Intervention de Fabien Roussel

Séance en hémicycle du lundi 25 novembre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel :

Tel qu'il a été adopté par la commission mixte paritaire, le texte du projet de loi de finances rectificative pour 2019 est sensiblement identique à celui qui a été voté la semaine dernière.

Nos collègues sénateurs avaient pourtant réussi à minorer quelques annulations de crédits, notamment pour le programme « Vie étudiante », avant que la CMP ne revienne sur cette décision. Certes, 35 millions d'euros, c'était sans doute trop à l'heure où l'actualité nous rappelle la grande précarité et la détresse auxquelles font face nos étudiants…

Nous devons donc nous prononcer sur un PLFR restreint, que vous assumez comme tel et qui témoigne selon vous de la gestion saine qui a été la vôtre cette année. Pourtant, si nous raisonnons avec votre grille de lecture, le déficit du budget que vous présentez dépasse la sacro-sainte limite des 3 % du PIB. Vous décidez donc d'enfreindre vos propres règles, de renoncer aux grands principes écrits dans le marbre des traités européens, dont nous avons pour notre part maintes fois expliqué qu'elles n'avaient aucune justification économique ou sociale et qu'il fallait les dépasser.

Comment expliquer une telle volte-face ? Quelle priorité a bien pu vous pousser à vous affranchir de règles que vous aviez à ce point mises en avant ? Les urgences sont en effet nombreuses. Augmentez-vous le déficit pour répondre au défi écologique, lequel nécessite d'investir près de 40 milliards d'euros supplémentaires – et au minimum 10 à 20 milliards – par an dans la transition écologique ? S'agit-il, comme l'évoquait mon collègue Jean-Paul Dufrègne la semaine dernière, de traiter la crise sociale qui traverse notre pays et conduit 9 millions de nos concitoyens à vivre en dessous du seuil de pauvreté – dont 400 000 de plus depuis deux ans, je le rappelle, à cause de votre politique ? Non.

À chacune de nos propositions sur ces sujets, vous avez toujours justement opposé l'argument comptable en invoquant les différentes normes budgétaires – règle des 3 %, normes « zéro valeur » et « zero volume », etc. – et le risque d'une procédure pour déficit excessif. Aujourd'hui, vous vous affranchissez de contraintes que vous aviez érigées en totem non pour répondre aux besoins que j'ai cités, mais pour financer l'inefficace CICE et les baisses de cotisations patronales promises par le candidat Macron, des mesures qui coûtent, je le rappelle, près de 40 milliards d'euros aux comptes publics en 2019, aggravant le déficit de 0,9 point. Il est vrai que le CICE a déjà coûté depuis 2013 près de 80 milliards d'euros. Pour quels résultats ?

Le budget pour 2019 met ainsi vos priorités en évidence. Le déficit empêcherait donc de prendre les mesures en faveur de l'écologie ou de l'éradication de la pauvreté que nous appelons de nos voeux. En revanche, s'il s'agit de donner plusieurs dizaines de milliards d'euros aux grandes multinationales, à l'industrie du luxe, à Bernard Arnault, à Carrefour – qui a perçu 755 millions d'euros et supprime près de 3000 emplois – , il n'y a pas de problème ! On voit donc bien que la dette, le déficit, ne sont qu'une excuse pour votre gouvernement.

À présent, monsieur le ministre, il serait temps d'aller au bout de la logique en franchissant l'étape suivante : admettre qu'il en est possible, et nécessaire, d'aggraver le déficit de la France, au moins temporairement, pour promouvoir le progrès social et répondre à l'urgence écologique. Financez pleinement la transition écologique, comme nous le proposons, avec un fonds doté de 100 milliards d'euros en empruntant à taux négatif à la BCE pour investir et répondre à nos besoins. Financez l'ensemble des grands défis qui se présentent. Financez une vraie réforme des retraites. N'hésitez pas à taxer le capital plutôt que le travail.

Ce projet de loi de finances rectificative n'est pas à la hauteur. Augmenter le déficit devrait servir l'intérêt général plutôt que les intérêts particuliers de certains grands groupes. Si vous décidiez d'agir dans ce sens, nous serions demain à vos côtés pour vous suggérer des pistes de réformes et d'investissements utiles au pays. Dans le cas contraire, et tant que le déficit public servira à financer de nouveaux cadeaux aux grands groupes, aux plus riches, aux « premiers de cordée », vous nous trouverez encore et toujours sur votre chemin pour nous opposer à cette politique, comme nous le ferons lors du vote de ce PLFR mais aussi le 5 décembre prochain avec l'ensemble des organisations syndicales, ou encore aux côtés du personnel hospitalier qui réclame un vrai plan d'urgence susceptible de répondre à ses attentes.

Au passage, le plan d'urgence proposé par le Gouvernement prévoit de reprendre à sa charge 10 milliards d'euros sur les 30 milliards que totalise la dette des hôpitaux. Mais pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de cette logique en reprenant la dette à hauteur de 30 milliards ? C'est possible en ce moment, notamment grâce aux prêts à taux négatif.

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