Lors de la présentation du précédent PLFSS, vous vous félicitiez du retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, obtenu au prix d'une réduction des droits des assurés et d'une dégradation du service public hospitalier.
Un an après, le tableau n'a plus rien à voir avec les prévisions initiales. Le budget présente un déficit de 5,4 milliards d'euros en 2019 et un déficit annoncé de 5 milliards en 2020. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Tout simplement par un tour de passe-passe consistant à sortir du chapeau une dégradation spectaculaire des comptes sociaux, pour apporter une caution à des mesures impopulaires. Aucun gouvernement avant le vôtre n'avait à ce point assumé la vieille politique des caisses vides, qui consiste à creuser artificiellement un déficit pour justifier la compression des dépenses publiques et exiger de nos concitoyens de nouveaux sacrifices. Le Gouvernement s'y emploie avec le talent d'un terrassier hors pair, en creusant des trous dans les recettes à coups d'exonérations massives de cotisations patronales – du grand art ! Avec la transformation du CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – , les exonérations atteignent désormais la somme de 66 milliards d'euros par an.
Le talent gouvernemental est aussi celui d'un usurier accroché à sa cassette. Alors que l'État avait toujours pris à sa charge le coût pour la sécurité sociale des allègements de cette nature, vous avez décidé cette année de ne pas les compenser en totalité, privant la sécurité sociale de 3 milliards d'euros de ressources essentielles à son activité.
Nous avons pourtant fait des propositions de recettes nouvelles : soumettre le CICE à certaines conditions ou supprimer les aides inutiles aux entreprises, par exemple. Vous les avez toutes balayées d'un revers de main au nom de votre obstination à réduire le prétendu coût du travail.
Faute de mobiliser les moyens nécessaires, vous évacuez naturellement par ce budget les urgences sociales auxquelles nous sommes confrontés, et multipliez de fait les renoncements. Ce faisant, vous refusez de répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, alors qu'ils ne cessent de croître en raison de la progression des pathologies chroniques et du vieillissement de la population. Vous refusez de vous attaquer à la question de la désertification médicale qui frappe les territoires ruraux. Vous refusez de déroger à la règle suivie par les gouvernements successifs, qui fait de l'ONDAM l'arme principale servant à raboter dans les dépenses de santé. Vous exigez ainsi d'imposer 4 milliards d'euros d'économies à notre système de santé l'an prochain, dont 1 milliard à la charge de l'hôpital, votre « trésor national » – il est vrai que le mot est bien choisi, puisque vous continuez à vous servir dans la caisse.
Certes, votre bricolage de dernière minute réduira la facture de 300 millions d'euros. Ce quatrième plan en appelle déjà un autre tant vous refusez de faire droit aux légitimes revendications des agents hospitaliers, qui demandent simplement – pour mieux remplir leurs missions – davantage de collègues et des salaires à la hauteur.
Ce budget empêche également de promouvoir la solidarité, comme le montre la désindexation des allocations familiales et des pensions de retraites supérieures à 2 000 euros.
Enfin, vous refusez de relever pleinement le défi de la perte d'autonomie, qui constitue une véritable bombe à retardement ; le projet de loi afférent est retardé, sans doute dans l'attente de trouver de nouvelles économies pour le financer.
En ce mois de décembre 2019, l'urgence serait-elle pour vous ailleurs ? La réforme des retraites, qui occupe tant les esprits, occupe-t-elle aussi le vôtre ? Depuis le début de ce mandat – comme chacun peut le constater – , vous vous attaquez aux droits des retraités, qui seraient des privilégiés, des nantis. Vous avez déjà mis en application ce mantra avec la sous-revalorisation des pensions et la hausse de la CSG – contribution sociale généralisée. Aussi n'avons-nous aucun doute sur le fait que votre ambition réformatrice dissimule un détricotage en règle du système de santé que nous avons hérité du Conseil national de la résistance.
Dans ce sombre tableau, nous vous accordons cependant un bon point : l'indemnisation du congé de proche aidant. C'est une avancée bienvenue que notre groupe a fermement soutenue, notamment par la voix de Pierre Dharréville.
Il s'agit cependant, convenez-en, d'une bien maigre consolation dans un PLFSS pour 2020 qui marque l'affaiblissement du financement de la sécurité sociale et le recul de la solidarité au profit de nos concitoyens. C'est pourquoi, je ne vous surprendrai pas, le groupe la Gauche démocrate et républicaine votera contre ce texte.