À sa présentation, le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique semblait porteur de certaines avancées pour nos collectivités. Or nous constatons que ce texte comporte encore des lacunes importantes.
Chaque élu a été confronté à cette situation : depuis des années, en raison de la baisse des dotations et des transferts de compétences sans répartition claire, nos collectivités ont été sensiblement affaiblies et notoirement désorganisées. Les décisions prises par les gouvernements successifs ont remis en cause l'architecture territoriale issue de la Révolution de 1789, fondatrice de l'unité de la République. Cette organisation avait notamment été construite pour créer les conditions d'une vie municipale démocratique ; hélas, elle ne ressemble plus aujourd'hui qu'à un échafaudage branlant, s'appuyant sur la concurrence entre les collectivités, battant en brèche l'unité et l'indivisibilité de la République. C'est aujourd'hui un constat criant : la pression budgétaire a passé à la trappe le lien fondamental qui unit les citoyens à leur échelon institutionnel le plus proche. La profusion de nouvelles normes et compétences, sans qu'aucun financement ne suive, aggrave encore cet état de crise. À côté de cela, la suppression de la taxe d'habitation est entourée d'incertitudes, pendant que l'expansion des métropoles et des intercommunalités semble devenir la règle.
Ce texte se voulait une réponse au mouvement des gilets jaunes et à la colère des élus locaux. Pourtant, ni les uns ni les autres ne semblent l'accueillir favorablement, comme en attestent le dernier congrès des maires de France ainsi que la position du Sénat. Ce projet de loi ne contient aucune avancée réelle, ni la moindre référence à un quelconque redéploiement des services publics de proximité, qui nous semble être un impératif.
Pour une meilleure gestion des biens communs, nous avions réclamé qu'il soit mis un terme au transfert obligatoire des compétences « eau et assainissement » aux communautés de communes et d'agglomération. Vous l'avez refusé.
Pour donner des leviers écologiques aux municipalités, nous avions proposé que le maire puisse prendre des arrêtés anti-pesticides dans sa commune. Vous l'avez également refusé.
En matière de démocratie, nous avions présenté un panel d'outils nouveaux pour restaurer la souveraineté communale. Vous les avez tous ignorés. Les comités d'usagers des services que nous proposions auraient pourtant permis d'associer les citoyens aux évolutions des services publics de proximité. En parallèle, l'ouverture aux habitants d'un temps de questions lors de chaque conseil municipal allait pourtant dans le sens de ce que vous appelez vous-même « vie locale ». Dans cette même perspective émancipatrice, nous avions soutenu la mise en place de votations citoyennes, que le conseil municipal s'engagerait à respecter, sans que cela n'attire votre intérêt. Enfin, vous avez refusé notre amendement visant à instaurer un droit de révocation des élus locaux, sur la base d'un référendum d'initiative citoyenne ou d'une pétition de 5 % des habitants de la commune – c'est pourtant une demande forte des gilets jaunes, soutenue par une part importante de la population.
Toutes ces propositions tenaient compte du changement profond qu'a connu notre pays, notamment à travers le mouvement des gilets jaunes, et de ses revendications concrètes. Cela aurait dû vous inspirer pour traduire dans la loi la volonté d'égalité et de création de droits nouveaux partagée par un grand nombre de nos concitoyens. Il n'en fut rien, hélas.
Ce texte censé répondre à de nombreuses attentes ne prend pas la mesure des aspirations populaires et des demandes légitimes de nos élus. Sans moyens concrets, sans financements, sans droits démocratiques nouveaux, la proximité n'est que théorique. C'est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi.