Je rappelle que nous sommes ici dans le cadre de la mission d'information qui a été décidée en conférence des présidents, sur l'incendie de Lubrizol à Rouen. L'objectif que nous poursuivons est de comprendre la nature de l'évènement et toutes les questions qui y sont liées en termes de communication et de gestion de crise, d'en tirer toutes les conclusions, de faire un retour d'expérience et de faire des propositions d'amélioration si nécessaire. Nous accueillons cet après-midi Sylvain Schmitt, président de Normandie Logistique, qui est accompagné de Christian Boulocher, directeur général de cette société.
Avant toute chose, j'aimerais que vous puissiez nous parler des activités économiques et du business model de Normandie Logistique. Pour quelles raisons entreposez-vous des produits chimiques particulièrement dangereux ? Sur quelle durée ? À destination de quels clients ? Comment réalisez-vous vos marges sur ce type d'activité ?
Plus d'un mois après ce terrible incendie qui a touché une partie de vos locaux, en savez-vous plus sur les causes de cet accident et sur les raisons de sa propagation ? Une enquête administrative et une enquête judiciaire sont en cours, mais il y a sans doute aussi quelques éléments que vous pourriez apporter à la mission d'information.
Les locaux et les entrepôts de Normandie Logistique sont-ils équipés de dispositifs spécifiques pour lutter contre les feux d'hydrocarbures, mais aussi en termes de détection et d'alerte ? Vous ne disposez sans doute pas de dispositifs comparables aux sprinklers dont sont équipés certains locaux de Lubrizol, mais existe-t-il chez vous d'autres types d'équipements ? Avez-vous le sentiment que de par le type de produits que vous entreposez, cela pourrait nécessiter des équipements de même nature ?
Enfin, les salariés de votre entreprise disposent-ils d'un temps de formation particulier ? Nous savons qu'il existe des obligations, suite à la loi Bachelot de 2003 en ce qui concerne les salariés des sites classés en « SEVESO », mais pour vos salariés, y a-t-il des dispositions qui concernent leur formation, sur la dangerosité des produits chimiques qui sont entreposés et les risques auxquels ils sont eux-mêmes exposés ? Existe-t-il chez vous des éléments de formation sur la sécurité et sur les comportements qu'il faut adopter en cas de départ d'incendie ?
Nous avons auditionné M. Patrick Berg, directeur de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), dans le cadre de notre mission. Il a indiqué qu'il y a selon lui un défaut en ce qui concerne la contrainte qui était la vôtre, avec un changement de la réglementation sur les installations classées pour l'environnement. Par rapport à l'enregistrement, vous étiez sous le régime de déclaration. J'aimerais que vous puissiez nous éclairer à ce sujet. Qu'est-ce qui explique que cela ne se soit pas fait à temps, puisque le registre de déclaration est beaucoup plus permissif et n'impose pas de contrôle obligatoire ? Des visites sont déclenchées ou diligentées uniquement lorsqu'il y a une plainte d'un riverain ou d'autres sites industriels, ce qui n'a pas été le cas. Comment expliquez-vous ce manquement ? Est-ce par négligence ? Aviez-vous été informés des changements de cette législation, de cette réglementation ? Pouvez-vous éclairer l'ensemble de nos collègues et de la mission sur ce point qui me semble important.
Par ailleurs, la DREAL a réalisé deux visites sur Normandie Logistique, la première en 2013 et la seconde en 2017. Ces dernières avaient été effectuées car à l'époque, Lubrizol avait émis le souhait d'acquérir des entrepôts de stockage supplémentaires pour y entreposer ses fûts. À cette occasion, la DREAL avait fait plusieurs observations sur l'état des hangars. J'aimerais savoir quelle était la nature de ces observations de la DREAL. Ensuite, cela a été complété par des propos rapportés de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), qui reconnaît que l'exploitant de ces entrepôts – c'est-à-dire vous-même – « n'a jamais indiqué clairement à l'administration les quantités stockées ». J'aimerais savoir comment vous expliquez ce fait.
Enfin, la DREAL nous a confié, lorsqu'elle a été auditionnée, le fait qu'elle a relevé un certain nombre d'infractions pénales, qu'elle a ensuite transmises au parquet dans le cadre de l'enquête préliminaire en cours. Pourriez-vous nous en dire plus sur la nature même de ces infractions pénales ? Nous ne les connaissons pas et cela soulève un certain nombre de questionnements et d'inquiétudes. Savoir de quel niveau d'infraction il s'agit permettrait sans doute de nous éclairer.