Intervention de Didier Guillaume

Séance en hémicycle du mardi 26 novembre 2019 à 9h00
Questions orales sans débat — Impact des zones de non-traitement pour l'agriculture

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

J'entends votre cri de désespoir, madame la députée, et votre soutien à l'agriculture française, mais prenons garde à ne pas trop en rajouter. Vous évoquez la mise à mort de milliers d'hectares, et l'absence de considération pour les agriculteurs : d'une partie de la population, peut-être, mais ni de l'Assemblée nationale, ni du Sénat, ni du Gouvernement, dont les agriculteurs savent qu'ils ont le plein soutien.

Sur le fond, c'est le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative, qui, considérant que les riverains étaient aujourd'hui insuffisamment protégés, a imposé au Gouvernement l'instauration des mesures. Ce n'est pas une lubie du Gouvernement ou de la majorité de l'Assemblée nationale, mais bien une injonction du Conseil d'État. Nous entendons y répondre avec rationalité et donc en nous appuyant sur les études menées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – ANSES – , qui est une autorité indépendante.

Par principe de précaution et pour assurer la préservation de la santé des riverains, l'ANSES recommande l'instauration de zones de non-traitement à 10 mètres des habitations pour les cultures hautes – vigne, arboriculture – et 5 mètres pour les cultures basses. Ces distances peuvent être respectivement ramenées à 5 et 3 mètres, voire zéro, s'il existe des murs ou des haies, ou si des chartes de riverains ont été signées. Telle est la situation sur laquelle nous travaillons. Nous ne voulons pas nous écarter de ces chiffres. Au-delà de 10 mètres, les mesures n'ont plus de raison d'être, car si les produits étaient nocifs à plus de plus de 10 mètres, ils ne se verraient pas délivrer d'autorisation de mise sur le marché.

Je tiens à être le plus rationnel possible. Demain, les agriculteurs manifesteront car ils considèrent qu'ils sont trop dénigrés, pas assez soutenus. J'entends ce mouvement ; je me bats tous les jours contre l'« agribashing », comme je crois l'avoir montré depuis que j'ai pris mes fonctions, sous l'autorité du Premier ministre et du Président de la République. Lors de l'édition 2019 du salon international de l'agriculture, le stand du ministère allait dans ce sens : arrêtons l'agribashing !

Ce week-end, dans la Drôme, des élevages ont de nouveau été attaqués et incendiés. Cela ne peut plus durer ! Il faut que la justice soit intransigeante, que les agriculteurs portent plainte et que la gendarmerie reçoive ces plaintes ; dans certains territoires, des observatoires de lutte contre l'agribashing ont été créés. Je le dis tout simplement : halte !

Nous devons oeuvrer à la réconciliation entre les urbains et les ruraux ; il ne faut pas qu'une minorité puisse agresser et apeurer les agriculteurs, ce n'est pas possible. Ce matin, je tiens à dire à nouveau ici, à l'Assemblée nationale, combien les agriculteurs font un travail remarquable, combien l'agriculture française est durable, combien l'alimentation qu'elle permet est saine et sûre. Aujourd'hui, il existe trop de conflits et nous devons réconcilier l'urbain et le rural, l'agriculture et la société, les agriculteurs et les citoyens : voilà ce dont il s'agit.

J'entends et je comprends la colère des agriculteurs. Le Gouvernement essaie d'y répondre de manière rationnelle : nous avons fait appel de tous les arrêtés municipaux visant à interdire l'utilisation de pesticides dans des zones pouvant aller jusqu'à 100 mètres autour des habitations, car ils étaient illégaux. Il ne revient pas au maire de décider, et il n'est pas question de mener une politique politicienne sur un sujet aussi sérieux. Tout le monde, y compris les agriculteurs, a des enfants : je ne crois pas un seul instant que ceux qui travaillent de la terre et dans la terre veuillent la polluer.

Nous savons tous également que les agriculteurs aimeraient bien se passer des produits phytosanitaires, qui coûtent très cher. La transition agroécologique avance : jamais il n'y a eu autant de conversions au bio et de filières entrant dans une démarche de certification haute valeur environnementale. Nos concitoyens doivent comprendre que l'agriculture bouge, mais que sa mutation se fait au rythme des saisons, pas à celui des tweets. C'est la différence entre l'agriculture et la société de la vitesse.

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