La législation française est insuffisante sur plusieurs points. J'en donne pour exemple les amendes qui ne sont pas proportionnelles au chiffre d'affaires des entreprises, mais forfaitaires : elles sont ainsi dissuasives pour les petites sociétés, mais pas du tout pour les multinationales. Les sanctions administratives sont, à notre sens, également insuffisantes.
Vous avez parlé de la guerre du Vietnam : aucun préjudice économique n'avait alors été pris en compte. En Bretagne, en 1978, deux hommes politiques – Alphonse Arzel et Charles Josselin – sont allés réclamer justice à Chicago contre la société propriétaire de l'Amoco Cadiz. Le litige a duré vingt ans avant d'obtenir gain de cause. La somme obtenue ne correspondait environ qu'à la moitié de l'estimation du préjudice. Malheureusement, nous avons subi une seconde catastrophe, celle de l'Erika en 1999. Total a dû verser 200 millions d'euros pour un préjudice estimé à quelque 370 millions d'euros. Même si une telle somme est dissuasive, on voit bien qu'elle ne correspond pas aux dommages subis, qui sont également moraux. La Cour de cassation avait pris en compte le préjudice écologique, ce qui était une bonne chose.
Pour ce qui est de la proposition de loi, on peut s'interroger sur un problème de hiérarchie, qui mettrait l'écocide au niveau du crime contre l'humanité. Néanmoins, la catégorisation en crime me paraît importante dans la mesure où elle permet de franchir un cap. Je comprends les réserves de M. Didier Paris : il est gênant de placer l'écocide au même rang que l'Holocauste. Malgré tout, nous devons progresser pour tenir compte de la gravité réelle de tels crimes. Nous sommes engagés dans une guerre climatique. Le compte à rebours a été enclenché. Au lieu de rejeter la proposition, le mieux serait de l'amender pour la parfaire et nous permettre de progresser. La loi devrait montrer l'exemple au niveau international. En promulguant des lois avant les autres, certains pays entraînent dans leur sillage le reste de la communauté internationale. Les normes européennes finissent ainsi par s'aligner sur l'État-membre le mieux-disant.
Nous ne pouvons pas rester au milieu du gué. C'est pour cela que mon groupe proposera des amendements au cours de l'examen en séance publique afin de parvenir, autant que possible, à un compromis.