Mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter s'appuie sur une expérience actuellement menée en Thiérache qui permet à 760 lycéens des classes de seconde de huit établissements, soit la totalité des lycées publics et privés de ma circonscription, d'apprendre le code de la route avant de passer l'examen théorique dans le cadre de leur temps scolaire.
Cette expérimentation s'inscrit dans le pacte pour la réussite de la Sambre-Avesnois-Thiérache signé il y a tout juste un an par Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, M. Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France, ainsi que M. Nicolas Fricoteaux, président du conseil départemental de l'Aisne et les présidents des communautés de communes des territoires concernés, en présence et avec le soutien implicite du Président de la République.
Avec les élus des territoires, toutes sensibilités politiques confondues, nous avons souhaité lancer cette expérimentation afin d'envoyer un message fort à notre jeunesse, à nos familles et à nos territoires. Le grand débat nécessitait des réponses : en voici une.
Cette réponse n'est pas codée, même si elle porte sur le code de route, première étape de l'obtention du permis de conduire. Sans doute davantage en milieu rural, cette expérimentation fait souffler un vent de liberté pour les jeunes : liberté d'aller et venir, liberté d'accéder aux activités sportives et culturelles, liberté aussi de participer aux événements qui rythment leur vie. Dans ces moments difficiles, le permis de conduire constitue bien sûr un passeport pour l'emploi. Faute de transports en commun suffisants, il est indispensable pour suivre une formation, intégrer un stage et obtenir un emploi.
Unanimement saluée, cette expérimentation est aussi un message fort envoyé aux territoires. Elle a reçu le soutien de Mme Jacqueline Gourault au nom du développement territorial. Elle trouve tout son sens dans le fait que les jeunes, très majoritairement, se rendent chaque jour au lycée où ils trouvent tous les équipements numériques et informatiques nécessaires à cet apprentissage.
Cette expérimentation est un message de solidarité envoyé aux familles mais également à celles et ceux dont le métier est bousculé par le numérique. Le dispositif rend aux moniteurs des villes concernées leur raison d'être, une raison de croire en leur avenir. Dans les lycées, ils renouent un dialogue que ne permet pas le e-learning. Après avoir assisté à certains cours, je ne peux que saluer la qualité des formations et des formateurs. Il serait dommage de se priver de leurs compétences pédagogiques. Peut-on avoir des objections au fait que ces leçons soient dispensées au lycée ? Je pense que non.
L'article L. 312-13 du code de l'éducation prévoit d'ores et déjà que « l'enseignement du code de la route est obligatoire et est inclus dans les programmes d'enseignement des premier et second degrés ». Cette sensibilisation prévoit une éducation à la sécurité en plusieurs étapes : attestation de première éducation à la route (APER) à la fin de l'école primaire, attestation de sécurité routière de premier niveau (ASSR1) en classe de cinquième et ASSR2 en classe de troisième. Ces dernières années, d'autres actions éducatives complémentaires ont été instituées telle la demi-journée de sensibilisation obligatoire dans les lycées et les centres de formation des apprentis. Elles reposent sur une approche préventive des comportements à risques et constituent un élément pragmatique de l'éducation à la citoyenneté, preuve si besoin était, de l'apport de l'éducation nationale qui procure aux jeunes un cadre collectif favorable aux apprentissages.
Cependant ces ouvertures n'ont pas de finalités diplômantes et ne préparent pas les élèves à obtenir le code de la route. L'article L. 312-13 du code de l'éducation prévoit en outre que « le passage de l'épreuve théorique du permis de conduire peut être organisé, en dehors du temps scolaire, dans les locaux des lycées et établissements régionaux d'enseignement adapté, […] au bénéfice des élèves qui le souhaitent et qui remplissent les conditions fixées par le code de la route pour apprendre à conduire un véhicule à moteur en vue de l'obtention du permis de conduire. ». Cette disposition serait-elle un non-sens ? Bien sûr que non puisqu'elle a été instaurée par la loi Macron de 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. (Sourires.) Selon les indications qui m'ont été fournies par la direction générale de l'enseignement scolaire (DGSCO), elle n'a toutefois pas encore trouvé à s'appliquer.
Aujourd'hui, je vous offre, chers collègues, l'occasion de rendre concrète cette loi qui porte le nom du Président de la République. Ambitieuse, ma proposition ? Sans doute mais assurément utile puisque cet apprentissage réalisé au lycée lève nombre de freins à la mobilité et à la disponibilité des familles.
Ma proposition de loi vise à généraliser l'expérimentation thiérachaine à l'ensemble du territoire national. Toutefois, les auditions que j'ai menées ces derniers jours m'ont conduit à davantage de souplesse : il m'a paru préférable de l'étendre là où les acteurs la jugent pertinente, pour mieux prendre en compte la réalité des territoires et la réforme des lycées en cours.
En juillet dernier a été votée la loi pour une école de la confiance. Elle a largement modifié les dispositions relatives aux expérimentations possibles dans les établissements d'enseignement. Désormais, sous réserve des autorisations préalables des autorités académiques et après concertation avec les équipes pédagogiques, le projet d'établissement peut prévoir des expérimentations pédagogiques pour une durée maximale de cinq ans. Celles-ci sont encadrées par des conditions définies par décret. Je ne vais pas toutes les citer mais, en résumé, elles vont de l'organisation pédagogique de la classe à la participation des parents d'élèves à la vie de l'école ou de l'établissement.
Il me paraît utile d'ajouter à ce champ d'expérimentation l'apprentissage du code de la route et le passage de l'épreuve théorique. Le cadre juridique existe, il suffit de le modifier légèrement.
J'ajoute qu'aux termes des dispositions du code de l'éducation, les collectivités territoriales sont systématiquement associées à la définition des grandes orientations des expérimentations menées par l'éducation nationale ainsi qu'à leur déclinaison territoriale. C'est précisément, comme vous l'avez compris, ce qui est fait en Thiérache où, de manière non partisane, les différentes collectivités territoriales, au premier rang desquelles le conseil régional des Hauts-de-France, ont porté ce projet. Et ce pour une seule et même raison : il répond à un besoin essentiel de notre jeunesse.
L'amendement de rédaction globale que je vous demanderai d'adopter propose un élargissement aux territoires qui le désirent. Il offre une possibilité supplémentaire d'expérimentation autour d'une préoccupation majeure pour les jeunes de nos territoires, particulièrement ceux qui habitent en milieu rural.
Mes chers collègues, il est souvent difficile de s'adresser aux jeunes et d'apporter une réponse concrète, efficace et pragmatique à leurs attentes. Ne les privez pas d'un précieux sésame indispensable à leur avenir personnel et professionnel.
Pour terminer, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux, élus, équipes pédagogiques, équipes de direction, auto-écoles qui, forts de l'intérêt qu'ils portent à la jeunesse, ont su trouver des solutions et lancer notre expérimentation. Depuis, c'est un vent de liberté qui souffle sur la jeunesse de Thiérache.
Ce matin, vous pouvez faire en sorte qu'il souffle sur toute la jeunesse de France. Ne manquez pas cette occasion de répondre à ses attentes. N'analysez pas cette proposition sous le seul prisme politique.