Mon amendement CD564, tout comme mon amendement CD551 à l'article 5, que je défends par avance, ont tous deux trait au gaspillage alimentaire.
M. Bruno Millienne a dit tout à l'heure qu'il ne fallait pas abîmer ce qui marche. La lutte contre le gaspillage n'a rien à voir avec la façon dont on mesure celui-ci. La question devient compliquée dès qu'on l'aborde sous l'angle technique : il y a l'approche pondérale et celle en valeur, la perte peut être quantitative ou qualitative, et les qualités nutritionnelles des produits frais alimentaires s'effondrent en vingt-quatre heures. Tout cela n'est pas simple : il ne s'agit pas seulement de compter ce qui va à la poubelle. Il peut y avoir des approches différentes selon les acteurs et les types de restauration. J'insiste sur le fait que les méthodologies devraient être les mêmes partout. Dieu sait que je ne suis pas un partisan de la surréglementation ; mais il est important que tous les acteurs soient concernés.
Le ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) et celui de l'agriculture n'ont pas la même définition du gaspillage alimentaire. Au MTES, on considère qu'il y a une perte alimentaire lorsque la production d'une parcelle agricole est valorisée au service de l'alimentation animale. Ce n'est, évidemment, pas du tout l'approche du ministère de l'agriculture : pour lui, il n'y a pas de perte alimentaire quand un contrat est conclu avec un acheteur qui réserve une parcelle dont la production est destinée, avant même les semis, à l'alimentation animale. Cette position correspond d'ailleurs à l'approche de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
Je suis vice-président de la mission d'information sur la concrétisation des lois : ce que nous apprenons est édifiant. Les enjeux sur lesquels nous travaillons en tant que législateurs sont de plus en plus interministériels – vous le savez mieux que nous, madame la secrétaire d'État. Le problème est que les administrations centrales sont déconnectées du terrain : la méconnaissance de l'agriculture au sommet de l'État est notamment préoccupante – et cette situation est mal vécue par les agriculteurs. On travaille en silo : l'interministériel fonctionne selon un principe d'arbitrage a posteriori alors qu'il faudrait appliquer un principe de complémentarité a priori.
Ces amendements ont été conçus pour que les administrations centrales, au sein des ministères de la transition écologique et solidaire et de l'agriculture, travaillent de concert et se mettent d'accord sur la définition du gaspillage alimentaire et sur la manière de le mesurer. Sinon, elles exportent leurs rivalités et leurs modes de fonctionnement au Parlement, et nous nous retrouvons à arbitrer alors qu'il faudrait traiter les questions à un stade antérieur au nôtre.