Je voudrais faire part de mes réserves et interrogations au sujet de ce texte. J'ai bien noté, Madame la rapporteure, que 107 préemptions sur 198 n'auraient pu avoir lieu en l'absence de l'expérimentation, et que deux tiers d'entre elles se sont traduites par une absence de vente – autrement dit, concrètement, par un gel des mutations, ce qui ne me semble pas satisfaisant. D'une certaine manière, ce dispositif ne protège pas tant les forêts que les conditions d'urbanisation dans des zones très densément peuplées. On pourrait donner l'impression que l'on se satisfait de cette mesure, largement approuvée, au demeurant, par les représentants de l'État, la région et les opérateurs. Il y a de réelles raisons de voter ce texte, mais je regrette qu'on nous le soumette avant la fin de l'expérimentation. J'y vois une forme de précipitation alors même que nous avons tendance à surlégiférer.
De surcroît, cela ne nous permet pas de nous interroger sur les conditions de la valorisation des espaces boisés, dont la propriété reste morcelée. De nombreux petits propriétaires sont découragés de vendre du fait du droit de préemption de la SAFER, mais qu'advient-il de ces espaces, comment sont-ils valorisés ? La filière de la forêt, en France, valorise mal la matière première. Le secteur aval est particulièrement éclaté : le nombre de métiers du bois est bien trop élevé, la partie construction et la partie ameublement ne se parlent pas. Mal unifiée par sa partie aval, la filière ne sait pas valoriser ses espaces boisés – ce n'est pas le rôle de la SAFER de gérer l'espace consolidé. On n'a pas de solution pour valoriser les espaces : on bloque, en quelque sorte, les conditions dans lesquelles la pression foncière peut s'exercer sur les forêts, mais on maintient un grand nombre de petits propriétaires et une filière, à mon sens, mal consolidée.