Mercredi 27 novembre 2019
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Présidence M. Bruno Studer, président
La commission des Affaires culturelles et de l'Éducation procède à l'examen de la proposition de loi relative au passage de l'épreuve théorique du code de la route dans les lycées (n° 2351), sur le rapport de M. Jean-Louis Bricout.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de cette matinée appelle l'examen de la proposition de loi relative au passage de l'épreuve théorique du code de la route dans les lycées. Elle sera examinée en séance le 5 décembre prochain dans le cadre de la journée réservée au groupe Socialiste et apparentés et devrait faire l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.
Je donne la parole à M. Jean-Louis Bricout, premier signataire de ce texte et rapporteur.
Mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter s'appuie sur une expérience actuellement menée en Thiérache qui permet à 760 lycéens des classes de seconde de huit établissements, soit la totalité des lycées publics et privés de ma circonscription, d'apprendre le code de la route avant de passer l'examen théorique dans le cadre de leur temps scolaire.
Cette expérimentation s'inscrit dans le pacte pour la réussite de la Sambre-Avesnois-Thiérache signé il y a tout juste un an par Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, M. Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France, ainsi que M. Nicolas Fricoteaux, président du conseil départemental de l'Aisne et les présidents des communautés de communes des territoires concernés, en présence et avec le soutien implicite du Président de la République.
Avec les élus des territoires, toutes sensibilités politiques confondues, nous avons souhaité lancer cette expérimentation afin d'envoyer un message fort à notre jeunesse, à nos familles et à nos territoires. Le grand débat nécessitait des réponses : en voici une.
Cette réponse n'est pas codée, même si elle porte sur le code de route, première étape de l'obtention du permis de conduire. Sans doute davantage en milieu rural, cette expérimentation fait souffler un vent de liberté pour les jeunes : liberté d'aller et venir, liberté d'accéder aux activités sportives et culturelles, liberté aussi de participer aux événements qui rythment leur vie. Dans ces moments difficiles, le permis de conduire constitue bien sûr un passeport pour l'emploi. Faute de transports en commun suffisants, il est indispensable pour suivre une formation, intégrer un stage et obtenir un emploi.
Unanimement saluée, cette expérimentation est aussi un message fort envoyé aux territoires. Elle a reçu le soutien de Mme Jacqueline Gourault au nom du développement territorial. Elle trouve tout son sens dans le fait que les jeunes, très majoritairement, se rendent chaque jour au lycée où ils trouvent tous les équipements numériques et informatiques nécessaires à cet apprentissage.
Cette expérimentation est un message de solidarité envoyé aux familles mais également à celles et ceux dont le métier est bousculé par le numérique. Le dispositif rend aux moniteurs des villes concernées leur raison d'être, une raison de croire en leur avenir. Dans les lycées, ils renouent un dialogue que ne permet pas le e-learning. Après avoir assisté à certains cours, je ne peux que saluer la qualité des formations et des formateurs. Il serait dommage de se priver de leurs compétences pédagogiques. Peut-on avoir des objections au fait que ces leçons soient dispensées au lycée ? Je pense que non.
L'article L. 312-13 du code de l'éducation prévoit d'ores et déjà que « l'enseignement du code de la route est obligatoire et est inclus dans les programmes d'enseignement des premier et second degrés ». Cette sensibilisation prévoit une éducation à la sécurité en plusieurs étapes : attestation de première éducation à la route (APER) à la fin de l'école primaire, attestation de sécurité routière de premier niveau (ASSR1) en classe de cinquième et ASSR2 en classe de troisième. Ces dernières années, d'autres actions éducatives complémentaires ont été instituées telle la demi-journée de sensibilisation obligatoire dans les lycées et les centres de formation des apprentis. Elles reposent sur une approche préventive des comportements à risques et constituent un élément pragmatique de l'éducation à la citoyenneté, preuve si besoin était, de l'apport de l'éducation nationale qui procure aux jeunes un cadre collectif favorable aux apprentissages.
Cependant ces ouvertures n'ont pas de finalités diplômantes et ne préparent pas les élèves à obtenir le code de la route. L'article L. 312-13 du code de l'éducation prévoit en outre que « le passage de l'épreuve théorique du permis de conduire peut être organisé, en dehors du temps scolaire, dans les locaux des lycées et établissements régionaux d'enseignement adapté, […] au bénéfice des élèves qui le souhaitent et qui remplissent les conditions fixées par le code de la route pour apprendre à conduire un véhicule à moteur en vue de l'obtention du permis de conduire. ». Cette disposition serait-elle un non-sens ? Bien sûr que non puisqu'elle a été instaurée par la loi Macron de 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. (Sourires.) Selon les indications qui m'ont été fournies par la direction générale de l'enseignement scolaire (DGSCO), elle n'a toutefois pas encore trouvé à s'appliquer.
Aujourd'hui, je vous offre, chers collègues, l'occasion de rendre concrète cette loi qui porte le nom du Président de la République. Ambitieuse, ma proposition ? Sans doute mais assurément utile puisque cet apprentissage réalisé au lycée lève nombre de freins à la mobilité et à la disponibilité des familles.
Ma proposition de loi vise à généraliser l'expérimentation thiérachaine à l'ensemble du territoire national. Toutefois, les auditions que j'ai menées ces derniers jours m'ont conduit à davantage de souplesse : il m'a paru préférable de l'étendre là où les acteurs la jugent pertinente, pour mieux prendre en compte la réalité des territoires et la réforme des lycées en cours.
En juillet dernier a été votée la loi pour une école de la confiance. Elle a largement modifié les dispositions relatives aux expérimentations possibles dans les établissements d'enseignement. Désormais, sous réserve des autorisations préalables des autorités académiques et après concertation avec les équipes pédagogiques, le projet d'établissement peut prévoir des expérimentations pédagogiques pour une durée maximale de cinq ans. Celles-ci sont encadrées par des conditions définies par décret. Je ne vais pas toutes les citer mais, en résumé, elles vont de l'organisation pédagogique de la classe à la participation des parents d'élèves à la vie de l'école ou de l'établissement.
Il me paraît utile d'ajouter à ce champ d'expérimentation l'apprentissage du code de la route et le passage de l'épreuve théorique. Le cadre juridique existe, il suffit de le modifier légèrement.
J'ajoute qu'aux termes des dispositions du code de l'éducation, les collectivités territoriales sont systématiquement associées à la définition des grandes orientations des expérimentations menées par l'éducation nationale ainsi qu'à leur déclinaison territoriale. C'est précisément, comme vous l'avez compris, ce qui est fait en Thiérache où, de manière non partisane, les différentes collectivités territoriales, au premier rang desquelles le conseil régional des Hauts-de-France, ont porté ce projet. Et ce pour une seule et même raison : il répond à un besoin essentiel de notre jeunesse.
L'amendement de rédaction globale que je vous demanderai d'adopter propose un élargissement aux territoires qui le désirent. Il offre une possibilité supplémentaire d'expérimentation autour d'une préoccupation majeure pour les jeunes de nos territoires, particulièrement ceux qui habitent en milieu rural.
Mes chers collègues, il est souvent difficile de s'adresser aux jeunes et d'apporter une réponse concrète, efficace et pragmatique à leurs attentes. Ne les privez pas d'un précieux sésame indispensable à leur avenir personnel et professionnel.
Pour terminer, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux, élus, équipes pédagogiques, équipes de direction, auto-écoles qui, forts de l'intérêt qu'ils portent à la jeunesse, ont su trouver des solutions et lancer notre expérimentation. Depuis, c'est un vent de liberté qui souffle sur la jeunesse de Thiérache.
Ce matin, vous pouvez faire en sorte qu'il souffle sur toute la jeunesse de France. Ne manquez pas cette occasion de répondre à ses attentes. N'analysez pas cette proposition sous le seul prisme politique.
Favoriser l'accès au permis de conduire est un objectif qui nous rassemble tous. Françoise Dumas a remis au Premier ministre en février dernier un rapport intitulé Vers un permis de conduire plus accessible et une éducation routière renforcée. Elle a formulé vingt-trois propositions pour garantir une formation de qualité accessible à tous sur l'ensemble du territoire. Le 2 mai dernier, le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ont publié une série de mesures pour abaisser le coût du permis de conduire. L'objectif est de réduire son coût moyen sans affecter le coût de la formation pour ne pas contrevenir aux exigences liées à la sécurité routière. En outre, à l'été 2019, trois mesures majeures sont entrées en vigueur : l'abaissement de l'âge du passage de l'épreuve pratique à dix-sept ans pour les jeunes qui optent pour la conduite accompagnée, le développement de la formation sur simulateur de conduite et la réduction de six à trois mois du délai entre l'obtention du permis « boîte automatique » et la possibilité de conduire un véhicule équipé d'une boîte manuelle.
Le texte que vous nous présentez, monsieur Bricout, pose des problèmes de fond et ne répond pas à tous les enjeux attachés à l'accès au permis de conduire.
Parlons d'abord du financement. L'évaluation du montant de la mesure proposée n'est pas précise. Selon le Gouvernement, elle coûterait au minimum 50 millions d'euros dans sa version initiale. Quant à la version amendée, elle génèrerait des inégalités entre établissements ayant la possibilité de mettre en oeuvre cette expérimentation et ceux qui ne pourront le faire.
En outre, cette formation ajoute des contraintes au temps scolaire obligatoire. Or depuis le début du quinquennat, le Gouvernement a engagé des réformes importantes qui ont des conséquences sur l'organisation de l'enseignement au lycée : nouveau baccalauréat, préparation des élèves au choix d'orientation, mise en place du contrôle continu.
Par ailleurs, cette proposition de loi ne mesure pas suffisamment l'impact pour les auto-écoles. Toute réforme relative au permis de conduire doit se faire avec elles. Le Gouvernement l'a bien compris. Afin de favoriser la mise en oeuvre de certaines des mesures présentées le 2 mai dernier, il prévoit un dispositif d'incitation fiscale pour les aider à s'équiper.
Enfin, cette proposition de loi ne permet pas de résoudre le coeur du problème qui reste le prix de la formation à l'épreuve pratique. Le Gouvernement est en train de s'attaquer de front à ce problème en encourageant le développement du simulateur de conduite et en renforçant l'accès à la conduite supervisée, soit un mode d'apprentissage en conduite accompagnée permettant à l'élève, à la suite de la formation initiale ou après échec à l'épreuve de conduite, d'acquérir de l'expérience de conduite avec un accompagnateur de son choix, à moindre coût.
Dès lors, comme le préconisait le Gouvernement dans sa proposition du 2 mai 2019, nous considérons qu'intégrer la formation au code de la route à titre gratuit pour les volontaires du service national universel (SNU), notamment durant la phase de cohésion, serait une solution plus efficace et plus viable.
Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche ne votera pas cette proposition de loi.
Cette proposition de loi s'inscrit dans le cadre d'une sensibilisation accrue à la prévention routière au collège et au lycée qui s'est déployée avec les attestations scolaires de sécurité routière lancée en 1987 ou le brevet de sécurité routière instauré en 2004.
L'examen du permis de conduire a fait l'objet de nombreuses modifications depuis plusieurs années. En intégrant l'enseignement du code de la route et le passage de l'examen dans le cadre scolaire, l'objectif est de réduire le chômage. En zone rurale, le permis de conduire est en effet le sésame nécessaire pour trouver un emploi. L'épisode de l'abaissement de la limite de vitesse à quatre-vingts kilomètres à l'heure avait déjà mis en évidence l'importance de la voiture dans les territoires ruraux. Aujourd'hui, des initiatives locales sont prises ponctuellement. C'est le cas dans l'académie d'Amiens qui a lancé l'expérimentation qui sert de base au projet de M. Bricout. Quels retours a-t-on de celle-ci ? Quel est son coût ?
Cette proposition de loi peut apparaître louable en théorie mais elle constitue une fausse bonne idée en pratique. Elle suscite plusieurs questions.
Est-ce le rôle de l'éducation nationale d'organiser le passage du code sur le temps scolaire alors que les élèves se heurtent déjà à des difficultés de formation ? Doit-on rendre ce dispositif obligatoire alors que la souplesse prévaut actuellement ? Quel coût représente-t-il pour les finances publiques ? On parle de 45 millions et 60 millions par an. Quel mode de financement serait retenu ? Le dispositif serait gagé sur une augmentation de l'imposition des gains nets réalisés à l'occasion de cessions des valeurs mobilières et de droits sociaux. Est-ce une bonne solution ?
Le groupe Les Républicains reconnaît toutefois les vertus de cette expérimentation. D'une part, elle contribue à la lutte contre le chômage ; d'autre part, une bonne connaissance du code de la route présente de réels avantages en termes de sécurité routière, surtout à l'heure où l'usage des vélos et des trottinettes électriques se développe.
Il faut noter que la loi laisse aujourd'hui la possibilité aux établissements de décider de l'organisation pratique.
Avant de généraliser le dispositif à l'échelle nationale, il serait nécessaire de procéder à une évaluation complète de l'ensemble des aides et des dispositifs existants. À ce titre, le développement de l'expérimentation dans des zones caractérisées par des problématiques différentes est un préalable nécessaire.
Le passage de l'épreuve du code sur le temps scolaire est lui aussi problématique.
Enfin, il faudrait disposer d'une étude mesurant les impacts de ce dispositif, notamment au niveau financier, et réviser le mode de financement qui n'est pas satisfaisant. Dans ma commune, en complément des ressources du fonds d'aide aux jeunes (FAJ), nous avons lancé une aide au permis de conduire en prenant appui sur le centre communal d'action sociale (CCAS) : la commune participait à son financement pour des jeunes ayant un projet professionnel. Les résultats ont été mitigés. Il n'y a eu que peu de participants car les projets professionnels n'étaient pas menés jusqu'au bout, ce qui montre l'importance d'une véritable évaluation.
Ma dernière interrogation, qui n'est pas des moindres, concerne l'efficacité de l'apprentissage. Pourquoi couper la théorie de la pratique ? À l'auto-école, les professionnels conjuguent aspects théoriques et implications pratiques. Être moniteur est un métier à part entière, il ne faut pas l'oublier comme il ne faut pas oublier que ces auto-écoles participent à l'économie de nos territoires.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains s'opposera à cette proposition de loi tout en reconnaissant l'intérêt du principe même de la mesure proposée.
Nous avons étudié avec attention votre proposition de loi, monsieur le rapporteur. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés sait l'importance de ce sujet et se félicite que nous puissions en débattre, compte tenu de la place centrale qu'occupe le permis de conduire pour nos concitoyens.
Je voudrais appeler votre attention sur une initiative originale lancée hier : la création de la première auto-école sociale du Val-de-Marne qui a ouvert ses portes dans la commune de Villiers-sur-Marne avec dix-sept élèves éloignés de l'emploi.
Véritable outil d'émancipation, le permis est aussi un moyen d'insertion professionnelle. Il est exigé par les employeurs dans deux cas sur trois. Plus de 40 millions de Français en sont titulaires et en 2017, plus de 990 000 nouveaux candidats à l'examen ont été enregistrés.
Avec un coût moyen oscillant entre 1 600 et 1 800 euros, cet examen réclame un effort financier important aux candidats et à leur famille puisque plus de la moitié sont des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans.
Nous avons déjà eu l'occasion de rappeler que ce sujet devait être pris à bras-le-corps pour qu'il ne soit plus un symbole d'inégalité. C'est pour cela que dès novembre 2018, le Président de la République a annoncé vouloir faire baisser significativement le prix du permis de conduire et faciliter l'acquisition d'une voiture. Cette annonce s'est concrétisée à travers les vingt-trois propositions du rapport de notre collègue Françoise Dumas qui visent à favoriser l'accessibilité du permis de conduire. Citons l'intégration du permis de conduire au service national universel, le développement de nouveaux modes d'apprentissage tels que le simulateur, la possibilité de comparer de manière plus transparente les tarifs et les taux de réussite, l'expérimentation de la possibilité donnée aux candidats de s'inscrire à l'épreuve pratique directement en ligne, l'augmentation du nombre des créneaux horaires d'examen.
Nous poursuivrons les efforts dans cette voie et nous pourrons nous féliciter que de nouvelles expérimentations soient lancées, à l'image de celle sur laquelle s'appuie votre proposition de loi, monsieur Bricout.
Lancée depuis le mois de septembre, elle vise à intégrer l'enseignement du code de la route dans la formation de second degré, au lycée. Nous nous étonnons de voir que vous souhaitiez la généraliser à l'échelon national alors même que nous n'avons pas encore de recul. Il conviendrait à tout le moins que l'année scolaire soit écoulée de manière à tirer les enseignements de cette première mise en oeuvre.
En outre, l'amendement de réécriture que vous proposez semble être un amendement de repli par rapport à une proposition initiale inaboutie. Vous rappelez à juste titre les possibilités nouvelles qu'offre la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance en matière d'expérimentation dans les établissements scolaires. Nous avons en effet souhaité que de telles expérimentations puissent être facilitées et encouragées mais pour les raisons que nous avons exposées, nous sommes défavorables à cet amendement dans la mesure où rien n'empêche les établissements de lancer déjà ce type d'initiative. La preuve en est donnée par celle sur laquelle vous vous fondez. Attendons d'en connaître les premiers résultats avant d'envisager une extension du dispositif dans les meilleures conditions possibles.
Pour notre part, nous éprouvons une grande fierté à soutenir cette proposition de loi. C'est une fierté dans la mesure où elle constitue un signal fort adressé aux jeunes, public par trop délaissé par un Gouvernement et une majorité qui voient dans le service national universel l'alpha et l'oméga de leur politique à destination de la jeunesse alors qu'il s'agit d'un dispositif peu à même d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés et de lutter contre les inégalités.
Lors des auditions menées pour enrichir ce texte, les acteurs se sont interrogés sur la mise en oeuvre du projet et les moyens mis à disposition par les pouvoirs publics, en particulier par l'État – car c'est bien de cela dont il s'agit –, mais ils ont tous salué sa pertinence. Preuve que lorsque l'on veut être réellement utile à la jeunesse, il n'y a nul besoin d'uniforme ou de salut au drapeau.
Comme l'a rappelé notre rapporteur, cette proposition de loi prend appui sur une initiative née dans l'Aisne qui s'inscrit dans le pacte pour la réussite de la Sambre-Avesnois-Thiérache signé il y a un an par Mme Jacqueline Gourault, en présence du Président de la République lui-même, signe qu'au sein de l'exécutif l'idée a suscité un intérêt certain, expérimentation menée sur le terrain dont les premiers résultats donnent pleine satisfaction
Les lycéens qui en bénéficient ne s'y sont pas trompés puisque plus de 83 % d'entre eux plébiscitent la mesure et mettent en avant les bénéfices qu'ils tirent des apprentissages et des révisions réalisées dans un cadre collectif, notamment en termes de motivation.
D'abord réticents, les proviseurs, enseignants et les personnels de l'éducation nationale ont accepté d'être associés au processus d'expérimentation et ont adopté, eux aussi, un dispositif qu'ils estiment tout à fait pertinent et complémentaire de leurs enseignements.
De leur côté, les moniteurs d'auto-école, qui pouvaient s'inquiéter d'une éventuelle concurrence et donc d'un manque à gagner, ont rapidement saisi l'intérêt que représentait ce projet pour la pérennité de leur entreprise. En effet, en nouant des partenariats avec les établissements scolaires, ils se mettent en position de retrouver une clientèle qui s'éloignait de leurs établissements au profit de l'apprentissage en ligne, de valoriser la qualité de leur enseignement et de démontrer la nécessité de leur accompagnement pour la réussite à l'examen.
À ce stade, on ne peut que se demander pourquoi ce qui fonctionne dans l'Aisne ne fonctionnerait pas ailleurs. Quand une idée est bonne, quand un dispositif est pertinent à l'échelle d'un territoire, il ne doit pas y avoir d'obstacle à son extension.
Il s'agit pour nous d'un bel objectif, qui s'inscrit dans la continuité du parcours de sensibilisation à la sécurité routière à l'école primaire et au collège. Il s'agit aussi d'une belle ambition, si l'on considère le caractère incontournable du permis de conduire pour l'accès à l'emploi mais également aux pratiques culturelles et sportives, en particulier pour les jeunes résidant en milieu rural où, bien souvent du fait de la distance et du manque de moyens de transport, l'accès à l'auto-école est malaisé.
Nous tenions aussi à souligner l'intérêt de cette mesure en matière de gain de pouvoir d'achat pour les jeunes et leurs familles puisque le reste à charge est de 30 euros, soit 10 % du coût moyen de l'examen du code.
Je vous invite donc, chers collègues, à apporter un large soutien à cette proposition de loi.
Votre proposition de loi consacre la gratuité de l'apprentissage de la partie théorique du permis de conduire en l'incorporant aux missions de l'éducation nationale. Elle se fonde sur une expérimentation menée en Thiérache pendant l'année scolaire 2019-2020 qui est destinée à faire bénéficier les lycéens de l'apprentissage du code de la route en classe de seconde. Notre groupe s'interroge sur le calendrier que vous avez choisi, monsieur le rapporteur : c'est une idée que vous défendez depuis de nombreuses années et je pense qu'il aurait sans doute été préférable d'attendre la fin de cette expérimentation pour légiférer dans des conditions acceptables.
Notre groupe partage votre diagnostic : le permis de conduire est indispensable pour décrocher un emploi. L'une des premières questions que l'employeur pose est très souvent : « Êtes-vous véhiculé ? ». Dans nos territoires ruraux en particulier, le permis de conduire est synonyme de mobilité et donc d'émancipation, puisqu'il est la condition sine qua non de l'accès à un emploi, à la culture et au lien social.
Cependant cette proposition de loi pose de nombreuses questions.
Le coût de l'expérimentation a été estimé à 60 000 euros pour 900 élèves, soit 53 millions d'euros pour une généralisation du dispositif à l'échelon national, ce qui peut apparaître très important.
Est-ce bien la mission de l'éducation nationale ? Ces heures consacrées au code de la route auront un impact sur d'autres activités.
Qui va assurer la formation ? Dans l'expérimentation qui vous occupe, il s'agit de professionnels mais ceux-ci ne seront pas assez nombreux si vous la généralisez.
Qu'est-il prévu en cas d'échec ? Le taux de réussite au code de la route est de 64 % en moyenne – avec une variation entre 45 % et 75 %. Ceux qui échouent aux épreuves disposeront-ils de vingt heures supplémentaires ? Qu'en sera-t-il pour ceux qui le rateraient deux fois ? Faudra-t-il prévoir à nouveau une session de vingt heures, ce qui ferait au total soixante heures ? Je ne sais pas comment vous les financerez. Pourtant, cela ne manquera pas d'arriver. Cela compliquera d'ailleurs peut-être les relations entre élèves.
Dans votre amendement, vous revenez sur la généralisation initiale au profit d'une extension à certains territoires. Quels seront les critères retenus ?
Le groupe UDI, Agir et Indépendants ne votera pas votre proposition de loi. Nous préférerions que cet apprentissage soit dispensé dans le cadre de la partie facultative du service national universel. Ce serait une belle incitation pour nos jeunes.
Au sein du groupe Libertés et Territoires, nous considérons la mobilité comme une question essentielle car nous savons qu'elle peut être difficile dans certains de nos territoires et nous avons conscience des obstacles socio-professionnels qu'elle engendre lorsqu'elle n'est pas garantie. Le permis de conduire est un passeport d'insertion dont l'absence peut devenir un véritable frein à l'emploi, en particulier dans les zones rurales. À titre d'exemple, en 2018, sur les 2,6 millions d'offres déposées à Pôle emploi, 15,7 % exigent la détention du permis B. Aujourd'hui, la voiture demeure le moyen de transport privilégié de nos concitoyens. Or le coût du permis de conduire représente une charge importante dans le budget des familles puisqu'il se situe en moyenne entre 1 600 et 1 800 euros.
Pour toutes ces raisons, nous accueillons avec intérêt votre proposition d'inscrire l'enseignement théorique du code de la route au lycée.
Vous avez raison de le souligner, monsieur le rapporteur, depuis plusieurs années, l'école a intégré progressivement la sensibilisation et l'éducation à la sécurité routière, allant jusqu'à délivrer des attestations comme l'ASSR. Néanmoins, nous nous interrogeons sur la capacité de l'école à accomplir des missions toujours plus importantes. Si nous estimons qu'elle est le lieu idéal pour donner les meilleures chances, nous craignons qu'on ne lui en demande trop. L'expérimentation actuellement menée en Thiérache nous incite à étudier cette option mais son caractère trop récent nous empêche de dresser un vrai bilan.
Nous serions curieux de connaître les retours des parties prenantes, notamment des professionnels ainsi que la position des régions qui participent au financement. En outre, nous aurions souhaité savoir comment vous envisagez l'intégration de cet enseignement dans le temps scolaire et son aménagement.
Nous accueillons favorablement l'amendement de réécriture de l'article 1er que vous avez déposé, monsieur le rapporteur. À ce stade, il nous paraît en effet raisonnable de nous en tenir au cadre de l'expérimentation. Attendons d'avoir des retours plus étayés de ce dispositif pour en évaluer la véritable efficacité.
Nous insistons toutefois sur la nécessité de proposer un calendrier précis pour anticiper une généralisation rapide au cas où ces expérimentations seraient concluantes afin de ne pas créer de différences, voire d'inégalités, selon les lycées et les territoires.
Enfin, il nous paraît essentiel que l'enseignement du code de la route et de la conduite intègre un volet consacré à l'écologie en sensibilisant les apprentis conducteurs aux alternatives à la voiture.
Merci, monsieur le président, de m'accueillir au sein de votre commission ; merci, chers collègues, de supporter ma présence. (Sourires.)
Je me réjouis que l'apprentissage de la conduite qui concerne 1,5 million de jeunes chaque année soit de nouveau à l'ordre du jour. Nous partons tous du même constat : le permis de conduire arbore l'étiquette de premier examen de France mais il n'en reste pas moins un obstacle difficile à franchir pour de nombreux jeunes, pour des raisons liées non à sa complexité mais à son coût. Les chiffres affichés dans les vitrines d'auto-écoles parlent d'eux-mêmes. Le forfait de base avoisine les 1 300 euros pour un tarif de vingt heures de conduite en moyenne. Un tel apport rend parfois inaccessible cette épreuve dont l'utilité n'est plus à démontrer dans notre société, qu'il s'agisse de l'obtention d'un emploi ou de l'émancipation personnelle.
C'est en tenant compte de ces difficultés que nous avions décidé de présenter une proposition de loi visant à instaurer un service public gratuit de permis de conduire comprenant l'apprentissage du code. Certains points avaient fait débat. L'une des questions récurrentes portait sur l'articulation entre l'éducation nationale et les auto-écoles. À notre sens, les 12 000 écoles de conduite, les 50 000 moniteurs constituent un apport fort à prendre compte pour réaliser le projet qui nous est présenté aujourd'hui.
Autre point qui mérite d'être mis en lumière : comme d'autres secteurs, les auto-écoles sont confrontées à une « ubérisation » sans limite. Nous le savons trop bien, la promesse du low-cost soutenue, disons-le clairement, par le président Macron, n'est qu'un mirage qui se dissipe devant nous. Ces plateformes en ligne, que je ne nommerai pas, se révèlent peu sûres pour les jeunes conducteurs et précaires pour les instructeurs. D'où la nécessité d'une formation encadrée dès le lycée.
Nous nous prononçons pour un véritable service public de l'éducation. Les murs des lycées doivent réunir toutes les conditions pour l'émancipation de chaque élève. Le code prépare à la mobilité, donc à l'autonomie. Son apprentissage dès le lycée s'insère dans une perspective émancipatrice. L'acquisition du permis B qui suit généralement l'apprentissage du code constitue à ce titre un levier incontournable. Il s'agit, en outre, d'un préalable déterminant pour l'insertion professionnelle.
Enfin, le présent texte tient compte de la transition écologique à l'instar de ce que nous proposions l'an dernier. L'absence d'un réseau de transport public étendu dans de nombreux territoires contraint à l'utilisation de la voiture individuelle. Rappelons que seulement 12 % des déplacements des Parisiens s'effectuent en voiture alors que 50 % de l'espace public de la ville lui sont dédiés. Face à cela, une sensibilisation à l'environnement s'impose comme une évidence le plus tôt possible.
Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi nous semble aller dans le bon sens, même si elle gagnerait à être plus précise sur certains points. Elle se concentre sur l'examen du code, qui est une première étape. Nous regrettons toutefois qu'elle n'aille pas jusqu'à l'obtention définitive du permis. Il s'agit d'une première avancée et nous voterons en sa faveur.
Je remercie M. Bricout qui nous permet de soulever la question du droit à la mobilité dont le caractère central est encore apparu lors des dernières mobilisations. Elle concerne en particulier les classes populaires de notre pays, que ce soit dans les zones rurales ou dans les zones urbaines et périurbaines. La capacité à se déplacer constitue un capital précieux pour beaucoup de nos concitoyens, notamment les jeunes, et la fracture de la mobilité doit être réduite d'urgence. À l'heure où les services publics de proximité sont supprimés, comment ne pas faire en sorte de favoriser l'accès à un moyen sûr de se déplacer ?
Plusieurs propositions de loi portant sur cet enjeu d'égalité ont été déposées : je pense à celle de M. Asensi sous la législature présente et à celle du groupe La France insoumise que vient à l'instant d'évoquer Alexis Corbière. J'aurais été plus encline à les voter car elles allaient plus loin dans le développement du service public et prenaient en compte toutes les épreuves du permis de conduire.
Quelques questions restent en suspens mais cette réunion est pour nous l'occasion d'y répondre et de vous pousser dans vos propres retranchements, monsieur le rapporteur.
Nous savons que les auto-écoles sont soumises à une « ubérisation » galopante. Comment protéger l'éducation nationale de cette concurrence sauvage ? Comment envisagez-vous la participation des moniteurs au dispositif que vous voulez étendre ?
Par ailleurs, mon groupe a coutume de rappeler que l'on demande beaucoup à l'école : sensibilisation à l'environnement, au harcèlement, à la laïcité et toutes sortes de préventions. Je le répète à l'intention de mes collègues du groupe La République en Marche. Toutefois, l'éducation à la sécurité routière me semble faire pleinement partie de son domaine de compétence. Il n'en reste pas moins que cela vient s'ajouter à la réforme du lycée voulue par le Gouvernement, galère pour les lycéens comme pour les professeurs. Je me demande donc comment cet enseignement pourrait être délivré dans de bonnes conditions. Votre amendement, monsieur Bricout, constitue en cela une avancée car il permettrait d'aller plus doucement, en ne prévoyant plus de généralisation.
L'expérimentation menée est extrêmement intéressante et la question abordée est centrale mais comment éviter d'imposer une lourdeur supplémentaire aux lycées ? Ces réserves me conduiront peut-être à déposer des amendements en séance.
Je ferai une réponse globale en commençant par donner des explications supplémentaires sur l'expérimentation menée actuellement.
Lorsque les jeunes se préparent à passer le permis de conduire, ils sont d'abord confrontés au frein que constitue l'accès même à l'auto-école. Faute de moyens de transport public, ils sont obligés de demander à leurs parents de les accompagner, ce qui oblige ces derniers à se rendre disponibles. L'avantage de dispenser les cours au sein même du lycée, c'est que c'est un lieu où se rendent les élèves chaque jour et qui fournit tous les équipements nécessaires à cet apprentissage en train de se numériser.
Nous avons souhaité intégrer les auto-écoles dans le dispositif. Lors de mes visites, j'ai été impressionné par la qualité pédagogique dont faisaient preuve les moniteurs. Il serait dommage de se priver de la plus-value qu'ils apportent. Dans le cadre de ce lieu d'enseignement, leurs compétences sont préservées, loin de la concurrence dont vous parliez. Ils dispensent dix heures de formation à raison d'une heure par semaine pour des groupes d'environ vingt élèves et ceux-ci sont très preneurs d'une méthode collective d'apprentissage. Ils vivent un peu en tribu, si j'ose dire : ils se motivent les uns et les autres. Un système de double coaching a été mis en place pour impulser une dynamique de groupe. Aux moniteurs s'ajoutent les enseignants ou les personnels administratifs.
Le deuxième frein auquel sont confrontés les jeunes désireux de passer leur permis de conduire, c'est le coût. L'expérimentation est financée à parité par l'État et la région : l'État a mobilisé des crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) qu'il a versés à la région qui a ensuite doté les différents lycées concernés pour mettre en place les formations, trouver des partenariats avec les auto-écoles en les mettant en concurrence.
Outre la formation au code de la route, cette expérimentation présente un autre intérêt : apprendre aux jeunes à bien se conduire. Je vous rappelle l'article L. 312-13 du code de l'éducation : « L'enseignement du code de la route est obligatoire et est inclus dans les programmes d'enseignement des premier et second degrés ». Cette formation relève donc bien de la compétence du lycée.
Certains d'entre vous redoutent que le nombre des tâches confiées aux lycées ne provoque un embouteillage. L'amendement que j'ai déposé à l'article 1er leur laisse précisément le soin de juger si l'apprentissage du code de la route est une priorité ou non. De fait, cette question est sans doute plus prégnante dans les territoires ruraux ou en difficulté. Aussi cet amendement de repli vise-t-il à étendre simplement le droit d'expérimentation, qui est déjà inscrit dans la loi, à l'enseignement du code de la route et au passage de l'épreuve théorique du permis de conduire au lycée. Nous laissons ainsi toute liberté aux équipes pédagogiques et aux élus locaux, notamment de la région.
Quant au coût du dispositif, il s'élève à environ 70 euros par élève. Il est donc inférieur au coût moyen de l'apprentissage du code de la route, qui se situe entre 300 et 350 euros.
Le taux de réussite se situe aux alentours de 66 %. On constate actuellement que beaucoup de jeunes renoncent. En effet, certains d'entre eux s'inscrivent sur une plateforme numérique et se retrouvent seuls devant leur écran, ce qui peut constituer une difficulté. Or, dans le cadre de l'expérimentation, je le rappelle, ils bénéficient non seulement de la dynamique de groupe, mais aussi d'un accompagnement très personnalisé. Le personnel enseignant suit en effet l'élève, y compris lorsqu'il révise chez lui, grâce à l'espace numérique de travail. J'espère donc que les échecs seront le moins nombreux possible. Bien entendu, si un élève échoue, on ne doit pas l'abandonner. Du reste, la formation peut être à la carte : certains peuvent avoir besoin de davantage d'heures de cours et d'intégrer la session suivante.
Quoi qu'il en soit, j'ai pu le constater, ce dispositif, fondé sur le volontariat, est plébiscité par les jeunes, notamment parce qu'ils s'inscrivent dans une dynamique collective, une logique de groupe. Le passage de cet examen au lycée nous paraît donc absolument pertinent et mérite d'être, sinon généralisé, du moins proposé dans le plus grand nombre d'établissements possible.
Monsieur le rapporteur, à la lecture de votre proposition de loi initiale, je me suis interrogé sur le coût de son application pour l'État. Toutefois, l'amendement que vous nous proposez à l'article 1er vous permet de corriger le tir, en reconnaissant que la généralisation immédiate de l'expérimentation représenterait un coût non négligeable pour la collectivité publique, pour reprendre les termes que vous utilisez à la page 10 de votre rapport. Toutefois, même ainsi réécrite, votre proposition de loi aurait un coût pour la collectivité puisque, si elle était adoptée, elle aurait pour conséquence une augmentation des expérimentations. Je souhaiterais donc savoir quelles modalités de financement vous envisagez.
Le financement serait partagé entre l'État et la région. L'expérimentation menée en Thiérache bénéficie ainsi d'une enveloppe de 60 000 euros allouée par le FNADT à la région. Le coût moyen global, qui inclut l'enseignement dispensé par l'auto-école, l'inscription à l'examen et le coaching assuré par les personnels du lycée, s'élève à environ 70 euros par élève. Dans le cadre d'une expérimentation, le choix relèverait de l'équipe de direction, de l'équipe pédagogique et de l'ensemble des élus, voire des collectivités. Pour notre part, nous avons organisé plusieurs réunions avec des élus de la région, du département, des communautés de communes, les directeurs de lycées et les services de l'État. En l'espèce, le dispositif est financé à parts égales par la région et par l'État, mais d'autres collectivités étaient intéressées. On peut même penser que le secteur des assurances pourrait participer au montage financier, en raison des enjeux liés à la sécurité routière.
Les moniteurs d'auto-école sont des professionnels certifiés, formés à l'enseignement du code de la route. Ils ont des compétences que les professeurs n'ont pas pour préparer à l'épreuve théorique du permis de conduire. Même si les auto-écoles peuvent être associées à l'expérimentation du passage de l'épreuve théorique du permis de conduire dans le cadre d'un établissement scolaire, cette disposition ne risque-t-elle pas d'être mise en oeuvre à leur détriment ?
Telle n'est pas notre volonté, en tout cas, puisque nous les avons incluses dans le dispositif. Nous avons immédiatement perçu leurs interrogations : c'est un métier en pleine mutation, de plus en plus « ubérisé », et ils ont compris que le marché était en train de leur échapper, d'une façon ou d'une autre. Or, ils ont des compétences particulières : je les ai vus à l'oeuvre, et j'ai été étonné par la qualité pédagogique de leur enseignement. Ils apportent une véritable plus-value à l'apprentissage, si bien que ce serait dommage de se priver de leur savoir-faire. Par ailleurs, ils travaillent en binôme avec les personnels du lycée, dans le cadre d'un double apprentissage. Non seulement nous n'oublions pas les auto-écoles, mais nous contribuons en quelque sorte à revaloriser leur métier. Au lycée, les cours sont franchement très bien animés, peut-être beaucoup plus que dans une auto-école, d'ailleurs, où le moniteur peut avoir tendance à s'épargner les explications de fond. Avec l'école, qui assure l'apprentissage des comportements, le dispositif est complet : il inclut un volet technique et un volet pédagogique important.
Je veux tout d'abord adresser mes félicitations à Jean-Louis Bricout pour l'expérimentation menée en Thiérache et sa proposition de loi, qui vise à étendre progressivement cette expérimentation à l'ensemble du territoire. L'apprentissage des savoirs fondamentaux participe véritablement, dans le cadre de ce que nous appelons le parcours de citoyenneté, du rôle de l'éducation nationale. Nous avons inscrit dans le code de l'éducation, le savoir nager, le savoir rouler, l'apprentissage des gestes de premiers secours… L'éducation routière a tout à fait sa place dans le cadre du temps scolaire. J'ajoute que vingt heures dans l'année seraient consacrées à cet apprentissage ; celui-ci devrait donc pouvoir être organisé sans trop de difficultés, même dans le cadre de la réforme du lycée. Cette proposition de loi est donc bienvenue.
J'ai entendu certaines critiques portant sur le coût financier de cette mesure, qui serait de 50 millions. C'est très loin de celui du service national universel qui, s'il devait être généralisé, serait de 1,5 milliard. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous dire si tous les lycéens seraient concernés par votre proposition de loi ?
L'expérimentation menée actuellement concerne l'ensemble des lycéens, qu'ils soient en lycée technique, en lycée professionnel, dans un lycée public ou privé, dans un lycée agricole, une maison familiale rurale (MFR) ou un centre d'apprentissage. Si le dispositif était généralisé, il concernerait 800 000 élèves chaque année. Quant à ceux qui passeraient à côté, ils pourront toujours bénéficier des dispositifs relevant d'autres structures, telles que les missions locales, notamment, qui pourraient prendre le relais.
Quant au SNU, on peut tout d'abord se demander s'il deviendra obligatoire, à terme, puisque cela suppose tout de même que l'on révise la Constitution. En tout état de cause, l'apprentissage du code de la route qui est proposé aux jeunes dans ce cadre est très différent, puisqu'il consiste à leur offrir un accès gratuit à l'examen – ce que nous avons refusé, pour notre part, estimant que la participation financière de l'élève pouvait contribuer à sa motivation et donc à la réussite de son apprentissage – et de suivre un cours sur une plateforme numérique. À ce propos, chers collègues de la majorité, les questions que vous vous posez au sujet de ma proposition de loi, il faudrait vous les poser à propos du SNU, car vous êtes prêts à généraliser l'apprentissage du code de la route dans ce cadre alors qu'on n'a aucun retour sur les premières expérimentations menées.
Merci pour votre présentation, monsieur Bricout. Votre proposition de loi prévoit un aménagement du temps scolaire pour les élèves des classes de seconde, le temps des élèves de classe de terminale étant plus difficile à aménager. Cependant, l'accès à l'apprentissage du code de la route est possible, dans le cadre de la conduite accompagnée, pour les élèves âgés d'au moins quinze ans. D'où ma question : qu'en serait-il pour les élèves de classe de seconde âgés de quinze ans mais qui n'auraient pas la possibilité de suivre le processus de la conduite accompagnée ? Et quid des élèves qui échoueraient à l'examen du code de la route pendant leur année de seconde ?
Le code, lorsqu'on a réussi l'examen, est valable cinq ans. Il s'agit, en tout état de cause, d'une première étape. Il est possible, ensuite, d'y ajouter des dispositifs complémentaires, qu'il s'agisse de la conduite accompagnée ou des différents programmes de soutien proposés par les régions. Celle des Hauts-de-France, par exemple, propose un permis à un euro, sous la forme d'une avance remboursable. Précisément, il est important que l'élève soit informé, au cours de son apprentissage, des différentes possibilités qui lui sont offertes, car les jeunes méconnaissent parfois les dispositifs qui peuvent les aider à aller au bout du processus et obtenir leur permis de conduire.
Monsieur le rapporteur, si nous avons deux points de vue, deux méthodes différentes, notre objectif est le même : mettre le permis de conduire à la portée de tous les élèves – permis qui ne se limite pas au code. À ce propos, je souhaiterais vous faire part d'une expérimentation menée dans les Hauts-de-France. Un chef d'établissement a signé un partenariat avec un réseau d'auto-écoles, aux termes duquel celles-ci s'engagent à venir chercher l'élève, pour sa leçon de conduite, devant le lycée, à le déposer au même endroit à la fin du cours, et à lui facturer, qui plus est, des frais d'inscription inférieurs à ceux pratiqués dans des écoles classiques. Cela permet à la fois d'alléger le quotidien des familles, surtout en milieu rural, et de faciliter l'accès financier à cette formation, sans charges ni pour le lycée ni pour l'éducation nationale. Ne devrions-nous pas nous inspirer plutôt de cette expérience pleine de bon sens ?
Il s'agit en effet d'une bonne mesure, complémentaire de celle que nous proposons. Si nous nous sommes cantonnés à l'apprentissage du code de la route, c'est parce qu'il s'agit d'un apprentissage collectif, qui trouve ainsi tout son sens au lycée, où les jeunes se rendent quotidiennement et peuvent bénéficier de tous les équipements informatiques nécessaires. On peut évidemment aller plus loin. Du reste, le dispositif que vous évoquez existe aussi chez nous : les auto-écoles vont chercher l'élève directement au lycée. Pour ces dernières, le fait de participer à l'apprentissage du code de la route dans les établissements leur offre en quelque sorte une clientèle captive pour les leçons de conduite, à terme. On peut ainsi trouver des solutions qui arrangent tout le monde, notamment les élèves. Par exemple, dans les MFR ou les CFA, qui abritent un internat, l'apprentissage du code est beaucoup plus facile à organiser parce qu'ils sont plus disponibles.
Monsieur le rapporteur, le permis de conduire, dites-vous, est, pour les jeunes, un véritable passeport qui contribue à leur ouvrir les portes de l'emploi, de la culture et du sport. Ce constat, nous le partageons. Il est important de souligner que c'est notamment dans les territoires ruraux que cet accès à la conduite est important.
Je souhaiterais cependant vous interroger sur la mobilité en zone urbaine, plus particulièrement sur la façon dont chaque élève appréhende sa mobilité. Pour prendre un exemple concret, j'ai participé, vendredi dernier, à la restitution, dans un collège de ma circonscription, des ateliers que le Centre Pompidou organise dans un centre d'accueil installé aux Halles, c'est-à-dire à vingt minutes de ma circonscription par les transports en commun. Or, les élèves de ce collège nous disent que ce centre est trop loin. De fait, en discutant avec les animateurs, nous avons pu nous rendre compte que ces jeunes étaient confrontés à un véritable problème de mobilité, mais dans les transports en commun, qu'ils connaissent mal et qu'ils ont parfois peur d'emprunter. Comment peut-on améliorer l'information sur la mobilité ? Plutôt que les accompagner dans le cadre du permis de conduire, ne faudrait-il pas réfléchir à un « permis mobilité » ?
C'est une question de portée plus générale. En milieu urbain, j'en conviens, la problématique n'est pas la même qu'en Thiérache, qui est un territoire très rural et défavorisé. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de repli, qui laisse la possibilité à chacun d'évaluer l'opportunité d'expérimenter un tel dispositif en fonction de la situation de son territoire, en faisant confiance, pour cela, aux élus et aux équipes pédagogiques. Il est vrai que, dans les zones urbaines, cette proposition est peut-être moins pertinente, en tout cas beaucoup moins nécessaire, même si certains habitants des zones urbaines peuvent avoir des difficultés financières pour accéder au permis de conduire. Quoi qu'il en soit, il me semble nécessaire d'informer les jeunes sur les modes de déplacement en milieu urbain. Mais ils peuvent l'être dans le cadre du dispositif proposé. En la matière, il faut laisser une certaine liberté aux établissements. L'important, pour la jeunesse, est de pouvoir se déplacer dans les meilleures conditions possibles et dans le respect de l'environnement.
L'apprentissage du code de la route est, comme l'a très bien dit M. Bricout, un premier pas vers la liberté. Dans mon territoire comme ailleurs, l'obtention du permis de conduire est en effet le passeport incontournable pour l'insertion professionnelle. Mais l'épreuve théorique du code de la route reste une difficulté pour de nombreux jeunes – je le sais pour avoir une jeune fille à la maison qui a préféré, comme beaucoup de jeunes, faire l'apprentissage du code seule, en s'inscrivant sur une plateforme sur internet. Ce qui peut apparaître comme une simple formalité pour nous devient rapidement un obstacle majeur lorsque les échecs se succèdent et finissent par dissuader les jeunes de poursuivre, en particulier dans les lycées professionnels et agricoles, où ils cumulent un certain nombre d'échecs. Avez-vous pu avoir une discussion avec le ministère de l'éducation nationale sur les modalités et les outils à mettre en place pour que les préconisations inscrites dans le code de l'éducation puissent trouver leur application dans les lycées ?
C'est une bonne question. Il est vrai que le recours au numérique se développe de plus en plus. Ce que nous avons voulu éviter, dans le cadre de l'expérimentation – en espérant que d'autres s'inspireront de ce modèle –, c'est précisément que le jeune soit laissé seul face à un écran d'ordinateur, d'autant que certains d'entre eux peuvent avoir des difficultés dans ce domaine. De fait, le dispositif doit sa pertinence à un double coaching et à la dynamique de groupe, qui entraîne les jeunes. J'ajoute que, dans les zones rurales notamment, tous n'ont pas un ordinateur chez eux et tous n'ont pas accès à internet. Encore une fois, l'intérêt du dispositif est d'offrir à la fois un accompagnement très personnalisé et une dynamique de groupe.
Du reste, les jeunes, je le constate, sont tous emballés. Il suffit que deux ou trois d'entre eux se lancent, et ils entraînent les autres à leur suite : ils s'entraident lors des sessions, sont solidaires. On leur demande parfois de faire l'effort d'apprendre. Je crois que cet apprentissage très concret, dont ils sont en demande, les incite à faire cet effort. C'est une des raisons pour lesquelles il est important que cela se fasse au lycée, car cet aspect collectif, cette solidarité, rejaillit sur l'apprentissage des autres matières.
Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi a un objet tout à fait louable : permettre aux lycéens d'accéder au permis de conduire et éduquer les jeunes générations à la sécurité routière. On ne peut qu'y souscrire. Je m'interroge néanmoins sur son application, notamment sur l'impact financier de la généralisation de cette mesure. Les dispositions du texte prévoient que le financement soit pris en charge à parts égales par l'État et la région. Les régions pourraient-elles financer l'application d'une telle mesure dans l'ensemble de leur territoire ? Sans étude d'impact, il me semble difficile de s'en faire une idée. Dès lors, ne craignez-vous pas, en généralisant trop rapidement cette mesure, de créer une distorsion en matière d'accès au permis de conduire ?
Si le dispositif était étendu à l'ensemble du territoire – ce qui ne serait pas le cas, puisque nous avons déposé un amendement pour qu'il soit mis en oeuvre sur la base du volontariat –, son coût serait d'environ 50 millions d'euros. Mais il y a une attente extrêmement forte des jeunes, qui est très perceptible dans mon territoire. Nous le savons, en tant qu'élus locaux, il n'est pas toujours facile de parler aux jeunes, de leur envoyer un message. Là, nous avons l'occasion de leur proposer une mesure qu'ils attendent. Certes, elle coûterait 50 millions, mais, au regard du coût du SNU, estimé à un milliard, ce n'est pas un montant si extraordinaire que cela. D'autant, je le rappelle, qu'elle serait appliquée sur la base du volontariat.
Par ailleurs, dans le modèle que nous avons choisi pour notre expérimentation, le financement est partagé par l'État et la région. Mais le choix se fera dans le cadre d'un dialogue entre les équipes pédagogiques, l'équipe de direction, l'ensemble des collectivités et l'État. S'ils estiment que faciliter l'accès des jeunes à l'apprentissage du code de la route au lycée est une priorité dans leur territoire, ils trouveront les moyens nécessaires. J'ajoute que si la région a vocation – puisque cela relève de sa compétence première – à participer au financement, l'État peut également y prendre part, ainsi que d'autres collectivités – dans l'Aisne, par exemple, la jeunesse en a tellement besoin que le département avait proposé sa participation – mais aussi, je le répète, le secteur assurantiel.
Cher collègue, votre idée, je n'y reviens pas, est absolument intéressante, même si elle soulève certaines questions d'ordre opérationnel. Je souhaiterais insister, pour ma part, sur le lien entre l'enseignement scolaire et l'apprentissage du code de la route. Avez-vous pensé à introduire la question de l'éco-mobilité et des mobilités durables dans votre expérimentation pour que la nouvelle génération contribue à favoriser leur développement ?
Oui. On voit bien l'intérêt pédagogique que présente un tel dispositif pour la sensibilisation des élèves à des comportements citoyens, écologiques et à des modes de déplacement plus durables. Je rappelle, à ce propos, que si les auto-écoles sont chargées de l'enseignement technique, le personnel du lycée est intégré dans le dispositif. Du reste, si ces expérimentations se développaient, on pourrait envisager la création de plateformes qui permettraient un partage des bonnes pratiques. De ce point de vue, le sujet que vous évoquez devrait être intégré dans un module pédagogique plus général. Ce peut être le cas d'autres sujets. Les distances de freinage, par exemple, intéressent également le prof de maths. L'intérêt pédagogique du dispositif est évident. C'est pourquoi le contenu des apprentissages devrait être le plus complet possible.
Monsieur Bricout, je sais que la question de l'apprentissage du permis de conduire vous préoccupe depuis plusieurs années. C'est la raison pour laquelle vous êtes à l'origine de cette expérimentation, menée dans votre territoire, qui ne manque pas d'intérêt. Nous avons la responsabilité de nous assurer de la qualité de l'enseignement du code de la route, car c'est un élément majeur de la prévention routière. En tant que membre du Conseil supérieur de l'éducation routière, je me soucie également des professionnels des auto-écoles, dont le métier est de s'assurer de l'acquisition solide des compétences du référentiel pour une éducation à la mobilité citoyenne et dont l'existence est importante dans nos territoires. Or, les organisations syndicales de la profession s'étonnent de ne pas avoir été auditionnées dans le cadre de la préparation de cette proposition de loi. Pouvez-vous nous dire pourquoi et éventuellement les rassurer quant à la place des auto-écoles dans le dispositif et à la qualité de l'enseignement que vous préconisez ?
Votre question est très pertinente. Dans le cadre de l'expérimentation locale, nous avons, bien entendu, rencontré l'ensemble des auto-écoles, lesquelles s'inquiètent, je l'ai dit, de la numérisation de leur métier. Dans le cadre de la proposition de loi, nous avons également souhaité auditionner leurs représentants, mais ceux-ci n'ont pas répondu à nos sollicitations. C'est d'autant plus dommage que le renforcement de la cohérence entre l'apprentissage du code et celui de la conduite, prôné par les syndicats, est précisément proposé dans notre dispositif. Quoi qu'il en soit, dans mon territoire, les auto-écoles ont vraiment joué le jeu, car elles ont bien perçu que le marché leur échappait et que leur intervention dans les lycées, qui correspond à leur coeur de métier, leur permettrait de faire valoir la qualité de leur enseignement et de leurs formateurs. De fait, le dispositif valorise leur métier. Je regrette donc, encore une fois, que les représentants des auto-écoles n'aient pas répondu à nos sollicitations. Nous aurions pu leur expliquer que notre proposition pouvait représenter une solution pour elles, d'autant que, une fois qu'elles sont entrées dans le lycée, elles ont une clientèle captive pour les cours de conduite.
Certains diront que je ne suis pas objectif, puisque je suis député de l'Aisne, donc voisin de votre rapporteur. Mais, même si je ne suis pas membre de votre commission, je tenais à apporter, à titre personnel, mon soutien à cette proposition de loi qui a fait ses preuves dans notre département. Comme beaucoup d'entre vous, je me suis d'abord interrogé sur le rôle des auto-écoles et sur la concurrence que le dispositif pouvait éventuellement instaurer – j'en avais en effet discuté avec beaucoup d'entre elles. Mais le retour d'expérience a montré que les auto-écoles, comme les collectivités, sont parties prenantes du projet, lequel fonctionne bien.
Ma deuxième interrogation concernait l'apprentissage du code par les lycéens en situation de handicap, notamment ceux atteints de troubles « dys » : dyslexie, dysphasie dysorthographie… Là encore, mes doutes ont été dissipés, puisque j'ai discuté, cette semaine encore, avec le président de l'association Dys'Aisne de notre département, qui a travaillé avec une auto-école agréée pour enseigner le code à ces élèves atteints de troubles « dys ». Ils sont donc, eux aussi, parties prenantes. Ce projet est une initiative de bon sens qui mérite d'être soutenue.
Il est en effet important – c'est le projet de l'école inclusive – d'accepter les enfants affectés de troubles « dys ». Qu'ils soient dyslexiques ou souffrent de troubles visuo-spaciaux, ils demandent une attention particulière. Dans le cadre de l'expérimentation, précisément parce que le personnel des lycées est intégré au dispositif, nous avons pu, avec l'appui d'associations locales comme Dys'Aisne et les auto-écoles, accompagner au mieux ces élèves. Cela illustre le volet « accompagnement personnalisé » du dispositif que j'évoquais tout à l'heure.
Monsieur Bricout, je m'interroge sur la pertinence d'associer les lycées au passage de l'épreuve théorique du code de la route, dès lors qu'il est prévu que tous les jeunes bénéficient, dans le cadre du SNU, d'une formation et d'un accès gratuit à cet examen. En effet, la phase de préfiguration, qui a commencé en juin dernier, prévoit que les volontaires bénéficient d'une sensibilisation à la sécurité routière et soient préparés à l'épreuve théorique du code via des plateformes numériques mises à leur disposition. Ils ont également la possibilité de se présenter une fois, gratuitement, à l'examen du code.
Ce dispositif qui profite, pour l'instant, aux volontaires dans le cadre de la préfiguration, devrait s'étendre à tous les jeunes âgés de seize ans à dix-huit ans dès lors que le SNU sera généralisé. Est-il donc utile d'associer à votre dispositif des lycées qui sont actuellement très mobilisés par la réforme du baccalauréat, alors qu'une expérimentation a déjà commencé dans un cadre qui concernera, à terme, tous les jeunes âgés de seize à dix-sept ans ?
J'ai déjà plus ou moins répondu à cette question. On peut inscrire cet apprentissage dans le cadre du SNU, pourquoi pas ? Mais il me paraît beaucoup plus pertinent de l'organiser au lycée, où les élèves se rendent quotidiennement, toute l'année. Par ailleurs, le SNU ne sera peut-être pas généralisé demain ou après-demain. En revanche, si nous adoptions la proposition de loi, 800 000 élèves – le SNU en concerne beaucoup moins – pourraient bénéficier rapidement d'une telle expérimentation. En outre, la qualité de l'apprentissage ne serait pas du tout la même. Dans le cadre du SNU, qui durerait deux fois quinze jours, les jeunes auraient la possibilité de se rendre sur une plateforme numérique pendant deux ans et se verraient offrir un accès gratuit à l'examen. Nous avons refusé, quant à nous, cette gratuité, car nous avons estimé que l'élève pourrait être démotivé s'il ne participait pas au financement. Au lycée, on le voit, la participation se fait sur la base du volontariat, et ils sont quasiment tous partants. De fait, le lycée est le lieu adéquat : c'est très simple et pratique pour les jeunes. Au demeurant, l'apprentissage du code de la route fait partie des missions de l'école : il est inscrit dans le code de l'éducation nationale. Ce que nous souhaiterions, c'est que l'apprentissage et le passage de l'examen aient lieu au même endroit.
En écoutant les uns et les autres, j'ai le sentiment que cette proposition de loi est généreuse envers la jeunesse, mais que l'expérimentation, inaboutie en Thiérache, soulève encore un certain nombre de questions, notamment celle de l'articulation du lycée avec les auto-écoles. J'ai bien noté qu'au niveau local, celles-ci avaient été intégrées au dispositif – et c'était nécessaire. C'est pourquoi je me suis étonné, en consultant la liste des personnes auditionnées, d'y trouver le délégué interministériel à la sécurité routière, les syndicats d'enseignants, des représentants des élèves, mais aucun syndicat national des auto-écoles. Toutefois, sur ce point, la réponse que vous avez apportée à Mme Dubois me convient parfaitement.
L'expérimentation est tout de même bien avancée, au point que nous disposons déjà de premières conclusions : les jeunes sont satisfaits de ce dispositif, qui leur convient et fonctionne de manière satisfaisante. La seule interrogation qui demeure concerne les résultats à l'examen. Mais, dès lors que le dispositif ne fait qu'apporter une plus-value grâce, soit à l'auto-école, soit au suivi personnalisé et au suivi de groupe, je ne vois pas pourquoi les résultats seraient moins bons. Du reste, d'autres peuvent se lancer dans l'aventure et contribuer éventuellement à améliorer encore la qualité de la méthode d'apprentissage. C'est pourquoi nous voulons inscrire ce dispositif dans la loi. Ainsi, d'autres collectivités pourront mener leur propre expérimentation et partager leur expérience de façon à améliorer le dispositif.
Je remercie M. Bricout pour cette proposition de loi ; les échanges qu'elle suscite sont intéressants. Néanmoins, je m'interroge. La mobilité est en effet un capital important, mais il faut être attentif à ce qu'elle ne rime pas avec le mot « mort ». L'alcool au volant tue en effet 200 jeunes par an, à peu près autant que la consommation de stupéfiants. Comment tirer profit, à cet égard, d'un apprentissage collectif du code de la route au lycée ? Comment tirer profit de la dynamique de groupe pour renforcer l'information des jeunes et mieux les sensibiliser aux dangers de l'alcool et de la consommation de stupéfiants au volant ? Quels partenariats conclure avec le milieu associatif qui lutte contre ces fléaux, de façon à étendre l'apprentissage des règles du code de la route à une réflexion sur le comportement citoyen au volant ?
Il s'agit en effet d'une question centrale. Nous aimons nos jeunes ; nous ne voulons pas qu'ils aient des accidents. Or, ils en ont deux fois plus que les adultes, en raison notamment des problèmes liés aux addictions que vous avez évoqués. Il existe déjà, au sein de l'éducation nationale, des programmes de sensibilisation à tous ces comportements. De fait, c'est un enjeu essentiel. Le comportement dans la vie est souvent le même qu'au volant. L'expérimentation que nous proposons permettrait de rassembler nos jeunes autour de l'apprentissage du code de la route mais aussi de l'étendre à un apprentissage des comportements, qui me paraît essentiel. Il faut apprendre à conduire, mais aussi à bien se conduire.
Monsieur Bricout, je suis, comme vous, un élu picard, issu d'un territoire rural, où le permis de conduire est une absolue nécessité, non seulement pour trouver un emploi, mais aussi pour accomplir les actes de la vie quotidienne, comme aller chercher son pain, par exemple. Permettez-moi de mentionner, à ce propos, un dispositif innovant mis en oeuvre dans l'Oise et qui ne s'adresse pas qu'aux lycéens, mais à l'ensemble des jeunes – car il ne faut pas oublier ceux qui ne vont pas au lycée et qui ont aussi besoin de se déplacer. Je veux parler du Pass permis citoyen : 600 euros contre 70 heures de travail au service d'une collectivité ou d'une association. Ne pensez-vous pas qu'il serait plus judicieux de généraliser un dispositif de ce type ?
Il existe, en effet, divers dispositifs destinés à aider les jeunes à passer leur permis de conduire. Certains relèvent des missions locales, d'autres des collectivités ou des maisons de l'emploi et de la formation – tout existe. Ce que nous proposons dans le cadre de notre expérimentation, c'est une première étape. Elle n'empêche pas les bonnes volontés de proposer des dispositifs complémentaires. Si nous nous en tenons à cette étape, c'est parce que l'apprentissage du code de la route est collectif et que le lycée y est parfaitement adapté. Dans ce cadre, proposer des leçons de conduite, par définition individuelles, n'aurait guère de sens. Mais peut-être peut-on envisager, par exemple, d'équiper, un jour, les établissements de simulateurs de conduite.
La commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er : Généralisation du passage de l'épreuve théorique du code de la route dans les lycées
La commission est saisie de l'amendement AC1 du rapporteur.
Cet amendement, qui tend à re-rédiger l'article 1er, est presque un amendement de repli, dans la mesure où il a pour objet de revenir sur la généralisation obligatoire, qui est susceptible de soulever notamment des problèmes d'organisation dans certains lycées.
Il s'agit donc de modifier l'article L. 314‑2 du code de l'éducation, relatif aux expérimentations pédagogiques. En effet, la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a considérablement élargi les possibilités offertes aux établissements scolaires en la matière. Sous réserve de l'autorisation préalable des autorités académiques et après concertation avec les équipes pédagogiques, ces expérimentations peuvent désormais être lancées pour une durée de cinq ans, dans des conditions définies par décret. Les collectivités territoriales sont par ailleurs systématiquement associées à la définition des grandes orientations des expérimentations menées par l'éducation nationale ainsi qu'à leurs déclinaisons territoriales.
En d'autres termes, un cadre juridique précis est défini ; il suffit de le compléter pour que l'expérimentation spécifique menée en Thiérache puisse être mise en oeuvre par les établissements d'autres territoires qui le souhaiteraient. Le périmètre actuel des expérimentations concerne en effet strictement l'organisation de la classe ou de l'établissement ainsi que les questions relatives aux enseignements et à leurs modalités. Il apparaît en conséquence nécessaire de l'étendre afin d'y inclure l'enseignement du code de la route et le passage de l'épreuve théorique.
Je tiens à remercier M. Bricout pour cet amendement, qui apporte des réponses aux questions que j'ai soulevées dans mon intervention. Nous voterons donc la proposition de loi.
Je veux vous remercier à mon tour pour cet amendement, Monsieur Bricout. Pour ma part, j'ai été un peu choquée de lire, dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, que le temps de l'accompagnement scolaire, durant lequel vous proposiez d'organiser l'apprentissage du code de la route, serait « désormais utilement mis à profit ». Cette phrase m'a paru quelque peu maladroite. En effet, les heures d'accompagnement personnalisé sont un temps de travail pédagogique concerté, consacré au soutien et à l'accompagnement scolaire des élèves, ainsi que, et c'est très important, à leur orientation.
Vous proposez de revenir sur le caractère obligatoire du dispositif, et c'est une bonne chose. Toutefois, j'appelle votre attention sur le fait que, si vous mentionnez l'enseignement du code de la route à l'article L. 314-2 du code de l'éducation, il sera désormais nécessaire d'y inscrire tous les domaines susceptibles de faire l'objet d'une expérimentation : non seulement l'apprentissage du code de la route, mais aussi le passage du brevet de Prévention et secours de niveau 1, le PSC1… On aboutirait ainsi à un inventaire à la Prévert qui pourrait devenir contraignant. Enfin, il est d'ores et déjà permis par le code de l'éducation de faire intervenir, par exemple, les auto-écoles, de sorte qu'à mon sens, votre amendement est satisfait.
La phrase de mon exposé des motifs, je le reconnais humblement, est en effet peut-être maladroite. Mais nous nous sommes efforcés de nous adapter à tout ce qui a pu nous être dit, lors des auditions, par les enseignants, les directeurs de collèges. C'est pourquoi nous avons adopté cette position de repli. De fait, tous les territoires sont différents et ne connaissent pas les mêmes difficultés.
Nous avons choisi cet article du code de l'éducation parce qu'il nous paraissait à la fois cadré et ouvert à certaines propositions d'expérimentation. Nous ne faisons que le compléter. Notre objectif est, non pas d'imposer un dispositif, mais de proposer une mesure qui suscite l'envie de s'inspirer de notre expérimentation, de façon à partager les différentes expériences. Le fait que cela soit inscrit dans la loi est important, au regard des questions financières et budgétaires. Ainsi, peut-être les prochaines lois de finances consacreront-elles des fonds à ces expérimentations. Encore une fois, il s'agit de susciter l'envie plutôt que d'imposer une obligation, sachant qu'une telle expérimentation peut être contraignante au moment où entre en vigueur la réforme du lycée. Enfin, on ne peut pas dire qu'il s'agit d'un inventaire à la Prévert : la disposition est cadrée.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle rejette l'article 1er.
Article 2 : Gage de recevabilité
La commission rejette l'article 2.
La commission ayant rejeté l'ensemble des articles, la proposition de loi est rejetée.
En conséquence, en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique se déroulera sur la base du texte initial de la proposition de loi en procédure simplifiée.
La séance est levée à onze heures trente.
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Présences en réunion
Réunion du mercredi 27 novembre 2019 à 9 heures 30
Présents. – Mme Stéphanie Atger, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Philippe Berta, M. Bruno Bilde, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Jean-Louis Bricout, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, Mme Fabienne Colboc, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Elsa Faucillon, M. Alexandre Freschi, M. Bruno Fuchs, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Florence Granjus, Mme Danièle Hérin, Mme Sandrine Josso, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Brigitte Kuster, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, M. Sébastien Nadot, M. Bertrand Pancher, Mme Bénédicte Pételle, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Muriel Ressiguier, Mme Cécile Rilhac, M. Cédric Roussel, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Sylvie Tolmont, Mme Michèle Victory, M. Michel Zumkeller
Excusés. - Mme Emmanuelle Anthoine, M. Bertrand Bouyx, M. Bernard Brochand, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, M. Stéphane Claireaux, M. Laurent Garcia, Mme Cécile Muschotti, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Agnès Thill
Assistaient également à la réunion. - M. Alexis Corbière, M. Julien Dive, Mme Josette Manin