La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a poursuivi l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (n° 2274) (Mmes Véronique Riotton et Stéphanie Kerbarh, rapporteures).
Mes chers collègues, nous poursuivons ce matin l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Je vous informe qu'il nous reste 1 214 amendements à examiner. Pour terminer nos travaux vendredi à une heure du matin, il nous faudra continuer à examiner trente-quatre amendements par heure en moyenne, comme nous l'avons fait brillamment hier. Je vous invite à continuer dans cette voie !
Article 4 quater C (articles L. 441-3 et L. 441-4 [nouveaux] et article L. 454-6 du code de la consommation) : Interdiction de toute technique visant à rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d'un appareil
La commission examine l'amendement CD308 de M. Vincent Descoeur.
Cet amendement propose qu'un arrêté définisse la liste des produits et les motifs légitimes, telles la sécurité ou la santé des utilisateurs, pour lesquels le professionnel n'est pas tenu par cette obligation.
L'obligation de réparabilité ou de reconditionnement prévue par cet article n'est pas applicable à l'ensemble des secteurs et des catégories de produits. J'ai déjà pris l'exemple des jouets et des articles de puériculture : l'intervention d'un tiers non agréé sur de tels produits pourrait les rendre dangereux et exposer les enfants à des risques.
Il n'existe pas, a priori, de cas où un fabricant serait obligé de rendre un produit irréparable ou d'empêcher son reconditionnement. S'il a été commercialisé, c'est qu'il répondait à des normes de sécurité, et les mêmes normes de sécurité s'imposeront à celui qui le répare ou qui le reconditionne. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je vous invite moi aussi à retirer votre amendement, même si j'y suis plutôt favorable.
Je serais favorable à l'idée d'intégrer ce que vous proposez parmi les critères servant à l'élaboration de l'indice de réparabilité, qui a été introduit à l'article 2. Cela étant, votre amendement me paraît déjà satisfait par l'amendement CD1618 de Mme la rapporteure : c'est pourquoi je vous invite à le retirer.
La commission adopte l'amendement.
La commission en vient à l'amendement CD1050 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.
Le présent amendement vise à compléter l'article 4 quater C en affirmant le droit à la réparation en France. L'Union européenne a adopté une nouvelle législation sur le droit à la réparation pour des produits comme les réfrigérateurs, les machines à laver, les lave-vaisselle et les téléviseurs. Désormais, les fabricants qui veulent vendre en Europe devront fabriquer des pièces de rechange afin de prolonger de dix ans la durée de vie de leurs produits. Cet amendement vise à intégrer ce principe dans la loi française.
Mon amendement CD1631, dont j'ai déjà beaucoup parlé hier et que je vous présenterai dans un instant, va plus loin, puisqu'il ouvre le champ aux réparateurs non agréés. Je vous invite donc à retirer votre amendement, au profit du mien.
Cet amendement risquerait de remettre en cause le droit de propriété industrielle et intellectuelle du fabricant. Par ailleurs, la directive européenne de mai 2019 concernant certains aspects des contrats de vente de biens, qui sera transposée dans le droit français au premier semestre 2020, me semble constituer un cadre plus approprié pour intégrer de tels dispositifs.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CD1147 de Mme Sophie Auconie.
L'interdiction des pratiques ayant une incidence négative sur la réparabilité des appareils représente un enjeu majeur de l'économie circulaire. Afin de rendre cette interdiction effective, le présent amendement prévoit des sanctions en cas de manquement ou de volonté délibérée de réduire la capacité de réparation d'un produit. L'expérience prouve que l'on se soumet plus volontiers à une obligation lorsqu'on risque une sanction.
Pour les mêmes raisons que précédemment, je vous invite à retirer votre amendement au profit de mon amendement CD1631, qui introduit des sanctions.
Je vous invite moi aussi à retirer votre amendement. Il est essentiel que les dispositions que nous introduisons fassent l'objet d'un contrôle et, le cas échéant, de sanctions. Mais l'interdiction que vous proposez me semble trop imprécise pour qu'on puisse la sanctionner efficacement. Prenons le temps de travailler sur cette question jusqu'à la transposition de la directive européenne.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CD1631 de la rapporteure.
Cet amendement rassemble toutes les dispositions que nous voulons prendre en faveur des petits réparateurs et pour mettre fin au monopole des réparateurs agréés.
Il vise à garantir que les réparateurs professionnels indépendants auront librement accès aux pièces détachées et aux outils nécessaires à leur activité professionnelle, même s'ils ne font pas partie d'un réseau de réparateurs agréés. Il permet également aux opérateurs du réemploi et de la réutilisation d'accéder à ces pièces détachées et à ces outils.
Les auditions que j'ai menées ont montré à quel point il était nécessaire de développer l'activité de réparation. Certains distributeurs se sont déjà lancés dans cette voie, mais il importe de créer une véritable filière de la réparation, en inventant un modèle économique pérenne.
Comme je vous le disais à l'instant, Madame Sophie Auconie, cet amendement étend aux techniques visant à rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d'un appareil les sanctions qui s'appliquent déjà à l'obsolescence programmée.
Je partage votre objectif et je crois effectivement nécessaire de développer la réparation, mais je crains que votre amendement ne fasse peser des contraintes excessives sur les fabricants : il peut arriver que, pour des raisons industrielles ou de sécurité de l'utilisateur, certaines réparations doivent être effectuées par des personnels spécialisés. C'est pour cette raison que je vous invite à retirer votre amendement.
Je maintiens mon amendement, car il me semble important de développer la filière de réparation en dehors des réseaux de réparateurs agréés. J'entends votre réserve, madame la secrétaire d'État, mais peut-être pourra-t-on aménager ce dispositif en séance publique, en tenant compte des points particuliers que vous évoquez ?
J'entends vos réticences, madame la secrétaire d'État, mais il faut comprendre que cette disposition, assez nouvelle, a aussi vocation à favoriser l'installation de petits réparateurs et la création d'emplois dans nos territoires. Cet amendement ne présente pas seulement un intérêt pour l'économie circulaire : il doit également soutenir l'activité économique dans nos territoires. Le groupe UDI, Agir et indépendants le votera.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés soutiendra également cet amendement. J'entends vos réserves, madame la secrétaire d'État, mais je crois, comme la rapporteure, que nous pourrons préciser cet amendement d'ici à l'examen du texte en séance publique, en tenant compte des cas particuliers qui pourraient être recensés.
Ce projet de loi ne vise pas seulement à favoriser l'économie circulaire et la gestion des déchets : il a également pour but de développer l'activité économique dans nos territoires. Et l'amendement de la rapporteure est une pièce essentielle de cette stratégie.
Le groupe La République en marche votera cet amendement, même s'il convient peut-être, Madame la secrétaire d'État, d'y apporter des ajustements d'ici l'examen en séance publique. L'essor de la réparation est vraiment un des points forts de ce projet de loi et nous tenons, grâce à l'open data, à mettre fin au monopole des réparateurs agréés afin d'ouvrir le marché aux réparateurs indépendants.
Je comprends votre position, madame la secrétaire d'État, mais la persistance d'une forme de monopole ou d'exclusivité en matière de réparation dans certains secteurs a pour effet de faire monter les prix. C'est donc une bonne chose, pour le consommateur, d'y introduire une forme de concurrence.
La commission adopte l'amendement.
La commission examine l'amendement CD1111 de M. Vincent Thiébaut.
Votre amendement concerne les logiciels. Or l'amendement CD1631, que nous venons d'adopter, intègre déjà cette question. Il me semble par ailleurs que certains des accords passés entre les fabricants d'appareils informatiques et les éditeurs de logiciels sont justifiés : il me paraît donc difficile d'interdire totalement cette pratique. Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement.
Pour les mêmes raisons que la rapporteure, je vous invite également à le retirer.
Il nous est arrivé à tous que notre ordinateur ou notre smartphone ne fonctionne plus après une mise à jour de logiciel : c'est une question essentielle. Je ne vais pas retirer cet amendement : je l'ai élaboré avec mon collègue M. Vincent Thiébaut et je ne sais pas s'il y serait disposé.
Monsieur Vincent Thiébaut, puisque vous voici, vous allez pouvoir mettre fin à cet insoutenable suspense !
Cet amendement me tient beaucoup à coeur et j'espère, madame la secrétaire d'État, que vous êtes consciente de son importance. Je possède une tablette que j'ai achetée il y a sept ans et qui fonctionne encore parfaitement, mais je ne peux plus l'utiliser parce qu'on me force à faire une mise à jour que le système d'exploitation ne supporte pas. Ce gâchis matériel est insupportable.
C'est une manière d'inciter à la consommation. Nous devons absolument mettre fin à ce genre de pratique si nous voulons réellement lutter contre le gaspillage. Je sais que, ce faisant, on s'attaque à de gros fabricants, mais si nous ne prenons pas ce sujet à bras-le-corps, il est inutile de faire une loi anti-gaspillage. Il faut impérativement trouver une solution.
Mais puisque l'amendement CD1631 de la rapporteure a été adopté, je m'y rallie et je retire le mien.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 4 quater C ainsi modifié.
Après l'article 4 quater C
La commission examine l'amendement CD1632 de la rapporteure.
Cet amendement prévoit que, dès lors que le fabricant a bien indiqué les consignes de sécurité à respecter en cas d'autoréparation, sa responsabilité n'est pas engagée si un produit est endommagé au cours d'une tentative d'autoréparation.
Nous sommes en train de promouvoir, pour les vingt ans à venir, une manière nouvelle de concevoir les produits, qui intègre leur possible réparation. Il paraît donc important d'adresser un signal positif aux fabricants.
Je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Nous voulons, comme vous, soutenir les démarches d'écoconception, mais votre amendement me paraît trop large : il ne préserve pas suffisamment les droits de l'utilisateur ou de l'autoréparateur, car on ne peut pas exclure que le fabricant lui fournisse des pièces défectueuses ou dangereuses. Je vous renvoie au débat que nous avons eu hier soir sur la qualité des pièces issues de l'économie circulaire.
Cet amendement me tient à coeur. Mon projet n'est évidemment pas de dédouaner le fabricant s'il fournit des pièces défectueuses, mais seulement en cas de maladresse du réparateur. Mais je veux bien le retirer et revenir avec quelque chose de plus solide d'ici à la séance publique.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CD979 de M. Guillaume Garot.
Cet amendement propose d'étendre la notion de tromperie commerciale, inscrite dans le code de la consommation, à l'obsolescence programmée.
Premièrement, il existe déjà une définition juridique de l'obsolescence programmée. Deuxièmement, nous venons de voter une disposition visant à interdire les techniques empêchant la réparabilité. Pour ces deux raisons, je vous invite à retirer votre amendement, à défaut de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Même avis.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CD906 de M. Guillaume Garot.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à délictualiser le fait de concevoir un équipement électrique ou électronique sans que les piles et accumulateurs usagés puissent être aisément enlevés, même par un professionnel.
L'inamovibilité de la batterie est actuellement punie d'une contravention de cinquième classe. À travers l'introduction d'une amende de 150 000 euros, il s'agit de créer un délit, permettant notamment aux associations d'usagers de se porter partie civile et de renforcer ainsi la répression.
Comme vous venez de le rappeler, l'inamovibilité de la batterie est déjà punie d'une contravention de cinquième classe, qui peut être multipliée par le nombre de produits en infraction et donc aller bien au-delà de 150 000 euros. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La démontabilité fait partie intégrante des critères qui seront pris en compte pour définir l'indice de réparabilité. Je rappelle par ailleurs que la transposition de la directive européenne relative à la vente de biens sera le cadre le plus adapté pour avancer sur ces questions.
L'amendement est retiré.
Article 4 quater D (section 5 [nouvelle] du chapitre VII du titre Ier du livre II du code de la consommation) : Création d'une « garantie logicielle » pour lutter contre l'obsolescence logicielle
Je rappelle que l'article 4 quater D a été délégué au fond à la commission des affaires économiques.
La commission examine l'amendement CD639 de la commission des affaires économiques.
L'amendement que j'ai proposé et qui a été adopté par la commission des affaires économiques a pour objectif de réécrire l'article 4 quater D et d'introduire, à la place de la garantie logicielle, un dispositif d'information du consommateur sur l'obsolescence logicielle. C'est un premier pas qu'il ne faut pas sous-estimer.
Cet amendement introduit l'obligation, pour le fabricant d'un appareil numérique, d'informer le vendeur de la compatibilité des mises à jour logicielles avec un usage normal du produit. Le vendeur devra ensuite porter cette information à la connaissance du consommateur. Cet amendement va plus loin que le texte du Sénat, puisqu'il ne vise pas seulement les téléphones et les tablettes, mais tous les objets connectés.
Je tiens par ailleurs à signaler que la fameuse directive dont Mme la secrétaire d'État nous parle tant renforce encore les obligations des vendeurs.
Même avis.
La commission adopte l'amendement.
La commission examine l'amendement CD640 de la commission des affaires économiques.
Cet amendement demande que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la durée de vie des appareils numériques et connectés, l'obsolescence logicielle et les options pour allonger la durée de vie des équipements concernés. Cette question, on l'a vu, préoccupe nombre de parlementaires. Compte tenu des difficultés techniques qu'elle pose, nous avons besoin d'une étude approfondie pour trouver des solutions opérationnelles.
Même avis.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 4 quater D ainsi modifié.
Article 4 quater E (nouveau) (article L. 111-1 du code de la consommation) : Information sur les restrictions à l'installation de logiciels
La commission examine l'amendement CD1112 de M. Vincent Thiébaut.
Cet amendement porte sur le même sujet que mon amendement CD1111. Il vise à empêcher qu'un utilisateur qui possède un appareil électronique en bon état soit obligé d'en changer pour des raisons d'incompatibilité avec de nouveaux logiciels.
Cet amendement vise à donner un second souffle à nos appareils électroniques et à éviter les pratiques d'entonnoir qui bloquent les consommateurs et les obligent à se plier à la stratégie marketing des fabricants, alors même que leur matériel est toujours en état de marche.
J'avais émis un avis défavorable sur votre amendement CD1111 dans la mesure où il visait à interdire totalement les pratiques dont l'objet est d'imposer aux consommateurs certains logiciels au détriment d'autres. Or votre amendement CD1112 vise seulement à les informer de ces pratiques. Chacun sait que les accords entre les fabricants de matériel électronique et les éditeurs de logiciels peuvent parfois avoir une justification. J'émettrai donc un avis de sagesse. Et comme l'article 4 quater D a été délégué au fond à la commission des affaires économiques, je suggère que nous entendions la rapporteure pour avis.
Même si je comprends que cela puisse être frustrant, je vais de nouveau faire référence à la directive européenne relative à la vente de biens. J'y ajouterai, cette fois, la directive relative aux contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques. Dans la mesure où elles seront toutes deux transposées dans le droit français au début de l'année 2020, je propose que nous abordions ces questions à ce moment-là, afin d'éviter les surtranspositions et les incohérences. Cela nous laissera du temps pour préciser votre amendement. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Cet amendement me paraît pertinent, puisqu'il introduit une information dont le consommateur ne dispose pas encore. Mais, pour avoir travaillé sur l'article 4 quater D, je pense, comme Mme la secrétaire d'État, qu'il est préférable d'attendre la transposition du droit européen.
Je comprends très bien votre argumentation, madame la secrétaire d'État, et je n'ai rien contre l'idée d'attendre le moment de la transposition des directives pour trancher cette question. Mais, pour être clair, j'aimerais savoir si vous êtes favorable à notre proposition. Si tel n'est pas le cas, je préférerais le savoir maintenant.
Vous me demandez de me positionner sur ce sujet : je le ferai évidemment au nom du ministère de la transition écologique et solidaire. À titre personnel, j'y suis plutôt favorable. Cela étant, si l'avis de mon ministère compte évidemment, celui de Matignon, le ministère des ministères, compte plus encore. Je ne peux donc pas m'avancer davantage.
Je comprends votre position, madame la secrétaire d'État, mais j'imagine que si Matignon est hostile à cet amendement, il pourra le faire savoir lors de l'examen du texte en séance. Je le maintiens donc.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CD821 de M. Matthieu Orphelin et CD1115 de M. Vincent Thiébaut.
L'amendement CD821 vise à garantir qu'un objet connecté puisse continuer à fonctionner, même si son fabricant décide de ne plus fournir de données ou s'il dépose le bilan. Il suffit pour cela d'obliger le fabricant à ouvrir l'interface de programmation qui permet d'émettre et de recevoir des informations. Cette obligation ne serait effective qu'à compter de la date de mise sur le marché de la dernière unité du modèle concerné, afin de respecter la propriété industrielle.
L'amendement CD1115 vise évidemment le même objectif : l'idée est toujours de lutter contre certaines pratiques des éditeurs de logiciels qui obligent les utilisateurs à se séparer de leurs appareils informatiques, alors qu'ils sont toujours en parfait état de marche et qu'ils pourraient avoir une seconde vie.
La notion d'interface de programmation est vague et n'est pas juridiquement définie. J'émettrai donc un avis défavorable sur ces amendements, mais je propose que nous entendions également, sur cette question, la rapporteure pour avis.
À votre avis, de quoi vais-je vous parler ?
Exactement !
Et même de deux directives : celle qui concerne la vente de biens et celle relative aux contenus et aux services numériques.
Je pense que pour avoir une compréhension fine de ces questions, nous avons absolument besoin d'une expertise. Le projet de loi prévoit déjà la remise d'un rapport sur l'obsolescence logicielle : ce rapport nous permettra d'avancer et de voter une disposition applicable et efficace.
En tant que rapporteure chargée de l'examen au fond de l'article 4 quater D, il ne me paraît pas pertinent de mettre directement ces interfaces à la disposition du consommateur profane, qui ne saurait pas forcément comment les utiliser. Cela pourrait en outre poser des problèmes en matière de propriété intellectuelle et industrielle et de secret des affaires.
S'agissant du respect de la propriété industrielle, j'ai bien précisé que cette obligation ne serait effective qu'à compter de la date de mise sur le marché de la dernière unité du modèle concerné. J'ai bien noté que cette question pourrait constituer un des thèmes du rapport sur l'obsolescence programmée mais je souhaite, à ce stade, maintenir mon amendement.
La commission rejette les amendements.
Article 4 quater (article L. 541-9-4 [nouveau] du code de l'environnement et article L. 511-7 du code de la consommation) : Régime harmonisé de sanctions
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CD1633 de la rapporteure, CD658 de la commission des affaires économiques et CD1344 de M. Max Mathiasin ainsi que l'amendement CD798 de M. Pierre Vatin.
L'amendement CD1633 vise à rétablir les sanctions communément utilisées dans le code de la consommation en cas de manquement aux obligations d'information. Nous proposons, dans un souci de cohérence, de ramener le montant maximum des amendes de 10 000 à 3 000 euros pour une personne physique et de 50 000 à 15 000 euros pour une personne morale.
L'amendement CD658 est identique à celui de la rapporteure et mon argumentation est la même.
L'amendement CD1344 vise à aligner les sanctions pécuniaires prévues par l'article 4 quater sur celles prévues ailleurs dans le présent projet de loi.
L'amendement CD798 vise à ramener le montant maximal de l'amende de 50 000 à 25 000 euros pour les personnes morales.
Je vous invite, monsieur Pierre Vatin, à retirer votre amendement au profit des amendements CD1633, CD658 et CD1344.
Même avis.
L'amendement CD798 est retiré.
La commission adopte les amendements identiques.
Puis elle adopte l'article 4 quater ainsi modifié.
Après l'article 4 quater
La commission est saisie des amendements identiques CD1390 de Mme Paula Forteza et CD1469 de M. Matthieu Orphelin.
L'amendement de notre collègue Mme Paula Forteza, qui est très impliquée dans les questions numériques, crée un régime général de responsabilité environnementale pour les plateformes en assurant la prise en compte du droit de l'environnement, au côté du respect des obligations civile et fiscale.
Je n'ai rien à ajouter à ce qui vient d'être dit. Cette disposition contenue dans mon amendement CD1469 me paraît cohérente avec toutes celles relatives au numérique et aux plateformes contenues dans ce projet de loi.
Je partage votre objectif et le sentiment qu'il est urgent d'avancer sur cette question. Mais nous avons besoin de trouver un dispositif parfaitement cadré et ciblé si nous voulons être efficaces. Or ces amendements, pour l'heure, me semblent trop imprécis. Je vous invite donc à le retirer.
Madame la secrétaire d'État, pouvons-nous proposer une rédaction mieux cadrée en vue de la séance publique ?
J'y suis favorable, mais je ne peux pas vous garantir qu'il sera adopté. Il faut mettre au point quelque chose qui « vole »…
Nous pourrions peut-être adopter ces amendements dans un premier temps, quitte à proposer des aménagements de leur rédaction d'ici à la séance publique.
Pour ma part, je serais d'avis de les retirer, puisque Mme la secrétaire d'État nous a dit qu'elle ne s'opposait pas à ce que nous retravaillions d'ici la séance publique.
La commission rejette les amendements.
TITRE II Favoriser le réemploi et l'économie de partage dans le cadre de la lutte contre le gaspillage
Avant l'article 5 A
La commission examine l'amendement CD209 de M. François-Michel Lambert.
Compte tenu des débats qui ont eu lieu au Sénat et des engagements que nous prenons dans le titre II, je propose d'en modifier l'intitulé, pour le rendre plus explicite : « Favoriser le réemploi et l'économie de partage dans le cadre de la lutte contre le gaspillage ». Il s'agit, ce faisant, de souligner l'apport du réemploi et l'opportunité de rentrer dans une économie du partage et de la fonctionnalité. Nous dessinerons ainsi une trajectoire volontariste.
Vous avez raison, il est important de souligner que nous entendons favoriser le réemploi et l'économie de partage, même si ce titre traite plutôt de la production et du cycle de vie des déchets. Sagesse.
Je considère que ce projet de loi nous appartient à tous ; c'est à vous tous qu'il revient de décider de l'intitulé du titre II. Sagesse.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'intitulé du titre II est ainsi rédigé.
Puis la commission examine l'amendement CD153 de M. Éric Pauget.
Nous proposons de modifier les articles donnant compétence aux départements et régions en matière de restauration collective dans les écoles, collèges et lycées afin d'y introduire une obligation de mise en place de démarches de lutte contre le gaspillage alimentaire. Cela aurait également l'intérêt de sensibiliser les collégiens et les lycéens.
De nombreuses initiatives de lutte contre le gaspillage alimentaire et pour l'approvisionnement en produits bio existent dans les collèges et lycées. Il faut faire confiance à l'État et aux collectivités, en vertu du principe d'autonomie, pour agir dans ce domaine. Les citoyens pourront se prononcer sur les progrès réalisés à l'occasion des élections. Retrait, ou avis défavorable.
Même avis. Je considère votre demande comme satisfaite.
Les initiatives sont très disparates. Ainsi, il en existe une dans mon département, celui des Alpes-Maritimes, mais pas dans ma région. Je partage la finalité du texte, mais je pense important d'harmoniser, de coordonner et de sensibiliser une tranche de la population, et particulièrement les jeunes. Nous ne gagnerons qu'à cette condition. Il faut avoir le courage d'aller un peu plus loin et de l'inscrire dans la loi.
J'irai dans le sens de mon collègue. Ce projet de loi était indispensable et nous permet, indéniablement, de faire des progrès. Je salue l'initiative du Gouvernement et la façon que vous avez de défendre ce texte, madame la secrétaire d'État. Cela étant, je trouve que sur un certain nombre de sujets, nous nous retenons trop. L'analyse de mon collègue est très juste. Il en va de même pour la collecte des déchets, dont nous avons parlé hier soir : les initiatives sont disparates, rien n'est homogène. Il est dommage que nous n'utilisions pas ce temps de partage et d'échange – de communication en fin de compte – pour aller plus loin. Un tel sujet mériterait qu'on fasse preuve d'un peu plus d'ambition. Vous y gagneriez aussi, madame la secrétaire d'État.
Je suis dubitatif sur l'obligation faite aux collectivités territoriales : on leur demande déjà beaucoup, on leur a imposé il y a peu le menu végétarien, il faut leur laisser le temps de s'adapter. Je compte sur l'exemplarité : dans mon département, les écoles primaires luttent contre le gaspillage et ces initiatives commencent à essaimer dans les collèges. Portons la bonne parole afin que les initiatives se répliquent. Cela sera aussi efficace qu'une obligation, qui pourrait être mal prise.
La loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre de relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « EGALIM », prévoit l'installation de commissions régionales chargées, entre autres, de veiller au gaspillage et à l'approvisionnement local des cantines. Il me semble compliqué d'ajouter une nouvelle strate alors qu'il y a déjà un effort de concertation au niveau régional, qu'il faut encourager.
La commission rejette l'amendement.
Enfin, elle examine l'amendement CD151 de M. Éric Pauget.
Dans la même veine que le précédent, cet amendement vise à introduire dans les codes de la santé publique et de l'éducation le principe de sensibilisation des élèves à la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Je partage la plus grande partie de vos propos, mais pour avoir beaucoup échangé avec les enseignants, je sais qu'ils ont l'impression de devoir sensibiliser les élèves à de nombreuses causes alors qu'ils devraient se concentrer sur les programmes scolaires. Le ministre de l'éducation nationale est très attentif à ces questions et nous avons lancé des initiatives conjointes, dont certaines sont portées par les jeunes eux-mêmes : c'est le cas du plan visant à améliorer et à accélérer la transition écologique dans le cadre scolaire. Je considère que cet amendement est satisfait et je vous en demande le retrait.
La commission rejette l'amendement.
Article 5 A (articles L. 541-15-6 et L. 541-47 du code de l'environnement) : Alourdissement des sanctions en cas de non-respect de l'obligation de don alimentaire
La commission examine l'amendement CD659 de la commission des affaires économiques.
Cet amendement a pour but de renforcer les sanctions prévues par la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Il est prévu de porter la sanction de non-conventionnement à une amende de cinquième classe, soit 1 500 euros, prononcée par un juge et ajustable selon les circonstances. Il est également proposé d'augmenter la sanction pour destruction d'invendus, qui pourra atteindre 0,1 % du chiffre d'affaires.
Même avis.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 5A est ainsi rédigé et les amendements identiques CD11 de Mme Emmanuelle Anthoine, CD12 de Mme Valérie Bazin-Malgras et CD98 de M. Dino Cinieri ainsi que l'amendement CD451 de M. Nicolas Démoulin tombent.
Après l'article 5 A
La commission examine les amendements identiques CD565 de M. Frédéric Descrozaille et CD608 de M. Bertrand Pancher.
La réalisation de diagnostics portant sur le gaspillage alimentaire dans la restauration collective doit se faire selon une méthodologie fixée par décret, faute de quoi chaque acteur pourrait être tenté de définir sa propre façon de procéder – c'est une spécificité très française – et les résultats ne pourront être comparés. Cette méthodologie commune pourrait s'inspirer des travaux que mène aujourd'hui l'ADEME. Tel est l'objet de mon amendement CD565.
L'amendement CD608 nous a été suggéré, je le dis par souci de clarté, par la coopération agricole. La loi « EGALIM » a prévu de rendre obligatoire la réalisation de diagnostics portant sur le gaspillage alimentaire pour la restauration collective. Afin de proposer un cadre méthodologique commun aux différents acteurs de la chaîne alimentaire, il serait intéressant de recourir à un décret. La méthodologie proposée pourrait s'inspirer des travaux menés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) dans le cadre des opérations témoins menées avec succès sur les différents maillons de la chaîne alimentaire, et qui feraient ainsi autorité.
Lorsque l'ADEME aura défini un référentiel, chacun pourra l'utiliser et l'adapter à son territoire sans y être contraint. L'Union européenne travaille aussi à une méthodologie adaptable à tous les États membres. À ce stade, une telle disposition ne me semble pas nécessaire : avis défavorable.
L'ADEME a déjà produit une méthode pour établir un diagnostic du gaspillage alimentaire et proposé des outils d'accompagnement propres à le réduire. Les établissements ont donc tout ce qu'il faut et n'ont pas d'excuse pour ne pas s'engager dans de telles actions. La méthode et les outils étant similaires, les résultats seront comparables. Je vous demande de retirer votre amendement.
Je maintiens le mien, par le fait qu'il est lié à deux autres amendements proposant une définition juridique du gaspillage alimentaire, qui pour l'heure n'existe pas, ainsi que les méthodes statistiques prévues dans un acte délégué de la Commission de 2019. C'est un ensemble : il faut harmoniser la définition du gaspillage alimentaire en Europe, mais aussi en France, où la définition qu'en donne le ministère chargé de l'environnement n'est pas celle qui est adoptée par le ministère chargé de l'agriculture. L'administration est censée être une et indivisible ; mais sur ce sujet, elle n'a pas réussi à le prouver…
C'est en effet la coopération agricole qui a transmis cet amendement, mais pour avoir recruté dans le secteur de la restauration et travaillé dans l'agroalimentaire, je connais bien les enjeux. Les travaux de l'ADEME risquent de déboucher sur de simples recommandations, qui n'empêcheront pas les acteurs d'adopter chacun leur méthode. Si on ne les contraint pas à adopter une méthodologie commune, je prends le pari que d'ici à dix-huit mois ou deux ans, il faudra légiférer ou réglementer pour réduire les écarts qui auront été constatés. On ne peut pas se contenter de dire que les choses vont se faire toutes seules : au bout du compte, il n'y aura ni harmonisation internationale, ni harmonisation entre les acteurs, puisqu'il n'y a même pas d'harmonisation entre les deux premières administrations centrales concernées…
Le monde de l'environnement n'est pas celui des Bisounours ! Ce n'est pas parce qu'une méthode est suggérée qu'elle est appliquée ; ou sinon, ça se saurait. Dès lors qu'une méthodologie a été mise au point par l'ADEME et qu'elle fait référence, je ne comprends pas qu'elle ne soit pas rendue obligatoire. Il n'appartient évidemment pas au législateur d'entrer dans tous ces détails ; un renvoi à un décret serait bienvenu.
Je comprends l'objet de ces amendements et je partage l'inquiétude de leurs auteurs. Mais je crains qu'obliger les établissements à adopter une méthodologie commune ne pénalise ceux qui combattent déjà, et avec succès, le gaspillage alimentaire. J'ai visité la semaine dernière, avec Mme Samantha Cazebonne, un établissement scolaire où la méthode qui a été adoptée fait ses preuves. Je conçois mal l'application d'une telle disposition sur le terrain. N'allons pas abîmer ce qui fonctionne, quitte à obliger les autres à se mettre à niveau.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement CD726 de M. Guillaume Garot.
Les diagnostics sur le gaspillage alimentaire ont été rendus obligatoires pour la restauration collective des services de l'État et des collectivités par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015. Il est temps de les généraliser à l'ensemble des opérateurs agroalimentaires, afin d'encourager les actions de transformation des modes de production et d'éviter de produire surplus et invendus.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CD155 de M. Éric Pauget.
Il est souhaitable d'étendre l'obligation de conventionnement, de prévoir que la bonne foi s'impose aux deux parties durant la négociation et qu'en cas de non-conclusion de la convention, le commerce de détail doit proposer dans les trois mois une nouvelle convention à une ou plusieurs associations caritatives.
L'association peut déjà revenir vers le commerce et des sanctions sont applicables s'il n'y a pas de convention. Avis défavorable.
Je demande le retrait, à défaut de quoi l'avis sera défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CD715 de M. Guillaume Garot.
Le gaspillage alimentaire est un objet d'étude difficile à mesurer et du fait de l'hétérogénéité des procédés de production, de transformation ou de distribution, il est complexe d'estimer les pertes.
Il nous semble important que l'État élabore, d'ici au 1er janvier 2021, des outils pour l'évaluation quantitative du gaspillage alimentaire en France. Il doit mettre en place un pilotage pour développer des indicateurs communs à toutes les filières qui permettent de mesurer les progrès, pour chaque maillon de la chaîne et pour l'ensemble de la politique nationale.
L'ADEME travaille déjà à l'élaboration d'une méthodologie ; laissons-lui le temps de parvenir à ses conclusions. Avis défavorable.
Qui plus est, la directive sur les déchets prévoit déjà que les États doivent mettre en place un dispositif de suivi de ces mesures, sur la base d'une méthodologie qui a été établie par un acte délégué. Je suis une grande partisane de l'évaluation, car j'estime qu'elle permet de conduire des politiques publiques robustes : je m'engage à tenir la représentation nationale informée de ces travaux. Je vous propose de retirer cet amendement, que je considère satisfait.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement CD751 de M. Matthieu Orphelin.
Afin de lutter contre le gaspillage alimentaire, nous proposons de mettre fin à la dispense de régularisation de la TVA dont bénéficient les entreprises si elles détruisent des marchandises consommables. Parallèlement, nous proposons de relever le plafond de la réduction d'impôt dans le cas de dons de produits alimentaires pour les grandes surfaces de moins de 2 000 mètres carrés, ce qui permettrait de favoriser le don. L'impact budgétaire de ces deux mesures serait légèrement positif pour l'État et le dispositif gagnerait en cohérence.
La défiscalisation en cas de don et la régularisation de la TVA en cas de destruction des invendus sont au coeur de mes travaux. Je proposerai un amendement sur ce sujet, mais pour les denrées non alimentaires. Il me semble que vous allez un peu loin avec cet amendement, que je vous suggère de retirer.
L'article 238 bis du code général des impôts prévoit que les entreprises peuvent déduire de leurs impôts les dons, à hauteur de 60 % de leur montant, dans la limite de 5 ‰ du chiffre d'affaires. Je vous le concède, ce dispositif est très peu utilisé : dans les secteurs de l'habillement et l'électroménager, seulement une entreprise sur cinq y a recours. Je pense que c'est dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2020 que nous devrions poursuivre ce débat.
La directive relative à la TVA impose une dispense de régularisation de la TVA pour toute destruction de bien, qu'elle soit volontaire ou non. Il est impossible de restreindre ce droit à la déduction, qui est un principe fondamental de la TVA. Nous sommes donc, pour ainsi dire, bloqués. Ces trois raisons, à mon sens implacables, me poussent à vous demander le retrait de cet amendement.
Je soutiens totalement cet amendement. Une fois de plus, on ne se donne pas les moyens de favoriser une gestion plus vertueuse des produits détruits. La TVA ne dépend pas de votre ministère et nous savons que nous ne pourrons pas travailler sur cet outil. C'est pourquoi il importe de favoriser les entreprises qui décident de donner plutôt que de détruire, en relevant le plafond de la déduction d'impôts dont elles bénéficient et de le porter à 10 ‰ de leur chiffre d'affaires. Cela permettrait de contrecarrer la problématique de la TVA et de rendre le dispositif plus ambitieux.
Nous sommes tous d'accord, il faut changer les règles. Mme la secrétaire d'État a bien expliqué les contraintes qui s'imposent à nous et sa position lui interdit de s'avancer davantage, mais nous, nous sommes législateurs et nous faisons de la politique. Osons bousculer les règles, votons cet amendement qui nous permettra d'envoyer un signal et de rouvrir le débat !
Pour ce qui est de la réduction d'impôt, je crois me souvenir que l'on m'avait répondu lors de l'examen du PLF pour 2020 qu'il valait mieux examiner cet amendement dans le cadre du projet de loi sur l'économie circulaire… S'agissant de la déduction de la TVA, on voit bien que les signaux économiques sont tout à fait paradoxaux et cet amendement pourrait inciter le Gouvernement à défendre à nouveau ce point au niveau européen. Je le maintiens donc.
Nous sommes face à un point de méthode critique. Pour commencer, nous allons déjà très loin, au point de chahuter, si vous me passez l'expression, les directives européennes. Lorsqu'il s'est agi d'élaborer ce projet de loi, je n'ai pas craint, je le répète, d'aller « tirer dans les coins ». Mais la France fait partie de l'Europe, le Gouvernement auquel j'appartiens croit au projet européen, et j'estime qu'il faut trouver un équilibre, dans le respect du cadre européen.
Effectivement, Monsieur Matthieu Orphelin, ces débats sont très utiles. L'Europe et les dirigeants européens ont décidé de faire de la transition écologique un des moteurs du projet européen. Il est important que j'entende la représentation nationale française avant d'aller porter notre ambition au niveau européen. Parce que nous avons toujours été au rendez-vous et à la pointe des combats depuis 2017, nous sommes particulièrement écoutés. J'enregistre donc ce que vous me dites et je m'en ferai le relais à Bruxelles. Je vous rappelle que le commissaire M. Frans Timmermans a dit qu'il mettrait l'économie circulaire au centre des débats et de l'ambition européenne, dans le cadre de son Green Deal. Je tiens à respecter le cadre fondamental européen, qui fait partie du projet politique auquel j'adhère.
Madame la secrétaire d'État, vous êtes courageuse et vous forcez un peu la main de l'Europe, ce qui est très bien. Nous devons avancer ensemble, coopérer et élaborer des règles communes dont les entreprises françaises qui travaillent à l'import et à l'export seront les premières à bénéficier.
La commission rejette l'amendement.
Article 5 B (articles L. 541-15-5 et L. 541-15-6 du code de l'environnement) : Extension de l'obligation de conventionnement et de don aux halles, marchés et foires
La commission est saisie de plusieurs amendements identiques, CD9 de M. Dino Cinieri, CD193 de M. Guy Bricout, CD337 de M. Vincent Descoeur, CD550 de M. Frédéric Descrozaille et CD918 de Mme Barbara Bessot Ballot.
L'amendement CD9 vise à supprimer l'article 5 B. Contrairement à ce qui a été dit en séance au Sénat, le pourcentage des pertes alimentaires, en particulier dans la filière des fruits et légumes, n'est que de 2,8 % au stade de la vente au détail, dont 1,32 % pour les primeurs. Il y aurait donc peu d'invendus à proposer aux associations caritatives, d'autant plus que les commerçants bradent ou donnent déjà les fruits et légumes abîmés en fin de marché. Par ailleurs, les denrées comme le poisson ou la viande n'étant pas emballées dans les halles et marchés, le transport serait ingérable pour les associations, soumises aux mêmes règles d'hygiène que les commerçants. Enfin, les commerçants ambulants ne disposent pas des mêmes moyens logistiques que la grande distribution pour reconditionner les invendus et assurer leur collecte.
Mon amendement CD193 a le même objet. Nous parlons de commerçants dont le chiffre d'affaires n'est pas très élevé. Ils font preuve de générosité, donnent des produits encore consommables mais qui ne peuvent plus être vendus. Les obliger à donner des produits commercialisables, ou qu'ils pourraient réutiliser sous une autre forme, leur serait très dommageable.
L'obligation de conventionnement a fait ses preuves et nous y sommes tous attachés, mais son extension aux commerçants non sédentaires interroge. La fin du marché n'est pas nécessairement synonyme de destruction des invendus : dans les faits, beaucoup de ces produits sont bradés, donnés, remis en vente sous d'autres conditions ou à d'autres occasions. Par ailleurs, cela pose un problème logistique. D'où mon amendement CD337.
Nous avons affaire à des acteurs dont les taux de marge sont très faibles. Leur métier consiste précisément à acheter le plus précisément possible les quantités qu'ils réussiront à vendre – si ses pertes dépassent 1,3 %, un primeur n'est plus compétitif. Cette obligation risque de grever leur capacité à réaliser des bénéfices, car il leur faudra de surcroît remballer la marchandise, les denrées d'origine végétale ne pouvant être en contact avec celles d'origine animale. Ce dispositif n'est pas sérieux, il a été mal pensé et sera très difficile à appliquer.
Je serais prêt à retirer mon amendement CD550 si nous étions d'accord pour trouver, d'ici la séance, un dispositif plus équilibré, où ce seraient les gestionnaires de marché qui recevraient les propositions des associations, prêtes à assumer la réglementation qui pèse sur le frais alimentaire et le risque que la collecte ne soit pas toujours importante. Les commerçants, à commencer par les mauvais coucheurs qui ne sont pas les plus vertueux, ne pourraient pas refuser. (Mouvements divers.)
Mon amendement CD918 est motivé par le même souci. Les commerçants dont nous parlons, qu'il s'agisse d'un petit fromager ou d'un marchand de légumes, ne sont pas en plein essor et ne se demandent pas chaque matin ce qu'ils feront de leur surplus. Le peu de pertes qu'ils essuient ne représente rien en termes de gaspillage : ce qui leur importe, c'est de vendre leurs produits, au rabais si nécessaire, pour en tirer encore un petit quelque chose. Tous ces commerçants sont en état de survie ; ils ont besoin qu'on les aide, pas qu'on leur en rajoute encore sur le dos !
Le rapport d'évaluation de la « loi Garot », remis en juin 2019, l'a souligné : le dispositif législatif actuel, qui contraint les commerces de détail alimentaires de plus de 400 mètres carrés à signer une convention, est suffisant. J'entends la proposition de M. Frédéric Descrozaille, mais ne nous trompons pas de combat.
Cet article, introduit par les sénateurs, nous a fait beaucoup travailler. Tout le monde s'accorde à dire qu'il faut encore accélérer le traitement des invendus et éviter le gaspillage alimentaire, que des initiatives existent déjà, qu'il ne faut pas condamner.
Nous devons continuer de discuter de cette question. Adopter ces amendements de suppression ferait tomber d'autres amendements intéressants, notamment celui de Mme Graziella Melchior qui conditionne l'obligation de conventionnement faite aux petits commerçants, et nous empêcherait d'introduire de la souplesse là où existe déjà une solution. Même s'il ne fait pas de doute que l'article est mal rédigé, j'émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Il faut laisser la place au débat. Mais soyons vigilants, de telles dispositions peuvent être contre-productives, car elles pourraient faire peser des obligations sur des gens qui n'ont pas nécessairement les moyens de les assumer. Sagesse.
Une telle obligation entraînerait de grandes difficultés pour les producteurs et les commerçants. Je ne pense pas qu'un gestionnaire de marché puisse davantage conclure des conventions. En France, les centres-villes ont beaucoup de mal à trouver leur équilibre ; on compte beaucoup sur le commerce pour le faire et nombreuses sont les communes qui relancent leur marché. En faisant venir les producteurs proches, en circuit court, on améliore le bilan carbone, ainsi que la qualité des produits. Nous parlons ici de 1,3 à 1,5 % de produits invendus seulement. Laissons d'abord les producteurs et les gestionnaires de marché monter leurs marchés, nous verrons ensuite !
Qui va régulièrement au marché – pour y faire ses courses, s'entend, et non y distribuer des tracts (Mouvements) –, sait que la vente de dernière minute des denrées difficiles à reconditionner, comme le poisson ou les fruits, permet à ceux qui n'en ont pas forcément les moyens d'acheter des produits frais pour une somme modique. Cela rend service à certains de nos concitoyens et cet aspect social doit retenir toute notre attention et nous inciter à suivre l'avis exprimé par Mme la secrétaire d'État.
Il est difficile d'être insensible aux arguments qui viennent d'être donnés, mais les députés du groupe La République en Marche suivront l'avis de la rapporteure. Il nous semble important d'examiner l'amendement de la commission des affaires économiques, qui sera sous-amendé par la rapporteur Mme Véronique Riotton, car il ouvre la voie à un assouplissement des dispositions prévues par les sénateurs. En tout état de cause, ce sujet doit être retravaillé d'ici à la séance publique, la secrétaire d'État elle-même s'y est montrée favorable.
Dans les villes et les collectivités, une organisation a été mise en place avec les associations caritatives comme les Restos du Coeur pour qu'elles viennent récupérer les invendus sur les marchés.
Pour avoir travaillé aux côtés des primeurs, j'ai du mal à croire à ce pourcentage des pertes alimentaires de 1,32 %, car ils rapportent les invendus chez eux pour nourrir leur famille. J'aimerais savoir comment il a été calculé. Alors que ces gens-là ont besoin d'aide, je crains qu'on leur rajoute des contraintes.
Dans notre rapport sur l'évaluation de la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, M. Guillaume Garot et moi-même avons proposé que les commerces de moins de 400 mètres carrés ne signent une convention que si une association en exprimait le besoin. Et ce sont les deux parties qui décident elles-mêmes la fréquence, la quantité des dons, etc. Il n'y a pas d'obligation formelle.
Je voterai les amendements de suppression de l'article 5 B. J'y vois une disposition hautement technocratique et totalement éloignée de la réalité du terrain. Quand je vais sur les marchés – j'y distribue également des tracts, monsieur Vincent Descoeur –, je vois comment s'opèrent ces fins de marché. Il n'est pas nécessaire d'ajouter une disposition de nature à heurter les rapports humains, quelque part assez tendres, qui s'y nouent.
Apparemment, ce sujet passionne… Comme le dit le Président de la République, il faut « arrêter d'emmerder les Français ». Moi aussi, je vais souvent sur les marchés et je discute beaucoup avec les commerçants. Je suis contre tout ce qui est obligatoire. Les commerçants sont des personnes très généreuses, ils sont au contact de la population, ils savent qui a besoin et ils donnent à bon escient. Avec cet article, on va les obliger à donner. Du coup, il y aura des consommateurs qui viendront les voir en leur disant qu'ils sont obligés de leur donner ce qui reste. Cela me choque.
Moi aussi. Il serait très dommageable d'obliger les commerçants à donner en fin de marché. On verrait alors des consommateurs attendre la fin du marché pour récupérer les invendus. En tant qu'agricultrice, je vois les dérives d'un tel système. Je suis donc favorable à la suppression de cet article, car il faut comprendre qu'à la fin d'un marché on peut récupérer les légumes chez soi, les stocker, puis les revendre à des personnes qui ont créé des filières de transformation. C'est ce que je fais à titre personnel, et cela fonctionne très bien. Il y a d'autres solutions que de donner les invendus en fin de marché.
Je suis d'accord avec mes collègues sur ce qui se passe sur le terrain. Mais si nous adoptons ces amendements de suppression, nous ne pourrons pas discuter des autres amendements déposés sur cet article. Il sera toujours temps de les rejeter en séance publique.
Madame la rapporteure, pourriez-vous nous assurer qu'il y aura une autre rédaction de cet article ? C'est davantage l'écriture qui pose problème que le fond. Et si elle ne convient toujours pas, l'hémicycle tranchera.
Je suivrai la position de Mme la secrétaire d'État qui a heureusement émis un avis de sagesse sur ces amendements de suppression. Effectivement, l'attitude des petits commerçants en fin de marché est réellement positive et a un aspect social. Si vous voulez une nouvelle rédaction de l'article, supprimons-le et proposons en séance publique un nouvel article mieux rédigé et plus conforme aux réalités du terrain.
Je vais tenter de sauver le « soldat 5 B » pour pouvoir le réécrire…
Essayons de ne pas supprimer l'article et de trouver une meilleure rédaction. Mme Graziella Melchior propose de remplacer le mot « concluent » par les mots « peuvent conclure », autrement dit de passer d'une obligation à une faculté. Et de grâce, il n'est pas question d'inciter tout un chacun à venir quémander des produits à la fin d'un marché… Nous parlons bien d'associations agréées qui signent des conventions. On sait qu'il y a encore du gaspillage alimentaire. L'amendement de Mme Graziella Melchior donne aussi la possibilité d'assurer la reprise sans frais des déchets issus des denrées alimentaires qui n'ont pas été distribuées. Je vous invite donc à voter contre ces amendements de suppression de l'article 5 B.
Comme il semble qu'on s'oriente vers la réécriture de cet article, il conviendrait de prendre en compte et de préciser davantage les aspects liés à la logistique. Ce serait compliqué pour les petits vendeurs sur les marchés de devoir apporter eux-mêmes leurs denrées aux associations, et il n'est pas davantage évident pour les associations de venir les chercher.
Il peut effectivement être intéressant de faciliter les choses du point de vue de la logistique pour les commerçants qui veulent donner des denrées alimentaires. En état de cause, il ne faut pas en faire une obligation, mais un outil qui facilite le don alimentaire aux associations caritatives.
La commission rejette les amendements identiques.
Puis elle est saisie de l'amendement CD660 rectifié de la commission des affaires économiques et du sous-amendement CD1830 de la rapporteure.
Mes chers collègues, je vous remercie de manifester autant d'intérêt pour cette grande cause qu'est le gaspillage alimentaire.
La rédaction du Sénat ne nous plaisait pas, notamment du fait des obligations qu'elle faisait peser sur les halles, les foires et les marchés. Aussi cet amendement prévoit-il d'autres leviers pour lutter contre le gaspillage alimentaire.
Nous proposons d'abord de renforcer la qualité des dons. La question de la gestion des déchets provenant des denrées alimentaires ayant fait l'objet d'un don et qui n'ont pas été redistribuées par les associations est régulièrement soulevée par les associations et les collectivités territoriales qui constatent une croissance des volumes de ces déchets. Cet amendement vise donc à prévoir, dans le cadre de la convention, la prise en charge de la gestion des déchets issus de denrées alimentaires données qui n'ont pas pu être redistribuées par les associations.
Nous prévoyons ensuite une obligation de conventionnement pour le commerce de gros, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les industries agroalimentaires dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions d'euros, les restaurants collectifs et les supermarchés de plus de 400 mètres carrés. Cette disposition a montré tout son succès, comme nous avons pu l'étudier dans le rapport d'évaluation que j'ai réalisé avec M. Guillaume Garot.
Nous proposons également, dans l'esprit de ce qui avait été initialement voté par les sénateurs, des mesures pour lutter contre le gaspillage alimentaire pour les petits commerces de moins de 400 mètres carrés – c'était une des propositions du rapport –, les commerçants non sédentaires ainsi que les traiteurs et organisateurs d'événements.
L'extension de la loi dite « Garot » aux professionnels proposant des denrées alimentaires sur les marchés, introduite par le Sénat, est trop contraignante en l'état, ces professionnels ne disposant pas forcément des moyens logistiques nécessaires à la conclusion d'une telle convention. Il convient donc de conditionner cette obligation à la demande d'au moins une association d'aide alimentaire qui saura qu'elle est en mesure, au niveau logistique, de recevoir ces dons. Cet amendement étend également ce principe pour les commerces de moins de 400 mètres carrés, ainsi que pour les traiteurs organisateurs de réceptions.
Enfin, nous étendons l'interdiction de destruction des invendus aux opérateurs de commerce de gros. L'amendement vise à ce que ces derniers ne puissent rendre impropres à la consommation les denrées alimentaires encore consommables et respecter la hiérarchie des actions en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, à l'instar des autres opérateurs du secteur alimentaire : prévention, puis valorisation en alimentation humaine, puis valorisation en alimentation animale et enfin valorisation sous forme de compostage ou énergétique.
Je propose par mon sous-amendement CD1830 d'assouplir l'obligation et d'écrire que les commerçants non sédentaires peuvent conclure des conventions pour autant qu'ils aient une solution identifiée.
L'amendement CD660 rectifié comprend des éléments intéressants comme l'extension aux commerces de gros alimentaires des obligations qui sont liées à la lutte contre le gaspillage alimentaire. En revanche, d'autres points doivent encore être améliorés ; mais nous aurons toute latitude de le faire d'ici à l'examen du texte en séance publique. J'émets un avis de sagesse, sous réserve que le sous-amendement soit adopté.
La commission adopte le sous-amendement.
Puis elle adopte l'amendement, ainsi sous-amendé.
En conséquence, l'article 5 B est ainsi rédigé et les amendements CD849 de M. Guillaume Garot et CD1600 de Mme Catherine Fabre tombent.
Oui, madame la présidente.
La séance suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures trente-cinq.
Après l'article 5 B
La commission est saisie de l'amendement CD157 de M. Éric Pauget.
Les associations caritatives manifestent parfois une certaine réticence à accepter certaines denrées alimentaires par crainte de voir leur responsabilité engagée. Je vous propose donc de faciliter la reprise des invendus et de mieux encadrer la pratique des dons alimentaires et l'activité de ces associations en réduisant la responsabilité des présidents d'association. Mon amendement prévoit d'établir par décret des listes d'aliments qui pourraient être distribués même si leur date limite de consommation (DLC) est dépassée – les produits secs comme le riz ou les pâtes, par exemple.
Il ne semble pas nécessaire de prévoir par décret les conditions des dons, dans la mesure où nous venons de voter l'obligation de reprise des dons alimentaires par les distributeurs : ils n'auront donc aucun intérêt à faire des dons qui ne seraient pas appropriés. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j'y suis défavorable.
Même argumentaire que Mme la rapporteure. Je propose le retrait de cet amendement.
C'est dommage, car les associations caritatives comme les Restos du coeur pourraient récupérer davantage de produits qui, du coup, ne seront pas donnés. Votre réponse résout la première partie du problème, mais ne leur facilite pas la tâche.
Je suis désolé de n'avoir pu participer à la discussion précédente : j'étais en commission des affaires sociales où je défendais une proposition de loi contre la désertification médicale.
Le problème est celui de la qualité du don. Le décret du 28 décembre 2016 dispose notamment que, pour les denrées soumises à une date limite de consommation (DLC), au jour de prise en charge du don par l'association d'aide alimentaire, le délai restant avant expiration doit être égal ou supérieur à quarante-huit heures : le but est de garantir la qualité de ce don et donc la capacité des bénévoles à le redistribuer dans de bonnes conditions de sécurité sanitaire. N'oublions pas non plus les dispositions européennes, qui s'imposent à tous, et notamment la distinction entre la DLC et la DDM (date de durabilité minimale). Point n'est besoin de rappeler les choses : c'est une règle qui vaut pour tout le monde. Il faut éviter de se retrouver demain avec, d'un côté, une nourriture pour les bien portants, et de l'autre, pour les pauvres. Chacun a droit aux mêmes règles que les opérateurs doivent respecter.
Pour ma part, j'ai fait voter une loi en 2016 qui a fait l'objet ensuite de décrets d'application. Mais j'ai pu constater, avec Mme Graziella Melchior, qu'on ne dispose pas toujours de l'arsenal nécessaire pour contrôler d'abord et sanctionner ensuite en cas de défaillances : les moyens de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont sans doute trop contraints. Pour être plus efficace dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, il faut sans doute plus de contrôles pour faire respecter les règles, ce qui suppose de donner à l'État les moyens d'assumer sa mission régalienne.
Si j'ai bien compris votre intervention, monsieur Guillaume Garot, sur le fond, l'amendement de M. Éric Pauget est satisfait, et le problème tient davantage à l'application de la loi qu'à la loi elle-même.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle se saisit, en discussion commune, de l'amendement CD1008 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, des amendements identiques CD479 de M. Bertrand Pancher et CD617 de M. Vincent Descoeur, et des amendements identiques CD468 de M. Bertrand Pancher, CD618 de M. Vincent Descoeur, CD858 de M. Hubert Wulfranc et CD992 de M. Stéphane Demilly.
Mon amendement CD1008 aurait probablement été plus utile s'il avait été intégré dans la discussion que nous avons eue sur l'article 5 B, dans la mesure où il traite des conventions de dons entre les associations et les opérateurs de la grande distribution pour les invendus alimentaires. Je m'en remets à la sagesse de la séance publique pour réécrire cet amendement dans un sens utile, qui permette d'avoir un outil pratique sans contraintes pour les petits commerçants des marchés. En l'état, il a été satisfait par l'amendement CD660 rectifié et sous-amendé.
L'amendement est retiré.
Je présente l'amendement CD479 d'une voix assez tremblante puisqu'il concerne l'amélioration de la « loi Garot » alors que je suis assis juste en face de M. Guillaume Garot. (Sourires.)
Cet amendement, qui nous a été fortement suggéré par l'association Amorce – ce qui va me dédouaner s'il est mal rédigé – concerne le contrôle de la qualité des invendus. Notre collègue nous a indiqué que cela relevait de la loi, mais Amorce considère qu'il conviendrait, peut-être par voie de conventions, de fixer les modalités de prise en charge des déchets générés par les denrées alimentaires qui ont été données mais n'ont pas été distribuées. Les personnes mentionnées au II seraient tenues de pourvoir ou de financer la gestion de ces déchets.
Quant à l'amendement CD468, il prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements pourraient être signataires de ces conventions afin d'établir les modalités de prise en charge des déchets issus des dons de denrées alimentaires qui n'ont pas été redistribués. Les associations récupèrent des denrées alimentaires souvent de bonne, mais parfois de mauvaise qualité, ce qui oblige à des allers-retours avec les distributeurs. Cet aspect mériterait d'être mieux pris en compte dans les conventions.
Mon amendement CD617 a le même objet que le CD479 de M. Pancher, qui vient d'expliquer dans le détail que les associations qui n'ont pas pu distribuer les invendus alimentaires dans les délais se retrouvent de fait confrontées à l'obligation de gérer les déchets. Aussi convient-il d'intégrer cet aspect dans les conventions. Et mon amendement CD618 prévoit, à l'instar de son amendement CD468, que les collectivités en soient également cosignataires.
Mon amendement CD858 est identique au précédent. La faculté donnée aux collectivités territoriales, en particulier aux communes, de signer ces conventions rejoint la conclusion mécanique de cette disposition : l'accroissement de la redistribution des produits et les aspects logistiques qui y sont liés – stockage, transport, gestion des déchets, locaux – et qui, in fine, interpellent les collectivités locales. Celles-ci du reste n'ont pas attendu pour s'en emparer, la plupart du temps via leur centre communal d'action sociale (CCAS). Elles devraient donc logiquement être associées à la conclusion de ces conventions.
L'amendement CD992 a le même objet. L'obligation de don des invendus introduite par la loi défendue par mon collègue M. Guillaume Garot a largement contribué à la réduction du gaspillage alimentaire en orientant vers des associations des marchandises qui auparavant auraient été éliminées. Toutefois, ce dispositif ne traite pas de la gestion des déchets générés par ces invendus alimentaires. Aussi doit-on prévoir des modalités de mise en oeuvre de la gestion de ces déchets par ces associations.
Je remercie chacun d'entre vous d'avoir amené au débat tous ces sujets qui concernent l'article 5 B. Comme celui-ci est en cours de réécriture par la commission des affaires économiques, notamment par Mme Graziella Melchior, je vous invite à les retirer afin d'en mettre au point une nouvelle mouture.
Je partage évidemment vos préoccupations. Mais je suis défavorable à ces amendements qui risquent de complexifier la conclusion de conventions de dons et paradoxalement freiner les volumes d'invendus alimentaires donnés aux associations. La solution proposée par l'amendement CD1008 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie paraît plus pertinente, mais il a été retiré afin que sa rédaction soit retravaillée avant l'examen du texte en séance publique.
J'ai senti que le moment était venu de voler au secours de Mme la secrétaire d'État qui n'attendait que cela… Le mieux est parfois l'ennemi du bien. Dans une vie antérieure, j'ai bien connu l'activité des dons aux associations caritatives et leur gestion. On constate déjà les effets pervers de certaines dispositions de la loi « EGALIM », et je crains que ces amendements, en l'état actuel de leur rédaction, n'en créent encore d'autres. Au-delà du fait que les associations peuvent choisir les produits et les volumes qu'elles acceptent de reprendre quand elles font leur tournée de reprise, j'appelle votre attention sur deux gros points de vigilance : premièrement, cela supposerait que l'association fasse un tri des déchets par enseigne, sachant que jamais une grande surface n'acceptera de gérer les déchets d'un concurrent ; deuxièmement, l'obligation de gérer et de reprendre les déchets sur le lieu de redistribution entraînera des transports supplémentaires, donc une pollution supplémentaire, car il faudra peut-être organiser, en plus des tournées de collecte des inventées, des tournées de collectes inversées pour les « indonnés »…
La commission rejette les amendements identiques CD479 et CD617.
Puis elle rejette les amendements identiques CD468, CD618, CD858 et CD992.
Article 5 C (nouveau) (article L. 541-15-6-2 A [nouveau] du code de l'environnement) : Label national anti-gaspillage alimentaire
La commission étudie les amendements identiques CD725 de M. Guillaume Garot et CD1321 de M. Matthieu Orphelin.
Il se trouve que j'ai réalisé, avec Mme Graziella Melchior, un rapport d'évaluation de la loi de 2016. Tous ceux qui s'engagent dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, qui se mobilisent et font de gros efforts pour modifier leur façon de produire et de traiter l'alimentation – salariés de l'industrie, chefs d'entreprise, bénévoles des associations, restaurateurs dans la restauration collective ou dans la restauration commerciale –, nous disent avoir besoin d'être mieux reconnus et encouragés. Ce serait une vraie avancée si l'on pouvait reconnaître, considérer et donc labelliser toutes ces démarches. L'idée serait d'inventer un label « ombrelle » valorisant toutes ces actions qui, secteur par secteur, permettent de lutter contre le gaspillage alimentaire.
Il ne s'agit pas de dire que ce que fait le producteur a exactement la même valeur que ce que fait le restaurateur, par exemple : ce sont des méthodes différentes, des process différents, mais qui tous convergent pour faire reculer le gaspillage alimentaire.
Nous avons adopté, et j'en suis le premier heureux, un amendement qui fixe l'objectif exigeant, ambitieux et chiffré de réduire de moitié le gaspillage alimentaire à l'horizon 2025-2030. Pour y parvenir, il faut mobiliser et sensibiliser l'ensemble de la société française. On peut choisir par exemple d'aller dans un restaurant qui aura un label anti-gaspillage : c'est une façon d'appuyer la démarche. Ce sera la même chose pour le consommateur qui choisira dans le supermarché les produits d'une marque très engagée contre le gaspillage alimentaire, et reconnue comme telle par un label. Bref, il y a mille et une façons de soutenir ceux qui luttent contre le gaspillage alimentaire, mais pour que ces démarches convergent, qu'elles soient visibles et efficaces, il faut créer un label général. Tel est le sens de mon amendement CD725.
Mon amendement CD1321 reprend en effet l'une des principales recommandations du rapport d'évaluation de Mme Graziella Melchior et M. Guillaume Garot. Ce label qui permettrait de valoriser les bonnes pratiques n'aurait que des avantages ; il serait simple à mettre en place et très bien compris par l'ensemble des acteurs qui demandent de mieux valoriser leurs démarches. Il pourrait comporter trois niveaux, à l'instar du label haute valeur environnementale (HVE).
La création d'un label, qui est effectivement l'une des recommandations de votre rapport, paraît un peu prématurée dans la mesure où l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) n'a pas encore défini sa méthodologie. Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j'émets un avis défavorable.
Monsieur Guillaume Garot, point par point, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit.
C'est d'autant plus beau que c'est cette approche que j'ai choisie dans le secteur textile avec le « fashion pact », mais également dans la lutte contre le suremballage plastique. Par ailleurs, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, nous devons essayer de fonder nos décisions de politique publique sur des évaluations rigoureuses, : or c'est précisément ce que vous avez fait dans le rapport que vous avez réalisé avec Mme Graziella Melchior.
Toutefois, ces dispositifs de labellisation ne doivent pas relever du législatif, sous peine de faire des lois bavardes, beaucoup moins lues et beaucoup moins utilisées. La France s'est déjà dotée d'un pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire. Nous devons veiller à y intégrer cette proposition et à la décliner par une méthode. C'est ce que j'ai fait lorsque, plutôt que de chercher à imposer certaines normes par le haut, j'ai lancé la campagne « Longue vie à nos objets », qui appelle à un changement culturel très profond. Votre proposition s'inscrit exactement dans cette démarche : consommer autrement, changer nos rapports à la production. Mais cela ne passe pas par la loi.
Je vous demande donc de retirer ces amendements, mais en rien d'abandonner ce que vous proposez.
Cet amendement a le mérite de poser la question de l'identification des démarches vertueuses qui contribuent à la sensibilisation dont on a beaucoup débattu hier. Si d'aventure ces amendements sont maintenus, nous les soutiendrons.
Merci, monsieur Vincent Descoeur.
Madame la secrétaire d'État, je me suis moi aussi demandé ce qui relevait de la loi et ce qui relevait du règlement.
La leçon que je tire de toutes ces années de combat contre le gaspillage alimentaire, c'est qu'il faut « cranter » dans la loi des outils, faute de quoi on s'en remet à la seule bonne volonté des acteurs. Or ces bonnes volontés peuvent s'épuiser, s'émousser. On n'avance que lorsqu'une volonté politique porte les sujets.
J'entends bien que vous comptez vous inspirer de ce que je propose sans l'inscrire dans la loi. Or la loi nous oblige à agir dans le temps de façon durable, au-delà des alternances politiques. La bataille contre le gaspillage alimentaire se gagnera si elle traverse les années, autrement dit avec plusieurs gouvernements, plusieurs majorités. Si l'on veut donner de la force à cette politique, il faut inscrire des outils et des leviers dans la loi. Je crois profondément que le label, très attendu par les acteurs, est une façon d'accélérer et de nourrir en permanence la dynamique. Ce serait vraiment une occasion manquée si nous nous privions maintenant d'inscrire ce levier, hautement symbolique, dans la loi.
Monsieur Guillaume Garot, je partage bien évidemment vos propos. Pour réussir cette démarche, il faut identifier mais aussi valoriser les bonnes pratiques. Ce label ne pourrait-il pas être défini dans le cadre du Conseil national de l'alimentation (CNA) ?
D'abord, il y a le fait d'inscrire dans la loi le principe du label : c'est essentiel, c'est notre travail de législateur. Ensuite, il y a les modalités : comment fait-on ? Et là-dessus, je vous rejoins : il faut être très pragmatique. Il peut y avoir une « ombrelle » nationale, mais ensuite, les choses sont différentes d'un secteur à l'autre. On peut aussi valoriser ou plutôt enrichir des démarches qui existent déjà et qui sont intéressantes dans la restauration collective et la restauration commerciale où l'on inclut la dimension du gaspillage alimentaire. Le CNA est-il le mieux à même de définir ce label ? Je serais ravi qu'il y travaille, mais il faut voir cela avec le Gouvernement.
Quoi qu'il en soit, une chose est certaine : on gagnera du temps en faisant mention du label national dans la loi. Car cela mobilise tout le monde, à commencer par l'administration d'État, et nous avons besoin d'elle. Rien ne se fera sans une mobilisation des moyens publics.
L'idée d'un label anti-gaspillage est une bonne chose ; reste à savoir si cela entre dans le cadre de la loi. L'idée en tout cas me paraît très intéressante et très importante pour avancer : je suis persuadée que bon nombre de partenaires sur le terrain ne manqueront pas de l'utiliser afin de valoriser leur action et la rendre plus visible.
La commission adopte les amendements.
Après l'article 5 B
La commission examine les amendements identiques CD564 de M. Frédéric Descrozaille et CD607 de M. Bertrand Pancher.
Mon amendement CD564, tout comme mon amendement CD551 à l'article 5, que je défends par avance, ont tous deux trait au gaspillage alimentaire.
M. Bruno Millienne a dit tout à l'heure qu'il ne fallait pas abîmer ce qui marche. La lutte contre le gaspillage n'a rien à voir avec la façon dont on mesure celui-ci. La question devient compliquée dès qu'on l'aborde sous l'angle technique : il y a l'approche pondérale et celle en valeur, la perte peut être quantitative ou qualitative, et les qualités nutritionnelles des produits frais alimentaires s'effondrent en vingt-quatre heures. Tout cela n'est pas simple : il ne s'agit pas seulement de compter ce qui va à la poubelle. Il peut y avoir des approches différentes selon les acteurs et les types de restauration. J'insiste sur le fait que les méthodologies devraient être les mêmes partout. Dieu sait que je ne suis pas un partisan de la surréglementation ; mais il est important que tous les acteurs soient concernés.
Le ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) et celui de l'agriculture n'ont pas la même définition du gaspillage alimentaire. Au MTES, on considère qu'il y a une perte alimentaire lorsque la production d'une parcelle agricole est valorisée au service de l'alimentation animale. Ce n'est, évidemment, pas du tout l'approche du ministère de l'agriculture : pour lui, il n'y a pas de perte alimentaire quand un contrat est conclu avec un acheteur qui réserve une parcelle dont la production est destinée, avant même les semis, à l'alimentation animale. Cette position correspond d'ailleurs à l'approche de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
Je suis vice-président de la mission d'information sur la concrétisation des lois : ce que nous apprenons est édifiant. Les enjeux sur lesquels nous travaillons en tant que législateurs sont de plus en plus interministériels – vous le savez mieux que nous, madame la secrétaire d'État. Le problème est que les administrations centrales sont déconnectées du terrain : la méconnaissance de l'agriculture au sommet de l'État est notamment préoccupante – et cette situation est mal vécue par les agriculteurs. On travaille en silo : l'interministériel fonctionne selon un principe d'arbitrage a posteriori alors qu'il faudrait appliquer un principe de complémentarité a priori.
Ces amendements ont été conçus pour que les administrations centrales, au sein des ministères de la transition écologique et solidaire et de l'agriculture, travaillent de concert et se mettent d'accord sur la définition du gaspillage alimentaire et sur la manière de le mesurer. Sinon, elles exportent leurs rivalités et leurs modes de fonctionnement au Parlement, et nous nous retrouvons à arbitrer alors qu'il faudrait traiter les questions à un stade antérieur au nôtre.
S'agissant de l'évaluation, je rappelle que des travaux sont en cours dans le cadre de l'ADEME : une méthodologie est en train d'être finalisée. Je vous invite donc à retirer ces amendements.
Par ailleurs, j'ai bien entendu votre interpellation sur la relation entre le ministère de la transition écologique et solidaire et celui de l'agriculture. Je vous propose de travailler sur cette question d'ici à la séance.
La définition utilisée par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et par celui de la transition écologique et solidaire est celle qui figure dans le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire. Ce pacte a au moins le mérite de faire aller tous les ministères dans la même direction et de les faire sortir de leurs silos…
La directive « déchets » prévoit déjà que les États membres mettent en place un dispositif de suivi des mesures, sur la base d'une méthodologie établie par un acte délégué. Mon ministère s'est engagé dans la rénovation du système d'information relatif à la lutte contre le gaspillage alimentaire ; un premier point de situation aura lieu en 2022.
Je ne pense pas qu'il soit utile d'introduire dans la loi les précisions que vous proposez. Je comprends qu'il puisse être utile de « cranter » les choses, mais il faut aussi établir des priorités : sinon, on se retrouve avec des lois extrêmement bavardes, où les acteurs se perdent et qu'ils ne lisent même pas. Il est d'autant plus compliqué d'appliquer la loi et de l'évaluer qu'elle est touffue – du reste, certains n'hésitent pas à en jouer. Il faut vraiment établir des priorités et se concentrer sur l'essentiel. Ce texte est déjà assez long. Il ne faut pas s'en priver – c'est un projet de société qui vise à engager des changements pour les années à venir – mais si on veut que la loi soit lue et mise en oeuvre, évitons de la rendre trop bavarde.
Ces questions ne sont pas nécessairement simples, mais il y a eu une réflexion qui nous a permis d'aboutir à ce texte. C'est vraiment un souci d'efficacité qui nous anime. Il est intolérable qu'il y ait encore un tel niveau de gaspillage alimentaire, même si la situation a beaucoup changé depuis 2016.
Nous avons adopté, il y a deux jours, des objectifs chiffrés au sujet du gaspillage alimentaire : il devra être réduit de 50 % d'ici à 2025 ou 2030 selon les secteurs. Je partage tout à fait l'idée, défendue par M. Frédéric Descrozaille, que la mesure du gaspillage alimentaire est une question majeure. Si l'on se fixe des objectifs chiffrés, encore faut-il savoir de quoi on parle. Ce qui nous est proposé est donc très cohérent.
J'entends qu'il ne faut pas alourdir la loi, la rendre « bavarde », comme vous l'avez dit, mais on doit surtout faire en sorte qu'elle soit efficace. Ne pourrait-on pas enrichir l'amendement que nous avons adopté à propos des objectifs en prévoyant aussi des indicateurs et une obligation de réaliser des mesures ? Nous pourrions, sans nécessairement reprendre tout ce qui figure dans ces amendements, au moins en graver l'idée dans le marbre de la loi. Il faut passer à une nouvelle étape en améliorant l'efficacité de la lutte contre le gaspillage alimentaire grâce à des leviers d'action nouveaux.
Dernier élément, cette question concerne-t-elle seulement l'ADEME ? Le ministère de l'agriculture – c'est-à-dire sa direction générale de l'alimentation – a déjà réalisé un travail important en ce qui concerne les indicateurs de mesure. Plutôt que de mentionner telle ou telle agence, il me paraît préférable de faire référence à l'État.
Les propos de M. Guillaume Garot sont très pertinents. Je vais retirer mes deux amendements si on peut travailler d'ici à la séance publique dans le sens qui vient d'être indiqué. Je suis parfaitement d'accord avec l'idée que le Parlement est beaucoup trop bavard : nous surlégiférons. Ce n'est jamais de gaieté de coeur que je présente des amendements, et je préfère qu'il y ait un consensus. Nous devons montrer, en l'occurrence, que l'intention du législateur est que l'État se dote d'outils de mesure et d'une méthodologie.
On a parlé du pacte national. Or l'utilisation des productions agricoles pour l'alimentation animale est considérée, dans la conception française – mais pas au niveau international – comme du gaspillage alimentaire ou comme une perte. Il faudrait aussi travailler sur cette question.
Oui, nous allons retravailler sur ce sujet d'ici à la séance publique.
Adopter ces amendements reviendrait presque à déclarer, dans la loi, que l'État est impuissant, ce qui pourrait, à la limite, apparaître insultant pour les Français : en gros, l'appareil institutionnel se fixerait des objectifs, mais n'en aurait rien à faire. Ces amendements ne changeraient rien – ils ne feraient, peut-être, qu'accroître le cynisme et la suspicion des citoyens à l'endroit de l'exécutif mais aussi du législateur et de sa capacité d'évaluation.
Il est évident pour moi que le gaspillage doit être mesurable et mesuré. Je refuse de croire que mon administration ne se donne pas les moyens de contrôler. Je vous renvoie la balle : évaluez notre travail, demandez-nous d'être redevables, demandez à l'État de mettre en place tous les outils nécessaires en matière de transparence, mais je ne pense pas qu'il faut passer par la loi.
Les amendements CD564 et CD607 sont retirés.
Article 5 D (nouveau) (article L. 541-15-12 [nouveau] du code de l'environnement) : Élargissement de la codification des denrées alimentaires
La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CD671 de la commission des affaires économiques et CD1395 de M. Vincent Thiébaut, qui font l'objet du sous-amendement CD1832 de la rapporteure, les amendements identiques CD722 de M. Guillaume Garot et CD1323 de M. Matthieu Orphelin, les amendements CD466 et CD93 de M. Éric Alauzet, les amendements identiques CD331 de M. Martial Saddier, CD1051 de Mme Élisabeth Toutut-Picard et CD1607 de M. Jean-François Cesarini, ainsi que l'amendement CD358 de M. François-Michel Lambert.
Les différentes entreprises que nous avons rencontrées dans le cadre de l'évaluation de la loi « Garot » se sont affirmées capables d'introduire les dates limites de consommation ou de durabilité minimale et les numéros de lot dans les codes-barres ou les QR codes pour améliorer la gestion des stocks des industriels. Cela permettrait de mieux gérer et de moins gaspiller, dans toute la chaîne alimentaire, de la production à la distribution en passant par la transformation, et d'assurer la traçabilité – thème qui est particulièrement cher à M. Grégory Besson-Moreau. Ce serait intéressant en cas d'alerte sanitaire. Le dispositif que nous proposons par notre amendement CD671 entrerait en vigueur à partir du 1er janvier 2025.
J'émets un avis favorable aux amendements CD671 et CD1395, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement CD1832, qui offrira simplement une possibilité – au lieu d'instaurer une obligation. Une partie des acteurs sont prêts, et il faut les encourager à avancer, mais pas tous.
Mon amendement CD722 s'inscrit dans la même logique que les précédents. Là aussi, il faut « cranter ».
On ne connaît pas toujours très précisément l'état des stocks dans les grandes surfaces, notamment du fait de la date de péremption des produits, particulièrement des produits frais. Les supermarchés ont une connaissance très empirique de l'état des produits en rayon. Il faudrait passer le cap du numérique pour assurer une gestion beaucoup plus fine des stocks. Introduire la date de péremption dans le code-barres du produit représentera aussi une avancée pour le consommateur : il pourra connaître l'état réel de ce qu'il a en stock, dans son réfrigérateur, grâce à une application installée dans son smartphone. Ce sera donc une avancée pour l'ensemble de la société.
J'aimerais insister sur une question qui n'a pas encore été évoquée. Faut-il s'en tenir aux codes-barres ? Je n'en suis pas sûr. Le code-barres est constitué de data, de données gérées via un process américain. Or nous avons en France des entreprises extrêmement performantes sur le plan technologique qui proposent des flashcodes ou des QR codes, apposés à côté des codes-barres. Ne limitons pas la question de la connaissance de l'état des stocks, chez le distributeur et le consommateur, à la seule technologie du code-barres. Nous devons adopter une formulation permettant d'englober l'ensemble des procédés techniques existants, ce que je propose de faire dans l'amendement CD722.
Mon amendement CD1323 a le même objet. Je comprends bien l'intention de la rapporteure pour avis. Néanmoins, le sous-amendement permettra-t-il de généraliser le dispositif ? Ne risque-t-on pas de passer à côté d'un impact massif que seule une généralisation permettrait d'avoir, que l'on se serve de codes-barres ou de flashcodes ?
J'ai vu Mme la secrétaire d'État acquiescer à la proposition de la commission des affaires économiques. Je ne vais pas argumenter longtemps s'il y a un accord sur le principe. Cette évolution présentera des avantages pour les consommateurs, les industriels, les distributeurs et les associations qui collectent les dons, et fera disparaître cette zone de flou à propos des dates de péremption qui complique un peu la situation.
La rapporteure a évoqué l'impact potentiel sur le secteur économique – elle propose d'en rester à une simple faculté. Peut-être faudrait-il fixer une date pour passer d'une faculté à une obligation, ou établir une trajectoire. L'impact sera sans doute assez modeste. Je pense que la modification des emballages ne nécessitera pas de bousculer les calendriers prévus – cela ne provoquera pas de branle-bas de combat chez les industriels. Probablement faudra-t-il remplacer certaines imprimantes, mais la majorité d'entre elles sont adaptées. Il pourra y avoir un impact financier chez certains distributeurs, mais assez limité.
Il me semble que mes amendements CD466 et CD93 sont un peu plus précis que les autres en ce qui concerne les modalités d'application.
Je partage ce qui a été dit précédemment. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de lutter contre le gaspillage alimentaire. Il ne s'agit pas de rouvrir un chantier mais d'ajouter de la technologie pour arriver à faire mieux. Les codes-barres ou les QR codes peuvent aider à gérer les stocks d'une façon beaucoup plus simple en ce qui concerne les dates de péremption, la provenance ou la traçabilité pour ceux qui auront besoin d'éléments supplémentaires ou qui voudront en avoir.
Cette disposition présente accessoirement un réel intérêt économique. Du côté des particuliers, on estime que les ménages dépensent à tort, chaque année, 200 euros pour des biens qu'ils ne consomment finalement pas avant leur date de péremption : au total, 6 milliards d'euros pourraient être économisés grâce à une meilleure gestion. Chez les distributeurs, les non-vendus représentent 2,2 milliards d'euros par an. Et du côté des industriels, les ruptures de stock coûteraient chaque année environ 1,4 milliard d'euros aux entreprises à cause des ventes qu'elles ne réalisent pas.
L'évolution que nous proposons, par l'amendement CD331, sera positive pour l'économie et pour l'environnement, grâce aux nouvelles technologies. Nous sommes bien dans le cadre d'une écologie heureuse, à l'opposé de l'écologie punitive, qui permettra à chacun de consommer en toute responsabilité.
Mon amendement CD1051 tend à introduire les dates de péremption et les numéros de lot des denrées alimentaires dans les codes-barres. Il n'y a pas de gestion informatique, à l'heure actuelle, en ce qui concerne les dates de péremption : les produits sont retirés des rayons au dernier moment et les associations croulent sous des montagnes de denrées périmées. Ajouter des informations permettrait d'améliorer la gestion des stocks dans les grandes surfaces et le pouvoir d'achat des ménages ; mais surtout, les associations recevraient des dons de meilleure qualité. Tout cela s'inscrit dans le cadre d'une lutte efficace contre le gaspillage alimentaire.
L'amendement CD1607, comme les précédents, vise à introduire les dates de péremption et les numéros de lot dans les codes-barres, les QR codes ou tout autre véhicule d'identification numérique des produits. Cela permettra aux particuliers de recevoir sur leur téléphone portable des alertes – beaucoup de nos start-up savent gérer ce genre de dispositifs – à propos des denrées périssables qui se trouvent dans les réfrigérateurs. Par ailleurs, la digitalisation des lots permettra peut-être aux industriels d'éviter des crises sanitaires, comme celle de Lactalis.
Je salue ce que vient de dire M. Jean-François Cesarini à propos du rappel des denrées alimentaires : nous avons vu les grandes difficultés que peut connaître un groupe de dimension mondiale dans ce domaine. Intégrer de nouvelles informations permettrait, au-delà de la question de la date de consommation des produits, de renforcer la sécurisation.
Mon amendement CD358 ne porte pas sur le même code que les précédents, bien qu'il ait les mêmes objectifs : il concerne le code de la consommation, et non celui de l'environnement. Je me demande – je ne suis pas suffisamment expert pour répondre à cette question – s'il ne vaudrait pas mieux que ces dispositions soient intégrées dans le code de la consommation.
Sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement, je suis favorable aux amendements CD671 et CD1395, je l'ai dit, car ils visent toute forme de codification des informations et prévoient une date d'entrée en vigueur. J'invite au retrait des autres amendements, à défaut de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Même position. J'émets un avis favorable aux amendements CD671 et CD1395 sous-amendés.
Je repose ma question : ces dispositions doivent-elles être intégrées dans le code de l'environnement ou dans le code de la consommation ?
Je suis sensible à votre pointillisme juridique… J'ai envie de vous dire que ce sera, de toute façon, dans la loi. Nous avons débattu de sa force et de ce qui doit y figurer ou non : je n'y reviens pas. Nous vous apporterons des précisions d'ici à la séance publique.
Je vais retirer mon amendement. Je souhaite, pour la bonne construction de la loi, et non pour d'autres raisons, que l'on déplace ces dispositions dans le code de la consommation si cela se révèle plus judicieux. Le but est d'être opérationnel. Je partage ce qu'a dit Mme la secrétaire d'État sur la force de la loi, mais une mesure peut avoir davantage d'efficacité si on l'introduit dans le bon code. J'ai l'impression que c'est plutôt le code de la consommation qui devrait être concerné – j'invite les services du ministère à y regarder de plus près.
Je voudrais seulement rappeler que le groupe de la République en Marche a déposé un amendement identique à celui de la commission des affaires économiques, dont le premier signataire est M. Vincent Thiébaut. Je me réjouis que l'on puisse aboutir à une solution transpartisane.
Les amendements CD331 et CD358 sont retirés.
La commission adopte le sous-amendement CD1832.
Elle adopte ensuite les amendements CD671 et CD1395 sous-amendés.
En conséquence, les amendements CD722, CD1323, CD466, CD93, CD1051 et CD1607 tombent.
Article 5 (articles L. 541-15-4 et L. 541-15-8 [nouveau] du code de l'environnement, article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale et articles L. 412-7 [nouveau] et L. 511-7 du code de la consommation) : Extension de l'interdiction de destruction des invendus aux produits non alimentaires
La commission examine en discussion commune les amendements identiques CD1636 de la rapporteure et CD663 de la commission des affaires économiques ainsi que les amendements identiques CD551 de M. Frédéric Descrozaille et CD606 de M. Bertrand Pancher.
Je vais laisser Mme Graziella Melchior présenter son amendement CD663, identique au mien.
S'agissant de nos travaux, nous étions tous fiers de nous hier soir car notre rythme était de quarante amendements à l'heure, mais nous sommes tombés à vingt à l'heure… Si nous voulons terminer l'examen du texte cette semaine, j'invite à accélérer un peu les débats.
Nous avons déjà beaucoup parlé du gaspillage alimentaire et des mesures à effectuer en la matière. Je vous propose maintenant d'adopter une définition, car il faut savoir de quoi on parle : « Toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée ou dégradée constitue le gaspillage alimentaire ». Cette définition, qui servira de fondement à notre politique publique dans ce domaine, en particulier à ses déclinaisons dans le domaine réglementaire, est celle retenue en 2013 par le ministère de l'agriculture dans le cadre du pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire : elle est donc connue et comprise par les acteurs de la chaîne alimentaire. C'est la base retenue par l'ADEME pour réaliser ses études.
Je suis favorable aux amendements CD1636 et CD663, au profit desquels j'invite à retirer l'amendement CD606 – faute de quoi j'émettrai un avis défavorable à ce dernier.
La commission adopte les amendements CD1636 et CD663.
En conséquence, l'amendement CD606 tombe.
La commission est ensuite saisie de l'amendement CD775 de M. Pierre Cordier.
Mon amendement a pour objet d'améliorer l'efficience de la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 que nous évoquons depuis le début de nos travaux. Il s'agit de s'assurer que la signature d'une convention est bien suivie de dons ; et si ce n'est pas le cas, il faut savoir précisément pourquoi.
Il arrive que les associations rencontrent des difficultés dans leur collecte, souvent à cause de l'obligation de transporter les aliments dans des camionnettes réfrigérées qu'elles n'ont pas toujours les moyens d'acheter : dans ce cas, la convention ne s'applique pas et les aliments sont jetés. Un bilan annuel des dons permettrait de mieux comprendre les blocages et d'adopter des mesures pour que la loi contre le gaspillage soit mieux appliquée dans l'ensemble du territoire.
Je propose enfin que les entreprises soient tenues de transmettre à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) une simple copie du Cerfa n° 11580*03 (reçu au titre des dons à certains organismes d'intérêt général) qu'elles doivent déjà adresser aux services fiscaux pour obtenir une réduction fiscale.
L'obligation de ne pas détruire les produits invendus va obliger les vendeurs à repenser la fin de vie de leurs produits. N'y ajoutons pas dès maintenant une nouvelle contrainte administrative qui risque de surcroît de demander beaucoup de travail à la DGCCRF et de l'éloigner de sa mission. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
J'émets aussi un avis défavorable. Le ministère de la transition écologique et solidaire n'a pas eu connaissance de difficultés concernant le respect des conventions. L'évaluation de la loi « Garot » montre qu'elle avait eu de réels effets : elle a fait augmenter les dons, même si on peut encore améliorer la situation. Par ailleurs, l'objectif premier de la lutte contre le gaspillage alimentaire est d'arrêter la surproduction, non de donner.
Cet amendement est le fruit d'une réflexion liée à des problèmes rencontrés sur le terrain. Je n'ai pas sorti de mon chapeau l'idée de demander aux entreprises de remplir un formulaire Cerfa : j'ai tout simplement constaté sur mon territoire que des entreprises souhaitaient donner des denrées mais qu'elles n'ont pas pu le faire car les associations n'avaient pas de véhicule pour les transporter. Il ne s'agit pas d'ajouter une contrainte administrative : il ne m'a pas échappé que les entreprises ont déjà beaucoup de travail. Le petit plus que je vous propose permettrait d'améliorer l'efficience de la loi « Garot ».
Les entreprises défiscalisent. Elles sont donc obligées de faire un inventaire de tous les produits qu'elles donnent pour le cas où elles seraient contrôlées. L'amendement de M. Pierre Cordier ne tend pas à renforcer les objectifs généraux de la loi mais à s'assurer de l'efficience des conventions conclues et à remédier aux éventuels problèmes. Il ne s'agit pas d'ajouter une tracasserie administrative.
Il me semble, mais je m'exprime sous le contrôle de M. Guillaume Garot, qu'un problème se pose du côté des associations. Nous avons beaucoup discuté de la qualité des dons alimentaires dans le cadre de la loi « EGALIM ». Or les associations ne sont pas toujours en état de refuser de signer le formulaire Cerfa lorsqu'elles reçoivent des dons de la grande distribution, à leurs yeux pas tout à fait conformes à ce qu'elles attendaient. C'est d'ailleurs ce qui fait l'intérêt de la disposition prévue dans le texte, qui permettra de retourner à l'envoyeur des dons dont le volume serait excessif. Ce que je vous décris peut paraître complexe, mais devrait parler à ceux qui savent comment tout cela se passe sur le terrain.
La commission rejette l'amendement.
La commission examine l'amendement CD1637 de la rapporteure, ainsi que l'amendement CD121 de M. Julien Dive.
Le Sénat a adopté une disposition précisant qu'un décret définira les conditions dans lesquelles l'autorité administrative effectue des contrôles aléatoires de la qualité des dons de denrées alimentaires de la part des grandes surfaces, ce qui est peu opérant. L'amendement CD1637 propose en conséquence de supprimer l'alinéa 2.
Le don de denrées alimentaires aux plus démunis constitue un levier important de la lutte contre la précarité, en permettant l'accès de tous à une nourriture diversifiée. Depuis la promulgation de la loi du 11 février 2016, au-delà d'un seuil réglementaire de 400 mètres carrés, les grandes et moyennes surfaces sont tenues de contracter avec des associations caritatives pour définir les modalités de don de leurs invendus. Mon amendement CD121 propose d'abaisser le seuil réglementaire à 200 mètres carrés, afin d'intégrer le commerce de proximité au dispositif, sans pour autant lui imposer de nouvelles contraintes.
Avis favorable à l'amendement CD1637.
La commission adopte l'amendement CD1637.
En conséquence, l'amendement CD121 tombe.
La commission passe à la discussion commune des amendements identiques CD44 de Mme Nadia Ramassamy et CD275 de Mme Émilie Bonnivard ainsi que des amendements CD893 de M. Vincent Rolland et CD1488 de Mme la présidente Barbara Pompili.
L'article 5 interdit l'élimination des produits non alimentaires invendus encore utilisables, dans le respect du principe de hiérarchisation des modes de traitement des déchets. Il privilégie le réemploi et la réutilisation ; lorsque c'est impossible, il donne la priorité au recyclage. Afin que cette mesure s'applique à tous, l'amendement CD275 de Mme Émilie Bonnivard vise à ce que l'interdiction de la destruction des produits non alimentaires neufs s'applique également à la vente alimentaire à distance.
L'amendement CD893 pose le principe d'une interdiction de la destruction délibérée des invendus de produits non alimentaires neufs, dans le respect du principe de la hiérarchie des modes de traitement des déchets privilégiant le réemploi et la réutilisation, puis le recyclage. L'interdiction vaudrait également pour les invendus issus de la vente physique et de la vente à distance.
L'amendement CD1488 me tient particulièrement à coeur. Il vise à renforcer la portée de l'article 5 en interdisant la destruction des invendus par recyclage, incinération ou mise en décharge.
La rédaction retenue par le Sénat pour poser le principe de la hiérarchie de traitement des déchets, permettrait dans les faits au distributeur d'envoyer des invendus au recyclage sans avoir effectué les démarches nécessaires à leur réemploi. Or, dans l'état actuel des technologies, le recyclage est non seulement énergivore mais, de surcroît, ne permet de réincorporer que très peu de matière recyclée dans les produits neufs. Il présente donc un intérêt écologique bien inférieur au réemploi, lequel permet à des personnes en situation de précarité d'accéder à des biens neufs à un prix réduit, voire gratuitement. Et les associations spécialisées dans le don d'invendus souhaitent recevoir un plus grand nombre de produits pour faire face aux besoins.
Durant les discussions que nous avons eues au sein de notre groupe, l'objection suivante a été formulée : on ne pourrait pas recycler des produits qui ne sont pas récupérés par des associations – dans l'hypothèse où celles-ci ne pourraient pas les réutiliser, pour quelque raison que ce soit. Nous avons interrogé de grandes associations ; elles nous ont répondu que, dans le cas où les invendus ne trouveraient pas preneur après les soldes, les ventes internes, les dégriffages et les dons à des associations, ils pourraient quand même être recyclés après avoir passé le filtre du don à des structures associatives. En effet, les éco-organismes des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) opèrent déjà la collecte auprès des associations en vue du recyclage des produits. L'objection ne résiste donc pas à l'épreuve des faits. Globalement, même s'il peut y avoir des « trous dans la raquette », les produits non revendus par les associations sont d'ores et déjà récupérés pour le recyclage.
L'adoption de cet amendement permettrait d'éviter la destruction des invendus et de faire disparaître un biais de la loi dont certaines entreprises pourraient se servir pour se soustraire à leur devoir de réemploi. Ajoutons que le fonds pour le réemploi solidaire, créé par le Sénat, et dont nous discuterons plus loin, vise justement à créer un plus grand nombre de structures sur le territoire et à doter les associations des moyens de récupérer davantage de produits. Tout cela procède d'une logique très vertueuse.
Les amendements CD44, CD275 et CD893 visent les mêmes objectifs que l'article 5 ; tout ce qui a trait à l'alimentaire en ligne y est d'ores et déjà prévu. Mon avis sera donc défavorable.
Je partage, madame la présidente, l'objectif visé dans votre amendement CD1488, mais sa rédaction fait disparaître les notions de « réutilisation » et de « recyclage » et n'évoque que le réemploi dans la première phrase. Qui plus est, le don n'est qu'une des formes possibles du réemploi. Je vous suggère donc de retirer votre amendement pour le retravailler d'ici à la séance publique.
Je comprends parfaitement l'esprit de l'amendement CD1488, du reste consubstantiel à ce projet de loi, mais il doit effectivement être retravaillé : le diable se cache dans les détails… Il peut arriver de ne trouver aucune association disposée à récupérer des invendus non alimentaires. Par ailleurs, l'adoption de cette disposition entraînerait la suppression d'exceptions pour des cas très spécifiques où il n'y a aucune possibilité de réemploi ni de réutilisation.
J'avoue être très ennuyée. J'ai prévu un amendement de repli afin de prendre en compte quelques exceptions, mais je regrette profondément que l'on fasse passer un message particulièrement contestable aux entreprises : il leur sera possible de trouver un moyen de resquiller. Je vais retirer mon amendement, mais je maintiens que c'est un très mauvais signal. Si nous ne parvenons pas à le faire adopter en séance publique, on va encore nous reprocher de voter des lois tout en offrant l'opportunité de ne pas les appliquer.
L'amendement CD1488 est retiré.
La commission rejette les amendements identiques CD44 et CD275.
Puis elle rejette l'amendement CD893.
Elle en vient à l'amendement CD123 de M. Julien Dive.
On le voit à votre réaction, madame la présidente : il n'est pas toujours agréable de se voir retoquer un amendement de bon sens.
Vous comprenez donc certainement ce que nous ressentons depuis le début de la législature. (Mouvements.) Je ne voulais pas mettre de l'huile sur le feu ; c'était simplement un constat, d'autant que votre amendement était très intéressant.
Cet amendement de M. Julien Dive vise à lever une incertitude juridique et à clarifier les responsabilités encourues par les entreprises, qui ne sauraient donner à des associations des produits illicites, car impropres à la consommation, que ces produits soient altérés, non conformes ou contrefaits.
Votre amendement réduit le champ de l'interdiction de destruction des invendus, ce qui est exactement le contraire de ce que nous voulons faire : l'interdiction ne porterait plus sur les produits neufs dans leur ensemble, mais uniquement sur les seuls produits neufs impropres à la consommation. Cette précision ne me paraît pas souhaitable. Avis défavorable.
Si mon avis est défavorable, il n'est en aucune façon motivé par la volonté d'infliger un camouflet à qui que ce soit : cette idée nous est étrangère. Je me réjouis que vous nous ayez rejoints, monsieur le député.
C'est ce qu'on appelle la réponse du berger à la bergère, ou plutôt de la bergère au berger…
La commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement CD1010 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie.
L'article 5 prévoit que le don des invendus non alimentaires neufs destinés à la vente sera effectué notamment au profit des associations de lutte contre la précarité. Nous approuvons évidemment cet objectif. Toutefois, nous nous sommes aperçus que des structures telles Emmaüs et Envie, que nous avons rencontrées, ne pourraient pas bénéficier de ces dons. Aussi l'amendement vise-t-il à compléter l'article 5 en mentionnant la possibilité de don des invendus non alimentaires à une entité reconnue comme entreprise solidaire d'utilité sociale, au sens du code du travail. Ces structures, dont la lucrativité est limitée et contrôlée, concourent à l'intérêt général et offriraient des débouchés supplémentaires aux invendus.
J'approuve pleinement la mesure proposée et je salue le remarquable travail de mes collègues pour élargir le champ des bénéficiaires des dons aux acteurs de l'économie sociale et solidaire. Avis très favorable.
Avis également favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CD1345 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.
L'article 5 vise à lutter contre la destruction des invendus non alimentaires neufs. Si cet objectif est louable, les associations ne disposent pas des moyens suffisants pour stocker les produits. Cet amendement vise à confier aux producteurs et distributeurs le stockage des invendus.
Je suis sensible au problème du stockage, que nos auditions ont mis en lumière. Toutefois, la disposition que vous proposez imposerait à mes yeux une contrainte très forte sur les distributeurs, qui pourrait se révéler contre-productive et nuire à l'objectif : inciter au don. Avis défavorable.
C'est une question essentielle qui se pose très souvent en matière de don d'invendus. À la lecture du rapport d'information de Mme Graziella Melchior et de M. Guillaume Garot, on se rend compte de la nécessité de laisser de la souplesse et vous avez vous-même appelé à laisser toute latitude à la différenciation, à l'adaptation au terrain. Pour ces raisons, il me paraît préférable que toutes les décisions, réflexions et actions concernant le stockage continuent à s'inscrire dans le cadre des conventions de don. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
Cet amendement a le mérite d'inciter les producteurs à mieux gérer leurs stocks et à apprendre à ne pas trop en garder.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CD1564 de Mme la présidente Barbara Pompili.
Il s'agit de l'amendement de repli dont je parlais tout à l'heure. Je demande qu'à tout le moins, on interdise le recyclage des produits de première nécessité, ce qui me paraît une règle de base. Nous proposons que la liste de ces produits soit définie par décret car il n'y a pas, à l'heure actuelle, de définition légale. Elle pourrait s'entendre comme tout ce qui peut servir à des personnes démunies. Des associations sont d'ailleurs spécialisées dans ce domaine. Les produits concernés sont, par exemple, les articles d'hygiène, les habits ou les couches, qui sont aujourd'hui détruits au lieu d'être donnés.
De nombreuses associations nous ont fait part de leurs besoins en produits de première nécessité pour venir en aide aux familles. Cela étant, il me semble que le Sénat a pris en compte votre préoccupation dans les dispositions qu'il a votées concernant le don. En vue de la séance publique, j'émets un avis de sagesse.
Même avis.
Je m'étais déjà posé la question concernant votre premier amendement : quel est l'intérêt, pour une grande surface ou un commerce en général, de ne pas donner des produits quand on a la possibilité de le faire ? J'irai plus loin : quand on donne un produit, on récupère deux tiers de sa valeur. À partir du moment où vous le soldez à plus de 34 %, il devient plus avantageux de le donner. Dès lors que les conditions sanitaires notamment sont remplies, l'entreprise a économiquement tout intérêt à donner, et elle le fait. Si l'on se fie à la rationalité de nos agents économiques, il paraît superfétatoire d'ajouter ces dispositions à la loi. S'ils ne donnent pas, c'est parce qu'une raison, sanitaire ou réglementaire, le leur interdit. Voter votre amendement reviendrait à créer des contraintes superflues, au risque même de provoquer davantage de stress au sein des équipes dans les rayons et les réserves.
Si les entreprises ne donnent pas, c'est d'abord parce que cela les oblige à mettre en place une logistique spécifique. Par ailleurs, il est plus intéressant pour elles d'envoyer les produits au recyclage que de les donner. Quant aux questions sanitaires, je ne vois pas trop où elles se posent pour des culottes hygiéniques, des biberons ou des savons. Les faits contredisent vos paroles, monsieur Di Filippo, et c'est bien la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement.
Je voudrais témoigner des grandes difficultés qu'éprouvent les banques alimentaires, les épiceries sociales et solidaires et les réseaux du Secours catholique, qui organisent la distribution de dons au bénéfice des plus démunis. Ils manquent en permanence d'articles de première nécessité et de produits d'hygiène, pour les raisons que l'on connaît : tout le monde en a besoin. Du coup, les stocks des épiceries sociales sont toujours dégarnis. Les organismes s'en plaignent, évidemment ; il convient d'y remédier. Cela peut aussi tenir au fait que les grandes surfaces déstockent dans le cadre du tri « 5 flux » et envoient les produits dans d'autres circuits. Le don n'est pas toujours la meilleure solution ; on nous dit parfois que c'est la voie la plus compliquée.
J'aimerais comprendre dans quel cas il est plus avantageux de mettre un produit à la poubelle que de le donner… Cela m'intéresserait vraiment de le savoir !
Fidèle à l'esprit qui nous a animés lors de l'examen d'autres amendements, j'estime que la possibilité que des produits de première nécessité soient accessibles à ceux qui en manquent est une raison suffisante pour soutenir cet amendement.
La commission adopte l'amendement.
Elle en arrive à l'amendement CD1563 de Mme la présidente Barbara Pompili.
Cet amendement vise à renforcer l'interdiction de destruction des invendus. L'alinéa 6 prévoit une exception à ce principe, qui laisse aux metteurs en marché, par l'imprécision des termes employés, une grande marge de manoeuvre leur permettant de se soustraire à leurs obligations. Je cite : « Aussi longtemps que les conditions nécessaires pour réaliser le réemploi, la réutilisation ou le recyclage ne permettent pas d'y procéder de façon satisfaisante au regard de l'objectif de développement durable […] ». Les termes « de façon satisfaisante » me paraissent totalement dépourvus de valeur législative.
L'alinéa 6, qui prévoit des exceptions au principe de non-destruction des invendus, soulève en effet quelques difficultés : sa rédaction peut paraître très large. Cela étant, le but recherché est louable, puisqu'il s'agit d'éviter que des produits contenant du plastique bromé ou du plastique mélangé à du plomb ou du mercure soient recyclés en même temps que d'autres produits et finissent par entrer en contact avec notre bouche. En tout état de cause, on ne peut pas supprimer purement et simplement cet alinéa. Je vois bien quel est votre objectif, mais je vous demande de retirer votre amendement pour le retravailler et mettre au point une nouvelle rédaction en vue de la séance.
J'emploierai les mêmes arguments. Si vous recyclez des produits comportant des substances qui ne devraient pas s'y trouver, vous obtenez un mauvais produit en bout de chaîne. Je pense aux matériaux composites non recyclables – Mme la rapporteure a évoqué les plastiques bromés. Il faut être vigilant pour que cette mesure ne se révèle pas in fine contre-productive. Pour lever toute incertitude, ces conditions et ces exceptions seront très précisément détaillées dans le décret d'application. Je vous demande donc de retirer votre amendement, faute de quoi j'aurai un avis clairement défavorable.
J'admets que le principe puisse souffrir des dérogations précises, argumentées et justifiées. Reste que la rédaction actuelle de l'alinéa 6 est « la porte ouverte à toutes les fenêtres », comme dirait l'autre : on ne manquera pas de s'engouffrer dans la brèche pour trouver une bonne raison de s'exonérer de ses responsabilités. Je retire mon amendement, sous réserve de l'engagement de Mme la secrétaire d'État que le Gouvernement soutiendra un amendement visant à compléter l'alinéa 6 et indiquant que les dérogations seront précisément définies par décret. La rédaction actuelle n'offre en effet aucune garantie quant au contenu du décret, ce qui m'inquiète vivement. Je suis tout à fait prête à travailler avec vous pour parvenir à une rédaction plus prudente de l'alinéa 6. En l'état actuel, on s'expose à de réels dangers.
Je suis d'accord. Cela étant, on ne peut pas mettre dans la loi tout ce qui, par définition, doit figurer dans un décret.
À vouloir trop préciser la loi, on risque d'oublier certains aspects, qui deviendront autant d'angles morts et constitueront autant d'exceptions indues ou, du moins, pas nécessairement justifiées. C'est pourquoi je pense que le travail doit être fait dans le cadre de l'élaboration du décret d'application. Même si sa rédaction doit intervenir au plus tard six mois après le vote de la loi, nous devons prendre le temps nécessaire pour parer à toutes les éventualités. Nous discutons d'une des mesures du projet de loi, si ce n'est de la mesure, dont nous sommes les plus fiers. Soyez certains que nous aurons à coeur de rédiger des décrets extrêmement précis, qui ne laisseront aucune question en suspens.
Je proposerai un autre amendement visant à modifier la rédaction de l'alinéa 6 pour préciser que des exceptions seront définies par décret. Chacun aura ainsi rempli son objectif.
L'amendement est retiré.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 27 novembre 2019 à 9 h 40
Présents. – Mme Bérangère Abba, M. Éric Alauzet, Mme Sophie Auconie, Mme Valérie Beauvais, M. Jean-Yves Bony, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Lionel Causse, M. Jean-François Cesarini, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Paul-André Colombani, Mme Yolaine de Courson, M. Stéphane Demilly, M. Vincent Descoeur, M. Loïc Dombreval, Mme Nadia Essayan, M. Jean-Luc Fugit, M. Yannick Haury, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre, M. Pascal Lavergne, Mme Célia de Lavergne, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, M. Patrick Loiseau, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, M. Gérard Menuel, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Ludovic Pajot, Mme Mathilde Panot, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, M. Damien Pichereau, Mme Barbara Pompili, Mme Véronique Riotton, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marie Sermier, Mme Élisabeth Toutut-Picard, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, M. Pierre Vatin, M. Michel Vialay, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. – Mme Jennifer De Temmerman, Mme Claire O'Petit, M. Gabriel Serville
Assistaient également à la réunion. – M. Damien Adam, Mme Géraldine Bannier, Mme Delphine Batho, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Ian Boucard, M. Dino Cinieri, M. Pierre Cordier, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Frédéric Descrozaille, M. Fabien Di Filippo, M. Guillaume Garot, Mme Aude Luquet, Mme Graziella Melchior, M. Bertrand Pancher, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, M. Vincent Rolland, Mme Liliana Tanguy, M. Stéphane Testé, M. Jean-Pierre Vigier