mais dans des conditions de sécurité absolument maximales. C'est le minimum que nous devons à nos habitants.
Sur la question de l'indemnisation, nous n'avons pas parlé d'une chose. Après AZF, j'ai discuté avec des personnes de Toulouse. Cela a mis des années à repartir et c'est une ville qui avait une attractivité naturelle beaucoup plus forte que celle de Rouen, pour des tas de raisons. Des personnes avaient décidé de vendre leur bien, en se disant : « Je suis à la retraite, je vais vendre ma petite maison. J'ai travaillé pendant toute ma vie. Je suis enfin à la retraite et j'ai décidé de partir quelque part. J'ai ce pécule qui est ma maison. » Aujourd'hui, comment vendent-ils et à quel prix ? Quel type d'indemnisation par rapport à cela ? S'est-on posé la question ? Pourtant, nous savons que sur un territoire comme le nôtre, en permanence, des personnes s'en vont et d'autres arrivent. C'est normal et naturel, mais aujourd'hui, quelle est la suite de l'histoire pour ces personnes ? Trouveront-elles des personnes qui auront envie de venir ? Quelqu'un qui hésiterait aujourd'hui entre Caen et Rouen choisirait-il naturellement Rouen ? Comment indemnise-t-on cela ? Comment avoir une réflexion approfondie sur cette question ? C'est vraiment une question que je me pose.
Des préjudices sont tout de suite palpables et il était normal d'indemniser les commerçants. Les jours qui ont suivi, c'était vraiment dramatique. Dans notre ville, tout était vide. D'habitude, sur le grand marché de Rouen, les personnes cherchent une place pour boire un verre. Là, nous cherchions les personnes sur le marché. Vous avez parlé de l'agriculture. C'est la filière qui est touchée durablement et pas seulement sur ce qu'elle a produit ces jours-là, qu'elle a dû jeter. Ce sont également tous ces préjudices moraux qui sont aujourd'hui extrêmement forts et auront du mal à s'effacer. Notre territoire doit rebondir, mais cela va mettre du temps. Si j'entends un peu les discussions que nous avons eues autour de cette table, une chose est certaine : nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faudra le faire ensemble et pratiquer certainement une réflexion nouvelle sur ce qu'est la ville et ce qu'est également l'appareil industriel au sein de notre ville.
Il y a également une vraie réflexion sur sa conversion et cette conversion ne se fait pas contre les salariés, mais avec eux. Ils ont des savoir-faire, des choses à nous apprendre. Ce sont tous ces chimistes, toutes ces personnes qui travaillent dans ces productions. Des tas de pays ont créé cette chimie verte. Nous devons être capables de maintenir un appareil industriel fort dans nos régions, dans notre pays, tout en ayant des procédés différents qui sécurisent les habitants autour et respectent l'environnement. Ce qui a été touché là, ce ne sont pas seulement les personnes. Les personnes ont été touchées dans leur chair, blessées par ce qui s'est passé et heureusement, il n'y a pas eu de mort, mais l'environnement a été touché durablement.
Je ne reviendrai pas sur la santé, mais sur le registre, c'est déjà trop tard. Il faut absolument que dans la loi, il soit prévu qu'un registre de santé soit tout de suite instauré dans ce cadre. Si ce n'est pas le cas, la mémoire est ainsi faite, nous perdrons le fil de ce qui s'est passé ces dernières semaines. Les symptômes que nous avons pu avoir disparaîtront avec la mémoire. Il est essentiel que dans le marbre de la loi, ce registre de santé soit tout de suite inscrit. C'est votre rôle et c'est ce que nous venons plaider tous ensemble, afin que si une catastrophe se reproduisait ailleurs, nous puissions avoir des outils extrêmement fiables de ce point de vue.
Merci d'avoir rappelé la mission qui nous a été confiée, notamment le retour d'expérience et le fait de faire des propositions.
Je suis d'accord avec beaucoup de points, notamment sur le fait qu'il ne faille pas montrer bêtement du doigt les industriels de la chimie. L'année dernière, à cette période, j'ai remis les trophées nationaux de la chimie, que l'on appelle les trophées « Chimie responsable ». J'ai vu beaucoup d'industries qui évoluent vraiment et crantent vraiment des évolutions sur une chimie plus économe en termes de solvants, d'énergie, etc. Il y a tout de même une évolution, qu'il faut accompagner. Cela peut faire sourire, mais ce sont mes convictions, je crois que l'avenir se situe aux frontières entre les questions d'écologie et d'économie. Je crois que la chimie a un rôle extrêmement important à jouer. C'est même fondamental. Il faut tirer les enseignements de ce type de drame, mais en même temps, il faut accompagner et forcer un peu l'accompagnement de nos industries chimiques vers encore un peu plus de responsabilités..
Nous avons bien compris que nous avons besoin de chimistes, mais aussi d'alchimie, afin d'essayer de mettre tout cela en oeuvre.
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit et je partage beaucoup de choses qui ont été dites. Je voudrais insister sur l'absolue nécessité que nous avons tous collectivement de revoir notre dispositif d'information à tous les niveaux de la chaîne. Je constate que toutes les informations existent. Gilbert Renard a rappelé le DICRIM de Bois-Guillaume. À Rouen, nous avons un DICRIM et avons communiqué auprès des populations. Tous les éléments d'information sont disponibles. Lorsqu'il y a une vente ou un contrat de bail, qu'il s'agisse d'un bail commercial ou d'un bail d'habitation, toutes les informations sont communiquées, avec tous les risques, en fonction du zonage de l'immeuble, de la maison ou de l'appartement qui sont loués ou achetés.
Pour autant, collectivement, nous ne vérifions pas tous ces éléments. En tout cas, nous n'en avons pas la connaissance. Nous avons parlé des sirènes. Le préfet a décidé d'actionner une sirène à Rouen et une à Petit-Quevilly, mais aujourd'hui, qui connaît la signification des sirènes ? Tout cela, on le trouve dans tous les documents qui sont sur le site de la préfecture, dans tous les dossiers qui sont transmis par les maires, etc. Nous avons un vrai problème d'éducation, de formation, peut-être d'exercices réguliers qui aillent au-delà des exercices qui existent dans les écoles. Je voudrais insister sur cette cohérence.
Pour terminer, je considère pour ma part que le PPRT a fonctionné. Les salariés de Lubrizol ont eu les bons gestes. Ils ont été formés correctement. Ils ont évacué et créé une sorte de zone tampon, comme lors d'un feu de forêt.
Les pompiers ont agi de manière exemplaire et ont éteint un incendie assez important et exceptionnel, selon leurs propres dires. Pour autant, la mauvaise information qui a suivi a créé cette incompréhension, cette angoisse. Je peux témoigner comme élue de la métropole, mais surtout comme élue normande, que sur les coteaux ouest de Rouen, qui sont face à Lubrizol, il y a eu un traumatisme des populations. À 3 heures, 4 heures, 5 heures du matin, les personnes ont vu des flammes très importantes, un nuage noir impressionnant. Cela a été un choc et un traumatisme. Certains ont dit qu'ils déménageaient, d'autres ont fui, etc. L'absolue nécessité de revoir l'organisation de l'information me paraît indispensable.
Je crois que la synthèse faite par M. Wulfranc tout à l'heure correspond globalement aux attentes. Nous pourrions les reprendre en détail, mais là n'est pas l'objet. Il me semblait important de valider ces éléments ensemble.
Il y a un point que nous n'avons pas évoqué, sur lequel nous nous sommes interrogés. Nous parlons de revisiter les PPRT, de revisiter tout ce qui est réglementation vis-à-vis de ces sites Seveso. Je voudrais évoquer la situation que j'appellerais de la sous-traitance, parce que c'est un point que ni les uns ni les autres n'ont abordé. Nous parlons beaucoup de Lubrizol, mais l'entreprise d'à côté est concernée par cet incendie. Je la considère un peu comme un sous-traitant de Lubrizol. Il me semble que les contraintes de stockage pour Normandie Logistique ne sont pas les mêmes que celles imposées aujourd'hui à Lubrizol. À partir du moment où nous avons des endroits, avec à la fois de la production et du stockage, - d'ailleurs, c'est une question : faut-il continuer à avoir sur les mêmes sites des stockages importants en même temps que de la production ? - à partir du moment aussi où certaines entreprises sont en situation de sous-traiter ou de déplacer une partie de leur stockage, dans le cadre des analyses de la réglementation et des éventuelles évolutions, nous souhaiterions que ce point puisse être regardé. Il ne faut pas le mettre de côté. Je vous rappelle que sur les plus de 4 000 tonnes stockées chez Normandie Logistique, plus de 1 600 tonnes concernent des fûts de Lubrizol. Il est trop tôt pour savoir si ces fûts étaient du même niveau de dangerosité. Je ne suis pas en capacité de répondre, mais j'aimerais que ce point puisse également être regardé, dans le cadre d'une évolution de la réglementation.
Comme cela a été dit, surtout, n'assouplissons rien. Nous souhaitons tous qu'il puisse y avoir un partage intelligent de l'espace, avec l'activité industrielle qui doit évidemment évoluer et s'adapter à l'extension des zones urbaines, mais faisons en sorte que l'ensemble des points soit regardé, avec un objectif de réconciliation et à l'évidence une culture du risque sur laquelle nous avons tous à progresser.
Il y aura un après-Lubrizol et les sites Seveso qui tiennent leur nom d'une expérience ô combien douloureuse en Europe sont là pour nous rappeler qu'il faut que nous écrivions une nouvelle page s'agissant de tout ce qui touche à la prévention des risques. Pour répondre à une question qui a été posée, mon avis est que tout ce qui touche la prévention doit être du registre des services de l'État. De mon point de vue, sur ce sujet, il est sur une mission régalienne. Il ne me paraîtrait pas souhaitable que dans le cadre d'une décentralisation, les régions ou les métropoles prennent cette nouvelle responsabilité, l'idée étant qu'il y ait unicité dans le traitement de ce dossier, à l'échelle de la nation tout entière. Il faut une égalité de traitement, quel que soit le lieu d'implantation de l'entreprise, qu'elle soit à Bordeaux, Lyon ou Rouen. C'est la première chose.
En revanche, je crois qu'il faut instruire une nouvelle relation avec la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). J'écoutais tout à l'heure mon collègue en charge de ces questions à la métropole, il n'est pas normal qu'il ait été « la dernière roue du carrosse ». Il faut instruire une nouvelle relation entre l'intercommunalité et la DREAL.
Plus généralement, de cet évènement tragique et dont nous n'avons pas encore tous les attendus, je souscris à la reformulation des différents points de vue. Je souscris à tout ce que vous avez dit, monsieur le député. Il y a nécessité que l'axe Seine soit un lieu, un espace où tout le monde va concentrer son attention, afin d'imaginer, dans le cadre d'une utilité à l'échelle de la nation tout entière, de quelle façon nous pouvons mieux prévenir. Cela peut être autour de la formation professionnelle, de l'enseignement. C'est la place des écoles dans les périmètres à risques. C'est également sur le plan de la santé, avec les médecins, les modèles qu'il faut imaginer pour faire en sorte qu'il puisse y avoir les bonnes réactions, sans toujours attendre que les choses viennent d'en haut. Nous sommes dans une société de communication et celle-ci peut être plus réactive, sans attendre que tout vienne d'en haut. Tout cela est à imaginer. C'est une nouvelle conception moderne de la prévention des risques et de la gestion de crise. Tout à l'heure, je parlais de solidarité nationale et il faudrait qu'il y ait un geste fort, afin que ce soit sur nos sites, peut-être sous l'égide de la métropole, que nous imaginions cet espace qui permettrait de donner de l'exemplarité pour l'ensemble des régions françaises. On nous doit bien cela.
Une précision : le 26 septembre, le premier appel de la préfecture vers la mairie de Bois-Guillaume a eu lieu à 6 heures 05, afin de dire qu'il y avait un incendie, sans précision du lieu du sinistre. Un deuxième appel a eu lieu cinq minutes plus tard, en précisant qu'il y avait un incendie majeur chez Lubrizol. C'est à partir de là que nous avons tout déclenché.
Sur le suivi santé, nous sommes tous d'accord, mais j'ai une petite hypothèse. Il existe déjà des outils en matière de suivi sanitaire. Lorsque nous nous rendons dans certains pays, nous avons un carnet de santé de vaccination. Ce carnet de santé ne pourrait-il pas être un support de suivi pour les habitants ? Il s'agirait d'y inscrire l'incident du 26 septembre. C'est une réflexion, mais je la soumets à vote à votre sagesse.
Il faut effectivement revoir le système d'alerte, parce que c'est un système binaire qui n'est pas satisfaisant. Il faut peut-être mettre en place des préalertes, utiliser le numérique, les nouveaux outils, un système de notre époque.
Les transports de matières dangereuses (TMD) ne figurent pas dans les PLU. Les TMD sont également potentiellement à risques.
Sur la culture du risque, depuis un certain nombre d'années, grâce à la métropole et à d'autres structures comme le syndicat mixte d'élimination des déchets (Smédar) de Rouen, nous avons mis en place des interventions des ambassadeurs de tri, afin d'apprendre aux plus jeunes d'entre nous comment trier. Pour se réapproprier cette culture du risque, nous pourrions imaginer avoir des interventions, peut-être pas dans les écoles élémentaires, mais dans les lycées et les collèges. Ce seraient des intervenants pris en charge par les industriels, mais avec des contrôles de personnes neutres qui expliqueraient un peu leur métier. Nous aurions un double enjeu : expliquer les métiers de l'industrie et les risques que cela peut générer.
Il ne faut pas que nous tournions le dos à notre industrie. Nous en avons besoin et il faut trouver les solutions pour continuer à vivre ensemble en toute sécurité, en sachant que le risque zéro ne sera malheureusement jamais atteint.
Merci pour votre contribution, vos réponses, mais également vos questions et les messages que vous avez voulu faire passer, en participant à cette audition. Merci à tous.
La séance est levée à dix-neuf heures cinq.
Membres présents ou excusés
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à Rouen
Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 17 h 20
Présents. - M. Xavier Batut, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Luc Fugit, Mme Annie Vidal, M. Hubert Wulfranc
Excusés. - M. Damien Adam, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jean Lassalle, M. Bruno Millienne, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Sira Sylla