Intervention de Barbara Bessot Ballot

Réunion du mardi 26 novembre 2019 à 18h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Bessot Ballot, rapporteure :

Nous revenons ce soir sur un sujet qui nous concerne toutes et tous : celui d'une alimentation saine, sûre, durable et de qualité. Ce sujet essentiel est inscrit au coeur des grands enjeux économiques, écologiques, agricoles et sociétaux. À mon sens, il devrait être au coeur des préoccupations de chacun dans la vie du quotidien.

La proposition de loi que nous allons examiner ce soir reprend des dispositions précises, pragmatiques, nécessaires et longuement débattues, puisqu'elles correspondent à des articles adoptés dans le cadre de la loi EGALIM et censurés comme cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel. Elles concernent la transparence et l'étiquetage alimentaire.

Attendue, cette proposition de loi est aussi cohérente, puisqu'elle reprend huit articles d'EGALIM, tous issus du titre II, et tous relatifs à l'étiquetage et, plus généralement, à l'information du consommateur. Elle reprend également le sujet consensuel des semences non inscrites au catalogue et destinées aux jardiniers non professionnels, dont nous débattons régulièrement depuis la loi « Biodiversité » (loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages), par deux fois censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de fond et de procédure qui sera, je l'espère, enfin adoptée.

Attendue, cohérente, cette proposition de loi est enfin consensuelle : les dispositions qu'elle comporte ont fait l'objet d'une adoption en lecture définitive dans le cadre de la loi EGALIM. J'ajoute que le Sénat a adopté, plus récemment, une proposition de loi, transmise sous le n° 1837, très similaire à la nôtre et procédant du même esprit. Une fois n'est pas coutume, nous avons, dès le début de nos travaux, échangé avec nos collègues sénateurs afin d'oeuvrer pour favoriser une adoption aussi rapide que possible de ce texte. Je tiens à saluer et remercier Mme Sophie Primas, M. Henri Cabanel et Mme Marie-Pierre Monier avec lesquels nous avons pu avoir des échanges respectueux et constructifs. Sur les sujets qui nous intéressent aujourd'hui, et qui importent tant aux consommateurs et aux producteurs, nous devons être unis, pragmatiques et efficaces.

Venons-en au fait : huit articles, que je vous propose de passer rapidement en revue.

L'article 1er concerne l'étiquetage du miel. Vous le savez, celui-ci est aujourd'hui encadré par la directive européenne « miel » adoptée en 2001 et modifiée en 2014. Cette directive prévoit que doit figurer sur l'étiquette le pays d'origine du miel vendu ou, s'il s'agit d'un mélange, soit la liste des pays d'origine, soit les mentions « mélange de miels originaires de l'UE », « mélange de miels non originaires de l'UE » ou « mélange de miels originaires et non originaires de l'UE ». L'article 1er de la proposition de loi prévoit donc une disposition de bon sens : la liste exhaustive des pays d'origine des miels composant un mélange doit figurer sur l'étiquette. Des acteurs voudraient aller plus loin et leurs motivations sont compréhensibles, mais je ne les soutiendrai pas, pour deux raisons.

La première est que nous devons agir dans le cadre du droit européen : un décret ministériel, trop exigeant, vient de faire l'objet d'un avis circonstancié de la Commission européenne, car il n'était pas conforme à la directive. Certains combats doivent donc être menés au niveau européen.

Deuxièmement – et c'est une conviction personnelle forte – nous ne devons pas « laver plus blanc que blanc », comme nous sommes souvent tentés de le faire : il faut trouver un juste équilibre entre les exigences légitimes du consommateur et ce qui est techniquement possible pour les producteurs. Ne créons pas des obligations que nous serions incapables de contrôler. Ne mettons pas de belles PME (petites et moyennes entreprises) en difficulté en créant des normes qui les forceront en pratique à créer une étiquette différente pour chaque pot de miel mis en vente, ce qui alourdirait d'autant les prix de revient. J'ajoute que beaucoup de producteurs, sous la pression des consommateurs, ont déjà anticipé la loi : prenons garde à ne pas surlégiférer.

L'article 2 est relatif à la transparence des informations communiquées au consommateur lors d'une vente en ligne. Le plus souvent, une simple photographie du produit et de l'étiquette est supposée informer le consommateur : avec l'essor de la vente de produits alimentaires en ligne, il est essentiel que l'information du consommateur soit plus lisible, plus transparente, plus claire.

L'article 3 offre matière à débat. Je dois avouer qu'au terme des auditions, il a été particulièrement difficile de trancher. Je remercie les collègues qui ont déposé des amendements sur le champ d'application du dispositif et qui vont nous permettront d'engager une réelle discussion sur le sujet. Le principe de l'article est simple : il s'agit de permettre qu'un fromage dit « fermier » – appellation valorisante contrôlée – puisse conserver cette appellation lorsqu'il est affiné à l'extérieur de l'exploitation, dans le respect, bien sûr, des usages traditionnels. Les questions plus précises – faut-il mentionner le nom du producteur en plus de celui de l'affineur, par exemple ? – sont renvoyées à un décret qui permettra à la profession d'exprimer ses préférences en la matière, ce qui me semble être une bonne disposition.

La question que nous nous sommes posée, à l'Assemblée mais aussi du Sénat, tout au long de la discussion de la loi EGALIM, est celle du champ de l'article : faut-il réserver cette possibilité aux seuls fromages sous signes de la qualité et de l'origine (SIQO), en particulier les AOP (appellations d'origine protégées) et les IGP (indications géographiques protégées), qui ont développé depuis longtemps cette pratique de l'affinage à l'extérieur ? Faut-il ouvrir cette possibilité à tous les types de fromages, y compris ceux qui ne sont pas sous SIQO, ces signes officiels de la qualité et de l'origine, comme le prévoit l'actuelle rédaction de la proposition de loi ? N'y a-t-il pas là un risque d'industrialisation des processus qui pourrait conduire à une standardisation, voire à un formatage des goûts, alors même que l'appellation « fermier » renvoie dans l'esprit du consommateur à un goût caractéristique, conséquence d'un mode de fabrication et d'affinage traditionnel ? Les amendements déposés nous permettront de débattre de la restriction du dispositif aux seuls SIQO.

Les articles 4 et 5 concernent l'étiquetage de la provenance des vins et l'obligation d'indiquer l'origine des vins mis en vente dans les restaurants et les débits de boissons. Il vous sera proposé par un amendement de réécrire l'article 4 en reprenant la rédaction issue des travaux du Sénat sur la proposition de loi n° 1837, qui semble plus efficace et plus cohérente que la celle que nous avions retenue dans EGALIM.

L'article 6 autorise la cession à titre onéreux de variétés de semences relevant du domaine public destinées aux utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale. Nous avons débattu à plusieurs reprises de cette question ; les positions de chacun sont connues et je soutiendrai cette mesure, telle qu'elle figure dans la proposition de loi, en rappelant à chacun que ces semences sont destinées à des jardiniers non professionnels, et à eux seuls. C'est une disposition attendue, dont nous débattons depuis des années et qui contribue au maintien de la biodiversité.

L'article 7 permet d'abroger la loi de 1957 qui protège l'appellation « Clairette de Die », et apporte une réponse à la demande des producteurs eux-mêmes.

Enfin, l'article 8 maintient le caractère obligatoire de la déclaration de récolte, qui permet d'assurer la traçabilité des vins, notamment des vins sous signes de la qualité et de l'origine.

Tel est, mes chers collègues, le contenu la proposition de loi qu'il vous est proposé de débattre.

Un autre sujet me paraît tout à fait pertinent à vous soumettre aujourd'hui : celui de l'indication obligatoire de la provenance des pièces de viande dans la restauration hors domicile.

Ce soir, chers collègues, vous l'aurez compris, au menu : nous allons consommer des semences au miel, en passant par le vin, le fromage fermier, et pourquoi pas même les huîtres et les steaks de viande… Rarement, sans doute, une proposition de loi aura autant mis l'eau à la bouche, tant il est vrai que l'alimentation, comme l'air ou comme l'eau, est présente du premier moment de notre vie jusqu'au moment du grand départ. Alors, au travail !

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