Intervention de Didier Guillaume

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 15h10
Commission des affaires économiques

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Je voudrais saluer la qualité des interventions des représentants des groupes, qui connaissent très bien les sujets en question. C'est important, car, comme vous l'avez rappelé, l'enjeu de la forêt devient essentiel.

Monsieur Descrozaille, vous avez raison d'être interrogatif. Comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, l'examen de la proposition de loi peut paraître prématuré. Toutefois, à y regarder de près, on s'aperçoit que son adoption rapide est indispensable, dans la mesure où elle va pérenniser l'expérimentation. Je suis aussi d'accord avec vous sur la nécessité d'organiser la filière – nous n'avons pas eu suffisamment l'occasion d'en discuter au dernier comité stratégique de la filière bois.

À ce propos, je commenterai les propos de Mme Panot, qui est aussi une spécialiste du sujet. L'organisation de la filière est un enjeu primordial. Si on n'arrive pas à avoir une filière plus unifiée, plus intégrée de l'amont à l'aval, on restera dans la situation actuelle. Comme Mme Panot le disait tout à l'heure, la première transformation ne se fait plus chez nous : les petites scieries disparaissent, l'aménagement du territoire est mis à mal. Notre forêt se trouve en effet à un carrefour, pour reprendre le mot de Mme Panot – c'est un constat que chacun de vous a dressé. On a encore des feuillus et des résineux, mais il faut engager une réflexion à ce sujet. Le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) estime que la forêt française devrait être un puits de carbone exceptionnel ; or elle ne l'est pas assez. Nous devons réfléchir ensemble à ce que doit devenir, demain, la forêt française, qui ne ressemblera peut-être pas à celle d'aujourd'hui.

Le Président de la République a proposé la candidature du préfet Munch pour diriger l'ONF afin que cet établissement public conserve son importance et sa capacité à orienter le cours des choses. L'Office est actuellement en souffrance de gouvernance et connaît des difficultés sur le terrain ; nous devons veiller à son devenir. Le Gouvernement s'est battu pour que l'ONF demeure un office public ; c'est absolument indispensable. Il aura aussi, demain, un rôle de coordination, de structuration, aux côtés des propriétaires privés, des associations et des communes forestières : tous ces acteurs doivent impérativement travailler main dans la main. Quand ce sera le cas, les maillons de la filière, dans leur ensemble, de l'amont à l'aval, devront davantage agir ensemble.

Monsieur Descrozaille, je comprends que vous vous interrogiez sur le gel des mutations. C'est une conséquence possible du dispositif, qui me semble toutefois positive compte tenu du constat que nous avons dressé.

Monsieur Turquois, vous avez affirmé que la proposition de loi représentait une « avancée majeure ». Je partage votre point de vue. C'est un texte important, qui en appellera sûrement d'autres. Cela étant, si nous pouvons réfléchir à la suite, le Gouvernement est totalement opposé à l'extension du dispositif au-delà de l'Île-de-France. Si une expérimentation y a été conduite, c'est à cause de la forte pression d'une agglomération de 12 millions d'habitants, et du morcellement en petites parcelles. Je ne souhaite pas, pour ma part, qu'on agisse en dehors de cette région – même si le Parlement pourra, naturellement, lancer les initiatives qu'il juge opportunes.

Madame Panot, vous avez raison de souligner que la forêt française se trouve à un carrefour. Je sais que votre groupe, et vous-même en particulier, réalise un travail considérable à ce sujet. Nous devons étudier cette question sereinement, en regardant les difficultés sans détours, en parlant avec l'ensemble des représentants. Le modèle doit évoluer. Vous avez estimé que l'agriculture n'avait pas muté, et qu'il ne fallait pas rater la mutation de la forêt. Je pense, pour ma part, que l'agriculture a évolué : la transition agroécologique est désormais prise en compte par l'ensemble des filières. Peut-être les choses n'évoluent-elles pas à la vitesse que certains souhaiteraient, mais la mutation de l'agriculture a bel et bien lieu. La forêt doit à son tour évoluer. Il faudra notamment réfléchir aux moyens de communiquer avec nos concitoyens, de les interpeller. J'en discute avec mes interlocuteurs du monde forestier : sitôt qu'on coupe un arbre, certains ont l'impression qu'on détruit la forêt. Des gens aux alentours, parfois des associations, protestent et trouvent que ce n'est pas normal de couper des arbres. Il faut réfléchir à l'utilisation de la forêt, au fait de sortir les petits bois, à la mise en place d'une filière de première transformation. Aujourd'hui, des arbres partent à l'étranger et reviennent sous la forme de meubles. Nous devons travailler pour y remédier. Nous devons aussi nous organiser pour faire en sorte que la forêt française capte, demain, plus de carbone qu'aujourd'hui.

Même s'ils ne font pas vraiment partie du champ de cette proposition de loi, je veux rappeler deux sujets très inquiétants qu'il nous faudra affronter : celui, conjoncturel, des scolytes qui menacent nos arbres, et celui, plus structurel, du réchauffement climatique, que vous avez tous évoqué. Aujourd'hui, la forêt française est en souffrance à cause du dérèglement climatique.

J'ai évoqué la nomination de M. Bertrand Munch à la tête de l'ONF ; j'espère que vous ne vous y opposerez pas, car nous avons besoin d'avancer. Le Président de la République et le Premier ministre ont par ailleurs décidé, à l'issue du dernier conseil de défense écologique, de confier à Mme la députée Anne-Laure Cattelot une mission de six mois sur l'ensemble de ces sujets. De mon côté, j'ai demandé à la filière bois et forêt de me rendre un rapport au printemps. Sur la base de ces deux rapports, nous pourrons réfléchir à la manière de réorienter la gestion économique et environnementale de nos forêts et d'en diversifier les usages.

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