Intervention de François Ruffin

Réunion du mardi 26 novembre 2019 à 18h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Vous nous soumettez là une proposition de loi sur l'origine du miel : nous sommes d'accord. Sur l'affinage du fromage : soit. Sur la provenance du vin servi dans les bars : pourquoi pas ? Sur la vente de semences paysannes : cent fois, oui. Sur la clairette de Die : allons-y !

Mais quel était l'élément au coeur des États généraux de l'alimentation ? Les prix : il s'agissait de garantir un revenu aux agriculteurs. Or, sur ce point, votre loi EGALIM a échoué : le prix du blé a baissé de 21 % et celui du lait de 5 %… C'est là-dessus qu'on aimerait que vous nous fassiez des propositions. C'est là-dessus qu'on aimerait vous voir rectifier le tir. C'est pour cela que nous vous proposons, une fois de plus, de mettre en place de la régulation, des prix plancher, des quotas d'importation, des quotas de production, des coefficients multiplicateurs… Bref, d'aller vers plus de régulation, et non vers toujours plus de dérégulation.

Or, c'est bien ce qui se produit, comme on peut le voir encore cette semaine. Nous avons eu le traité avec le Canada, nous attendons celui avec l'Argentine et le Brésil. Mais, en ce moment même, le Parlement européen examine, à Bruxelles, un accord avec les États-Unis, dont l'objectif est de doubler les importations européennes à droits de douane nuls de viande bovine états-unienne – des viandes dites de haute qualité, mais qui peuvent en vérité provenir de bovins nourris aux farines de sang, aux farines de porc et aux litières de volailles. Jusqu'à présent, les États-Unis n'exportaient en Europe qu'un volume assez limité – 17 000 tonnes – de viande bovine. Or cet accord dit « panel hormones » va leur ouvrir un boulevard, puisqu'ils n'auront à s'acquitter d'aucuns droits de douane et ne seront confrontés à aucune concurrence.

Lors des États généraux de l'alimentation, vous nous avez parlé de relocalisation, de circuits courts, de montée en gamme. Pourtant, face à l'importation depuis le Canada, les USA et bientôt le Brésil, il est proposé aux agriculteurs d'exporter vers la Chine, dans le cadre d'une mise en concurrence mondiale. À ce propos, je souhaiterais savoir si cet accord « panel hormones » sera soumis à notre assemblée ou si nous serons évincés. C'est une question importante, et j'espère que vous avez la réponse.

Un texte sur le miel, l'affinage du fromage, la Clairette de Die, une « loi étiquettes », comme l'a dit l'un de nos collègues –, pourquoi pas ? Mais pour nous, le coeur du sujet reste les prix, les prix, les prix ! Sans garantie des prix pour les agriculteurs, il ne pourra pas y avoir de transformation de l'agriculture française. Il nous faut construire une exception « agriculturale » comme on a construit une exception culturelle, pour que nos agriculteurs ne vivent pas avec un revenu moyen de 350 euros. Or, sur ce point, on ne voit poindre aucun nouveau texte. C'est pourtant là-dessus qu'on vous attendait.

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