La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de finances rectificative pour 2019 (no 2427).
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner le texte élaboré le 18 novembre dernier par la commission mixte paritaire et relatif aux dispositions demeurant en discussion après l'adoption, dans chaque assemblée, du projet de loi de finances rectificative – PLFR – pour 2019.
Comme cela a déjà été répété à plusieurs reprises, ce PLFR pour 2019 s'inscrit dans la ligne du PLFR pour 2018, car il ne contient pas de dispositions qui auraient pu trouver leur place dans un PLF – projet de loi de finances. Pour la deuxième année de suite, les dispositions du collectif budgétaire soumises en fin d'année au Parlement se limitent à des ajustements de fin de gestion.
À la demande de nombreux parlementaires siégeant sur tous les bancs, le Gouvernement a ainsi rompu avec l'ancienne pratique qui faisait du PLFR un « PLF bis », un exercice de rattrapage de l'examen du PLF. Cette nouvelle pratique doit être mise à son crédit et explique pourquoi le Sénat a adopté le PLFR pour 2019. Au demeurant, le résultat obtenu à l'issue du travail parlementaire est proche du texte déposé par le Gouvernement.
Je tiens en effet à souligner que le Parlement a aussi joué le jeu. Très peu d'amendements de nature fiscale ou d'amendements qui auraient pu trouver leur place en PLF ont été déposés. Les amendements portant sur les crédits budgétaires sont, quant à eux, tout à fait justifiés. En fait, loin de perdre en importance, le PLFR a simplement changé de nature : d'un exercice de nature principalement fiscale, il s'est mué en exercice de nature principalement budgétaire.
En matière budgétaire, comme chacun le sait, l'autorisation parlementaire consiste à fixer une limite de dépenses par programme – ce qui ne revient nullement à obliger le Gouvernement à dépenser l'intégralité des crédits ouverts.
Tout à fait !
En revanche, le Parlement est fondé à contrôler l'exécution des crédits pour s'assurer de leur bonne gestion et de la conformité de cette exécution aux orientations présentées par le Gouvernement lors de l'examen de la loi de finances. Le PLFR est le seul moment budgétaire qui a lieu en cours d'exercice, puisque, classiquement, six mois séparent la fin de gestion d'un exercice et l'examen du projet de loi de règlement le concernant. Le Parlement est donc dans son rôle lorsqu'il propose en PLFR d'ajuster l'allocation de crédits en fin d'exercice. En fonction des besoins qu'il identifie, il est légitime qu'il propose de rétablir tout ou partie des annulations proposées sur tel ou tel programme.
J'en viens au fond du texte que la commission mixte paritaire propose à notre assemblée.
En première lecture, l'Assemblée nationale n'a pas modifié le PLFR. Le Sénat, en revanche, a adopté quatre amendements de crédits, dont trois à l'initiative de sa commission des finances, et un amendement de coordination du Gouvernement sur l'article d'équilibre.
Le texte de la CMP retient deux des quatre amendements proposés par le Sénat sur des sujets qui n'avaient pas été abordés à l'Assemblée.
Il s'agit, d'une part, du rétablissement des crédits de la réserve de précaution du programme « Patrimoines » de la mission « Culture ».
Il est ainsi proposé de rétablir 25 millions d'euros en AE – autorisations d'engagement – et 21 millions d'euros en CP – crédits de paiement – , correspondant au dégel de la réserve de précaution. L'année dernière, la réserve avait été dégelée, notamment pour que les financements issus du Loto du patrimoine s'ajoutent réellement aux crédits du programme. De plus, comme l'ont relevé les sénateurs, les besoins identifiés montrent que le ministère est a priori en mesure de consommer utilement ces crédits en 2019.
Il s'agit, d'autre part, du rétablissement de 13 millions d'euros en AE et en CP sur le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », pour couvrir le coût de la contribution de la France au projet ITER – International Thermonuclear Experimental Reactor – en 2019. Sans le rétablissement de ces crédits, une dette se constituerait, probablement à hauteur de 13 millions d'euros. Elle aurait vocation à être réglée en 2020, mais le problème pourrait à nouveau se poser en 2021. Or le projet de loi de finances pour 2020 n'intègre pas de crédits pour régler en 2020 la contribution due au titre de 2019. La CMP souhaite rendre ces crédits disponibles pour que la France honore ses engagements dès 2019.
Le rétablissement de ces crédits et des crédits du programme « Patrimoines » aurait un impact budgétaire total de 38,4 millions d'euros en AE et 34,3 millions d'euros en CP par rapport au projet de loi de finances rectificative adopté en première lecture. Pour rappel, le PLFR propose des annulations de CP nettes des ouvertures à hauteur de 1,5 milliard d'euros.
En revanche, la CMP n'a pas souhaité retenir deux dispositions introduites par le Sénat.
La première consistait à rétablir 250 millions d'euros en AE et 70 millions d'euros en CP sur la mission « Défense ». L'annulation de ces crédits avait été intégrée par le ministère de la Défense, car ils correspondent à des crédits gelés ou à des crédits rendus sans objet par une meilleure maîtrise que prévu du coût de certains contrats. Il est avéré et vérifié que ces annulations ne pèseront pas sur la capacité opérationnelle des armées.
La seconde prévoyait le rétablissement de 35 millions d'euros sur le programme « Vie étudiante » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », dans la mesure où les crédits annulés correspondent globalement à des crédits devenus sans objet. Je note d'ailleurs que, sur ce programme, la majeure partie de la réserve de précaution a été dégelée, puisqu'elle s'élevait initialement à 76 millions d'euros. Enfin, je constate qu'après les annulations proposées sur ce programme, les crédits ouverts en 2019 resteraient supérieurs de 25 millions d'euros aux crédits consommés en 2018.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire vous présente un texte issu de travaux parlementaires consensuels et approfondis, s'inscrivant dans l'approche renouvelée de l'examen du collectif budgétaire voulue tant par le Gouvernement que par le Parlement. Je vous propose donc d'adopter le texte élaboré par la CMP.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
M. le rapporteur général a tout dit. Comme cela a été plusieurs fois répété, la méthode adoptée par le Gouvernement le Parlement – pas de décret d'avance, pas de dispositions fiscales dans le PLFR – a montré son efficacité. Il ne me reste donc plus qu'à saluer le travail effectué par les parlementaires. Voilà bien cinq ou six ans, en effet, que nous n'avions pas vu une commission mixte paritaire se conclure positivement, alors même que la majorité au Sénat diffère de celle de l'Assemblée – et pour avoir passé le week-end au Sénat, je peux témoigner que l'ambiance y est certes fort sympathique, mais pas aussi favorable à la majorité que sur ces bancs.
Je suis donc très heureux de cette conclusion heureuse et je remercie les services de mon ministère ainsi que les parlementaires des deux chambres, quel que soit le groupe politique dans lequel ils siègent, pour ce travail efficace et rapide.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Le projet de loi de finances rectificative que nous examinons a fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire, sans qu'ait été ajouté de mesure fiscale au cours de son examen en première lecture dans chaque chambre du Parlement, ce qui consacre l'utilisation de cette loi comme outil d'ajustement de l'équilibre budgétaire de la loi de finances pour 2019 et non comme un moyen de rattraper des mesures fiscales qui ne seraient pas passées dans le PLF.
Par ailleurs, le fait que le Gouvernement n'ait pas eu recours aux décrets d'avance témoigne d'une préservation de la sincérité des crédits du budget, ce que le groupe UDI, Agir et indépendants tient à saluer.
Néanmoins, comme l'année dernière, nous nous sommes trouvés, par manque de temps, dans une situation rendant difficile l'exécution de notre mission de contrôle : deux jours seulement pour se saisir du texte, l'analyser et, éventuellement rédiger des amendements, c'est tout de même très insuffisant. Le projet de loi de finances rectificative est un texte important, qui concerne l'ensemble de nos concitoyens et dont le vote engage notre responsabilité de parlementaires. Nous souhaiterions donc, monsieur le ministre, qu'à l'avenir, le calendrier de son examen soit amélioré.
Venons-en au texte lui-même, qui ne comporte que dix articles et vise à assurer la fin de gestion de l'exercice 2019. Je ne m'étendrai pas sur le volet macroéconomique, évoqué par ma collègue Lise Magnier en première lecture. Comme nous l'avons dit, votre estimation de croissance est jugée atteignable, bien que plus optimiste que d'autres prévisions.
Quelques points, cependant, ont retenu notre attention. Tout d'abord, il est heureux de constater que l'accord en CMP a permis des évolutions concernant l'annulation des crédits de certaines missions. Ainsi, le montant annulé des crédits du programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture » est réduit, ce qui permet de conserver 25,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 21,2 millions d'euros en crédits de paiement. C'est là une vraie preuve de l'utilité du travail parlementaire, qui a permis de confirmer l'engagement du Gouvernement d'abonder les crédits du patrimoine à hauteur des montants récoltés par le Loto du patrimoine.
Notre groupe est très attaché à la diversité de notre richesse patrimoniale. Je rappelle d'ailleurs que nous avons proposé, par l'intermédiaire d'un amendement de notre collègue Pierre-Yves Bournazel au projet de loi de finances pour 2020, d'abonder de 20 millions d'euros les crédits de ce programme destinés la restauration du patrimoine français.
L'annulation de crédits que je viens d'évoquer était la plus visible, mais d'autres nous interrogent. Il en est ainsi, tout d'abord, de l'emploi en outre-mer, pour lequel les crédits subissent une annulation de l'ordre de 100 millions d'euros : cette préoccupation doit trouver une réponse. Ensuite, le programme d'investissement de l'administration pénitentiaire voit ses crédits de paiements diminuer de 52 millions d'euros, alors que nous avons déjà opéré une telle réduction pour 2020. Enfin, nous constatons une diminution nette de 70 millions d'euros des crédits de paiement de la mission « Défense » par rapport à la LFI – loi de finances initiale – pour 2019. À l'avenir, si nous ne souhaitons pas faire jouer la solidarité interministérielle pour financer les OPEX – opérations extérieures – , essayons au moins de mieux les budgéter en portant les crédits dans la mission « Défense » à plus de 1,2 milliard d'euros.
Enfin, et sans entrer dans le détail du projet de loi, il me semble que les articles 2 et 3 confirment certaines remarques que nous avons pu faire de façon récurrente lors de l'examen d'autres textes, qu'il s'agisse de la nécessité d'un financement pérenne pour les infrastructures de transports ou des limites de la pratique des affectations, qui fait perdre de la lisibilité au budget, en particulier pour ce qui concerne la politique de transition énergétique.
Que ce soit à propos des délais, de la sincérité du budget, de l'absence de mesures fiscales ou des annulations de crédits, tâchons, dans la perspective de l'examen des prochains collectifs budgétaires, de tirer les leçons de ce débat en confortant les aspects positifs et en améliorant ce qui doit l'être.
En attendant, le groupe UDI, Agir et Indépendants votera sans réserves ce projet de loi de finances rectificative.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LaREM. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Ne faisons pas durer le suspense : les députés du groupe Libertés et Territoires voteront très majoritairement contre le projet de loi de finances rectificative, pour des raisons de fond, évidement – je les exposerai – , mais aussi à cause des conditions peu acceptables dans lesquelles s'est déroulé le débat parlementaire. Les représentants d'autres groupes l'ont dit et, plus discrètement, certains membres de la majorité l'ont admis devant nous : on ne peut légiférer de manière satisfaisante dans des délais si contraints. Est-il normal que nous n'ayons disposé que de vingt-et-une heures entre le dépôt du texte par le Gouvernement et son examen en commission des finances, sachant que, dans le même temps, celle-ci siégeait jour et nuit pour débattre des articles non rattachés du budget pour 2020 ?
Contrairement aux promesses du printemps, il apparaît de plus en plus que l'acte 2 de ce quinquennat ne sera pas celui d'une meilleure écoute des corps intermédiaires. Il semble également acquis qu'il ne sera pas non plus celui de la réhabilitation du Parlement.
Y avait-il une telle urgence pour que nous soyons obligés de délibérer dans des délais si contraints ? Monsieur le ministre, vous justifiez cet examen au pas de charge par le fait que le texte est plus réduit que par le passé et prévoit des mouvements de crédits moins importants. C'est vrai, mais la sincérité du budget, que vous mettez en avant, pâtit de vos prévisions de croissance trop optimistes. Rappelons que la projection initiale était de 1,7 % pour 2019, et que le PLFR retient finalement un taux, 1,4 %, auquel plus personne ne croit. En effet, pour atteindre ce niveau, il nous faudrait une croissance de 0,5 point au quatrième trimestre. Or la Banque de France l'estimait, il y a deux semaines, à 0,2 %. Dans ces conditions, pouvons-nous donc encore parler d'un collectif fidèle à la réalité des choses ?
Notons que, si notre croissance atteignait 1,3 %, notre déficit structurel passerait de 2,2 % à 2,3 %. En tenant compte de l'effet de la bascule du CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – en baisse de cotisations sociales, il demeurerait donc égal à 3,1 points du PIB. Certes, nous ne faisons pas des critères de Maastricht un totem indépassable, mais il n'en demeure pas moins qu'ils servent l'objectif d'amélioration de la gestion publique. En matière de lutte contre les déficits, on peut donc mieux faire.
Votre politique entraîne en outre un dérapage par rapport à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Comme l'a déjà demandé mon collègue Charles de Courson, il est donc urgent qu'une nouvelle loi de programmation nous soit proposée.
Notre groupe a aussi eu l'occasion de faire part, lors de l'examen du budget pour 2020, de sa désapprobation a vous voir faiblir dans la lutte contre les déficits, et plus encore de son opposition à votre choix de cibler les baisses d'impôts sur les classes moyennes supérieures et de ne pas assez investir dans la transition écologique.
La réduction du déficit à hauteur de 10 milliards d'euros, souvent mise en avant, est essentiellement due au dynamisme des recettes. En d'autres termes, les ressources, donc les impôts des Français, augmentent. S'agissant des dépenses, la réduction de 1,5 milliard d'euros promise il y a un an se limite finalement à 1 milliard. Vous renoncez donc à tenir vos engagements, pourtant déjà bien modestes.
Votre gouvernement estime l'effort structurel pour 2019 à 0,3 point, soit 7 milliards d'euros. Or les deux tiers de cette baisse – 0,2 point – sont consécutifs à la baisse mécanique des charges de la dette et ne doivent donc rien à votre action. Il s'agit d'une économie de constatation liée à la conjoncture, non d'un effort structurel.
Soulignons néanmoins les quelques ajustements permis par la CMP : le dégel de 21 millions d'euros au sein du programme « Patrimoines » pour permettre aux DRAC – directions régionales des affaires culturelles – d'accompagner les collectivités dans l'entretien et la restauration de monuments historiques ; le rétablissement de 13 millions d'euros sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour respecter les engagements de la France sur le projet ITER.
Je conclurai mon propos en évoquant un sujet technique au premier abord mais aux lourdes conséquences budgétaires : les primes d'émission. En raison de la baisse des taux, l'émission d'obligations assimilables du Trésor donne lieu à une explosion des primes, dont le niveau atteint 17 milliards d'euros. Cet artifice permet de freiner la hausse apparente de la dette publique française puisqu'en application des règles de Maastricht, celle-ci est évaluée à la valeur du remboursement final. Compte tenu des montants en jeu, monsieur le ministre, comment remédier au manque quasi total d'information dont dispose le Parlement pour évaluer de telles pratiques ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que pas grand-chose ne m'agrée dans ce texte, tant sur la forme que sur le fond. Comme vient de le dire mon collègue M. Pupponi, les conditions dans lesquelles il a été présenté, notamment pour ce qui est des délais, posent un problème de démocratie et de respect du Parlement.
Vous avez largement piétiné le travail parlementaire – et je ne crois pas être le seul à le penser – parce qu'en plus d'ignorer systématiquement nos amendements, vous ne nous laissez désormais même plus le temps de les déposer.
Comment penser que vingt-quatre heures suffisent pour analyser un texte de 150 pages, repérer ses faiblesses, réfléchir à des modifications utiles puis déposer des amendements qui auront été rédigés de façon argumentée ? Qui oserait affirmer qu'il est normal de nous avoir obligés à déposer nos amendements avant même que les débats aient pu avoir lieu en commission ? C'est pourtant ce qui s'est passé. Dès lors, à quoi servent ces discussions si elles ne permettent pas d'avancer, de construire ensemble, de modifier, d'affiner nos propositions, voire d'influer sur nos positions respectives, monsieur le ministre ? À quoi servent toutes ces heures passées à décortiquer vos textes si elles sont sans conséquence, s'il ne s'agit en réalité que d'une mise en scène de démocratie, d'une façade ?
Vous ne faites désormais même plus semblant de nous laisser travailler correctement. Même des députés de la majorité se plaignent de ne pas réussir à se faire entendre. Vous imposez des amendements que vous tentez de faire adopter en douce à la dernière minute. Vous faites revoter le Parlement sur ceux dont le sort ne vous a pas plu. Cela s'est vérifié au cours de l'examen du PLFR ainsi que de celui du PLF – nous en sommes témoins. Les conditions dans lesquelles ce PLFR a été présenté à notre assemblée auraient dû, à elles seules, constituer une ligne rouge. Collègues, que vous soyez ou non issus de la majorité, je vous le dis : arrêtons de nous faire ainsi marcher dessus. Nous sommes censés faire la loi et voter le budget – c'est pour accomplir ces missions que nous avons été élus – et non être le tapis du Gouvernement.
Ces méthodes honteuses sont de surcroît au service d'une politique honteuse. Elles vous permettent en effet d'annuler pour plus de 1 milliard d'euros de crédits de paiement, pour des raisons parfois obscures, et pas seulement parce que nous manquons de temps pour les comprendre. Je citerai un seul exemple : lorsque je vous avais fait remarquer que vous aviez retiré 19 millions d'euros au programme « Prévention des risques » – pourtant malheureusement d'actualité – , vous aviez rétorqué que ce chiffre correspondait au montant, non consommé, destiné à l'origine à solder le contentieux relatif à l'immeuble Le Signal. Or cette somme s'élevait en réalité à seulement 7 millions. Vous ne nous avez pas éclairés concernant les 12 millions restants. Nous savons que cet exemple illustre hélas assez bien le manque de lisibilité de ce budget dans son ensemble.
Les millions retirés auraient pourtant été utiles à chacune des missions concernées, comme nous l'avons déjà longuement rappelé. La loi de finances pour 2019 n'offrait déjà pas suffisamment de crédits pour que l'État et les services publics fonctionnent correctement. Le mouvement des gilets jaunes, comme les mobilisations qui l'ont suivi, l'a amplement montré. La grève prévue à partir du 5 décembre prochain, je l'espère, le prouvera aussi.
Vos budgets se succèdent et ne répondent – chacun le sait – ni à l'urgence sociale ni à l'urgence écologique. Vos alignements de chiffres tiennent si peu la route qu'il y a un an, vous avez été contraints de mettre en scène, au dernier moment, l'instauration de mesures « gilets jaunes ». Non seulement celles-ci étaient insuffisantes mais vous souhaitez en plus, un an plus tard, les financer en retirant discrètement des crédits à de nombreuses missions tout aussi nécessaires au peuple en colère.
Ces annulations de crédits sont donc d'autant plus absurdes que vous devrez probablement, je le pense et l'espère, avoir recours en décembre à un plan d'urgence de dernière minute, un nouveau PLFR en quelque sorte, comme vous l'avez fait l'an dernier pour répondre à la colère sociale traduite par le mouvement des gilets jaunes.
Car il faut bien le voir : le personnel hospitalier craque, celui de l'Éducation nationale craque, les étudiants craquent, les pompiers craquent, le pays craque. Certains Français vont même malheureusement jusqu'à se suicider sur leur lieu de travail. Nous devons reconstruire sans plus attendre un État solidaire, protecteur et redistributeur. Nos urgentistes, nos pompiers, nos policiers sont carbonisés par la fatigue. Créons massivement des postes pour que nos compatriotes soient traités avec dignité lorsque leur santé leur fait défaut. Tous les lieux qui accueillent les Français – nos casernes, nos commissariats ou nos hôpitaux – doivent être rénovés. Notre pays est suffisamment riche pour éradiquer la misère en adoptant un plan « zéro SDF » destiné à faire une réalité de ce qui n'a été que la promesse d'un candidat. Il est aussi capable d'éradiquer la précarité dans le secteur de la recherche française, où 13 000 vacataires travaillent dans des conditions indignes.
Vous trouvez ces propositions dans le contre-budget élaboré par le groupe La France insoumise pour répondre à la situation d'urgence que nous connaissons. J'espère très sincèrement que les Français qui se mobiliseront à partir du 5 décembre sauront s'en inspirer pour leurs revendications, au-delà même de leur refus de votre projet de loi sur les retraites, qui ne prévoit rien d'autre que la casse du système par répartition.
Chers collègues, vous feriez bien de prendre des mesures comparables. Sinon, ce sont peut-être les grévistes qui vous les arracheront. Dans cette hypothèse, que j'espère voir se réaliser, nous nous retrouverons fin décembre pour examiner un nouveau PLFR, destiné cette fois à répondre au mouvement social.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Tel qu'il a été adopté par la commission mixte paritaire, le texte du projet de loi de finances rectificative pour 2019 est sensiblement identique à celui qui a été voté la semaine dernière.
Nos collègues sénateurs avaient pourtant réussi à minorer quelques annulations de crédits, notamment pour le programme « Vie étudiante », avant que la CMP ne revienne sur cette décision. Certes, 35 millions d'euros, c'était sans doute trop à l'heure où l'actualité nous rappelle la grande précarité et la détresse auxquelles font face nos étudiants…
Nous devons donc nous prononcer sur un PLFR restreint, que vous assumez comme tel et qui témoigne selon vous de la gestion saine qui a été la vôtre cette année. Pourtant, si nous raisonnons avec votre grille de lecture, le déficit du budget que vous présentez dépasse la sacro-sainte limite des 3 % du PIB. Vous décidez donc d'enfreindre vos propres règles, de renoncer aux grands principes écrits dans le marbre des traités européens, dont nous avons pour notre part maintes fois expliqué qu'elles n'avaient aucune justification économique ou sociale et qu'il fallait les dépasser.
Comment expliquer une telle volte-face ? Quelle priorité a bien pu vous pousser à vous affranchir de règles que vous aviez à ce point mises en avant ? Les urgences sont en effet nombreuses. Augmentez-vous le déficit pour répondre au défi écologique, lequel nécessite d'investir près de 40 milliards d'euros supplémentaires – et au minimum 10 à 20 milliards – par an dans la transition écologique ? S'agit-il, comme l'évoquait mon collègue Jean-Paul Dufrègne la semaine dernière, de traiter la crise sociale qui traverse notre pays et conduit 9 millions de nos concitoyens à vivre en dessous du seuil de pauvreté – dont 400 000 de plus depuis deux ans, je le rappelle, à cause de votre politique ? Non.
À chacune de nos propositions sur ces sujets, vous avez toujours justement opposé l'argument comptable en invoquant les différentes normes budgétaires – règle des 3 %, normes « zéro valeur » et « zero volume », etc. – et le risque d'une procédure pour déficit excessif. Aujourd'hui, vous vous affranchissez de contraintes que vous aviez érigées en totem non pour répondre aux besoins que j'ai cités, mais pour financer l'inefficace CICE et les baisses de cotisations patronales promises par le candidat Macron, des mesures qui coûtent, je le rappelle, près de 40 milliards d'euros aux comptes publics en 2019, aggravant le déficit de 0,9 point. Il est vrai que le CICE a déjà coûté depuis 2013 près de 80 milliards d'euros. Pour quels résultats ?
Le budget pour 2019 met ainsi vos priorités en évidence. Le déficit empêcherait donc de prendre les mesures en faveur de l'écologie ou de l'éradication de la pauvreté que nous appelons de nos voeux. En revanche, s'il s'agit de donner plusieurs dizaines de milliards d'euros aux grandes multinationales, à l'industrie du luxe, à Bernard Arnault, à Carrefour – qui a perçu 755 millions d'euros et supprime près de 3000 emplois – , il n'y a pas de problème ! On voit donc bien que la dette, le déficit, ne sont qu'une excuse pour votre gouvernement.
À présent, monsieur le ministre, il serait temps d'aller au bout de la logique en franchissant l'étape suivante : admettre qu'il en est possible, et nécessaire, d'aggraver le déficit de la France, au moins temporairement, pour promouvoir le progrès social et répondre à l'urgence écologique. Financez pleinement la transition écologique, comme nous le proposons, avec un fonds doté de 100 milliards d'euros en empruntant à taux négatif à la BCE pour investir et répondre à nos besoins. Financez l'ensemble des grands défis qui se présentent. Financez une vraie réforme des retraites. N'hésitez pas à taxer le capital plutôt que le travail.
Ce projet de loi de finances rectificative n'est pas à la hauteur. Augmenter le déficit devrait servir l'intérêt général plutôt que les intérêts particuliers de certains grands groupes. Si vous décidiez d'agir dans ce sens, nous serions demain à vos côtés pour vous suggérer des pistes de réformes et d'investissements utiles au pays. Dans le cas contraire, et tant que le déficit public servira à financer de nouveaux cadeaux aux grands groupes, aux plus riches, aux « premiers de cordée », vous nous trouverez encore et toujours sur votre chemin pour nous opposer à cette politique, comme nous le ferons lors du vote de ce PLFR mais aussi le 5 décembre prochain avec l'ensemble des organisations syndicales, ou encore aux côtés du personnel hospitalier qui réclame un vrai plan d'urgence susceptible de répondre à ses attentes.
Au passage, le plan d'urgence proposé par le Gouvernement prévoit de reprendre à sa charge 10 milliards d'euros sur les 30 milliards que totalise la dette des hôpitaux. Mais pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de cette logique en reprenant la dette à hauteur de 30 milliards ? C'est possible en ce moment, notamment grâce aux prêts à taux négatif.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
Tout vient à point à qui sait attendre : il n'est pas si fréquent de voir une CMP aboutir à un accord, encore moins lorsqu'il s'agit de nos finances publiques. Je souhaite donc tout d'abord saluer la sagesse de nos collègues sénateurs, qui ont su quitter les postures politiques pour faire preuve d'un sens du dialogue et du compromis. Ils ont ainsi reconnu les vertus de ce projet de loi de finances rectificative, et notamment trois d'entre elle.
La première est sa concision. Conformément aux principes qui régissent une bonne gestion budgétaire hors période de crise, ce PLFR, composé d'une dizaine d'articles, n'est rien de plus que ce qu'il doit être : un texte budgétaire de fin de gestion, succinct et essentiellement technique. Je tiens à saluer la volonté du Gouvernement de ne pas en faire le véhicule de nouvelles mesures fiscales. Il laisse ainsi à la loi de finances initiale pour 2020 toute son importance et sa portée.
Le respect de l'autorisation parlementaire est la deuxième vertu implicite de ce projet de loi de finances rectificative puisque, pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement a fait le choix de ne pas recourir à des décrets d'avance. Le respect d'un taux de mise en réserve à 3 % sur les crédits hors titre 2 a également permis, d'une part, de responsabiliser les gestionnaires de programme, et, d'autre part, de donner à la réserve de précaution son sens premier : faire face aux aléas de gestion.
Seule la gestion des crédits de la mission « Enseignement scolaire » semble échapper quelque peu à cette logique. Le problème, connu et identifié, est en voie de résorption ; aussi je forme le voeu, en ma qualité de rapporteure spéciale de la mission, qu'aucune ouverture de crédits supplémentaire ne sera nécessaire pour assurer la paie du mois de décembre des enseignants, l'an prochain, en fin de gestion.
Enfin, ce projet de loi de finances rectificative est cohérent avec les priorités que le Gouvernement, avec notre majorité, a définies pour notre pays : protéger nos concitoyens, faire que le travail paie et lutter contre les inégalités de destin. Les mesures prises en fin de gestion le traduisent.
Pour protéger nos concitoyens les plus démunis, le PLFR prévoit par exemple la pérennisation de 6 000 places de renforts hivernaux et l'augmentation des mises à l'abri des personnes vulnérables. Afin de valoriser la reprise d'activité ou le maintien en activité, nous avons voté, l'an dernier, une augmentation de la prime d'activité. La mise en avant et la revalorisation de cette prestation adaptée et efficiente ont permis d'augmenter considérablement le nombre de ses bénéficiaires et, surtout, son taux de recours ; d'où la rallonge de 800 millions d'euros destinée à la financer.
Enfin, parce que notre priorité est de lutter contre les inégalités de destin, le PLFR sanctuarise les crédits alloués au premier degré de l'enseignement scolaire. Il accroît également, de près de 50 millions d'euros – en plus des 95 millions déjà engagés – , les moyens accordés aux CROUS – centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires.
Par conséquent, s'il fallait partager une critique de l'opposition sur ce projet de loi de finances rectificative, je mettrais en avant les très courts délais d'examen en première lecture à l'Assemblée. Néanmoins, la concision du texte a permis de pallier cette difficulté. Et parce que le sérieux budgétaire d'un gouvernement permet toujours d'établir un climat propice au dialogue et aux compromis, députés et sénateurs ont pu facilement s'accorder, en commission mixte paritaire, pour voter le texte qui nous est présenté aujourd'hui, tout en revenant à la marge, par rapport au projet de loi de finances rectificative initial, sur des annulations de crédits au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et du programme « Patrimoines ».
Après avoir voté, fin 2018, un budget pour 2019 marqué par la sincérité, après avoir voté aussi un taux de mise en réserve destiné à responsabiliser les gestionnaires, le groupe La République en marche exprime ici, par ma voix, sa satisfaction devant le sérieux avec lequel le budget pour 2019 a été exécuté. Ce sérieux nous permet de donner, en confiance, un avis favorable au présent texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Permettez-moi, tout d'abord, de revenir à mon tour sur le calendrier d'examen qui nous a été imposé sur ce texte. Nous n'avons eu que trois heures pour en prendre connaissance avant de vous auditionner, monsieur le ministre, et à peine une journée pour déposer des amendements avant son examen en commission. Nous avons même dû déposer les amendements pour la séance dès avant l'examen en commission ! Bref, nous avons dû travailler sur ce texte dans les plus brefs délais, alors que, dans le même temps, nous avions à étudier le PLF pour 2020 en commission et en séance.
Nous sommes capables de travailler dans des délais contraints, monsieur le ministre, mais nous n'avons pas le don d'ubiquité. Le fait de nous présenter un PLFR resserré ne peut ni vous exonérer de respecter le Parlement, ni, en aucune façon, justifier un examen au pas de charge. J'espère donc sincèrement que c'est la dernière fois que nous aurons à travailler dans de telles conditions.
Alors oui, monsieur le ministre, comme chacun dans cet hémicycle, je salue l'absence de mesures fiscales dans ce PLFR, et partage la satisfaction que vous avez exprimée il y a quelques instants. Je regrette néanmoins que les délais retenus nous aient contraints d'examiner à toute vitesse certaines mesures plus que contestables. Sans doute avez-vous joué de ces délais pour tenter de faire passer des mesures inacceptables. J'en veux pour preuve la scandaleuse baisse de 25 millions d'euros des crédits alloués au patrimoine, que même le ministre de la culture avait paru découvrir au moment où notre collègue Gilles Carrez la dénonçait. Je me réjouis que nous ayons pu rétablir ces crédits en commission mixte paritaire, mais cet exemple illustre bien le manque de transparence du présent PLFR.
Concernant les missions, les annulations de crédits sont plus importantes cette année que les précédentes, alors que le niveau des ouvertures, lui, reste stable. Le projet de loi de finances initiale affecte donc un certain niveau de crédits pour les différentes missions, et vous êtes même fiers d'afficher, pour certaines d'entre elles – comme la mission « Culture » – , des crédits en augmentation. Mais, finalement, vous profitez d'un PLFR discuté à la vitesse de l'éclair pour raboter ces crédits. Vous n'êtes donc pas vraiment sincères dans vos prévisions puisque, souvent, les crédits dépensés ne correspondent pas aux crédits votés.
J'en viens aux recettes fiscales liées à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu. Alors que le Gouvernement se félicite de baisser les impôts des Français, dans le même temps, les recettes générées par les impôts que je viens d'évoquer augmentent considérablement. Il y a là une très forte contradiction. Vous profitez des bonnes rentrées fiscales – notamment du jackpot phénoménal que représente le prélèvement à la source – pour renoncer à baisser la dépense de manière structurelle.
Vous m'avez reproché, monsieur le ministre, de ne m'appuyer que sur des chiffres, en particulier sur des tableaux Excel, et de ne pas suffisamment prendre en considération la vie des Français. Mais croyez-vous, justement, que ces mêmes Français se réjouissent de voir que le déficit diminue grâce à l'augmentation de leurs impôts ? Je veux seulement vous rappeler que les recettes fiscales nettes, donc les impôts, augmentent de 5,7 milliards d'euros entre la LFI pour 2019 et ce PLFR. Croyez-vous que les Français vous remercient lorsque vous endettez toujours plus le pays, alors que les emprunts d'aujourd'hui sont les impôts de demain ? Que nous regardions les chiffres ou le coeur des Français, pour reprendre vos termes, le résultat est le même : votre budget est décevant, et même alarmant sur certains points.
De manière générale, votre PLFR traduit votre manque de courage et d'efforts pour maîtriser les comptes publics. Vous ne faites pas d'efforts pour réduire les dépenses ; pire, vous revenez sur vos engagements et diminuez d'un demi-milliard d'euros les économies que vous aviez annoncées. Vous ne faites pas d'efforts pour diminuer la dette, laquelle, en atteignant 98,9 % du PIB, fait de la France l'un des cinq pays de l'Union européenne qui continuent de s'endetter.
Vous ne faites pas non plus d'efforts d'ajustement structurel, la trajectoire du solde, en cette matière, s'éloignant encore un peu plus de celle prévue par la loi de programmation des finances publiques, désormais obsolète. Vous n'êtes pas loin de déclencher le mécanisme de correction prévu à l'article 23 de la loi organique de 2012, …
N'exagérons rien…
… et cela ne semble pas vous inquiéter.
Au-delà d'un manque d'efforts certain, tout cela traduit votre incapacité à coller aux engagements que vous aviez vous-même pris.
Vous vous félicitez d'avoir tenu les objectifs de dépense et de déficit prévus dans la loi de finances initiale, et ce en dépit des mesures d'urgence votées pour répondre à la crise des gilets jaunes, mais vous n'êtes pas acteurs de ce résultat. En réalité, vous vous laissez porter par le vent européen des taux négatifs, vous en remettant à la conjoncture plutôt que de prendre les devants et de proposer de véritables mesures de maîtrise du budget. Mais aucune conjoncture n'est éternelle, monsieur le ministre, et tôt ou tard, ce sont les Français qui devront payer pour votre politique timide et attentiste.
Vous l'aurez compris, le groupe les Républicains votera donc de nouveau contre ce PLFR.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
« Ce qui rend un ami assuré de l'autre, c'est la connaissance qu'il a de son intégrité : les répondants qu'il en a, c'est son bon naturel, la foi et la constance. » Cette phrase, souvent citée, est de La Boétie. Elle peut à mes yeux illustrer la régularité qui a animé le Gouvernement dans l'élaboration du PLFR, et le soutien que lui apporte le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, selon qui un collectif budgétaire restreint aux seules mesures de fin d'exercice a le mérite de répondre concrètement à sa vocation première.
Ce PLFR témoigne du volontarisme du Gouvernement, qui par son action sur la dépense confirme que la norme des dépenses pilotables de l'État sera inférieure à 1 milliard d'euros. Avec 5,7 milliards de recettes fiscales et 1,9 milliard de recettes non fiscales, ce PLFR traduit par ailleurs les mesures prises par le Gouvernement pour financer l'urgence économique et sociale : instauration d'une taxe sur les entreprises numériques et modification de la trajectoire de baisse de l'IS. Enfin, les perspectives macroéconomiques paraissent réalistes, malgré l'instabilité de la conjoncture pour l'ensemble des pays de la zone euro.
Je veux saluer la capacité qu'ont eue les parlementaires, députés et sénateurs, à s'entendre en CMP : cela nous permettra d'adopter définitivement le texte dès aujourd'hui. Ce projet de loi de finances rectificative confirme d'ailleurs la volonté gouvernementale d'inscrire ce mode de fonctionnement dans la durée, tant sur la forme que sur le fond : l'absence de décret d'avance, pour la deuxième fois depuis trente ans, en est un signe.
Le PLF, dont nous venons d'achever l'examen en première lecture, et ce PLFR traduisent tous deux les engagements pris par le Président de la République devant les Français.
Le renforcement des pouvoirs régaliens en est un exemple. Des crédits supplémentaires ont été ouverts pour la mission « Sécurités », afin de répondre à l'urgence pour nos forces de l'ordre, mais aussi, et le groupe MODEM le salue, pour la mission « Défense ». Les fêtes de fin d'année approchent et, pour nos soldats en OPEX, elles se passeront bien loin d'ici.
Cela me permet de rebondir sur l'année qui s'achève. De fait, 2019 a été difficile pour nombre de nos concitoyens. Et, il n'est pas vain de le rappeler, les débats parlementaires ne sauraient rester en décalage par rapport à la réalité quotidienne des Français. Alors qu'un mouvement social important est attendu, je rappelle que le présent texte apporte des réponses directes aux bouleversements que notre pays traverse.
Ainsi, je me réjouis de l'ouverture de 839 millions d'euros de crédits au titre de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et de 627 millions au bénéfice de la mission « Cohésion des territoires ». Toujours plus d'inclusion et de mains tendues : c'est ainsi qu'il convient de répondre à ceux qui se sentent marginalisés depuis bien des quinquennats et par bien des gouvernements.
Enfin, le groupe MODEM accueille favorablement les mesures relatives au programme dédié aux investissements d'avenir. Cette mobilisation face aux défis industriels de demain permet d'envisager plus sereinement des avancées sur des sujets en faveur desquels notre groupe s'est particulièrement engagé, comme les batteries.
Concrètement, il faut toutefois réconcilier nos concitoyens avec la décision politique en leur expliquant les raisons de nos choix budgétaires. Certes, il y a des impératifs, des imprévus, des prévisions à revoir et des résultats parfois moins bons qu'espéré. Mais le Gouvernement doit poursuivre ses efforts pour la transition écologique, pour l'éducation et l'enseignement supérieur, pour l'investissement et l'innovation. Les Français ont besoin de concertation et de pédagogie. Au-delà de la seule logique comptable, les mesures budgétaires doivent être la traduction de notre engagement collectif au service de notre pays, pour nos concitoyens.
Monsieur le ministre, demeurez à l'écoute des Français et des territoires, comme vous l'avez fait jusqu'à présent, et vous trouverez dans le groupe MODEM un allié pour mener ce travail de pédagogie indispensable.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM. – M. Joël Giraud, rapporteur général, applaudit également.
Sur ce projet de loi de finances rectificative, la CMP a donc abouti à un accord.
C'est pas mal !
Cela fait gagner du temps !
Certes, mais je ne suis pas sûre que les Français y trouveront leur compte.
Le temps, c'est de l'argent !
J'évoquerai à nouveau, comme je l'avais fait en première lecture, le niveau des annulations de crédits en fin de gestion. Pendant la période automnale se chevauchent l'examen du projet de loi de finances initiale pour l'année n + 1 et celui du projet de loi de finances rectificative. Dans le projet de loi de finances initiale, vous pouvez ainsi être tentés d'ouvrir un certain nombre de crédits qui, l'année suivante, sont refermés par des annulations.
Il n'y a pas eu de décret d'avance, nous dira sans doute M. le ministre. J'en conviens, et le félicite même sur ce point, mais, à la fin des fins, le montant des annulations de crédits, tel que le prévoit le présent texte, est l'un des plus élevés jamais observés. Je vous invite, en cette matière, à relire la page 26 du rapport du rapporteur général.
Sourires.
Excellent rapport, en effet : il donne une vision et une profondeur historique sur le montant des annulations de crédits observées au fil des années.
Donc, même en faisant abstraction des économies de constatation liées au fait que les taux d'intérêt sont plus bas qu'il n'était prévu l'an dernier, le montant des annulations reste de 2,7 milliards d'euros.
Je reviens sur l'exemple, donné en première lecture, de l'enseignement supérieur et de la recherche – vous n'aviez pas trop apprécié que je souligne l'annulation de 323 millions d'euros de crédits sur cette mission. Nos collègues sénateurs du groupe Socialiste et républicain sont parvenus à faire voter un amendement afin de rétablir 35 millions d'euros de crédits au bénéfice de la vie étudiante – cela au moment où des étudiants se mobilisent pour dénoncer la précarité de certains d'entre eux. Cette disposition a été battue en brèche par la commission mixte paritaire. Je ne vous ferai pas l'affront, monsieur le rapporteur général, de vous lire le compte rendu de ses travaux, où l'on peut lire que certains collègues se sont demandé ce que pourront bien faire les étudiants avec 35 millions d'euros d'ici à la fin de l'année…
Eh bien, si, ils pourraient en faire beaucoup de choses. Renoncer à annuler cette somme reviendrait à leur donner un signal. Tout le monde est d'accord pour lutter contre la précarité, mais dans ce domaine, plutôt que de se contenter de parole, il faut prendre des engagements, notamment budgétaires. Or, au cours de cette CMP, vous avez, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, accepté la proposition du Sénat d'augmenter les crédits consacrés au programme « Patrimoines » ; fort bien, mais vous avez refusé de rétablir 35 millions d'euros pour le financement de la vie étudiante. Aussi comprendrez-vous, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, que nous ne pourrons accepter les conclusions de la commission mixte paritaire. En quelque sorte, vous avez mis la culture, le patrimoine et la vie étudiante en concurrence. C'est un mauvais choix. Renoncer à annuler ces 35 millions d'euros n'aurait pourtant pas aggravé le déficit budgétaire : le montant est certes important en soi, mais trop faible pour avoir une incidence significative sur le déficit.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le texte. Nous regrettons amèrement que vous n'ayez pas tenu compte de l'amendement voté au Sénat alors même, je le répète, que les étudiants se mobilisent pour dénoncer avec raison la précarité dont souffrent certains d'entre eux. Vous adressez ainsi un très mauvais signal politique et social à la jeunesse du pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.
Il est d'usage, en nouvelle lecture, de ne pas refaire une présentation des grandes mesures d'un texte déjà débattu pendant plusieurs jours en première lecture.
Cette nouvelle lecture revêt toutefois un caractère particulier. Nous avons eu – vous avez eu – l'occasion de dire les difficultés que traverse l'hôpital public, et la mobilisation du 14 novembre dernier a montré l'épuisement, voire la colère, des personnels soignants comme non soignants.
Le Président de la République l'a dit : nous devons entendre le besoin exprimé par les personnels hospitaliers afin d'accompagner leurs efforts et poursuivre la transformation qu'ils ont engagée.
Pour ma part, j'avais, dès la première lecture, évoqué les travaux que nous avions entrepris parallèlement au dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – pour 2020 afin de répondre à cette urgence. Ces travaux, présentés la semaine dernière, comportent une série de mesures visant à investir dans l'hôpital et à soutenir la transformation initiée par le plan « ma santé 2022 ». Il s'agit de redonner de la souplesse et des marges de manoeuvre pour améliorer le quotidien des personnels hospitaliers et accélérer la transformation de notre système de santé.
Ces mesures s'articulent autour de trois axes principaux. Le premier vise à restaurer l'attractivité des métiers et à fidéliser les soignants. Il s'agit d'abord de mieux reconnaître le personnel en accompagnant les débuts de carrière pour restaurer la capacité des hôpitaux à recruter.
Il s'agit ensuite de concentrer l'effort sur la revalorisation des métiers en tension, que cette tension ait des causes territoriales – comme à Paris et dans la petite couronne où une prime de 800 euros sera attribuée aux personnels hospitaliers – ou des raisons sectorielles comme dans le cas du métier d'aide-soignant. Ceux qui exercent dans les services qui prennent en charge des personnes âgées bénéficieront de la prime d'assistant de soins en gérontologie. En outre, les aides-soignants pourront accéder à la catégorie B de la fonction publique, en fin de carrière, grâce à un nouveau grade.
Il s'agit enfin de récompenser l'investissement et l'engagement collectif en créant une prime d'intéressement distribuée par les managers, de manière à pouvoir récompenser les équipes qui s'engagent sur le terrain en faveur de projets relatifs à la qualité de service et à la transformation.
Toutes ces mesures seront financées par un effort supplémentaire de 300 millions d'euros sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie – ONDAM – en 2020, et de 1,5 milliard d'euros d'ici à la fin du quinquennat.
À la demande de Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales, j'ai présenté la hausse de l'objectif de dépenses à la commission. Un amendement a pu être déposé en ce sens devant la commission, afin que nous puissions en débattre en toute clarté et en toute sincérité. J'aurais naturellement préféré pouvoir aller plus vite, mais nous n'étions pas prêts lors des débats en première lecture, et vous savez combien ces sujets sont délicats.
Deuxième axe de ces mesures : rétablir le dialogue et la souplesse de la gestion dans le quotidien de l'hôpital. L'organisation de l'hôpital public a connu des évolutions majeures, qui ont parfois donné aux équipes le sentiment d'une mise à l'écart de la prise de décision et d'une perte de sens.
La transformation entreprise avec le plan « ma santé 2022 » vise à renforcer le dialogue et le sens du collectif au sein des hôpitaux. Ainsi, le personnel soignant sera mieux intégré à la gouvernance des hôpitaux, et le management de proximité sera renforcé et valorisé.
Des mesures de simplification du fonctionnement quotidien seront aussi prévues. Je pense en particulier aux formalités de recrutement ou aux protocoles de coopération décentralisés entre les professionnels au sein d'un établissement.
Enfin, des mesures seront prises pour lutter contre l'intérim médical qui s'est développé depuis plusieurs années dans des conditions devenues insupportables pour les équipes chargées d'assurer la continuité du fonctionnement de l'hôpital. Pour ne pas perdre de temps, nous avons déposé un amendement dès ce PLFSS afin d'armer les comptables publics en leur donnant les moyens de faire véritablement respecter l'encadrement des rémunérations qui s'impose en matière d'intérim.
Troisième axe : réinvestir l'hôpital public en lui donnant des moyens nouveaux et de la visibilité dans le temps.
Les tarifs hospitaliers enregistreront une hausse minimale de 0,2 % jusqu'à la fin du quinquennat. Je rappelle que la première campagne positive exceptionnelle de 2019 avait mis fin à dix années de baisses successives.
L'investissement du quotidien sera une priorité. Il s'agit de permettre aux hôpitaux d'acheter le matériel indispensable pour le travail des soignants au quotidien. En 2020, 150 millions d'euros seront fléchés vers l'investissement courant plutôt que vers de nouveaux grands projets immobiliers, afin de répondre au besoin actuel le plus fort. Cet effort sera reconduit en 2021 et 2022.
À partir de 2020, 10 milliards d'euros de dettes seront repris aux hôpitaux en trois ans, afin d'alléger les charges d'établissements.
Cette décision de rupture permettra aux hôpitaux de réduire leur déficit et de retrouver rapidement les moyens d'investir et de se moderniser.
L'actualité et la sensibilité de la question du financement de l'hôpital ont cristallisé une grande partie de nos discussions. Je le comprends et, d'une certaine manière, je me réjouis de voir à quel point le trésor national qu'est l'hôpital public suscite la vigilance de l'ensemble des parlementaires.
Avant que nous ne reprenions nos débats, je souhaite rappeler que ce PLFSS contient des mesures dont nous pouvons être fiers pour peu que nous attachions de l'importance à la totalité de notre système de protection sociale, à sa modernisation et à son universalisation.
Construire la protection sociale du XXIe siècle, je le répète aujourd'hui devant vous, c'est créer de nouveaux droits pour faire face à de nouveaux risques.
De ce point de vue, le congé de proche aidant – qui constitue une mesure phare du texte – a utilement été amélioré dans sa conception par les travaux parlementaires, et il le sera encore grâce aux amendements déposés en nouvelle lecture.
L'élargissement du complément de mode de garde, adopté en première lecture à partir d'une initiative parlementaire, va aussi dans ce sens.
L'indemnisation des victimes de pesticides a également pu être améliorée en première lecture. Il s'agit d'une mesure extrêmement importante pour répondre aux nouveaux risques sanitaires auxquels la société du XXe siècle nous a exposés, et contre lesquels celle du XXIe siècle devra impérativement nous protéger.
Je me réjouis également des nombreux amendements qui iront dans le sens d'un meilleur accès aux soins.
M. Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales, soutiendra un amendement qui vise à expérimenter le recours au cannabis thérapeutique dans le traitement de certaines pathologies.
Un autre amendement vise à mettre en place un accès précoce aux dispositifs médicaux innovants, sur le modèle de ce qui existe pour les médicaments.
Plusieurs dispositions concernent l'accès aux soins des enfants. Des mesures, travaillées avec M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, visent à renforcer les moyens d'action des PMI – centres de protection maternelle et infantile. La mesure initiale du Gouvernement instituant un bilan de santé à l'entrée à l'aide sociale à l'enfance devrait être étendue à tous les enfants, y compris ceux relevant de la protection judiciaire de la jeunesse.
L'accès aux actes innovants sera facilité grâce à une rénovation de la procédure d'inscription des actes médicaux à la nomenclature, afin de favoriser leur diffusion et, surtout, leur remboursement aux assurés.
Enfin, au lendemain d'une manifestation contre les violences faites aux femmes, qui nous a rappelé, s'il en était besoin, combien les droits des femmes demeurent encore un impensé de nos politiques publiques, y compris en matière de protection sociale, je souhaite vous rappeler que le PLFSS est aussi un vecteur de réponse à cet impensé.
Je pense en particulier aux familles monoparentales et au scandale des pensions alimentaires non versées – bien souvent à femmes qui, non sans raison, se sentent oubliées par la solidarité. Il était temps d'en finir avec un système qui faisait de la négligence des uns la détresse des autres. Nous sommes fières d'avoir créé, avec Christelle Dubos, secrétaire d'État, un dispositif qui sécurise efficacement les familles monoparentales.
Le PLFSS est un objet politique ; il révèle l'ambition du Gouvernement et de la représentation nationale pour le système de protection sociale du pays. Cette année, il aura été marqué par un débat sur la situation de l'hôpital public. Nous apportons notre réponse avec l'ambition et l'urgence qui s'imposent.
Nous croyons au dévouement de ses personnels et à la promesse de l'hôpital public : être aux côtés de ceux qui souffrent et de leurs proches, en des instants de fragilité, parfois d'angoisse, dans des moments de vie très particuliers où l'on est fier et rassuré d'être français.
Mais nous ne nous arrêtons pas à l'hôpital, car c'est tout notre système de protection sociale que nous devons continuer à transformer. Avec ce PLFSS, nous nous donnons les moyens de l'avenir et du maintien d'un système de protection et de droits sociaux qui fait la fierté de notre République.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous entamons la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 dans des conditions, admettons-le, particulières.
Le texte examiné est, en effet, celui qui a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, après que le Sénat a interrompu sa propre lecture dans des conditions que l'on pourrait qualifier de contestables, se privant ainsi de discuter et d'enrichir un texte dont les mesures sont pourtant importantes pour les Français.
Au cours de cette nouvelle lecture, nous devons inscrire dans la loi les mesures exceptionnelles annoncées la semaine dernière en faveur de l'hôpital. Elles se traduisent par un relèvement de 0,15 point – de 2,3 % à 2,45 % – de l'ONDAM pour 2020. Cette hausse, qui représente 300 millions d'euros supplémentaires, portera l'ONDAM hospitalier de 2,1 % à 2,4 %.
Mme la ministre ayant déjà présenté ces mesures en détail, je ne vais pas y revenir. Je concentrerai plutôt mon propos sur le volet des recettes, qui occupera encore une partie de nos débats.
Nous émettrons un avis défavorable à tous les amendements proposant, à l'article 3, la suppression des dispositions de non-compensation des mesures d'urgences économiques et sociales.
Nous en avions longuement débattu lors de la première lecture.
Nos échanges de cet automne soulignent la nécessité d'un débat prochain sur l'avenir des relations entre l'État et la sécurité sociale. Il aura probablement lieu dans le cadre du projet de loi que nous présenterons au printemps prochain, en même temps que le projet de loi de programmation des finances publiques.
À l'article 7, nous insisterons sur une obligation : les entreprises devront avoir conclu un accord d'intéressement pour bénéficier de l'exonération liée à la prime exceptionnelle, dite prime Macron. Cette mesure est cohérente avec la politique du Gouvernement, et avec la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE. M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, avait défendu devant vous ce texte visant à assurer une meilleure répartition entre le capital et le travail, sujet dont nous aurons l'occasion de reparler.
Nous veillerons à ne pas créer de nouvelles niches sociales. Le Gouvernement sera donc défavorable à un amendement proposant un nouvel élargissement du dispositif prévu dans le cadre de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des départements d'outre-mer – LODEOM. Nous en resterons aux mesures annoncées par le Président de la République lors de son déplacement à La Réunion.
J'en viens aux équilibres financiers de ce texte, que les mesures sur l'hôpital ne remettent pas fondamentalement en cause. D'aucuns prétendent que les mesures annoncées ne seraient pas financées.
De fait, nous n'avons pas prévu de modifier les recettes affectées à la sécurité sociale pour l'année 2020. Nous assumons ces dépenses nouvelles, qui atteindront 3 milliards d'euros sur trois ans, sans créer d'impôts supplémentaires. Elles doivent permettre d'offrir aux soignants des conditions de travail satisfaisantes. Qu'il s'agisse de tarifs hospitaliers, de dépenses ou d'investissement, elles offriront une visibilité sur la durée dont aucun acteur de la santé n'a bénéficié jusqu'à présent.
Ces dépenses supplémentaires seront intégrées à la trajectoire des finances publiques présentée dans le futur projet de loi de programmation des finances publiques au premier semestre 2020. Nous avons bien fait de prévoir une échéance au printemps prochain et non cet automne. Cette trajectoire précisera les orientations du Gouvernement en matière de recettes et de dépenses publiques pour les prochaines années, en tenant compte du Brexit et de la réforme des retraites en cours de négociation avec les partenaires sociaux.
Un mot, pour terminer, au sujet de la reprise de la dette des hôpitaux, sur laquelle l'Assemblée sera appelée à se prononcer lors de l'examen d'un projet de loi qui lui sera soumis dès le début de l'année prochaine.
L'allégement de la dette hospitalière de 10 milliards d'euros en trois ans…
… permettra aux hôpitaux de profiter de nouvelles marges de manoeuvre, de réduire leur déficit et d'investir dans l'avenir. Au terme de la période, leur charge aura été allégée d'un montant de 800 millions à 1 milliard d'euros par an, selon le montant de la dette reprise et les taux d'intérêt afférents, qui dépendront de la situation du marché financier.
Cette reprise ne se traduira pas, contrairement à ce que j'ai lu ici ou là, par une augmentation de la dette publique puisque la dette des hôpitaux est déjà comptabilisée dans celle-ci. Nous veillerons, avec les établissements, à ce que les marges de manoeuvre supplémentaires dégagées ne contribuent pas à recréer de la dette, mais conduisent au contraire à accélérer la transformation de l'hôpital public dans le cadre du plan « ma santé 2022 », à mieux accompagner les soignants et à soutenir les investissements dans chacun des hôpitaux qui se seront engagés dans une démarche contractuelle avec le ministère des solidarités et de la santé.
Nous assumons ces choix budgétaires. Notre rythme d'ajustement budgétaire est certes différent de celui qui avait été envisagé en 2017, mais il tient compte à la fois du ralentissement économique mondial, des différentes crises sociales que traverse notre pays et de nos priorités.
Le texte s'inscrit, en outre, dans la continuité de la politique que nous menons depuis deux ans pour baisser les impôts, soutenir le pouvoir d'achat des Français et transformer notre système de soins. C'est un texte responsable, cohérent avec nos objectifs en matière de finances publiques, de redressement des comptes sociaux et de transformation de l'action publique.
N'oublions pas cette réalité : seuls des comptes sociaux maîtrisés, dans le cadre d'une soutenabilité financière assurée, nous permettront de préparer l'avenir et de préserver notre modèle social pour nos enfants et nos petits-enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales.
L'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 constitue un exercice singulier par rapport aux années précédentes. Vous me permettrez, en tant que rapporteur général, d'y insister.
Par rapport au texte que nous avons voté en première lecture, il y a seulement quelques semaines, le texte que nous examinons aujourd'hui n'est, si on me permet de m'inspirer de Verlaine, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre.
Ni tout à fait le même par rapport à la première lecture, d'abord, car chacun a compris que le niveau de dépenses initialement présenté pour la branche maladie devait sérieusement évoluer pour répondre à une crise profonde. Aussi le Gouvernement a-t-il choisi, de manière inédite, de déposer un amendement qui modifie substantiellement l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2020.
Il s'agit, avant toute chose, de répondre aux attentes des professionnels hospitaliers, fortement mobilisés depuis plusieurs mois. Ils expriment un malaise dont l'origine remonte à plusieurs années. Les erreurs d'hier se réparent aujourd'hui, et il faut, pour cela, commencer par revoir en profondeur le fonctionnement de notre système de soins dans son ensemble. C'est précisément l'ambition affichée par le Gouvernement et la majorité depuis le début de la législature, l'ambition qui a animé la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, dite loi « ma santé 2022 ».
Si vous me permettez une métaphore médicale, je dirai que cette loi est le traitement curatif, le traitement de fond, pour soigner les maux de l'hôpital, et que les mesures annoncées récemment sont le traitement symptomatique immédiat, pour répondre à la crise aiguë du système hospitalier, en attendant que la loi soit pleinement efficace.
Ainsi l'ONDAM va-t-il augmenter grâce à un amendement que nous avons adopté avec enthousiasme la semaine dernière en commission. L'ONDAM hospitalier, rehaussé de quelque 300 millions d'euros supplémentaires, sera porté à un niveau équivalent à celui de l'ONDAM de ville.
À ces mesures votées dans le cadre du projet de loi de financement pour la sécurité sociale, il faut ajouter l'ensemble des mesures d'attractivité annoncées par le Premier ministre et la ministre des solidarités et de la santé la semaine dernière, au premier rang desquelles la reprise de 10 milliards d'euros de la dette de 30 milliards qui pèse sur les hôpitaux.
Reprendre 10 milliards d'euros de la dette hospitalière, c'est rendre des marges de manoeuvre financières à l'hôpital ; c'est lui donner de l'oxygène et lui rendre sa capacité d'investir, pour se moderniser, retrouver son attractivité et mieux valoriser les carrières.
Je ne citerai pas l'ensemble des mesures aujourd'hui envisagées, mais je note que la fusion des quatre premiers échelons de la grille des praticiens hospitaliers vient satisfaire une revendication ancienne des syndicats. La prime d'engagement de service public exclusif des professionnels de santé et des soignants en début de carrière, ainsi que la prime de coopération de l'ordre de 300 euros par mois, destinée aux personnes engagées dans des projets de transformation de leur établissement, et qui pourrait concerner 600 000 soignants, sont également des mesures importantes. De toute évidence, toutes ces mesures permettront à l'hôpital de retrouver des couleurs.
À titre personnel, je me félicite des annonces qui tendent à associer davantage les professionnels de santé à la gouvernance des hôpitaux. Un amendement présenté par le Gouvernement en séance publique devrait permettre de lutter avec efficacité contre l'intérim médical lorsqu'il est abusif. Lorsque nous avons débattu de ce sujet en 2012 et en 2013, il était manifestement difficile d'inscrire dans la loi des mesures en ce sens. Je me réjouis qu'il y ait aujourd'hui une volonté politique d'aboutir.
Compte tenu du rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 par le Sénat, vécu comme un sacrifice par nos collègues sénateurs qui avaient déposé de nombreux amendements, la commission des affaires sociales de l'Assemblée a souhaité en reprendre certains à son compte en nouvelle lecture.
Je pense, par exemple, à l'amendement de notre collègue Patricia Schillinger, visant à étendre aux bénéficiaires de l'allocation supplémentaire d'invalidité le dispositif d'information et d'accompagnement personnalisé pour l'ouverture des droits à la complémentaire santé solidaire. Je pense encore à celui de Mme Catherine Déroche, rapporteure de la commission des affaires sociales du Sénat pour l'assurance maladie, qui propose d'étendre l'obligation d'information de l'ANSM, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, sur les ruptures de stock. Il y a aussi l'amendement de Mme Véronique Guillotin qui exonère les ESAT, les établissements et services d'aide par le travail, de la condition tenant au versement d'une prime d'intéressement préalable à l'exonération sociale et fiscale de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, ou encore la proposition de mon homologue, rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat, Jean-Marie Vanlerenberghe, d'anticiper l'exonération de prélèvements sociaux sur la composante « aide humaine » de la prestation de compensation du handicap – PCH – au 1er janvier 2019.
Cette approche constructive nous permettra d'acter des avancées utiles dès cette nouvelle lecture et de nous concentrer sur l'essentiel pour cette dernière ligne droite de la navette parlementaire.
Pas « tout à fait le même », ce texte n'a pas pour autant vocation à devenir « tout à fait un autre ». Alors que nous entamons cette nouvelle lecture, qui plus est à partir du texte que nous avons adopté il y a quelques semaines, vous ne serez pas surpris, mes chers collègues, que la commission estime que le projet de loi a vocation à conserver ses mesures emblématiques, qu'il s'agisse des soixante-quatre articles initialement contenus dans le texte du Gouvernement ou des trente articles que nous y avons ajoutés. Plusieurs d'entre eux auraient probablement pu recueillir l'approbation des sénateurs, qui nous l'ont d'ailleurs confirmé en commission mixte paritaire.
La taxe sur les prémix à base de vin, dont nous aurons à débattre, a été adoptée par la Chambre haute, à l'issue d'un débat qui n'était pas gagné d'avance. Ce débat a été constructif et son issue a démontré le sens des responsabilités des sénateurs. Ils ont fait preuve d'une approche tout aussi constructive sur l'expérimentation du cannabis médical ou de mesures portant sur les recettes.
Je n'évoquerai pas les dispositions que les sénateurs comptaient supprimer et qui n'avaient pas vocation à être adoptées par le groupe majoritaire au Sénat. Certaines feront peut-être l'objet de discussions au cours de notre séance de ce soir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'ai reçu de M. André Chassaigne et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Pierre Dharréville.
En cette journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, comment ne pas appeler de nouveau à la prise de conscience et à la mobilisation de toute la société ? De nombreux témoignages viennent nous montrer l'étendue, la gravité et la persistance de ces violences, qui structurent les relations sociales. Ces violences psychiques, physiques, sexuelles sont insupportables. Bien souvent, elles mènent à la mort. J'ai en tête, alors que je vous parle, trop de visages de femmes aux rêves abîmés et aux vies ébréchées, cherchant secours. Nous devons faire aujourd'hui un véritable saut civilisationnel.
J'en viens au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. J'entends encore les propos des représentants de la majorité se réjouissant de ce texte et le présentant comme « une loi d'engagement », « un projet de responsabilité et de promesse ». Il n'y a guère que vous, mesdames et messieurs de la majorité, que ce texte a réjouis. C'est toujours ça de pris, mais c'est quand même très peu de chose.
Nous savions toutes et tous que ce PLFSS ferait long feu, malgré quelques décisions remarquables. Nous savions tous et toutes qu'il ne tiendrait pas la mer face au puissant mouvement social hospitalier installé dans le pays depuis des mois. Nous savions qu'il n'était pas en mesure de répondre aux enjeux, aux défis, aux besoins.
Nous avons été plusieurs à dire et peut-être un peu plus nombreux encore à penser que ce texte devait être considérablement corrigé et que, pour cela, nous aurions sans doute à nous revoir, comme ce fut le cas l'année dernière, malgré les mêmes alertes, sans d'ailleurs qu'elles aient été réellement entendues.
Le budget de la sécurité sociale que nous avons examiné en première lecture n'était pas réaliste, et il n'était sans doute pas sincère. Il a pourtant été adopté tel quel, sans barguigner : advienne que pourra !
Le Gouvernement nous dit avoir manqué de temps ; il a fait de nouvelles annonces, sorties du chapeau. Je ne veux pas polémiquer sur le calendrier, mais cette séquence illustre de nouveau l'affaiblissement d'un Parlement auquel on manque trop souvent de respect.
M. Boris Vallaud applaudit.
C'est d'ailleurs ce qui a conduit le Sénat à rejeter le PLFSS pour 2020 : il a refusé de jouer le rôle de potiche dans une mascarade.
Ne s'agissait-il pas, en réalité, de sacrifier le calendrier parlementaire à la tactique politique pour affaiblir la portée du mouvement social hospitalier et la grosse journée d'actions du 14 novembre dernier ?
Depuis deux ans et demi, de nombreuses oppositions à la politique du Gouvernement se sont exprimées, et de nombreuses revendications ont émergé. Depuis deux ans et demi, systématiquement, le Gouvernement s'est évertué à ne pas céder un pouce de terrain, à ne pas faire droit à ces revendications, à ne pas donner raison à ses interlocuteurs – en tout cas, il fallait que la concession soit la moins large possible.
Mme Caroline Fiat applaudit.
À chaque fois, il a fait semblant, il a triché, il a resquillé.
Le problème, c'est que cela ne marche pas et que cela se voit. L'année dernière, par exemple, le Gouvernement a pris des mesures d'urgence pour augmenter le pouvoir d'achat, mais sans réellement l'augmenter. Il n'a jamais renié sa volonté de contourner le salaire et d'affaiblir les ressources de la sécurité sociale. Et cette année, voilà qu'on invente les mesures d'urgence pour sauver l'hôpital, sans vraiment sauver l'hôpital !
Première mesure : le relèvement de l'ONDAM. Rien n'était possible sans ce relèvement, mais l'ONDAM est passé, en réalité, de 2,5 % l'an dernier à 2,45 % cette année. Vous aviez programmé 1 milliard d'euros de compression des dépenses de santé hospitalières ; vous renoncez à 300 millions : je pose 10 et je retiens 3, il reste 700 millions de baisses.
Le diagnostic est simple : l'hôpital public n'est pas en mesure d'absorber ce nouveau choc. Il ne faut pas se contenter de faire un peu plus que si c'était moins : il faut faire plus, tout court. Il faut augmenter l'ONDAM au moins jusqu'à 4,5 %, pas simplement pour entériner l'augmentation naturelle des dépenses de santé, mais aussi pour engager un rattrapage des tours de vis répétés depuis tant d'années.
Deuxième mesure : la reprise d'une partie de la dette. Les charges économisées ne suffiront pas à combler la baisse que je viens d'évoquer. Cette reprise est cependant nécessaire. Il faut mettre fin à l'hypocrisie d'un système dans lequel la collectivité fabrique de la dette et la fait peser sur les établissements, avec des charges financières indécentes. Tout cela appelle plusieurs remarques.
Tout d'abord, il ne faut pas reprendre un tiers de la dette, mais la reprendre entièrement. On se demande d'ailleurs comment vous choisirez ce qui doit être repris et ce qui ne le peut pas. En réalité, on a demandé aux hôpitaux de financer exagérément l'investissement sur leur budget de fonctionnement, et de dégager de la marge sur les soins. C'est un système incohérent, dont on connaît les résultats.
Ensuite, la reprise de la dette hospitalière ne doit pas s'assortir de mécanismes austéritaires comme ceux du COPERMO, le comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers, qui exige, en contrepartie de son aide, des restrictions et des suppressions de lits et de personnels.
Enfin, la reprise de la dette hospitalière ne doit pas mettre un coup d'arrêt à l'investissement, car l'investissement est nécessaire. Il ne suffit pas de reprendre un tiers de la dette, il faut dire comment mettre fin à un système dans lequel les hôpitaux sont obligés d'en fabriquer. Il faut revenir aux prêts à taux zéro de la sécurité sociale pour le financement des investissements lourds.
Troisième mesure : la distribution de primes. Primes de quoi ? Primes de travail ! Salaires déguisés, mais sans visibilité sur la pérennité et sans droits afférents. Primes jugées modestes. Primes pour les uns et pas pour les autres. Vous répondez aux attentes en matière de reconnaissance du travail, des métiers et de la pénibilité des tâches, et au problème d'attractivité des hôpitaux, par la formule : « Il n'y en aura pas pour tout le monde ! » Cela se traduira, de toute évidence, par un nouveau contournement du salaire. Quel est le sens d'une telle approche si ce n'est une nouvelle tentative de division sociale ?
Le plan prétendument sans précédent que vous présentez annonce surtout le plan suivant. C'est le quatrième en trois ans, parce que vous ne choisissez pas de répondre vraiment, ou plutôt parce que vous choisissez de ne pas répondre vraiment. D'après ce que j'ai observé, ce plan n'a pas fait retomber la mobilisation sociale ; il a plutôt attisé la colère et provoqué la déception. Il n'est pas sérieux de s'en tenir là.
Il s'agit cependant d'une première victoire pour le mouvement social hospitalier, d'une première reconnaissance de la situation de crise aiguë de l'hôpital public, qui n'aurait pas eu lieu sans la mobilisation de longue haleine des personnels de santé, des personnels des urgences, de la psychiatrie et de l'ensemble des services hospitaliers. Les batailles valent donc d'être menées !
Comment adhérer à ce scénario, non pas un scénario « de ouf », mais un scénario du « ouf ! », un scénario du soulagement, qui vise à fabriquer du renoncement ? Pour nous, l'histoire n'est pas terminée.
Dans les annonces du Gouvernement, quels sont les objectifs en termes de créations de postes ? Quel est le plan d'embauches de l'hôpital public ? De quel plan de formation les professionnels de santé ont-ils besoin ?
La première revendication des personnels, c'est d'avoir des collègues : d'être suffisamment nombreuses et nombreux pour pratiquer les soins, pour être en mesure de donner ce qui est attendu d'elles et d'eux. Dans les annonces, qu'en est-il des fermetures de lits, dont le nombre s'est élevé à 18 000 en six ans, entre 2010 et 2016 ? C'est aussi cette évolution qui conduit à l'engorgement des urgences et à la dégradation des soins.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait rien à revoir dans l'organisation des soins. Il faudrait d'ailleurs dresser le bilan des groupements hospitaliers de territoire – GHT – , des contrats d'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins – CAQES – ou du virage ambulatoire. Il faudrait également dire ce que l'on entend faire s'agissant des opérations de vente d'établissements publics au secteur privé lucratif. Il faudrait aussi relever le niveau du service public pour l'autonomie.
Ce nouveau texte, qui ne tient sa nouveauté que du dépôt tardif d'un amendement gouvernemental révisant l'ONDAM, n'est pas beaucoup plus réaliste que le premier. Et si nous disons tout cela, ce n'est pas pour jouer les M. ou Mme Plus, parce que nous nous complairions dans la peau des éternels insatisfaits, ou en raison d'une opposition de principe : nous voudrions pouvoir voter enfin un budget de la sécurité sociale satisfaisant, qui lance une nouvelle dynamique, à la mesure de l'importance que revêt la santé aux yeux des Françaises et des Français, dont elle est la première préoccupation. Si nous disons tout cela, c'est parce que les mesures attendues sont finançables.
Mais le Gouvernement a choisi de rester enfermé dans sa logique de sous-financement de la sécurité sociale, d'exonérations massives, de diète sévère du service public. Il a choisi de se passer de recettes dont nous avons besoin. Il a choisi, comme un symbole, de ne pas compenser les exonérations de cotisations sociales à hauteur de 2,8 milliards d'euros. Le simple renoncement à cette mesure apporterait déjà beaucoup.
J'ai conscience, en défendant cette motion, de demander que l'on rende la main au Gouvernement puisque, si elle était adoptée, celui-ci procéderait par ordonnances. Mais au point où nous en sommes… La main, hélas, le Gouvernement l'a déjà. En revanche, si la motion est adoptée, le message sera clair : malgré les nouvelles annonces, sa proposition ne tient pas, elle ne suffit pas.
En ce 25 novembre, où « tout arbre prend racine », vous devriez changer de plan, madame la ministre, monsieur le ministre. Vous faites peut-être le pari qu'« à la Sainte-Catherine, les sardines tournent l'échine »,
Sourires
mais n'oubliez pas la suite du proverbe : « à la Saint-Blaise, elles reparaissent ».
Mêmes mouvements.
Soyez certains qu'elles n'attendront pas jusque-là ! À la première version, vous vous réjouissiez ; à la deuxième, je ne sais comment vous allez sublimer ce sentiment ; imaginez ce que cela donnera à la troisième !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Joël Aviragnet.
Au vu de la non-compensation des exonérations de cotisations sociales, de la désindexation des prestations sociales, notamment des pensions de retraite, et du caractère absolument insuffisant de l'ONDAM, surtout au regard de la crise que traverse l'hôpital public, le groupe Socialistes et apparentés votera évidemment la motion de rejet préalable.
Vous connaissez l'aversion du groupe UDI, Agir et indépendants pour les motions de rejet préalable et de renvoi en commission – lorsque cette dernière existait encore – , aversion nourrie par les expériences des dernières années.
Non seulement cette nouvelle lecture nous offre l'occasion de mettre en avant les points positifs du texte soumis à notre examen, mais nous voulons débattre, madame la ministre, pour vous proposer d'autres avancées touchant certaines dispositions qui continuent en revanche de nous contrarier ou de susciter nos doutes – je pense en particulier à celles relatives à la régulation des dispositifs médicaux.
Enfin – vous l'avez dit, cher collègue Dharréville – , adopter la motion de rejet préalable, ce serait donner la main au Gouvernement, qui pourrait alors procéder par ordonnances, ce qui nous priverait du débat et de la coconstruction que celui-ci rendra, je l'espère, possible.
Dès lors, le mot « abandon » ne faisant pas partie de notre vocabulaire, nous ne voterons pas la motion de rejet préalable.
Il serait faux de dire que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 répond à nos attentes. Nous l'avons expliqué en première lecture : ce texte est insuffisant, en particulier en ce qui concerne notre système de santé. C'est la raison pour laquelle la grande majorité du groupe Libertés et territoires a alors voté contre le texte.
Néanmoins, les annonces du Gouvernement concernant l'hôpital public, intervenues après la manifestation des soignants du 14 novembre dernier, lui donnent une légère inflexion positive, même si, une fois de plus, nous attendions davantage.
Nous estimons que nous devons débattre des nouvelles mesures annoncées, en particulier de la hausse de l'ONDAM, que nous continuons de juger insuffisante. Le débat est d'autant plus important que, en première lecture, l'Assemblée nationale a été saisie d'un texte dont le Gouvernement a lui-même reconnu qu'il n'apportait pas les réponses espérées, ce qui l'a obligé à présenter à la hâte un plan pour l'hôpital public. Nous attendons davantage de cette nouvelle lecture.
Pour ces raisons, nous voterons contre la motion de rejet préalable.
Le groupe La France insoumise votera évidemment la motion de rejet préalable. Comme l'a dit Pierre Dharréville, les annonces qui ont été faites sont insuffisantes et nous sommes en désaccord sur de nombreux points avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Certes, l'adoption de la motion de rejet préalable reviendrait à donner la main au Gouvernement. Mais les décisions que celui-ci a prises ne sont pas les bonnes ; elles sont très insuffisantes. Et si vous avez reçu des représentants des personnels hospitaliers dans vos permanences, mes chers collègues, ou si vous êtes allés à leur rencontre lors de leurs mobilisations, vous vous serez rendu compte que ce n'est pas un petit nombre d'entre eux qui est en grève, mais la grande majorité, que ce n'est pas une catégorie professionnelle du secteur hospitalier qui demande ainsi à pouvoir traiter dignement les patients, ou une partie d'entre elles, mais toutes. Traiter dignement les patients, c'est, en effet, la plus essentielle de leurs revendications.
En déplacement à Rouen, le Président Macron avait répondu à une aide-soignante qu'il n'y avait « pas d'argent magique ». La bonne nouvelle, c'est que les 4 milliards d'euros nécessaires pour traiter dignement les patients sont finançables : il suffit de supprimer la taxe injuste sur les salaires, qui représente précisément 4 milliards.
Murmures sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ne vous moquez pas : la solution existe, elle peut être mise en oeuvre dès demain. Chers collègues, si vous vous retrouvez à l'hôpital, peut-être pourrez-vous ainsi être traités dignement ; vous ne serez pas mécontents, je pense, de ne pas attendre des heures sur un brancard.
Le sujet est essentiel. Laissons donc la main au Gouvernement ; tant pis ! Exceptionnellement, consentons aux ordonnances qu'il nous a si souvent imposées, en espérant que, pour une fois, il prendra la bonne décision.
M. Pierre Dharréville applaudit.
Une mobilisation exceptionnelle a eu lieu le 14 novembre dernier. Et, pour la première fois, le Président de la République s'est exprimé en plein durant une manifestation, pour annoncer des mesures d'urgence en faveur du secteur de la santé.
Quelques jours plus tard, le Gouvernement a présenté ces mesures. Il s'agissait, madame la ministre, du quatrième plan que vous présentiez. On pourrait dire que vous vous êtes enfin penchée sur le malade ; mais le remède que vous lui avez apporté est loin d'être suffisant. C'est ce qu'ont dit le collectif interhôpitaux, les organisations syndicales, les représentants des nombreuses professions de santé. À telle enseigne qu'une nouvelle journée de mobilisation est annoncée pour le 30 novembre – et une autre, des internes, le 10 décembre.
La mobilisation va donc se poursuivre, et la grève continue dans plus de 200 hôpitaux. La situation est particulièrement grave.
Il aurait par conséquent été judicieux de prendre le temps d'aller plus loin, pour apporter au monde soignant toutes les réponses qu'il attend. Nous ne pensons pas, en effet, que vos mesures d'urgence vont permettre, au cours des mois et des années qui viennent, de réduire les délais d'attente dans les services d'urgences, de rouvrir des maternités ou des services d'urgences, ni de relever le niveau des salaires des personnels soignants, en particulier des infirmiers et des aides-soignants. On est loin du compte : pas d'ouverture de lits, une reprise seulement partielle de la dette – tout est partiel dans ce que vous annoncez, alors qu'il nous faut une réponse globale, totale.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera donc la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Pierre Dharréville applaudit également.
Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Julien Borowczyk.
Un constat, d'abord : voilà plusieurs années que l'hôpital végète ; les responsabilités de la situation complexe que nous connaissons aujourd'hui sont donc partagées, nous devrions tous garder cela en tête.
Aujourd'hui, si certains cherchent à éviter l'effondrement de l'hôpital du XXe siècle, pour notre part, nous souhaitons construire l'hôpital du XXIe siècle, en le centrant sur les patients et, évidemment, sur les équipes soignantes.
Ce choix remonte au début de notre mandat ; les mesures dont nous parlons ne sont donc pas arrivées comme un cheveu sur la soupe, ainsi que l'on a pu l'entendre. Parmi nos décisions fortes en ce sens figurent la révision de la tarification à l'activité, celle des tarifs des actes hospitaliers, la réforme des études médicales, le plan « ma santé 2022 », destiné à articuler la ville et l'hôpital, la réforme de la psychiatrie ou la refonte des urgences, sans oublier l'avenir, grâce au Health Data Hub, la future plateforme publique de données de santé.
S'y ajoute aujourd'hui le plan destiné à rendre aux équipes soignantes leur rôle dans la gouvernance de l'hôpital public, dans les centres hospitaliers – CH – comme dans les centres hospitaliers universitaires – CHU – , afin de mettre l'accent sur la qualité des soins et sur le patient. Il représente 12 milliards d'euros : c'est un investissement massif.
Il faut des années pour réparer certaines erreurs, notamment celles de la droite !
J'entends également parler de pouvoir d'achat ; je vous renvoie aux mesures d'urgence économiques et sociales, qui pèsent quant à elles 17 milliards, ainsi qu'à la baisse considérable des impôts qui est en cours, le meilleur moyen de redonner du pouvoir d'achat.
La démarche de la majorité est responsable, constante et tournée vers l'avenir. À propos des nombreuses autres propositions que j'entends, je reprendrai le slogan d'une publicité célèbre : « il y a moins bien, mais c'est plus cher » !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le groupe Les Républicains approuve Pierre Dharréville sur un point, et un seul : le PLFSS est fondé sur la non-compensation du manque à gagner qu'ont induit les mesures d'urgence pour les recettes de la sécurité sociale, au détriment des assurés sociaux.
Cela dit, nous constatons de la part du Gouvernement des avancées, certes tardives, au profit de l'hôpital public, de ses personnels soignants, et de l'ONDAM – dont on n'aurait jamais dû réduire le taux.
On aurait pu attendre mieux, voire plus : ce sera l'objet du débat qui va s'ouvrir. Aussi ne voterons-nous pas la motion de rejet préalable.
Le groupe MODEM votera évidemment contre la motion de rejet préalable. Bien sûr, les conditions d'examen du PLFSS sont particulières, le Sénat ayant rejeté le texte dans l'attente des annonces du plan pour l'hôpital public. Ces annonces ont été faites depuis ; vous êtes vous-même venue les présenter en commission des affaires sociales, madame la ministre. Il s'agit d'un effort substantiel, et même historique : l'humain est replacé au coeur du dispositif, notamment grâce à différentes primes allouées aux soignants ; des investissements d'envergure sont rendus possibles ; enfin, il faut le dire, la dette des hôpitaux publics est reprise, pour près d'un tiers.
Nous le dirons à nouveau, mais nous le disons d'ores et déjà puisque l'occasion nous en est donnée : nous sommes très satisfaits de ces annonces. Elles ne constituent pas seulement une bouffée d'oxygène, elles permettent également d'engager la restructuration de plusieurs pans de la gestion en souffrance des hôpitaux.
Nous nous opposerons à la motion afin de pouvoir poursuivre nos travaux sur un texte qui comporte par ailleurs de belles mesures.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 42
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 10
Contre 32
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
« Soigne et tais-toi ! » Madame la ministre, c'est la consigne que vous avez donnée aux professionnels hospitaliers la semaine dernière, lors de la présentation à la presse de votre plan pour l'hôpital. Une fois de plus, une fois de trop, obnubilée par l'effet médiatique de vos annonces, vous avez oublié les gens ! Vous avez oublié ceux qui chaque jour sont au chevet des malades et des personnes âgées !
Votre plan n'avait qu'une seule ambition : répondre médiatiquement à la grève des professionnels de santé de la semaine dernière. L'exercice de « com » vous va bien : vous parlez de « redonner de l'oxygène à l'hôpital », d'« effort historique », vous vous permettez même de scénariser un bras de fer avec Bercy pour montrer combien les mesures de votre plan ont été difficiles à obtenir, mais la réalité est tout autre et il faut dénoncer ce spectacle grotesque de bonimenteurs.
Concernant l'attractivité des métiers, vous annoncez des primes nationales ou plutôt du saupoudrage, dont une prime de 66 euros mensuels pour les infirmiers et les aides-soignants parisiens. Peu vous importe que les infirmiers français figurent parmi les moins bien payés de l'OCDE, vous n'avez que faire des soignants ailleurs qu'à Paris alors que les autres aussi méritent une prime. Et ces primes seront attribuées par des manageurs hospitaliers de manière totalement discrétionnaire.
Depuis deux ans et demi que vous êtes ministre, vous n'avez pas ménagé vos prédécesseurs, parfois injustement, mais jamais vous n'avez eu de regard critique sur votre propre action. C'est peut-être cela qui est vraiment historique : votre incapacité à prendre votre part de responsabilité dans la crise que traverse l'hôpital public.
Vous avez annoncé un plan de 1,5 milliard d'euros sur trois ans pour les hôpitaux, dont 300 millions dès 2020. La réalité, c'est qu'on a bien cherché ces 300 millions et qu'on ne les a pas trouvés : nous avons trouvé 200 millions dans un amendement du Gouvernement, pas 300 millions. C'est un nouveau parjure pour la République en marche ! Vous parlez d'1,5 milliard d'euros, mais là encore, vous ne dites pas la vérité, car vous comptabilisez des sommes déjà prévues et annoncées. Seuls 600 millions d'euros supplémentaires ont été ajoutés au budget des hôpitaux pour les trois prochaines années. Votre plan de 1,5 milliard d'euros est en réalité un plan à 600 millions d'euros. Des miettes pour l'hôpital, voilà ce que vous avez obtenu de votre bras de fer scénarisé avec Bercy ; voilà ce que ce Gouvernement est prêt à consentir à l'hôpital public.
Cependant, vous aviez raison sur une chose, madame la ministre : l'emploi du mot « historique ». En effet, c'est historique, car jamais avant vous, ni la droite, ni la gauche n'avaient fait preuve d'autant de cynisme à l'égard de l'hôpital public. Oui, nous les socialistes avons fait des erreurs ; oui, nous avons désendetté la sécurité sociale comme jamais personne avant nous ne l'avait fait et cela a eu des conséquences néfastes sur l'hôpital public, nous le reconnaissons.
Il s'agissait de décider en responsabilité pour garantir la pérennité de notre système social. Nous l'avons fait pour permettre aux Français de bénéficier de nouvelles protections et pour accorder aux soignants de nouveaux droits grâce à une sécurité sociale de retour à l'équilibre. Comment ne pas vous rappeler que nous avons réussi à stopper la progression de la dette publique hospitalière dès 2013, alors qu'elle avait triplé entre 2002 et 2013 ? Les socialistes au pouvoir avaient mis sur la table 2 milliards pour l'hôpital public sur cinq ans, et il s'agissait d'argent neuf. Voilà une chose que vous êtes bien incapable d'égaler.
Je suis fier de notre bilan et j'aurais aimé qu'il profite à l'hôpital public et aux Français. Or vous avez décidé dans ce PLFSS de faire supporter à la sécurité sociale des exonérations de cotisations aux employeurs car ce gouvernement utilise les cotisations des Français non pour financer leur santé ou leur retraite, mais pour financer les aides aux employeurs, violant ainsi la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite loi Veil. Vous parlez d'« effort historique », madame la ministre ; je vais vous parler d'histoire.
Simone Veil s'est battue dans les années 1990 pour assurer l'autonomie de la sécurité sociale, voire sa survie, quand certains essayaient de la mettre sous la tutelle du budget de l'État. Elle avait alors fait voter la règle de compensation des exonérations de sécurité sociale et aussi, lors d'une réforme des retraites, l'obligation d'indexer les pensions de retraites sur l'inflation. J'avoue que les bras m'en tombent de vous voir détricoter méthodiquement les avancées obtenues par Simone Veil en matière de sécurité sociale !
En conclusion, que dire de plus que les mots de Simone Veil devant le Sénat, le 8 juin 1994 : « [… ] gardons-nous d'oublier notre bien commun qu'est la sécurité sociale, gardons-nous de l'appréhender seulement sous l'angle des charges et des déficits, rappelons-nous ce qu'était la société française auparavant. La sécurité sociale, ce n'est pas seulement un trou financier, c'est d'abord un immense progrès social et le plus puissant facteur de cohésion sociale qui existe en France, que nous avons le devoir de préserver pour les générations futures. » Des propos ô combien prémonitoires !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Nous abordons l'examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Le groupe UDI, Agir et indépendants a déjà eu l'occasion d'en signaler les imperfections, mais aussi les points positifs, par lesquels je commencerai.
Vous indemnisez enfin, madame la ministre, le congé de proche aidant et nous serons au rendez-vous pour vous accompagner et pour, je l'espère, faire encore évoluer ce qui constitue un immense progrès pour les aidants. Je salue également votre nouvelle politique en direction des proches aidants, sujet auquel, vous le savez, je suis particulièrement attaché.
Vous créez par ailleurs un fonds d'indemnisation pour les travailleurs de la terre victimes de pesticides. Dont acte, même si nous pensons que l'État devrait être également partie prenante à son financement, car c'est en effet bien lui qui a donné, à l'époque, les autorisations de mise sur le marché. Vous prévoyez également un mécanisme permettant d'assurer sans rupture le versement des pensions alimentaires ; il s'agit d'une avancée qui rejoint une attente forte de nos concitoyens et singulièrement de nos concitoyennes.
Par ailleurs, vous pérennisez enfin la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat créée l'an dernier, qui avait rencontré un grand succès mais, madame la ministre, nous espérons vous voir changer d'avis sur ses modalités lorsque nous aborderons l'article 7. En effet, subordonner dorénavant le versement de cette prime à la mise en place d'un accord d'intéressement signifie en pratique ne pas pouvoir la verser pour les TPE. Mettre en place un tel accord prend du temps et cette négociation ne peut être réglée par la mise à disposition d'accords-types par le Gouvernement. Pour l'avoir vérifié depuis la première lecture auprès des employeurs concernés, je constate que vous allez créer de l'incompréhension et un mécontentement supplémentaire après avoir annoncé la reconduction de cette prime pour l'année prochaine.
Vous créez des tensions inutiles au sein de ces petites entreprises car l'information des salariés sur ce sujet reviendra aux chefs d'entreprise. Nous partageons bien sûr votre volonté d'étendre la culture de l'intéressement dans notre pays, c'est même l'une des voies que nous préconisons pour revaloriser les salaires et améliorer le climat social. Mais je pense que vous faites une erreur sur ce point, et que cette nouvelle disposition ne sera pas comprise.
S'agissant de votre nouvelle politique de régulation des dispositifs médicaux, nous attendons aussi des modifications. En l'état, elle risque de pénaliser durablement un secteur composé à 92 % de TPE-PME et de freiner l'innovation, un non-sens au regard du virage ambulatoire.
Nous nous trouvons par ailleurs aujourd'hui dans une situation un peu inédite en raison du rejet du texte par le Sénat, qui le trouve insincère en raison des annonces à venir sur l'hôpital. Si je salue votre travail sur ce sujet d'importance, en particulier la phase de concertation à laquelle vous vous êtes adonnée, nous ne pouvons que regretter une présentation tardive de votre proposition.
Nous avons en effet l'impression désagréable de revivre la situation de l'an dernier où, en raison de la crise des gilets jaunes, l'exécutif avait opéré un revirement de dernière minute et cédé à des demandes que nous faisions nous-mêmes pourtant depuis plusieurs mois – je pense notamment à celle relative à la CSG pour les retraités modestes. Cette année, nous avons alerté à plusieurs reprises sur les dangers de la cure de rigueur imposée aux hôpitaux, au détriment de leur attractivité et de leur capacité d'innovation. Cette situation délétère, dont vous avez hérité, les a conduits dans l'impasse avec un déficit cumulé abyssal de près de 30 milliards d'euros. Même s'il peut paraître tardif, il faut saluer l'effort réel que vous accomplissez : 1,5 milliard d'euros sur trois ans, conjugués à la reprise d'un tiers de la dette hospitalière publique. Cette décision a d'ailleurs été saluée par les fédérations hospitalières.
Nous craignons cependant que la politique de primes ciblées concernant spécifiquement les personnels modestes de l'AP-HP n'apparaisse comme une injustice alors que d'autres territoires en tension mériteraient également une attention particulière.
Plus fondamentalement, nous sommes convaincus qu'il faut modifier en profondeur le pilotage de nos politiques de santé, qui ne peut rester éternellement lié à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie comme outil de régulation des dépenses parce que les mesures d'économies liées à l'ONDAM pèsent essentiellement sur les établissements de santé, l'enveloppe pour les soins de ville n'étant pas limitée. Il est vrai que pour la première fois cette année, un mécanisme de réserve prudentielle a été mis en place pour les soins de ville, à l'instar de ce que connaît trop bien l'hôpital. Il est vrai également que vous avez introduit le principe d'une pluriannualité dans le financement des hôpitaux pour leur donner davantage de visibilité. Vous connaissez mon attachement au principe de pluriannualité budgétaire que je voudrais voir également étendu au secteur du médicament.
Le pilotage de nos politiques de santé ne peut pas non plus rester lié à l'ONDAM pour une seconde raison : les inégalités en santé se cumulant trop souvent avec les inégalités face au travail, à l'accès à la culture ou aux loisirs et parce qu'elles sont particulièrement significatives dans certains territoires, il faut mieux adapter l'ensemble de nos politiques aux besoins locaux. Sans aller vers des objectifs régionaux d'assurance maladie, peut-être insatisfaisants sur le plan technique, il faut aller plus loin dans la territorialisation de nos politiques de santé. Nous proposerons des amendements en ce sens.
Il y a un mois, alors que nous débutions l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, un chiffre avait retenu toute l'attention du groupe Libertés et territoires, et suscité notre déception. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie était fixé à 2,3 % pour 2020. C'était bien peu, trop peu.
Il s'agissait d'un recul par rapport à la dynamique que nous saluions l'an dernier, ce qui était incompréhensible alors que la situation des hôpitaux et des services d'urgence s'aggrave depuis plusieurs années, plus fortement encore depuis plusieurs mois. Même si on sait que le PLFSS ne se résume pas au financement des hôpitaux ou au seul risque maladie, les espoirs, les nôtres comme ceux des personnels hospitaliers en souffrance et ceux des citoyens qui éprouvent des difficultés à se faire soigner, tous ces espoirs ont été déçus à l'issue de nos débats en première lecture, sources d'une grande frustration.
Aujourd'hui, la donne a changé. Les annonces du Gouvernement sur l'hôpital public, dévoilées mercredi dernier après la manifestation des soignants du 14 novembre, modifient la trajectoire pour 2020. Une augmentation de 1,5 milliard d'euros sur trois ans pour l'hôpital public, dont 300 millions en 2020, se traduira par une revalorisation de l'ONDAM hospitalier, désormais fixé à 2,4 % au lieu de 2,1 % dans le PLFSS initial. Mais gardons en tête que l'augmentation naturelle des charges en soins aurait nécessité une augmentation d'au moins 4,5 %. L'augmentation proposée reste donc bien insuffisante pour sortir de cette situation de crise et notre groupe considère qu'il ne s'agit que d'un premier pas.
Madame la ministre, chacun ici en est conscient, vous héritez d'une crise profonde, et votre marge de manoeuvre paraît bien limitée. Notre objectif n'est pas de vous faire porter toute la responsabilité de la crise, encore moins de dire que rien n'a été fait depuis votre arrivée. À ce sujet, je pense notamment à la revalorisation tarifaire, que vous annoncez vouloir poursuivre jusqu'en 2022, ainsi qu'au dégel des réserves prudentielles et à la restitution partielle de la sous-exécution de l'ONDAM en 2019.
Mais il est nécessaire d'aller plus loin tant les besoins sont criants. La réforme structurelle du virage ambulatoire mettra du temps à produire ses effets et sans financements substantiels immédiats, les difficultés de notre système de santé empireront. Les ressources insuffisantes des hôpitaux remettent non seulement en cause toute capacité d'investissement et d'innovation mais, pire encore, elles aggravent les déficits des établissements, qui peinent même à couvrir leurs charges courantes.
De surcroît, l'attractivité hospitalière est plus que jamais en péril, et vous ne répondez pas à la nécessaire revalorisation salariale des personnels, dévoués mais épuisés, avec quelques primes ciblées et limitées à Paris et à la région parisienne – vous opposez ainsi ces derniers à leurs collègues de province.
Mais notons que ce PLFSS révisé va donner une plus grande visibilité pluriannuelle aux hôpitaux. C'était une demande essentielle à laquelle il fallait répondre.
La décision de reprendre un tiers de la dette hospitalière, soit 10 milliards d'euros sur trois ans, améliora la capacité d'investissement des hôpitaux et leur donnera un peu d'oxygène. Toutefois, nous ne connaissons ni la répartition de ce montant, ni les conditions d'éligibilité qui y seront associées – souhaitons que cette reprise ne profite pas qu'aux établissements les plus gros.
Notre inquiétude quant à l'avenir de l'hôpital public – et plus généralement quant à l'avenir de notre système de santé – nous ferait presque oublier les dispositions du texte qui améliorent l'existant.
Comme nous avons eu l'occasion de le dire en première lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit en effet de réelles avancées. Je pense en particulier à l'instauration d'un service public de versement des pensions alimentaires, à la création du forfait de soins remboursés pour l'accompagnement des patients après un cancer, ou à la constitution du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides. Enfin, nous accueillons très favorablement l'indemnisation du congé de proche aidant, même si nous aurions souhaité que la durée de versement de l'allocation soit alignée sur celle du congé, qui peut atteindre un an.
En revanche, le groupe Libertés et territoires reste en désaccord profond avec toutes les mesures tendant à réduire le pouvoir d'achat – je songe notamment à la sous-indexation de certaines retraites et prestations sociales – , d'autant que vos arbitrages budgétaires, couplés à la situation économique, creuseront le déficit de la sécurité sociale, qui devrait dépasser 5 milliards d'euros en 2020.
Ces considérations ne nous permettent pas d'envisager avec confiance les réformes en cours et à venir. Nous insistons aujourd'hui sur les hôpitaux et la transformation du système de santé, mais les enjeux des retraites et de la prise en charge de la dépendance nourrissent tout autant nos inquiétudes.
Vous l'aurez compris : le groupe Libertés et territoires salue un premier pas nécessaire, mais estime qu'il est essentiel d'aller plus loin pour préserver les fondements de notre système de protection sociale.
Le premier rôle de l'État, à travers sa politique générale, est de tout mettre en oeuvre pour assurer le bien-être de sa population. Vous devez être consciente, madame la ministre, que vous en êtes très loin.
J'évoque ici des enfants, des personnes âgées ou handicapées, des salariés, des privés d'emploi : je parle bien d'humains, de gens qui nous regardent et attendent des solutions pour repousser la souffrance, la pauvreté, l'humiliation et l'atteinte à leur dignité. La pauvreté qui gagne du terrain, la souffrance au travail et le manque de considération constituent autant de facteurs déclenchant le mal-être et la maladie. Les Françaises et les Français ne sont pas des machines, mais des êtres de chair et de sang.
Non seulement le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ne répond aucunement aux attentes, mais il représente en outre une marque supplémentaire du mépris du Gouvernement à l'égard du Parlement. Ainsi avons-nous appris, alors que les débats étaient en cours au Sénat, que le Gouvernement ferait des annonces budgétaires sur l'hôpital. Nos collègues sénateurs ne s'y sont pas trompés : votre Gouvernement a décidé de présenter un budget devenu foncièrement insincère, en décidant de le modifier en cours d'examen et de proposer, le 20 novembre, quelques mesures qui changent la donne.
Ce n'est plus l'État de droit. Vous n'écoutez pas la colère qui gronde. Vous ne voulez rien entendre. Alors que voilà désormais huit mois que les services d'urgence sont en grève – ce qui est historique – , c'est pendant l'examen du budget de la sécurité sociale que vous vous décidez à sortir des mesurettes de votre chapeau. Pourquoi ? Vous auriez pu les intégrer au texte déposé en première lecture. Au lieu de quoi, vous nous imposez l'examen de ces annonces par voie d'amendement, c'est-à-dire sans réelle évaluation préalable et sans nous laisser le temps de les analyser.
Votre démarche est claire : vous bafouez le débat, vous marchez sur le Parlement et, par là même, vous affaiblissez l'État de droit. Pourquoi ? Je vous rappelle, madame la ministre, que c'est au Parlement de décider de la levée de l'impôt, de statuer sur l'encadrement des cotisations et de voter le budget, après un débat éclairé. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. C'est grave.
Maintenant que nous savons que vous auriez préféré vous adresser à un club de technocrates plutôt qu'aux représentants du peuple, je me concentrerai sur vos annonces et sur une partie de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Si votre politique était efficace, nous en verrions déjà les effets. Cela n'est malheureusement pas le cas ; au contraire, la situation empire. Depuis votre arrivée au pouvoir, vous avez imposé plus de 12 milliards d'euros d'économies sur la santé des Françaises et des Français, à tel point que même des doyens de la faculté de médecine appellent aujourd'hui à la grève : c'est du jamais-vu !
Vous avez annoncé la semaine dernière le versement de primes, mais principalement aux personnels d'Île-de-France. Pourquoi cette discrimination ? Une telle mesure est loin – très loin, même – de répondre aux revendications des professionnels, qui réclament une augmentation générale des salaires d'environ 300 euros. Vous ne proposez rien en matière de recrutement, alors qu'une des premières demandes des soignants consiste à pouvoir faire correctement leur travail, sans maltraiter les patients.
Quant à l'augmentation du budget annoncée, je rappelle que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie imposait, pour 2018 et 2019, des économies atteignant respectivement 4,2 milliards et 3,8 milliards d'euros. Pour l'exercice 2020, ce sont à nouveau 4,2 milliards d'euros d'économies qui sont programmés. Que valent vos annonces au regard de ces 12 milliards d'euros d'économies, dont 8 milliards ont déjà été ponctionnés ? Rien – ou si peu !
Vous organisez ainsi, méthodiquement, le démantèlement complet de l'hôpital public. Madame la ministre, vous avez été médecin. Répondez-moi très sincèrement : lorsque vous vous réveillez chaque matin, avez-vous une pensée pour vos anciens collègues qui sont en grève depuis des mois, qui se rendent malades à force de travailler dans de mauvaises conditions, qui sont en burn out et qui malheureusement, pour certains, se suicident ? Accordez-vous une pensée aux malades qui meurent sur des brancards en attendant une prise en charge aux urgences ?
Vous ne pensez pas à eux. Par conséquent, face à votre volonté de faire glisser notre système vers un système à l'américaine qui profitera au secteur privé, nous continuerons à proposer une grande bifurcation.
En attendant, nous ferons tout ce que la démocratie nous permet pour faire reculer votre gouvernement. Le 5 décembre, tous dans la rue, jusqu'à ce que la France se porte bien !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Face à la mobilisation exceptionnelle, depuis plusieurs mois, des personnels hospitaliers, le Gouvernement a annoncé dans l'urgence, pour la quatrième fois en quatorze mois, un plan pour les hôpitaux, qui subissent l'austérité depuis de trop longues années – vous avez raison sur ce point : le problème ne date pas d'aujourd'hui.
Nous attendions tous des mesures d'ampleur pour l'hôpital public. Malheureusement, madame la ministre, votre plan, c'est une goutte de Bétadine sur une fracture ouverte : on se penche certes sur le malade, mais ce n'est pas un tel remède qui va le soigner.
Les revendications du collectif Inter-Urgences, du collectif Inter-Hôpitaux et des syndicats sont pourtant claires : ils attendent une augmentation de l'ONDAM de 4 % – pour faire simplement face à l'évolution naturelle de la demande de soins de nos concitoyens – , ainsi que des hausses de salaires de 300 euros nets et la réouverture de lits d'hospitalisation.
Force est de constater que vos annonces ont raté leur cible. Vous prévoyez de réinjecter 300 millions d'euros dans les hôpitaux en 2020, tout en continuant à leur demander 700 millions d'euros d'économies. Vous ne faites donc qu'alléger un fardeau que vous avez contribué à faire peser. Depuis 2017, 3,3 milliards d'euros d'économies ont été demandés au service public hospitalier.
Vous annoncez par ailleurs un saupoudrage de primes pour les soignants et les médecins plutôt qu'un dégel de leur point d'indice. Seuls certains d'entre eux seront concernés, par le biais de primes accordées de manière discrétionnaire par les directions ou de compléments de rémunération pour ceux travaillant en région parisienne.
Enfin, vous ne prenez aucun engagement en matière de réouverture de lits et de créations de postes, alors que nombre de services hospitaliers fonctionnent en sous-effectif et demandent des lits pour accueillir les patients.
Si nous en sommes là, c'est bien à cause de votre obstination – partagée par l'ensemble du Gouvernement – à réduire les dépenses publiques, à taper sur le coût du travail et à alléger la fiscalité du capital. Rappelons-le : le montant des exonérations de cotisations patronales prévues pour cette année atteint 66 milliards d'euros, soit 13 % du budget de la sécurité sociale.
Vous privez également le budget de la sécurité sociale de 3 milliards d'euros en décidant de ne pas compenser certaines de ces exonérations. Cette somme équivaut au déficit du régime général. Vous créez ainsi artificiellement du déficit pour préparer nos concitoyens à de nouveaux sacrifices sur les retraites ou les prestations sociales. Ainsi, en 2020, les retraites supérieures à 2 000 euros – comme les allocations familiales, d'ailleurs – seront sous-revalorisées au regard de l'évolution de l'inflation.
Parlons enfin de la dette, madame la ministre et monsieur le ministre de Bercy : vous reprenez 10 milliards d'euros, alors que la dette des hôpitaux s'élève à 30 milliards. Pourquoi vous arrêter au milieu du chemin ? Vous expliquez que la reprise de 10 milliards d'euros de dette permettra aux hôpitaux d'économiser 800 millions d'euros de charge d'intérêts par an. Si vous repreniez la totalité de la dette hospitalière, ce seraient donc 2,4 milliards d'euros que nous pourrions récupérer pour investir dans les hôpitaux ! Pourquoi ne pas aller au bout et ne reprendre qu'un tiers de la dette ? Vous m'opposerez qu'une reprise totale conduirait à augmenter la dette de la France. Et alors ? Il s'agit de soigner la France et ses hôpitaux ! Un tel argument vaut d'autant moins que l'argent n'a jamais été aussi peu cher qu'en ce moment, grâce aux prêts à taux d'intérêt négatifs.
Nous avions déjà souligné, en première lecture, les quelques bonnes mesures contenues dans le texte. L'indemnisation du congé de proche aidant en fait partie. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a d'ailleurs fortement contribué à mettre en avant cette mesure dans le débat public. Il s'agit d'une première avancée sociale pour des millions de personnes aidantes. Cependant, au regard du reste du texte, cela fait bien peu dans la balance !
Le budget de la sécurité sociale traduit le niveau des droits sociaux que la nation accorde à ses concitoyens pour faire face aux aléas de l'existence. Le projet de loi de financement pour 2020, s'il est voté en l'état, ne dérogera pas aux deux précédents : il affaiblira notre système de santé et consacrera votre renoncement à trouver des financements pour améliorer le quotidien des Français.
Alors que la colère sociale monte dans le pays à la veille de la mobilisation du 5 décembre, vous choisissez malheureusement de faire de notre modèle social la variable d'ajustement de votre politique en faveur des plus fortunés.
Madame la ministre, chers collègues de la majorité, nous vous invitons à revoir votre copie une bonne fois pour toutes !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a connu une évolution extrêmement importante depuis sa première lecture à l'Assemblée nationale : l'ONDAM pour l'hôpital a considérablement progressé – ainsi que, par répercussion, l'ONDAM global, les autres ONDAM n'ayant subi aucune diminution.
Les députés du groupe La République en marche accueillent favorablement cette évolution, qu'ils ont appelée de leurs voeux dès la première lecture du texte.
Nous avons pleinement conscience des difficultés rencontrées par l'hôpital public : elles sont anciennes et pèsent lourdement sur les conditions de travail du personnel hospitalier, ainsi que sur le service rendu aux usagers. Elles sont dues en partie à des problématiques structurelles liées au manque de médecins et de certains professionnels – nous payons encore les effets du numerus clausus, qu'il était grand temps de supprimer – , mais également à une tarification inadaptée et à des années de pression budgétaire.
Ces dysfonctionnements, qui dépassent le cadre de l'hôpital et sont liés à l'ensemble de notre système de santé, nous préoccupent. C'est pourquoi nous avons soutenu la refonte du système de santé que vous avez proposée, madame la ministre, et dont la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé constitue l'un des piliers. Cette réforme s'inscrit toutefois dans le temps long, et l'hôpital public – auquel nous sommes très attachés – ne peut plus attendre.
Aujourd'hui, avec la nouvelle version du PLFSS pour 2020, nous accentuons les orientations prises en augmentant le budget consacré à l'hôpital, dans le but d'apporter des réponses aux professionnels. Nous demeurerons néanmoins vigilants quant à la mise en oeuvre de ces mesures et à leurs résultats concrets. Pour ce faire, nous appelons de nos voeux la création d'un comité de suivi, auquel nous souhaitons être étroitement associés.
J'insiste par ailleurs sur la nécessité de renforcer les démarches d'amélioration de la qualité de vie au travail à l'hôpital, leurs apports étant indiscutables et indispensables. Il est nécessaire de redonner des marges de manoeuvre aux professionnels pour qu'ils puissent s'organiser et retrouver du sens et du souffle au quotidien, afin que les investissements rendus possibles par la reprise par l'État d'une part importante de la dette des hôpitaux produisent des effets favorables aux professionnels et aux patients.
Nous devons toutefois agir de façon responsable, car nous avons conscience que l'augmentation de l'ONDAM affecte l'équilibre budgétaire de la sécurité sociale. Nous ferons donc preuve de vigilance lors de l'évaluation du PLFSS, prévue au printemps prochain.
Le texte examiné en nouvelle lecture comporte plusieurs dispositions emblématiques, dont la mesure de solidarité essentielle que constitue l'indemnisation du congé proche aidant. Il marque également la réalisation de la promesse du Président de la République de lutter contre le non-versement des pensions alimentaires par l'instauration d'un service de recouvrement. Il met en oeuvre la réforme de notre système de santé et renforce la logique de prévention. Enfin, il procède d'une volonté de modernisation et de simplification – très attendues par nos concitoyens – de notre système de protection sociale.
Par ailleurs, je salue les mesures de justice sociale telles que l'indexation des retraites inférieures à 2 000 euros sur l'inflation et la poursuite de la revalorisation exceptionnelle des minima sociaux. Le dispositif d'accompagnement postérieur au traitement d'un cancer est également une illustration positive de la logique d'un parcours de soins structuré autour du patient.
Enfin, la prise en compte de nos aînés et des personnes en situation de handicap est particulièrement prégnante dans le texte. Nous accueillons ainsi très favorablement la sécurisation des parcours des personnes en situation de handicap grâce au conventionnement avec des établissements belges. Nous souhaitons néanmoins évaluer précisément le développement des offres de solutions alternatives sur le territoire français afin de nous assurer de l'amélioration de la réponse apportée aux besoins exprimés par ces personnes et par leurs familles.
Compte tenu de ces observations, les membres du groupe La République en marche expriment leur soutien au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Cette année devait être la première de l'acte II du quinquennat, destiné – d'après la promesse de M. le Premier ministre – à « répondre aux aspirations des Français » et à « apaiser ». Pourtant, le spectacle qu'offre le Gouvernement à l'occasion de l'examen du PLFSS est une bien mauvaise pièce de théâtre, dans une représentation non en deux actes mais en trois.
L'acte premier a eu lieu le mois dernier, ici même, lors de la première lecture du texte. L'année dernière, le Gouvernement avait annoncé, à grand renfort de communication, que les comptes de la sécurité sociale seraient à l'équilibre en 2019. En réalité, cet équilibre n'aura tenu que deux semaines ! Son budget pour 2020 est finalement échafaudé sur la base d'un déficit de 5,1 milliards d'euros, …
… la sécurité sociale ayant été appelée à la rescousse pour pallier une politique budgétaire défaillante, d'où le subterfuge de la non-compensation, par l'État, de la perte de recettes liée aux mesures consécutives à la crise des gilets jaunes. Pourtant, les efforts des professionnels de santé et des cotisants avaient permis un redressement des comptes de la sécurité sociale. Par ailleurs, des économies budgétaires frappent de plein fouet le secteur du médicament et compromettent les capacités d'innovation de l'industrie pharmaceutique. De son côté, l'hôpital public est sacrifié, assigné au rang de variable d'ajustement, tandis qu'un mouvement social inédit, apparu au mois de mars dernier, prend de l'ampleur dans les services d'urgence.
L'ONDAM est réduit de 2,5 % – son niveau de 2019 – à 2,3 %, et l'ONDAM hospitalier décroche pour atteindre 2,1 %, au risque de précipiter l'effondrement de l'hôpital public. Le ministère de l'économie et des finances a même un moment fait savoir qu'une reprise, même partielle, de la dette colossale des hôpitaux publics n'était « pas une option envisagée ».
Ainsi, ces deux dernières années auront été caractérisées par la rupture difficilement réversible de l'hôpital public avec le pacte social républicain, auquel nous tenons.
Le deuxième acte s'est déroulé le 14 novembre dernier, après la manifestation des personnels hospitaliers et de ceux des EHPAD pour le sauvetage de l'hôpital, concomitante de l'examen du PLFSS en première lecture par le Sénat. Ce jour-là, le Président de la République annonçait – sous la pression – un plan d'action renforcé en faveur de l'hôpital public.
À cette occasion, nous apprenions que le budget initialement proposé était construit sur la base d'un ONDAM factice. Il s'agit là d'un camouflet pour le Sénat, invité à voter un budget au moment même où le Gouvernement annonce dans les médias en préparer un autre, et d'une humiliation pour l'Assemblée nationale, dont la majorité avait d'ores et déjà adopté un PLFSS construit sur des bases devenues caduques.
En tout état de cause, l'intervention présidentielle a indubitablement porté atteinte au principe de la sincérité des comptes, et perturbé le déroulement régulier de la procédure budgétaire.
Le troisième acte est sur le point de se jouer. À l'issue d'une commission mixte paritaire de façade, nous assistons à la traduction dans le texte examiné en nouvelle lecture, par le biais d'amendements de premier secours, d'un plan d'urgence qui n'a pas davantage convaincu que les annonces précédentes : après 70 millions d'euros au mois de juin, 750 millions sur quatre ans au mois de septembre ! En réalité, la hausse à 2,4 % de l'ONDAM hospitalier n'est que la correction d'une mesure que vous n'auriez jamais dû inscrire dans le texte initial. De surcroît, il aurait fallu maintenir le taux de 2,5 % fixé l'an dernier.
Nous attendions un acte de refondation de l'hôpital public, un plan en profondeur.
Avec une rallonge de 300 millions d'euros, vous donnez – tout juste – de l'oxygène aux soignants, qui n'en peuvent plus, pour tester le montant à partir duquel vous croyez pouvoir atténuer leur colère. Vous accordez aux hôpitaux un délestage partiel de leur dette, mais la marge de manoeuvre qui en résultera servira-t-elle à financer des investissements ?
Vous n'annoncez aucune ouverture de postes, tout en vous disant déterminée à mettre un terme au mercenariat dans certaines spécialités, ce qui au demeurant est un objectif tout à fait louable.
Nous attendions également une revalorisation des professions médicales. Vous vous contentez de saupoudrer çà et là de modestes primes, non intégrables dans les retraites. De surcroît, en octroyant une prime de 66 euros par mois à certains personnels infirmiers et aides-soignants de Paris et de la petite couronne, vous opposez Paris aux déserts médicaux français.
Pourtant, le travail des soignants mérite bien davantage, et ce dans tout le pays. Madame la ministre, vous êtes l'otage de Bercy. C'est pourquoi vous ne parvenez pas à tirer le rideau final de cette représentation théâtrale, que vous ne devriez pas confondre avec la représentation nationale.
Même si le présent PLFSS comporte des dispositions tout à fait consensuelles, nous n'acceptons toujours pas la construction budgétaire sur laquelle il repose.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La nouvelle lecture du PLFSS survient dans un contexte particulier, caractérisé par l'annonce par le Gouvernement de mesures d'ampleur visant à soutenir l'hôpital public. Nous saluons le plan d'urgence décidé la semaine dernière et l'effort budgétaire qu'il implique. Il apporte une réponse forte à la détresse et à la colère exprimées par les personnels soignants, dont la situation s'est fortement dégradée depuis des décennies. Nous tenons ici à leur rendre hommage, car ils sont les piliers d'un système de santé dont le fonctionnement dépend de leur dévouement.
Ces mesures n'étaient pas encore connues lors de l'examen du PLFSS au Sénat en première lecture, ce qui a conduit la Haute Assemblée à rejeter le texte. C'est donc la version adoptée par notre assemblée en première lecture que nous examinons aujourd'hui.
Au cours de cette nouvelle lecture, notre groupe continuera à s'engager aux côtés du Gouvernement et à soutenir les dispositions allant dans le sens d'une simplification de notre système de protection sociale, d'une meilleure valorisation du travail et d'une augmentation du pouvoir d'achat, répondant ainsi aux revendications exprimées par les Français au cours des derniers mois. Nous le ferons en gardant à l'esprit que la solidarité et la responsabilité doivent constituer les deux axes du renforcement de la justice sociale, elle-même condition de notre cohésion nationale.
Les dispositions relatives au financement des hôpitaux de proximité et de la psychiatrie, la réorganisation de plusieurs secteurs essentiels de notre système de santé et l'instauration d'une garantie pluriannuelle de financement des établissements de santé sont autant de points positifs du texte, et notre groupe les soutient. Ces mesures, complétées par un plan de soutien à l'hôpital public financé à hauteur de 1,5 milliard d'euros, s'inscrivent dans la démarche globale adoptée dans le cadre du plan « Ma santé 2022 », qui portera ses fruits à moyen terme.
Notre groupe soutient également l'investissement de 500 millions d'euros dans le chantier du grand âge et de l'autonomie, par anticipation sur le projet de loi dont l'examen est prévu à la fin de l'année. Toutefois, l'effort en faveur du secteur du soin à domicile amorcé cette année devra être maintenu afin de garantir une réforme de la dépendance équilibrée.
Par ailleurs, le soin à domicile ne peut être envisagé indépendamment des aidants familiaux. Ils jouent un rôle fondamental, au point que sans eux, la prise en charge des personnes dépendantes, malades et handicapées deviendrait impossible.
Signalons au passage que d'après un récent sondage, la perte d'autonomie effraie les Français : pour 90 % d'entre eux, il s'agit d'une préoccupation importante, voire prioritaire.
C'est pourquoi les députés du groupe MODEM et apparentés saluent l'indemnisation du congé de proche aidant, une mesure attendue depuis longtemps par les professionnels du secteur. Toutefois, ce progrès significatif ne peut qu'être une première étape – nous craignons notamment que la durée d'indemnisation ne soit trop courte. L'évaluation du dispositif, dont le principe a été adopté sur notre proposition, devra donner lieu à un rééquilibrage destiné à mieux répondre aux besoins des aidants. Monsieur le ministre, madame la ministre, nous avons bien conscience que vous inaugurez là une politique publique, et que vous ouvrez un nouveau droit.
Nous saluons également la stratégie de mobilisation et de soutien des aidants lancée le mois dernier. Elle permet notamment de mettre en lumière les jeunes aidants, qui étaient auparavant les grands oubliés des politiques publiques en la matière.
Sur un autre sujet, qui me tient particulièrement à coeur, nous nous réjouissons de la création d'un parcours de soins global postérieur au traitement d'un cancer. Cette mesure, innovante et essentielle pour les anciens malades, a été enrichie d'un dispositif spécifiquement destiné aux cancers pédiatriques, en écho à la loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques, dont j'ai eu l'honneur d'être la rapporteure lors de son examen par l'Assemblée, et qui est entrée en vigueur au mois de mars dernier. Naturellement, nous prendrons part à l'application de cette disposition très importante pour les enfants malades.
Pour finir, j'évoquerai la politique familiale. Lors de la première lecture du texte, nous avons été déçus par l'absence de soutien du Gouvernement en la matière, s'agissant notamment de notre proposition de verser la prime de naissance avant l'arrivée de l'enfant, du moins pour les ménages les plus modestes. Nous demandons au Gouvernement de saisir l'occasion de la nouvelle lecture du texte – comme il a su le faire s'agissant des mesures en faveur de l'hôpital public – pour proposer une solution satisfaisante sur ce point.
Il s'agirait d'une première étape importante, dans l'attente des propositions qui seront prochainement mises sur la table par la mission d'information sur l'adaptation de la politique familiale française aux défis du XXIe siècle, dont je suis rapporteure. Nous souhaitons ainsi adopter dès l'année prochaine une vision globale de la politique familiale, laquelle est essentielle pour notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement, en commençant par les dispositions relatives à l'exercice 2018.
S'agissant des dispositions du présent article, j'aimerais remettre les points sur les i en m'appuyant sur le rapport du président du Haut Conseil du financement de la protection sociale – HCFi-PS – , M. Libault. Celui-ci préconise d'assurer la mise à jour des finances de la sécurité sociale avec plus de sérieux, ce qui suppose de conserver les lois de financement de la sécurité sociale, mais aussi de mieux tenir compte de la situation financière des hôpitaux et des établissements médico-sociaux. C'est également ce que nous disons.
Il préconise également de renforcer la dimension pluriannuelle du PLFSS, et de s'y tenir effectivement. Surtout, s'agissant des relations entre l'État et la sécurité sociale, le rapport juge nécessaire que le premier compense les pertes de recettes de la seconde lorsqu'elles résultent de ses décisions.
L'article 1er est adopté.
L'article 2 et l'annexe A sont adoptés.
Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
L'ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.
Nous abordons maintenant la deuxième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives à l'exercice 2019.
L'article 3 est le point de ce budget qui suscite de notre part la réaction la plus vive puisqu'il prévoit la non-compensation par l'État de quelque 3 milliards d'euros de recettes supprimées du fait des mesures prises en réponse au mouvement des gilets jaunes.
Ces mesures d'urgence sociale, nous les avions votées, nous ne pouvons pas dire le contraire. Mais nous ne pensions pas qu'elles seraient imputées au budget de la sécurité sociale, qui est ainsi mis en déficit, par l'État lui-même, de 5,1 milliards cette année et de 5,4 milliards l'année prochaine.
Il y a là une rupture dans le pacte d'autonomie qui avait été établi au bénéfice de la sécurité sociale, rupture contre laquelle s'élèvent d'ailleurs tous les acteurs de la santé – qu'ils appartiennent aux conseils d'administration des caisses ou à d'autres institutions – ainsi que les assurés sociaux.
Les gilets jaunes ont remis en question l'ordre établi et appellent un nouveau partage de la valeur et des richesses. Force est de constater que leur combat est juste : sur 100 euros de bénéfices, 67 sont réservés à la rémunération des actionnaires et seulement 5 à des primes pour les salariés.
Face à ce défi, il paraît nécessaire d'instaurer un nouveau rapport de forces pour une plus juste répartition des richesses. Le Gouvernement a préféré recycler le vieux logiciel usé de ses prédécesseurs. La politique d'exonération de cotisations sociales est pourtant dangereuse. Elle permet certes un gain temporaire en salaire net, mais a des conséquences directes sur le financement de notre système collectif de protection sociale.
Le but de cette politique est clair : elle tend à assécher le financement de la sécurité sociale et à la rendre indigente avant d'organiser un système à deux vitesses au profit des protections privées : d'une part, un mince filet de protection pour la grande masse et, de l'autre, un système complémentaire aux mains du privé pour ceux qui en auraient les moyens. Nous nous opposons à cette logique, et c'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Je ne reviendrai pas sur les arguments déjà exposés à propos de l'autonomie du budget de la sécurité sociale et de la rupture avec une forme de contrat républicain qui, survivant aux alternances, garantissait la compensation des baisses de cotisations. Mais j'ajouterai que cette rupture met la sécurité sociale sous tension alors qu'elle était quasiment revenue à l'équilibre.
En outre, lorsque vous réduisez les cotisations sociales sans prévoir de compensation, vous réduisez en réalité les salaires bruts, c'est-à-dire les salaires tout court de nos concitoyens. Ce n'est donc qu'en apparence un gain de pouvoir d'achat. En réalité, à l'échelle des rémunérations perçues tout au long de leur vie, les Français, dont vous prétendez augmenter le pouvoir d'achat, le verront baisser.
Quant aux 17 milliards d'euros que coûtent les mesures d'urgence votées pendant la crise des gilets jaunes, nous aurions aimé qu'ils soient répartis de manière un peu plus juste. Prenons la réduction des cotisations sociales de 22 milliards : elle équivaut en moyenne, sur trois ans, à environ 20 euros par mois par Français. Mais il est intéressant de regarder la ventilation effective de ce gain de pouvoir d'achat : 1 % est allé aux 10 % des ménages les plus pauvres, soit un gain d'à peu près 5 euros par mois. Ils ont donc touché dix fois moins que la part de la population qu'ils représentent.
Si vous considérez en revanche les 1 % des ménages les plus riches, ils ont bénéficié de 6 % de ce gain de pouvoir d'achat, soit environ 372 euros par mois ; quant aux 0,1 % de Français les plus riches, ils ont touché trente fois plus que leur part dans la population, c'est-à-dire environ 1 923 euros par mois.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne souscrivons pas à cette non-compensation et proposons de supprimer l'article 3.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 320 .
Ce débat est l'un des plus importants de ceux qu'a suscités le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je crois savoir que cet article a donné lieu à des discussions jusque dans la majorité, et qu'il soulève un véritable débat auquel n'a pas mis fin, à mon avis, le vote peu satisfaisant obtenu lors de la première lecture.
Ce débat se poursuit d'autant plus que la situation est celle que nous avons décrite. Les 2,8 milliards d'euros d'exonérations non compensées équivalent à peu près au déficit du régime général – 3,1 milliards d'euros. Nous voyons donc bien que cet argent fait défaut à la sécurité sociale. L'État lui-même choisit de lui faire supporter le coût de décisions qui ne relèvent pas d'elle, et lui impose de contribuer à des politiques par ailleurs discutables, que ce soit du point de vue de leurs effets sur le pouvoir d'achat et les inégalités – Boris Vallaud vient de le démontrer brillamment – ou de celui du financement de la sécurité sociale elle-même.
Au stade où nous en sommes – c'est quasiment la dernière fois que nous délibérons sur ce sujet – , nous devrions vraiment réfléchir à deux fois avant d'entériner une mesure qui non seulement nuit à la bonne tenue des comptes pour 2020, mais aussi rompt avec le principe de compensation, ce qui ouvre la voie à d'autres dérives dans les années qui viennent. J'y insiste, faisons le bon choix, c'est encore possible. Ces 2,8 milliards d'euros, la sécurité sociale en a besoin. Conservons-les à la sécurité sociale.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements de suppression ?
Peut-être répondrai-je ici à l'ensemble des amendements à l'article 3, à moins que vous ne souhaitiez refaire en nouvelle lecture le débat que nous avons largement eu lors de la première.
Quant aux non-compensations, vous connaissez mon attachement à la loi Veil de 1994 plutôt qu'à la doctrine définie par le rapport de Christian Charpy et Julien Dubertret. Vous vous rappelez l'ensemble de nos débats à ce sujet en première lecture, ainsi que les votes qui ont eu lieu en commission puis en séance.
Il faut toutefois reconnaître que la situation a beaucoup évolué depuis la première lecture : les mesures d'urgence annoncées mercredi font du bien à l'hôpital, et donc à la sécurité sociale. Gageons que ce sera l'État qui prendra effectivement à son compte le remboursement des 10 milliards de dettes des hôpitaux, et pas la sécurité sociale. Dans ce cas, on ne pourra que reconnaître collectivement que l'État aura fait un geste très fort envers cette dernière, bien supérieur, par son ampleur, au montant des non-compensations de cette année et des années précédentes. Si tel n'était pas le cas, le prochain exercice budgétaire nous permettrait d'en tirer éventuellement les conséquences.
Les investissements importants que rend possible le déblocage de 1,5 milliard d'euros sur trois ans sont aussi un signal très fort envoyé à l'hôpital public, qui est l'enfant chéri de la sécurité sociale. Cela montre l'effort considérable consenti par la puissance publique, par l'État, au bénéfice de la santé des Français. Je donnerai donc un avis défavorable à ces amendements de suppression, ainsi qu'à l'ensemble des amendements relatifs à la non-compensation.
Un mot, monsieur le rapporteur, pour rappeler que l'article 3 pose une difficulté particulière. En première lecture, vous vous étiez vous-même montré sensible aux arguments que nous avions présentés, au point, si je me souviens bien, que la commission des affaires sociales avait voté la suppression de l'article 3 qui acte la non-compensation par l'État des dépenses engendrées par les mesures annoncées le 10 décembre 2018 par le Président de la République. C'est dire s'il s'agit d'un problème de fond. La sécurité sociale devait être à l'équilibre en 2019 et 2020. Finalement, elle ne l'est pas, parce que l'État a fait le choix de ne pas compenser les pertes de recettes, malgré l'obligation qui lui en est faite par la loi Veil de 1994. Nous maintenons donc nos amendements et nous les défendrons jusqu'au bout.
Je ferai simplement remarquer au rapporteur que je me suis bien gardé, dans mon explication, d'établir un lien entre cette non-compensation et la situation de l'hôpital, puisque lui-même et la ministre m'avaient dit qu'il n'y en avait absolument aucun. Je note qu'il fait désormais ce lien : il est donc capable de changer d'avis et d'arguments avec beaucoup d'habileté.
Sourires.
Sans chercher le moins du monde à vous mettre en difficulté, monsieur le rapporteur, je déduis de votre réponse que vous conservez un doute sur l'idée de rompre avec le principe de compensation. Vous avez dit vous-même que vous étiez en accord avec la doctrine Veil plutôt qu'avec celle du rapport Charpy-Dubertret, si j'ai bien compris. Or nous sommes justement sur le point de choisir entre les deux, et d'abandonner clairement la première pour la seconde.
On ne peut pas comparer des choux et des carottes. Vous nous parlez de la reprise de la dette des hôpitaux pour essayer de justifier cette mesure de non-compensation. Ce n'est pas la même chose. L'État a des responsabilités à assumer quant à la dette, mais il fait aussi face à des réalités contemporaines devant lesquelles il ne peut pas se dérober. Et il ne faut pas qu'il vienne piocher dans les caisses de la sécurité sociale les moyens de conduire des politiques qui ne relèvent pas de la sécurité sociale.
Nous sommes au coeur d'un débat important. Laissons donc parler l'intuition première qui avait guidé la commission des affaires sociales lorsqu'elle avait adopté un amendement supprimant la non-compensation des pertes de recettes liées aux mesures d'urgence économique et sociale. Cette intuition était la bonne.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 102 .
Le rapport public annuel de la Cour des comptes pour 2019 montre que la dette de la sécurité sociale se creuse, du fait notamment de la multiplication des exonérations de cotisations sociales.
Cette dette met en péril notre système collectif de protection sociale. Pour y remédier, l'évolution de la CSG décidée le Gouvernement n'est pas la solution. Un nouvel équilibre peut être trouvé à condition de mettre à contribution les plus hauts salaires, selon le principe fondamental qui veut que chacun contribue en fonction de ses moyens et reçoive en fonction de ses besoins. Le présent amendement vise donc à relever les cotisations sociales sur les plus hauts salaires.
L'amendement no 102 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 476 de M. Olivier Véran est un amendement de coordination.
L'amendement no 476 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Le groupe Les Républicains n'a pas proposé beaucoup d'amendements à ce texte, mais celui-ci, nous y tenons. En effet, il faut absolument que la loi Veil de 1994 soit respectée, c'est-à-dire que la perte de recettes causée par la politique du Gouvernement soit compensée à la sécurité sociale.
C'est d'ailleurs, je le répète, ce que réclame le rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale – tout le monde connaît M. Libault – : toute perte de recettes doit être compensée à l'euro près.
Ce principe figure également dans la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, que j'avais défendue à l'époque.
Eh oui ! J'étais déjà présent, vous non. Il est vrai que je suis un tout petit peu plus âgé que vous… Vous avez de la chance, de ce point de vue.
Quoi qu'il en soit, vous devez nous écouter, monsieur le ministre : nous souhaitons la suppression des alinéas 9 à 12 de l'article 3.
Il marque l'attachement du groupe UDI, Agir et Indépendants au principe édicté par la loi Veil – le contraire serait étonnant. Il vise en outre – même si l'on a surtout parlé de l'aspect financier – à appeler votre attention sur l'aspect humain des dispositions de l'article 3. Je présidais ce matin une commission administrative paritaire d'un établissement hospitalier de mon secteur. Nous avons évoqué l'espèce de culpabilité que ressentent non seulement les bénéficiaires des mesures d'urgence que nous avons votées à la fin de l'année dernière, mais aussi les personnels hospitaliers, à cause de la dynamique que nous avions demandée pour réaliser des économies. Aujourd'hui, ils ont sentiment que ces mesures d'économie et les efforts consentis sont vains ou, en tout cas, annulés par cette non-compensation.
Aux termes de l'article 3, le déficit en 2020 devrait s'élever à 5,4 milliards d'euros alors que vous aviez annoncé, avant la crise des gilets jaunes, un excédent de 1,5 milliard d'euros. Cette entorse aura de graves conséquences sur les différentes branches de la sécurité sociale.
Ainsi, la branche famille, à laquelle je suis particulièrement attentif, aurait dû connaître un excédent de 700 millions d'euros en 2020, mais elle risque finalement de supporter un déficit de 609 millions d'euros, ce qui condamne toute mesure en faveur de la politique familiale – je pense notamment au versement de la prime de naissance avant la venue au monde de l'enfant que Mme Elimas appelait de ses voeux à l'instant. Ce ne sera pas pour demain.
Alors que je mène ce combat depuis plusieurs années, je vais devoir y renoncer par la force des choses.
Cet amendement vise à revenir sur la décision du Gouvernement de ne pas compenser à la sécurité sociale le coût des mesures d'urgence adoptées en réponse au mouvement des gilets jaunes. Ce sont tout de même 2,7 milliards d'euros qui n'iront pas dans les caisses de la sécurité sociale, notamment pour alimenter la branche maladie. Pourtant, les besoins sont croissants compte tenu du vieillissement de la population, du développement des maladies chroniques, mais aussi des défaillances actuelles de notre système de santé.
Si des dérogations à la compensation, que la loi Veil a érigée en principe, sont possibles, elles doivent demeurer exceptionnelles, d'autant plus face à la crise des établissements de santé, et à la veille de deux réformes majeures, celle des retraites et celle de la dépendance.
Il nous semble politiquement dangereux de ne pas compenser cette perte de recettes dans un contexte aussi difficile pour notre système de santé.
En tant que législateurs, nous devons édicter des règles et veiller à leur application. La non-compensation constitue une dérogation à la règle que le législateur s'était donnée.
La sécurité sociale, qu'il s'agisse des branches famille, santé ou retraite, est gérée de manière paritaire. Pour établir la confiance entre les uns et les autres, les règles doivent s'appliquer. Le choix de la non-compensation interroge la confiance qui est accordée aux partenaires qui ont su, avec l'État, gérer la sécurité sociale avec responsabilité.
Il est arrivé par le passé que les effets de certaines mesures ne soient pas compensés. Ces dernières années, cette pratique n'avait plus cours. M. le ministre nous rétorque que cela ne change rien pour le citoyen. Mais je ne le crois pas. Le Français est attaché à la sécurité sociale. La réduction du trou de la sécurité sociale qui lui a été promise était importante à ses yeux. La sécurité sociale est notre patrimoine à tous. Nous y tenons.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 321 .
Je souhaite également verser quelques arguments à ce débat important.
Nous parlons ici de 2,6 milliards d'euros, mais le montant total des exonérations de cotisations sociales s'élève à 66 milliards. Pour employer une expression un peu triviale, c'est la porte ouverte à toutes les fenêtres : on commence à 2 milliards et quelques, mais la note peut très rapidement s'alourdir. Je voulais souligner ce danger.
Ensuite, alors que vous avez profondément modifié les modalités de financement de la sécurité sociale, votre choix introduit un doute profond sur les engagements que vous prenez. Habituellement, lors de modifications de ce genre, le Gouvernement s'engage à compenser à l'euro près. Ainsi – pour prendre un autre sujet, celui de la taxe d'habitation – , vous avez affirmé aux maires que le manque à gagner serait compensé « à l'euro l'euro ». Mais, quelques années plus tard, il est possible de revenir sur sa parole et de s'octroyer quelques exceptions au principe de compensation qui viennent grever le pacte initial. Ce n'est pas sérieux. D'une façon générale, cela fait naître le doute sur votre politique.
Enfin, une fois que les rapports que vous avez commandés auront mis en évidence des déficits – c'est le cas du rapport du Conseil d'orientation des retraites récemment – , vous en tirerez argument pour affirmer que les ressources ne sont pas suffisantes pour financer ce qui était prévu.
Je crois, au contraire, qu'il faut doter la sécurité sociale les moyens nécessaires pour répondre aux besoins et aux enjeux. Les exonérations vont à l'encontre de cette volonté, d'autant plus si elles ne sont pas compensées.
Puisque cet amendement est un peu plus précis, je vous invite à prendre la bonne décision en l'adoptant.
Nous avons longuement débattu de ce sujet en première lecture, mais je ne voudrais pas que le silence du Gouvernement soit interprété par la représentation nationale comme du mépris pour les arguments que plusieurs groupes ont avancés.
D'abord, il était prévu que les mesures prises en décembre 2018, pour une large part, ne seraient pas compensées. Pourtant, l'Assemblée les a adoptées, y compris vous, monsieur Door – pardon de le dire. S'agissant de la désocialisation des heures supplémentaires dont la loi portant mesures d'urgence économique et sociales, dite MUES, a seulement accéléré la mise en oeuvre, il était inscrit depuis l'origine qu'elle ne donnerait pas lieu à compensation. Peut-être était-ce une erreur alors, mais vous avez adopté la loi en ces termes. Il n'y a donc pas de « loup » dans la non-compensation, si vous me passez l'expression.
Ensuite, le Gouvernement s'est engagé devant le rapporteur général et devant votre Assemblée à faire le point dans les prochains mois sur les compensations à la sécurité sociale. Sur les 17 milliards d'euros que coûtent les mesures prises à l'issue du grand débat, 3 milliards sont financés par la sécurité sociale, le reste par l'État – la sécurité sociale est donc loin de supporter la plus grande part de la charge.
M. Dharréville a le mérite de la constance, comme souvent les communistes, chez qui la cohérence idéologique a au moins une vertu pédagogique, ce qui nous permet de débattre, me semble-t-il, avec un grand respect mutuel. Le fait de se battre, comme il le fait, contre les allégements de cotisation me paraît plus cohérent que de s'en prendre à la non-compensation – nous avons déjà eu l'occasion d'en parler.
Enfin, chacun redoute les difficultés qui pourraient advenir. Je le rappelle, plus de la moitié des 5 milliards d'euros de déficit est imputable au ralentissement de la croissance économique, et non à la non-compensation dont le coût s'élève à 2 milliards environ. Je le dis en toute amitié, madame Bagarry, on ne peut pas dire que la sécurité sociale est notre bien commun, et que le reste ne le serait pas : l'État est aussi notre bien commun. Il faut bien compenser quelque part. Tout le monde est très attaché à la sécurité sociale, tout le monde a un coeur et souhaite que les cotisations paient la protection sociale et nos retraites.
Je le souligne d'autant plus volontiers que tous les orateurs ont revendiqué leur attachement à l'équilibre des comptes. Au cours de la discussion du projet de loi de finances, cet attachement était moins clair. Demain, lorsque les retraites seront évoquées, j'espère que l'argument de l'équilibre entre les recettes et les dépenses sociales restera recevable et que le même esprit de responsabilité prévaudra à l'Assemblée comme au Sénat.
M. Julien Borowczyk applaudit.
Si les déficits ne sont plus acceptables pour les comptes de la sécurité sociale, ils ne devraient pas l'être plus pour les retraites.
Ainsi, s'agissant des retraites, nous devrons tenir un discours de responsabilité et trouver le moyen d'équilibrer le régime, quelle que soit la solution prônée : baisse des pensions, hausse des cotisations ou modification de l'âge de départ – car vous pouvez prendre le problème dans tous les sens, ce sont les seuls leviers. Certains ont prétendu pendant la campagne pour l'élection présidentielle qu'ils ne changeraient à rien et ont fini par changer d'avis parce que la réalité s'est rappelée à eux. Je le répète, si le déficit est mauvais pour la sécurité sociale, il l'est également pour les retraites.
Nous avons longuement débattu en première lecture de la question de la non-compensation. Le Gouvernement s'est engagé à faire la lumière sur le sujet, en collaboration avec le rapporteur général et la présidente de la commission des affaires sociales.
Je note que ceux qui ont beaucoup péché reprochent à d'autres leur comportement non vertueux. C'est souvent le cas des Fouquier-Tinville.
Ce budget est sincère. Il est affecté par les mesures de la loi MUES – nous l'avons dit et nous l'assumons – et par la croissance économique plus faible que dans les prévisions.
Nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur cet intérêt soudain pour l'équilibre budgétaire, qui ne transparaît pas de manière aussi évidente sur d'autres sujets qui concernent la nation.
Avis défavorable.
Cet amendement de repli vise à imposer l'obligation pour l'État de soumettre pour avis aux caisses de sécurité sociale toute mesure de non-compensation. Il existe un contrat entre l'État et la sécurité sociale qu'il serait utile de formaliser. Nous refusons que de telles décisions soient imposées aux caisses de sécurité sociale en piétinant ce qui reste de dialogue social, alors que celui-ci mériterait d'être revigoré.
Il s'agit d'une proposition minimale, de bon sens : dès lors que l'État est contraint de ne pas compenser, il engage un véritable dialogue avec les instances de sécurité sociale. Ce serait tout de même la moindre des choses.
Ce dialogue existe et l'avis des instances de la sécurité sociale est recueilli. Votre amendement est satisfait car le PLFSS donne lieu chaque année à un vote…
Le vote n'est pas contraignant. Soit on considère qu'il appartient aux caisses de la sécurité sociale d'élaborer le budget, et dans ce cas, nous pourrions tous aller dîner ou travailler sur d'autres dossiers car le Parlement n'aurait plus aucun rôle dans l'examen et l'adoption du PLFSS, soit on accepte l'idée d'un vote non conforme – il existe depuis longtemps et a eu lieu cette année encore.
Avis défavorable.
Pour l'instant, ce vote est purement décoratif et l'amendement a pour but d'y remédier. C'est une autre conception des choses.
L'article 3, amendé, est adopté.
L'article 4 vise à relever de 0,5 à 1 %, pour l'année 2019, le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde applicable au chiffre d'affaires des industries en matière de médicaments remboursable.
Après l'avoir abaissé à 0,5 % l'an dernier, ce à quoi nous nous étions opposés, vous rétablissez rétroactivement le seuil à 1 %, ce qui est tout à fait logique. Je suppose que, après la tenue du Conseil stratégique des industries de santé en juillet, le Premier ministre a entendu les difficultés de l'industrie pharmaceutique française, dont le taux de croissance est extrêmement faible.
Pourvu que vous fassiez preuve de la même sagesse sur l'article 16 !
L'industrie pharmaceutique et ses dirigeants se portent bien. Olivier Brandicourt était encore il y a peu, malgré un salaire en baisse, l'un des patrons les mieux payés du CAC 40. Bastamag révèle qu'en 2018, le groupe Sanofi a versé près de 5 milliards d'euros à ses actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d'actions, soit 114 % de ses bénéfices ! Cette année encore, les dividendes sont en hausse. Sanofi est bien plus tourné vers la rémunération de ses actionnaires que vers la recherche et développement de nouveaux produits. Malgré un chiffre d'affaires en croissance, l'entreprise a licencié, depuis dix ans, environ 1 800 salariés. En 2019, plusieurs centaines d'emplois ont été supprimés dans les fonctions support, parmi les commerciaux et, une nouvelle fois, dans la recherche et développement. Cette politique pèse lourdement sur les capacités d'innovation et sur l'emploi dans l'entreprise. Il serait donc sage que l'Assemblée demande aux industriels de rééquilibrer leurs ambitions.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement de suppression no 209.
Le Gouvernement a décidé de réduire en 2019 le montant prélevé sur le chiffre d'affaires des laboratoires lorsqu'il dépasse les objectifs fixés par le législateur. Avec la réduction de cette taxe, pas moins de 60 millions d'euros ne seront pas prélevés sur ces entreprises cette année. Ce cadeau fiscal d'ampleur est fait aux laboratoires à un moment où la pression est particulièrement forte sur l'hôpital public et sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – , qui connaissent de graves difficultés. Ce faisant, on envoie un très mauvais signal aux professionnels de santé et à nos concitoyens : on leur dit que l'on ne peut pas leur donner davantage, alors même qu'il y a assez pour certains. Ce n'est pas acceptable.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 490 , qui tend également à supprimer l'article 4.
Vous faites un peu les choses à l'envers. Vous revenez sur une bonne mesure que vous aviez prise l'an dernier – considérez ces propos comme un compliment s'agissant du passé, d'autant que vous jugez sans doute que je ne vous en adresse pas assez… Pour notre part, nous proposons de la maintenir.
En effet, vous renoncez à une recette potentielle, ce qui bénéficie à l'industrie du médicament. Le groupe Sanofi, qui a été mentionné, n'est pas le seul concerné, mais il est emblématique : il a réalisé un bénéfice net de 6 milliards d'euros en 2018 et vient d'annoncer un plan social portant sur 300 emplois. Non content de tailler dans les effectifs du côté de la production, il taille également dans les effectifs de ses activités de recherche et décide d'abandonner certains secteurs de recherche cruciaux pour notre pays. Ce n'est pas sérieux ! Il n'y a pas lieu de faire un cadeau supplémentaire à l'industrie du médicament, d'autant que ce cadeau n'aura aucun effet, et qu'aucune contrepartie n'est prévue qui permettrait d'envisager de réorienter cette industrie.
Entre 2006 et 2019, le groupe Sanofi a supprimé 3 000 emplois dans la recherche et développement, ce qui est considérable. Or la cause n'en est pas le montant des taxes payées à l'État, puisque le groupe verse de manière assez allègre des dividendes à ses actionnaires. Nous proposons donc de maintenir le dispositif tel qu'il existe.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements de suppression ?
Nous ne faisons pas de cadeau fiscal aux entreprises du médicament. Dans notre pays, il n'y a pas beaucoup de secteurs industriels dont on plafonne par avance, à un certain niveau, l'évolution du chiffre d'affaires ! Dans la mesure où la demande de médicaments est solvabilisée par la sécurité sociale, donc par la solidarité nationale, on s'est permis d'instaurer une clause régulatrice qui n'existe pas ailleurs.
Ce n'est pas du tout un cadeau fiscal : on applique simplement une règle complexe dite de rebasage-débasage par rapport au chiffre d'affaires réalisé l'année précédente, compte tenu des ristournes et remises consenties entre distributeurs, grossistes-répartiteurs, pharmaciens, etc. Avec le taux que nous avions prévu l'année dernière pour la clause de sauvegarde, nous privions presque totalement l'industrie pharmaceutique du fruit de l'évolution de son chiffre d'affaires, alors même que la population et les besoins en médicaments augmentent.
L'industrie pharmaceutique contribue chaque année à hauteur de 1 milliard d'euros à « l'effort de guerre » de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, alors qu'elle ne pèse pas pour une part équivalente dans ces dépenses. Ce n'est pas du tout un cadeau fiscal, ni un renoncement à réguler les mauvais comportements, s'ils existent, de patrons de grandes entreprises. Nous considérons seulement qu'il n'est pas bon de fixer un plafond trop bas.
Pour éviter un débat comme celui-ci tous les ans, il serait intéressant de déterminer l'évolution du chiffre d'affaires non pas en pourcentage, mais en euros. Nous serions ainsi moins sensibles à la manière dont les règles complexes de basage-rebasage s'appliquent d'une année sur l'autre.
J'émets un avis défavorable sur les amendements.
L'article 4 est adopté.
L'article 5 est adopté.
Dans le domaine de la santé, l'année 2019 a été marquée par un mouvement social sans précédent, qui a dénoncé l'austérité dans laquelle les médecins, les infirmiers et infirmières, les aides soignants et aides soignantes sont contraints de travailler. Cela touche toutes les branches, les soins pratiqués en ville étant eux aussi en tension, notamment dans les zones sous-denses.
Faute de pouvoir se soigner en consultant leur médecin, les patients et les patientes se rendent à l'hôpital. Dès lors, les urgences doivent faire face à un afflux inouï. Cette situation de tension, que l'on retrouve aussi dans les EHPAD et les services pour personnes en situation de handicap, est le fruit d'une politique austéritaire et de la pression exercée sur les finances de la sécurité sociale. Il est fondamental de repenser intégralement ce système.
Au regard des enjeux, les propositions faites dans le cadre du présent PLFSS sont scandaleuses. La France insoumise demande la suppression de l'ONDAM, qui favorise cette politique austéritaire.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous refusons de valider la rectification de l'ONDAM. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 6.
La présentation de cet amendement de suppression est pour moi l'occasion de faire un commentaire sur l'ONDAM.
Tout d'abord, il est nécessaire de réformer l'ONDAM, car il ne dit rien de l'évolution de l'offre de soins l'année suivante, ni de celle de la charge de travail du personnel hospitalier ou de celle des rémunérations ; on ignore si le niveau d'investissement sera suffisant ou non pour permettre au personnel d'accomplir les missions qui lui sont assignées. Pour l'éducation nationale, nous disposons de toutes ces informations ; pour le domaine de la santé, nous n'en avons aucune, et cela manque.
Un plan de plusieurs centaines de millions d'euros avait été annoncé, notamment en faveur des urgences. Or il ressort de la deuxième circulaire tarifaire, que j'ai examinée, qu'il n'y a pas de crédits nouveaux pour les hôpitaux ; il n'y a que des dégels de crédits.
Compte tenu de l'évolution naturelle de la masse salariale et de l'augmentation moyenne du nombre d'actes au cours des trois dernières années – en raison de l'accroissement de la population et de son vieillissement, mais aussi de la prise en charge de nouvelles pathologies grâce aux progrès de la médecine – , nous avons besoin d'un ONDAM substantiellement plus élevé que celui que vous nous proposez dans le PLFSS pour 2020.
Dans la mesure où les moyens annoncés ne sont pas des moyens supplémentaires et où l'ONDAM ne dit rien de ce que vivent les personnels, nous proposons la suppression de l'article 6.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 323 .
Nous pensons nous aussi que l'ONDAM est un outil inadapté pour faire face aux enjeux. Nous avons eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises.
En l'espèce, on nous propose de valider l'ONDAM pour 2019, alors que son application a aggravé la situation jusqu'au point où nous sommes arrivés aujourd'hui : un mouvement social considérable, voire sans précédent, dans le secteur hospitalier. Il n'est pas sérieux de nous demander de valider ce qui a contribué à faire déborder le vase.
Vous allez évidemment nous répondre qu'il est aujourd'hui trop tard pour corriger le tir. Pour notre part, nous pensons qu'il n'est jamais trop tard et que l'on peut toujours améliorer ce qui a été décidé l'année dernière. En tout cas, nous ne souhaitons pas valider l'ONDAM pour 2019.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements de suppression ?
Il est défavorable. Vous avez raison de rappeler, monsieur Dharréville, que leur adoption n'aurait aucune conséquence : ce serait une décision posthume, un retour vers le futur… Le temps que le texte soit promulgué, l'ONDAM aura été intégralement consommé, et nous serons passés à l'année suivante.
L'ONDAM est respecté depuis que les pouvoirs publics ont décidé qu'il était responsable de le respecter. Auparavant, on votait des ONDAM élevés, progressant de 5, 6 ou 7 % ; on disait que c'était formidable, car on donnait de l'argent à l'hôpital. Toutefois, ces années-là, le trou de la sécurité sociale se creusait de manière monumentale. Ainsi, la dernière fois que l'ONDAM a augmenté de plus de 5 %, le déficit de la sécurité sociale s'est creusé de 24 milliards d'euros en une seule année. Et à qui laissait-on cette dette ? Aux générations suivantes.
Nous avons commencé à rembourser la dette de la sécurité sociale en 2010. L'effort engagé à cette date – saluons ceux qui nous ont précédés – a été poursuivi, voire amplifié au cours du quinquennat précédent. Exerçant successivement les responsabilités, la droite et la gauche ont décidé qu'il était temps d'en finir avec des budgets inapplicables et non appliqués qui creusaient le déficit au détriment des générations futures.
Nous restons dans cette logique responsable de remboursement de la dette sociale grâce à la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale. Normalement, cette dette sera totalement soldée d'ici à 2024.
Les ONDAM votés sont désormais systématiquement respectés, année après année. Cela ne signifie pas qu'ils sont suffisants, mais il ne faut pas croire qu'il y a eu, il y a dix ans, une rupture du point de vue budgétaire, que l'on a décidé tout à coup de couper les vivres. Auparavant, nous creusions la dette ; désormais, nous la soldons, et nous pouvons envisager l'avenir en sachant que notre système de protection sociale est solide dans la durée.
L'article 6 est adopté.
Je mets aux voix l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
L'ensemble de la deuxième partie du projet de loi est adopté.
Nous abordons maintenant la troisième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre de la sécurité sociale pour l'exercice 2020.
L'article 7 tend à reconduire la « prime Macron » instaurée au mois de décembre dernier dans le cadre du projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales. Les entreprises peuvent ainsi verser à leurs salariés recevant moins de 3 600 euros par mois une prime allant jusqu'à 1 000 euros, qui n'est soumise ni aux prélèvements sociaux ni à l'impôt.
Toutefois, vous nous proposez à l'article 7 de soumettre la reconduction de la prime à la mise en oeuvre d'un accord d'intéressement, ce qui risque évidemment de réduire le nombre de salariés bénéficiaires. Cela amoindrirait considérablement la portée de la mesure décidée l'année dernière en pleine crise des gilets jaunes. En d'autres termes, en pleine crise, vous tentez d'éteindre le feu, mais, quelques mois plus tard, vous revenez en arrière. Je laisse ceux qui envisagent de manifester le 5 décembre apprécier cette décision.
En première lecture, la majorité avait adopté, en accord avec le Gouvernement, un amendement dont la rédaction laissait quelque peu à désirer. Cette disposition a été corrigée par le Sénat, qui a introduit une exception en faveur des établissements et services d'aide par le travail – ESAT – et des associations. L'amendement du Sénat a été repris par le rapporteur général, ce qui a clarifié un peu les choses.
Néanmoins, la condition relative à l'accord d'intéressement risque de compromettre le versement de la prime à un grand nombre de salariés. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera contre l'article 7.
Je suis saisi de cinq amendements, nos 98 , 185 , 99 , 186 et 190 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 98 et 185 sont identiques, de même que les amendements nos 99 , 186 et 190 .
Sur les amendements identiques nos 98 et 185 , je suis saisi par le groupe UDI, Agir et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l'amendement no 98 .
Je défendrai par la même occasion l'amendement no 99 , dont le dispositif est identique, à ceci près qu'il prévoit un seuil différent.
En cohérence avec les explications de vote de notre groupe en première lecture et mon intervention au cours de la discussion générale tout à l'heure, nous vous proposons de revenir, pour les entreprises de moins de onze salariés, sur l'obligation de mettre en oeuvre un accord d'intéressement.
Les échanges que nous avons pu avoir sur le terrain, les uns et les autres, depuis le vote de cette disposition en première lecture révèlent que les entreprises de deux à onze salariés auront de grandes difficultés à proposer un mécanisme d'intéressement, nonobstant les simplifications décidées par le ministère de l'action et des comptes publics, qui propose une sorte de kit de l'intéressement, avec un formulaire à télécharger. Des TPE et PME m'ont fait part de telles difficultés.
L'application de la mesure reviendrait à exclure de fait les salariés de ces entreprises du bénéfice de la prime exceptionnelle, à laquelle nous avions souscrit. On peut même considérer qu'il y aura une rupture d'égalité entre les salariés qui ne pourront plus accéder à cette prime et ceux qui continueront à la toucher car leur entreprise propose déjà un mécanisme d'intéressement.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 185 .
Je ne vous voyais plus, mon cher collègue, car vous avez changé de place…
Notre groupe ne dispose toujours pas d'un emplacement au sein de l'hémicycle. Je me suis simplement rapproché de ma place en vue de participer au scrutin public, monsieur le président.
L'article 7 tend à conditionner le versement de la prime exceptionnelle à la mise en oeuvre d'un accord d'intéressement au sein de l'entreprise. Le présent amendement vise à supprimer cette obligation pour les entreprises de moins de onze salariés.
Nous craignons en effet que les salariés des petites entreprises soient exclus, une fois de plus, d'un dispositif de soutien au pouvoir d'achat. Une telle restriction nous paraît inappropriée.
Un premier bilan, établi au mois de mars dernier par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS – , montre que 29,8 % des entreprises de plus de 2 000 salariés ont versé une prime, contre 9,7 % des entreprises de moins de 10 salariés.
S'agissant du principe, nous partageons la volonté d'encourager l'instauration d'accords d'intéressement au sein des entreprises, car nous comprenons la visée sous-jacente et louable de partage de la valeur entre employeurs et salariés. Néanmoins, l'objectif premier demeure le soutien au pouvoir d'achat ; or l'existence d'une condition d'accord d'intéressement préalable restreint fortement ce soutien. Les employeurs des petites structures ne sont pas suffisamment encouragés dans ce sens.
Dans la discussion commune, nous en venons à l'examen des trois amendements identiques, nos 99 , 186 et 190 .
Sur ces trois amendements, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 99 de M. Paul Christophe a été défendu en même temps que l'amendement no 98 .
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 186 .
Comme je l'ai expliqué lors de mon intervention sur l'article, nous souhaitons que le versement de la prime exceptionnelle connaisse la même ampleur en 2020 qu'en 2019. Pour y parvenir, nous proposons de permettre aux entreprises de moins de cinquante salariés de la verser sans avoir mis en oeuvre un accord d'intéressement. Une telle condition réduirait en effet considérablement la portée de la mesure.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements en discussion commune ?
Avis défavorable. Le débat a déjà eu lieu en première lecture, et nous avons d'ailleurs adopté des amendements visant à affranchir de l'obligation de mettre en place un accord d'intéressement les fondations non lucratives et les associations. Je soutiendrai ultérieurement l'amendement no 134 qui fait de même pour les ESAT.
Je citerai deux chiffres : les entreprises de moins de dix salariés sont à l'initiative de la distribution de la prime moyenne la plus élevée – 543 euros pour les mois de décembre 2018 et janvier 2019 ; seules 13 % des entreprises de dix salariés et moins ont mis en place un accord d'intéressement.
Il est dans l'intérêt des salariés que de tels accords puissent être signés, dans le prolongement de la loi 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite PACTE – plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises. Des mesures de simplification leur sont donc proposées : un kit clés en main, un accord d'intéressement valable un an au lieu de trois, et toute une série d'autres dispositifs dans le même esprit. L'idée est que tous les salariés de toutes les entreprises de France puissent demain bénéficier d'un accord d'intéressement : cela représente plus de pouvoir d'achat et une meilleure participation à la vie de l'entreprise. Ces mesures vont dans le bon sens.
Une fois n'est pas coutume, je ne partage pas l'opinion de M. Christophe, non plus que son argumentaire. Il ne repose pas sur une opposition à une bonne répartition entre le capital et le travail – laquelle ne serait pas cohérente avec vos principes, ni avec ceux de la famille gaulliste en général, ou de ce qu'il en reste. En l'espèce, une telle opposition reviendrait à vouloir favoriser le capital ; ce n'est pas la solution que vous prônez puisque je pense que chacun de vous est impliqué pour une juste répartition entre capital et travail, que ce soit grâce aux procédures d'intéressement, telles qu'elles ont été définies par la loi PACTE, ou grâce à l'exonération du forfait social.
Le Gouvernement et la majorité ont bien davantage oeuvré en ce sens que tous les gouvernements précédents, notamment, me semble-t-il, grâce à une action très intéressante pour forcer une meilleure répartition entre le capital et le travail.
Si en revanche votre proposition vise la simplification, sachez que nous sommes déjà au rendez-vous, notamment pour les petites entreprises. Le ministre de l'économie s'y est engagé : rien n'est plus simple désormais que suivre la procédure ; on y parvient en quelques clics, qu'on soit une boulangerie, un restaurant, une TPE.
Je suis élu comme vous, je me suis renseigné également : les entreprises de taille modeste, qui sont majoritaires en France, ne rencontrent aucun problème. Il n'y a aucune raison pour que l'apprenti boulanger ou la serveuse de restaurant ne participe pas à l'intéressement au capital, à la répartition entre le capital et le travail, au même titre qu'un employé de Michelin ou d'Auchan.
Votre argument me gêne donc, parce que la simplification est évidente ; chacun peut suivre les démarches en quelques clics – vous pouvez le faire depuis votre banc, monsieur Lurton. Je sais que vous n'êtes pas concerné, et je sais, en tout cas, que M. Christophe ne l'est pas non plus, mais si l'intention est de lutter contre une meilleure répartition entre capital et travail grâce à l'intéressement, comme le veut la philosophie de la loi PACTE, l'argument n'est de fait pas recevable.
Je suis fier d'appartenir à un Gouvernement qui défend cette vieille idée ; je suis fier que la majorité la soutienne, y compris pour les plus petites entreprises. La condition pour y parvenir était la simplification des procédures, mais il paraît normal que la prime soit subordonnée à l'intéressement, sinon il y aurait un pur effet d'aubaine qui ne serait pas acceptable.
J'estime que l'Assemblée doit rejeter ces amendements, car il n'y a aucune raison qu'on prive l'apprenti boulanger et la serveuse de restaurant de la prime proposée par le Président de la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'an dernier, monsieur le ministre, les parlementaires pouvaient-ils, oui ou non, donner une prime à leurs collaborateurs ? Oui. Beaucoup l'ont fait. Mais cette année, ils ne pourront pas le faire : les collaborateurs ne vont pas signer un accord d'intéressement avec leur parlementaire. Vous créez donc bien déjà, de fait, une situation dans laquelle certains pourront bénéficier de la prime et d'autres pas.
Vous n'êtes pas encore une PME, monsieur Door !
Sourires.
J'avoue que je m'abstiendrai sur ces amendements. J'estime qu'une entreprise de onze salariés doit tout de même être distinguée d'une entreprise de cinquante salariés ; leur démarche n'est pas la même. Tous les trois ans, des mesures permettant de souscrire au capital des sociétés sont votées en faveur de l'intéressement : on constate que ça ne marche pas. Nous sommes en train de bâtir une usine à gaz.
Pour ces entreprises, ce serait un gage de simplification de permettre le versement de cette prime sans condition – même si la déclaration de l'accord est simplifiée sur internet. La démarche de l'intéressement et de l'association des employés au capital est particulière. Les entreprises artisanales le montrent bien : d'autres critères sont en jeu. Je trouve dommage de compliquer les choses : la prime est bonne pour tout le monde, les petites comme les grandes entreprises.
Je comprends qu'il existe des réalités budgétaires et que vous avez le souci d'éviter les effets d'aubaine. Néanmoins nous devrions regarder objectivement ce qui distingue une petite entreprise d'une entreprise de plus de cinquante salariés : ce n'est pas la même chose.
La loi PACTE allait dans le bon sens, nous avons voté de bonnes mesures. Il ne faut pas s'arrêter en chemin. Il faut parfois savoir se lâcher un peu !
Mme Jeanine Dubié applaudit.
Merci, monsieur le président, de laisser notre voix s'exprimer. Comme je l'ai dit tout à l'heure à propos de la prime que vous proposez pour les soignants, la vraie question est celle de l'augmentation des salaires. C'est une demande de plus en plus relayée par les organisations syndicales, mais aussi par différentes forces politiques, y compris dans votre majorité, où certains estiment que le capital devrait participer davantage à l'effort, et le travail être mieux rémunéré.
Or les augmentations que vous proposez par l'intermédiaire de primes sont ponctuelles – c'est one shot, comme on dit. De plus, les primes ne participent pas aux cotisations pour le système de retraites puisqu'elles sont désocialisées. Ce ne sont pas des hausses de salaires, mais des primes distribuées selon le bon vouloir des chefs d'entreprise. Cela ne satisfait pas aux exigences qui devraient être celles de notre pays en matière de rémunération du travail ; ce n'est pas à la hauteur des efforts à fournir.
Vous évoquez des mesures « gilets jaunes », vous les présentez comme des réponses à leurs demandes ; mais jamais ils n'ont demandé de primes : ils ont toujours demandé des hausses de salaires.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 47
Nombre de suffrages exprimés 43
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 13
Contre 30
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 41
Nombre de suffrages exprimés 39
Majorité absolue 20
Pour l'adoption 13
Contre 26
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 134 de la commission des affaires sociales.
Un amendement similaire a été présenté au Sénat par Mme Véronique Guillotin. Il vise à exonérer les ESAT, lesquels ne versent que très marginalement des primes à l'intéressement, des conditions préalables au bénéfice de l'exonération sociale. Il s'agit de verser des primes au plus grand nombre possible de travailleurs en situation de handicap.
L'amendement no 134 , accepté par le Gouvernement, modifié par la suppression des gages, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 135 de la commission des affaires sociales.
Il est favorable. Cet amendement m'offre l'occasion d'apporter une précision importante, que je vais développer à la faveur de la demande unanime de l'Assemblée.
Sourires.
Le Gouvernement est favorable à une disposition qui dispense certaines associations à but non lucratif de l'instauration d'un accord d'intéressement pour bénéficier de l'exonération. Toutefois, à l'inverse de l'objectif recherché, l'amendement tel qu'il est rédigé pourrait être interprété comme excluant les associations du droit de verser la prime.
Par ailleurs, et c'est là que le point est d'importance…
« Y'a pas d'hélice, hélas ! C'est là qu'est l'os »
Sourires.
Je vois, monsieur Roussel, que vous connaissez les grands classiques, de Karl Marx à Louis de Funès : je savais que Pif Gadget permettait aux hommes de la place du colonel Fabien… Roussel d'avoir de la culture.
Mêmes mouvements.
Cet amendement me permet de préciser certaines conditions dans lesquelles les entreprises peuvent bénéficier de l'exonération. L'article prévoit qu'elles doivent être couvertes par un accord d'intéressement le jour du versement de la prime – condition nécessaire pour sécuriser le bénéfice de l'exonération. Toutefois, afin de ne pas retarder le versement des primes exceptionnelles, les entreprises dont l'accord vient d'expirer, mais qui sont engagées dans des négociations afin de le renouveler, peuvent verser la prime ; il faudra bien évidemment qu'un accord couvrant la période du versement soit valablement conclu et déposé.
J'espère avoir ainsi précisé la volonté du législateur. Chacun est à même de vérifier qu'il n'y aura d'effet de bord ni pour ceux qui toucheront la prime ni pour ceux qui étaient couverts par un accord d'intéressement : parmi les salariés ou les personnels concernés, nul ne sera confronté à un vide juridique.
Si l'amendement est adopté, il n'y aura pas lieu de modifier la loi. Grâce aux explications que je viens de donner et au compte rendu qui en fait foi, il n'y aura pas – si je puis m'exprimer ainsi – le moindre trou dans la raquette.
L'amendement no 135 , accepté par le Gouvernement, modifié par la suppression des gages, est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 211 et 325 .
Sur ces amendements identiques nos 211 et 325 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l'amendement no 211 .
Celui-ci vise à rétablir les cotisations et contributions sociales sur la prime exceptionnelle. J'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer : une désocialisation de la prime sans compensation équivaut à une baisse du salaire, alors même que le Gouvernement prétend vouloir augmenter le pouvoir d'achat des Français.
De plus, la désocialisation de la prime entraîne une perte de recettes pour la protection sociale, perte qu'il importe de compenser.
Enfin, les éléments d'évaluation assez bien établis dont nous disposons montrent que le versement de la prime s'est traduit, au premier trimestre de 2019, par une baisse de la masse salariale, qui connaissait préalablement une augmentation continue – preuve que les employeurs ont très largement substitué le versement de la prime à une augmentation des salaires. Cet effet de substitution – ou d'aubaine – nous amène à douter du bien-fondé de cette prime.
À amendement identique, arguments identiques. Comme quoi, les députés des groupes SOC et GDR arrivent à refaire le programme en commun pour défendre les salariés et le monde du travail !
Sourires.
Quand il est question de cotisations et de salaires, nous parlons de la même voix. D'ailleurs, la dernière hausse importante du SMIC – une hausse de 10 % – remonte à 1981, ce qui prouve que nous avons fait de bonnes choses quand nous étions ensemble au pouvoir.
Au nom des principes rappelés par M. Vallaud, nous proposons de resocialiser la prime exceptionnelle, à défaut d'obtenir une augmentation des salaires.
L'adoption des amendements permettra en outre de financer notre système de retraite. Autant dire qu'ils sont d'actualité.
Cela n'étonnera personne, mais il apparaît qu'il vous est plus facile de vous mettre d'accord quand vous vous retrouvez dans l'opposition que quand vous êtes dans la majorité. Il est beaucoup plus facile de témoigner de bonnes intentions quand on n'est pas aux responsabilités !
Sourires.
En 2019, la prime exceptionnelle, qui a concerné cinq millions de salariés travaillant dans plus de 400 000 établissements, a permis de répartir un montant de plus de 2 milliards d'euros. On ne peut donc pas nier qu'elle ait eu un effet majeur sur le pouvoir d'achat des Français.
Je vous rappelle ma réponse en première lecture : nous allons évaluer les conséquences de la prime. A-t-elle créé un effet d'aubaine ? A-t-elle eu un impact réel, dans la durée, sur la masse salariale ? Observe-t-on une perte des cotisations pour la sécurité sociale ? Attendons les chiffres qui tomberont au printemps. Ils nous sauteront au visage, si je puis dire. L'an prochain, nous serons à même de dresser un bilan.
J'émets un avis défavorable sur les amendements identiques.
Monsieur le rapporteur général, la commission a procédé à plusieurs auditions auxquelles vous avez assisté comme moi. Elles permettent de dresser un bilan assez clair des effets de la prime exceptionnelle, bilan que je vous ai présenté.
J'insiste sur un autre point : M. Roussel a rappelé l'importance de financer notre système de retraite. Si le Gouvernement creuse artificiellement son déficit, il pourra difficilement l'invoquer ensuite pour justifier des mesures d'économies…
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 48
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 6
Contre 42
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l'amendement no 518 .
Je me fais le porte-parole de Thierry Benoit, premier signataire de l'amendement, qui vise à appeler votre attention sur l'importance d'augmenter le pouvoir d'achat des indépendants.
L'amendement no 518 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 108 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 7, amendé, est adopté.
Le respect de la dignité humaine n'est pas une valeur accessoire. Pourtant, du fait de l'hyperfinanciarisation de notre système économique, les salariés paraissent n'être plus que des variables d'ajustement dans les comptes des actionnaires. En raison de mauvaises conditions de travail, de la faiblesse de la rémunération ou de pratiques managériales agressives, de nombreuses entreprises connaissent un turn-over important.
Quand ce turn-over est excessif, il est justifié d'imposer aux sociétés un malus sur les cotisations patronales, ce qui permettrait de compenser financièrement les effets d'une prise en charge des salariés en souffrance.
En revanche, l'instauration d'un système de bonus semble déplacée : si les entreprises fautives doivent être sanctionnées, celles qui respectent les règles n'ont pas à être récompensées. Dans le domaine de la sécurité routière, le Gouvernement prévoit-il, suivant le même raisonnement, de récompenser financièrement les conducteurs n'ayant pas reçu de contravention depuis un an ? Assurément non.
Nous proposons par conséquent de maintenir le malus pour les entreprises fautives, mais de supprimer le bonus pour celles qui ne font que respecter les règles et traitent humainement leurs salariés.
Aux termes de l'article 8, la réduction générale de cotisations sociales que perçoit un employeur sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC s'appliquera sans tenir compte de l'effet du bonus-malus sur la cotisation patronale chômage instaurée dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage.
Si l'instauration d'un malus est justifiée pour sanctionner les employeurs qui licencient massivement, le versement d'un bonus ne nous semble pas justifié. Nous proposons donc par cet amendement de ne conserver que le malus sur la cotisation chômage pour sanctionner les employeurs défaillants.
Avis défavorable. Nous voulons utiliser la carotte et le bâton ; vous préférez le bâton et le bâton.
Ils préfèrent surtout la faucille et le marteau !
Sourires.
Le bonus récompense les entreprises vertueuses, qui recourent peu aux contrats courts et qui ont amélioré leurs pratiques et leurs process. Le Gouvernement comme la majorité souhaite les encourager.
L'amendement no 110 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous proposons de fixer un plafond, pour éviter les effets de bord que nous avons plusieurs fois mentionnés. Il serait préjudiciable que la sécurité sociale, compte tenu de sa situation et du contexte actuel, devienne débitrice de certaines entreprises vertueuses.
L'amendement no 212 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 416 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 8, amendé, est adopté.
L'article 8 bis est adopté.
Nous avons adopté en première lecture un amendement aux termes duquel des travailleurs indépendants saisonniers, moniteurs de ski, guides, accompagnateurs, pourront cotiser non plus de manière forfaitaire, mais à due proportion de leur activité, ce qui permettra à des doubles actifs, retraités ou étudiants, de renforcer les effectifs existants, en cas de pointe d'activité, notamment pendant les vacances scolaires. Or, l'amendement no 349 qui sera appelé dans l'instant, tend à revenir sur cette avancée majeure, particulièrement importante pour le monde du tourisme.
Que se passera-t-il si cet amendement est adopté ? On dissuadera ces personnes de travailler, on manquera de personnel, on refusera des clients, on les mécontentera, après quoi ils partiront probablement en vacances à l'étranger, ce que je ne crois pas être notre objectif. En outre, on constatera sans doute du travail dissimulé. On fera aussi appel à des moniteurs étrangers, qui ne paieront pas de cotisations. Enfin, pour les personnels concernés s'ils ne sont pas dissuadés, notamment les étudiants ou les retraités aux pensions modestes, l'adoption de l'amendement induira une perte de recettes, ce qui constituera un non-sens social.
Le Gouvernement s'était engagé à travailler la question l'an dernier. Or, jusqu'à cet instant, il n'en a rien été. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que la mesure concerne quelques milliers de personnes, qui peuvent faire le bonheur de dizaines ou de centaines de milliers, voire de millions de touristes dans notre pays.
Applaudissements sur plusieurs bancs.
La parole est à M. Julien Borowczyk, pour soutenir l'amendement no 349 .
L'amendement vient de faire l'objet d'un formidable teasing ! Si l'on supprime l'article adopté en première lecture, comme nous le proposons, on reviendra au système qui s'applique actuellement, et qui n'a jamais empêché le tourisme.
Nous n'ignorons pas cependant le problème qui se pose dans ce secteur. On cite souvent l'exemple des moniteurs de ski. J'ai moi-même une station dans ma circonscription. Il faut croire que je n'ai pas suivi leurs cours assez longtemps, puisque je n'ai pu obtenir qu'une étoile…
Sourires.
La difficulté est que le champ de l'article, qui est très large, ne se limite pas, à beaucoup près, à leur profession, de sorte qu'on risque de créer des iniquités dans de nombreux secteurs professionnels. J'ajoute que l'activité saisonnière est difficile à déterminer.
C'est pourquoi je vous propose, par cet amendement, de supprimer l'article, et de prendre l'engagement de travailler sur la situation spécifique des moniteurs de ski dans le cadre de la réforme des retraites.
La situation des moniteurs de ski est le « marronnier » de l'hiver ! Nous en parlons chaque année depuis huit ou neuf ans. D'ailleurs, en première lecture, nous avons déjà débattu des dispositifs fiscaux complexes inhérents à cette profession, dont les frais professionnels peuvent être très supérieurs à la part déductible dans un régime de micro-entrepreneurs.
Chaque année, on appelle à faire évoluer le dispositif et, chaque année, j'émets un avis défavorable à tous les amendements déposés en ce sens par mes collègues et amis de la montagne. Élu à Grenoble, vous imaginez bien que ma circonscription compte quelques stations de ski.
Je suis très conscient de la complexité du dispositif actuel : un étudiant qui souhaite consacrer deux semaines de vacances à enseigner le ski se trouve contraint de cotiser à un système complexe, pas nécessairement favorable, même s'il ne perçoit guère plus de 4 000 euros par an et que, pour commencer la saison, il doit verser des frais professionnels pouvant excéder l'ensemble de ses gains !
Je parle sans passion, car, en première lecture, j'ai appelé à voter contre le Gouvernement. Pour l'heure, je vous ferai une réponse de forme : en première lecture, nous avons été battus par des députés qui, à mon sens, étaient informés des dispositifs proposés. Par loyauté, lorsqu'elle s'est réunie au titre de l'article 88 du règlement, la commission a rejeté l'amendement de suppression. Je m'en tiens à cette décision.
Je partage votre avis, monsieur Borowczyk, mais le débat a eu lieu en première lecture, et l'Assemblée nationale, dans sa grande sagesse, a tranché.
Oui, monsieur le président, la commission a repoussé cet amendement, lorsqu'elle s'est réunie au titre de l'article 88.
L'idée n'est pas mauvaise, mais son application poserait problème, M. Borowczyk n'a pas tort. Arrêtons-nous quelques instants sur ce point, la discussion est intéressante.
Monsieur le député Rolland, le dispositif concerne surtout les moniteurs de ski, mais pas uniquement, puisque la mesure porte sur l'ensemble des travailleurs indépendants saisonniers.
Même s'il n'y a pas de station de ski dans la circonscription qui m'avait élu – le Mont d'Halluin n'en compte pas – , je suis un ami de la montagne, comme beaucoup dans cet hémicycle. Cela n'empêche pas de faire de la bonne légistique.
La difficulté porte sur la définition des « activités accessoires ». Depuis des années, c'est vrai, le Gouvernement et le rapporteur général repoussent à l'année suivante une mesure sur ce point, parce que la question est compliquée. Or il se trouve qu'un projet de loi portant sur les retraites sera examiné dans quatre mois et demi. Les cotisations seront alors remises à jour.
Si, puisqu'il s'agit de cotisations de retraites.
Le problème est que personne ne sait quel sera le contenu du projet de loi portant sur les retraites.
Monsieur Dumont, lors de l'examen du projet de loi sur les retraites, nous avons de grande chance de parler des retraites, et notamment des cotisations de retraite. Je crois même avoir une certitude en la matière.
Sourires.
Le Gouvernement donne un avis favorable sur l'amendement. Il repose sur le constat que l'expression « activités accessoires » n'est pas opératoire aujourd'hui. Cela étant, le Parlement fera ce qu'il souhaite faire.
Par ailleurs, je vous rappelle, monsieur Rolland, vous qui appartenez au groupe Les Républicains, que si le Sénat avait accepté de discuter du PLFSS, il aurait pu amender cet article, voire l'adopter tel quel. Il ne l'a pas fait. Comme quoi, il est parfois bon de débattre et d'adopter les textes. En ne le faisant pas, on peut aussi desservir ses propres intérêts.
Il appartient désormais à l'Assemblée de trancher. Je le répète : le Gouvernement est favorable au projet sur le fond, mais pas sur la forme, puisque la définition d'une activité accessoire pose problème, et que le dispositif ne concerne pas uniquement les amis de montagne. Le Gouvernement est favorable à l'amendement.
Mes chers collègues, vous connaissez le règlement, seules deux prises de parole sont autorisées pour chaque amendement. Trois mains se sont levées presque au même moment tout à l'heure, j'autoriserai donc seulement trois prises de paroles, celles de Mme Émilie Bonnivard, puis de M. Boris Vallaud et de M. Joël Giraud.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard.
En première lecture, les députés de tous les bancs se sont accordés pour mettre fin à une iniquité, qui ne date que de 2016, je tiens à le préciser. Des travailleurs indépendants occasionnels, qui n'exercent qu'une ou deux semaines par an, en tant que moniteurs de ski et guides de montagne par exemple, en plus de leur activité principale, en renfort, lors des périodes de vacances payent une cotisation de retraite forfaitaire d'un montant de 500 euros. Cela ne leur ouvre pas de droits supplémentaires, puisqu'ils versent déjà des cotisations au titre de leur activité principale. C'est une injustice.
Si, après avoir travaillé une semaine en renfort et gagné 900 euros, vous devez vous acquitter d'une somme de 500 euros, autant choisir de ne pas travailler. C'est un vrai problème pour les stations de ski, et pour toute l'activité en zone de montagne, comme l'a souligné mon collègue Vincent Rolland.
L'article 8 ter n'instaure aucune iniquité envers les travailleurs indépendants exerçant leur activité à titre principal. En effet, il prévoit que la cotisation soit proportionnelle au revenu, à partir du premier euro.
J'ajoute que le dispositif concerne très peu de personnes, uniquement les travailleurs indépendants travaillant une à deux semaines dans l'année en plus de leur activité principale, ou des retraités. Des médecins seraient certes potentiellement concernés, mais non les travailleurs occasionnels saisonniers, qui sont essentiellement salariés – je pense au cas des exploitations viticoles. La population concernée est très circonscrite.
À quelques semaines de l'ouverture de la saison, tout le monde était très heureux de cette belle avancée…
Ne revenez pas sur cette mesure, monsieur le ministre, je vous en conjure !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je ne reviendrai pas sur le détail des dispositions adoptées en première lecture. Elles sont soumises de nouveau à notre examen parce que le Sénat a rejeté en bloc le PLFSS pour 2020. Sans cela, monsieur Borowcsyk, en vertu de la règle de l'entonnoir, vous n'auriez pas pu déposer votre amendement, qui répond à une demande du Gouvernement et dont vous êtes le seul signataire.
Un débat a eu lieu lors de la première lecture. Ce n'était pas le premier – M. le rapporteur général a même parlé de marronnier. En effet, chaque année depuis trois ans, la disposition est débattue avec beaucoup de précision et de rigueur. Il ne s'agit pas d'exonérer de cotisations, mais de les calculer au prorata du temps de travail, afin de remplacer un forfait dont le montant est absolument dissuasif.
C'est une question de loyauté envers le Parlement. L'auteur de l'amendement devrait le retirer, par respect pour le débat qui a eu lieu en première lecture.
Mon propos va dans le même sens que celui de M. Vallaud. Je fais partie de ceux qui ont voté en faveur de l'amendement qui a permis d'introduire l'article 8 ter dans le PLFSS en première lecture. Pourquoi ce vote ? Cela a déjà été expliqué, mais je le répète : actuellement, alors que certains ne travaillent que quelques jours, ils doivent s'acquitter d'une cotisation forfaitaire, dont le montant dépasse le revenu qu'ils tirent de leur travail. L'article 8 ter permet d'en revenir à un système de cotisation à due proportion, comme vient de le rappeler M. Vallaud. C'est le seul qui me semble légitime pour ce type d'activité.
Des territoires entiers vivent sous un régime de saisonnalité, c'est ainsi. Près de 99 % des travailleurs saisonniers sont des salariés, mais 1 % sont des travailleurs indépendants ; actuellement, les salariés saisonniers ont des droits, les travailleurs indépendants, non. C'est la raison pour laquelle l'amendement avait été adopté à une large majorité par des députés siégeant sur tous les bancs de l'hémicycle – ce n'était pas seulement le résultat d'un lobbying.
Monsieur le ministre, vous dites que la définition du « caractère accessoire » de l'activité pose problème. Elle est pourtant précise : est accessoire une activité dont les revenus sont inférieurs au premier échelon, c'est-à-dire au seuil de 4 659 euros par an.
De même, le caractère saisonnier est défini en droit. Sans cela, les contrats à durée déterminée saisonniers n'existeraient pas. Il est donc clair qu'en droit l'article « tourne » parfaitement.
Et puis, je ne veux pas remettre de l'huile de palme sur le feu, mais, sur la forme, faire entrer par la fenêtre une disposition qu'une assemblée souveraine a fait sortir par la porte, cela me pose un problème.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe MODEM. – M. Benoit Potterie applaudit également.
Madame Dubié, monsieur Roussel, je l'ai déjà dit : les nouvelles demandes de prise de parole sur cet amendement sont nombreuses, mais, par respect du règlement du Parlement, je ne peux y accéder.
L'amendement no 349 n'est pas adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC.
L'article 8 ter est adopté.
La parole est à Mme Stéphanie Atger, pour soutenir l'amendement no 96 .
Dans leur rapport d'information intitulé « La filière audiovisuelle : source d'opportunité et de visibilité pour les outre-mer », rédigé au nom de la délégation aux outre-mer de notre assemblée, mes collègues de Polynésie française, Maina Sage, et de Saint-Pierre-et-Miquelon, Stéphane Claireaux, ont clairement identifié et démontré quels étaient les atouts des territoires ultramarins pour le tournage de fictions ou de documentaires, qu'il s'agisse de leur richesse scénographique, de leur potentiel narratif, ou de leur diversité naturelle et culturelle.
Sous l'impulsion des régions, les productions audiovisuelles connaissent un élan. Le développement de la filière donne de la visibilité et crée des emplois. Il fait du bien à nos économies tout en participant au rayonnement culturel de cette autre France que sont les outre-mer, dans nos bassins géographiques respectifs, mais aussi à l'échelle nationale et internationale.
Cette dynamique prometteuse reste cependant fragile. Le coût du travail en outre-mer pèse lourdement sur les productions et freine le développement et l'épanouissement d'un secteur pourtant plein d'avenir. Afin de conforter l'attractivité des territoires ultramarins comme terre de tournage, l'amendement vise à réintégrer le secteur de la production audiovisuelle dans le dispositif « compétitivité renforcée » des barèmes d'exonération instaurés par la LODEOM, à l'instar de ce qui a été voté pour la presse en première lecture du PLFSS.
Un effort a été consenti en première lecture, s'agissant des dispositifs d'exonération du régime prévu par la LODEOM, pour un coût de 40 millions d'euros. Il s'ajoute à un dispositif qui coûte chaque année 971 millions d'euros ; ce n'est pas rien.
Un point d'équilibre a été atteint, puisque nous avons intégré le secteur de la presse au barème de « compétitivité renforcée », et haussé à deux SMIC le seuil d'exonération du barème de compétitivité simple, dont la production audiovisuelle bénéficie intégralement. Des efforts ont déjà été consentis cette année, un équilibre a été trouvé. La commission est défavorable à l'amendement.
L'amendement no 96 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 8 quater est adopté.
L'article 8 quinquies résulte d'un amendement adopté avec les suffrages des députés des groupes Les Républicains, Socialistes et apparentés et Libertés et territoires. Il permet de rehausser le seuil à partir duquel un taux dégressif s'applique, dans le régime d'exonération des charges sociales patronales « LODEOM » et le point de sortie de ce dispositif, qui concerne l'outre-mer, notamment le secteur de la presse.
Un taux dégressif s'appliquerait non plus à partir de 1,7 SMIC mais de 2,3 SMIC, le point de sortie, actuellement de 2,7 SMIC, serait porté à 3 SMIC.
L'article 8 quinquies est adopté.
La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir l'amendement no 326 , tendant à supprimer l'article 9.
L'article 9 prévoit une exonération de cotisations sociales – encore une – sur l'indemnité spécifique en cas de rupture conventionnelle dans la fonction publique. Cette disposition s'inscrit dans le cadre de la réforme issue de la loi du 6 août de transformation de la fonction publique, qui ouvre la possibilité de ruptures conventionnelles dans le secteur public.
Nous étions opposés à une telle possibilité qui détricote le statut des fonctionnaires, et nous demandons donc la suppression de la mesure d'exonération des indemnités, qui encourage la signature de ruptures conventionnelles, et fait perdre de nouvelles recettes à la sécurité sociale, lesquelles ne sont pas compensées par l'État.
L'amendement no 326 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement vise à supprimer la non-compensation de l'exonération de cotisations et contributions sociales de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans la fonction publique. Cet amendement de bon sens a été adopté par le Sénat. Nous invitons le Gouvernement à respecter ce vote de la Chambre haute.
Nous avons déjà longuement débattu de la non-compensation. Au vu du déficit du budget de la sécurité sociale, c'est une mesure de bon sens.
La commission a émis un avis défavorable. Vous vous souvenez que j'avais appelé à voter contre le dispositif de non-compensation en première lecture, mais qu'il a été finalement adopté. Comme c'était le cas pour l'amendement relatif aux moniteurs de ski, je privilégie le respect pour le vote de l'Assemblée en première lecture. Avis défavorable.
L'amendement no 213 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 536 rectifié , accepté par la commission, est adopté.
L'article 9, amendé, est adopté.
Nous sommes favorables à l'article 9 bis, introduit par voie d'amendement, par le Gouvernement, en première lecture. Il permet d'exclure le dédommagement perçu par un aidant familial dans le cadre de la prestation de compensation du handicap – PCH – de l'assiette de la CSG et de la CRDS – la contribution sociale généralisée et la contribution à la réduction de la dette sociale – comme de l'impôt sur le revenu. C'est une bonne mesure : il n'était pas normal que les dédommagements versés par les bénéficiaires de la PCH à leur aidant familial soient soumis à l'impôt.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 136 de la commission des affaires sociales.
Inspiré du travail de nos collègues sénateurs, l'amendement propose de faire bénéficier, dès le 1er janvier 2019, les titulaires de l'aide humaine, au sein de la PCH, de l'exonération sociale et fiscale prévue au présent article.
Un député de l'opposition vient de se réjouir de l'avancée que constitue ce dispositif ; j'espère que l'Assemblée votera en faveur de son extension.
L'amendement no 136 , accepté par le Gouvernement, modifié par la suppression des gages, est adopté.
L'article 9 bis, amendé, est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra