Malgré l'accroissement continu de ces dépenses, les Français ne sont pas nécessairement mieux logés. Au contraire, ils sont souvent relégués à l'écart des zones tendues, ce qui entraîne de facto une hausse importante de leurs dépenses de transport.
Dans ce contexte critique, la présente proposition de loi, soutenue par le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, vise à réduire le coût du foncier pour redonner du souffle au budget des Français. Elle vise aussi à replacer les élus locaux au coeur de l'acte de construire la ville, en leur donnant de vrais outils pour mettre en oeuvre leur stratégie d'intervention foncière.
Ce texte résulte de la mission que m'a confiée le Premier ministre, que je remercie solennellement pour sa confiance. Mes remerciements s'adressent également à vous, monsieur le ministre chargé de la ville et du logement. C'est à vous que j'ai remis mon rapport, qui comporte cinquante propositions.
Avant de vous présenter dans le détail les travaux de la commission des affaires économiques sur les articles de la proposition de loi, je tiens à remercier très sincèrement les porte-parole de tous les groupes politiques de l'Assemblée pour leur implication sur ce texte. Je l'ai abordé avec humilité, et je suis fier d'avoir pu mener avec vous un véritable travail de coconstruction, sur un sujet d'importance majeure pour nos concitoyens et ô combien transpartisan.
L'article 1er vise à limiter le recours à l'adjudication pour la cession de biens fonciers et immobiliers du domaine de l'État et des collectivités territoriales. Il s'agit tout simplement d'une mesure d'exemplarité : les acteurs publics devront favoriser le recours aux ventes amiables dans la cession de leur foncier, afin de limiter l'impact délétère des ventes aux enchères sur la formation des nouveaux prix de référence.
L'adjudication n'est qu'une modalité dans la palette de possibilités pour la cession du foncier. La solution alternative est la vente à l'amiable, qui s'effectue soit de gré à gré, soit avec publicité et mise en concurrence, sur appel d'offres pour les grands projets ou bien dans le cadre d'une vente notariale interactive. Ce mode de cession permet en outre de valoriser des critères qualitatifs et limite les risques d'augmentation excessive du prix du foncier dans les quartiers sous tension.
L'article 2 prévoit la création d'organismes de foncier libre, qui favoriseront les projets d'acquisition de logement fondés sur la dissociation entre la propriété du foncier et celle du bâti. Il tend ainsi à développer de façon innovante un troisième droit de propriété, complémentaire aux deux premiers, que sont la pleine propriété classique et le démembrement du droit de propriété qui partage celui-ci entre l'usufruitier et le nu-propriétaire. Alors que le poids moyen du foncier dans le bilan d'une opération d'aménagement atteint régulièrement 30 à 40 %, voire 50 % dans les zones tendues, la dissociation permettra de produire des logements à un coût plus accessible pour nos concitoyens.
Sur le modèle des organismes de foncier solidaire, les organismes de foncier libre permettront de massifier la dissociation en faveur du logement intermédiaire, du logement libre ou du logement à usage commercial ou de service. Afin de prévenir tout risque spéculatif dans la durée, la commission des affaires économiques a souhaité que cette activité soit assumée uniquement par des sociétés à capitaux publics ou majoritairement publics.
L'article 3 porte création d'observatoires de l'habitat et du foncier, de manière à accroître la transparence au profit des élus locaux et des citoyens et à objectiver les évolutions du prix du foncier. Les collectivités territoriales auront ainsi les capacités d'analyse nécessaires au pilotage de leur politique foncière. En effet, la mise en place de stratégies de maîtrise des prix du foncier par les collectivités territoriales suppose que celles-ci disposent en la matière de données fiables, actualisées et consolidées à l'échelle du bassin de vie.
La mission des observatoires de l'habitat et du foncier, qui seront rattachés au programme local de l'habitat – PLH – , consistera à étudier les évolutions en matière de foncier sur leur territoire et à recenser les espaces en friche ainsi que les surfaces potentiellement réalisables par surélévation des constructions existantes. Les agences d'urbanisme et les différents établissements publics fonciers pourront, bien entendu, coordonner leurs expertises au profit de ces observatoires.
L'article 4 vise à créer un fonds national pour la dépollution des friches. La réhabilitation des friches – qu'elles soient industrielles, commerciales, administratives, urbaines ou militaires – est un combat fondamental, notamment pour lutter contre l'artificialisation des sols. En effet, optimiser des friches, c'est réutiliser du foncier déjà artificialisé plutôt que d'utiliser de nouvelles terres ; c'est créer des logements et de l'activité économique sans utiliser d'espaces nouveaux.
Nous devons imaginer de nouveaux outils pour optimiser le foncier disponible et pour recenser, requalifier, dépolluer et valoriser les friches en zones tendues. Sur ces sujets, nous attendons une action ferme et résolue de la part du Gouvernement.
L'article 5 tend à autoriser les collectivités territoriales à recourir à une expertise privée pour l'évaluation de certains projets immobiliers. Aujourd'hui, les projets immobiliers des collectivités territoriales sont conditionnés, avant toute entente amiable, à une demande d'avis préalable de la direction de l'immobilier de l'État.
Si nous notons les réticences du Gouvernement à mettre un terme définitif au monopole des Domaines, nous appelons toutefois son attention sur le besoin d'accompagner et de sécuriser les collectivités territoriales dans leurs projets d'opérations immobilières. À ce jour, les méthodes d'évaluation des services de l'État sont régulièrement remises en cause par les élus locaux, qui souhaitent pouvoir disposer d'un tel droit d'option. Au-delà de ce dispositif, sur lequel nous serons amenés à nous prononcer, nous attendons donc des actions fortes de la part du Gouvernement pour améliorer le fonctionnement de la direction de l'immobilier de l'État, afin que les élus locaux puissent véritablement bénéficier de son expertise.
La commission des affaires économiques a supprimé l'article 6 au profit d'un article 6 bis qui vise à renforcer la déclaration d'utilité publique réserve foncière. Ce dispositif demeure à ce jour compliqué, donc peu utilisé, et uniquement dédié aux acquisitions urgentes. L'article 6 bis permettra aux élus locaux de constituer plus aisément des réserves foncières, sous réserve que le Gouvernement adapte le corpus réglementaire en conséquence.
L'article 7, enfin, vise à renforcer les mesures de transparence en matière de construction de logements dans le cadre des PLH. Trop souvent, le nombre de logements construits sur le territoire de la collectivité est bien inférieur aux objectifs fixés par le PLH.
Dans un souci de transparence, tant pour les élus locaux eux-mêmes que pour nos concitoyens, l'article tend à instituer un compte rendu annuel en conseil municipal et en conseil communautaire présentant les écarts entre les objectifs du PLH et le nombre de logements effectivement livrés au cours de l'exercice écoulé. Cette délibération annuelle permettra de mettre en avant l'évolution de la situation sociale et démographique ainsi que les analyses des observatoires de l'habitat et du foncier. De cette manière, les élus pourront plus facilement piloter la mise en oeuvre de leurs projets de construction et d'aménagement.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la présente proposition de loi a été pensée pour doter les élus locaux des outils indispensables, en faveur du pouvoir d'achat de nos concitoyens. Notre ambition est que les Français puissent s'émanciper et retrouver de la liberté dans leur parcours résidentiel. Pour que cette ambition ne demeure pas une utopie, je vous invite à adopter la proposition de loi.