Intervention de Jean-Louis Masson

Séance en hémicycle du mardi 31 octobre 2017 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Masson :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur spécial, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2018, le premier du quinquennat, voit, dans un contexte général contraint, le budget de la justice augmenter de 3,9 %. Nous en prenons acte.

Toutefois, nous savons aussi que, malgré le mouvement de hausse continue des moyens alloués à la justice depuis des années, la mission « Justice » reste en souffrance, comme je l'ai déjà souligné en commission élargie. L'institution est à ce point fragile que tout retard est une condamnation, tout report sonne comme un abandon, et tout aveuglement comme une désertion.

Je voudrais évoquer précisément les souffrances qui me semblent les plus flagrantes, en commençant par le programme 166 « Justice judiciaire ». Les dépenses de personnel augmentent dans ce programme, avec la création de 148 équivalents temps plein, mais les dépenses d'investissement diminuent en autorisations de programme. À cet égard, je vous invite à visiter le tribunal de grande instance de Toulon. Pour les professionnels du droit comme pour les usagers, le quotidien y est une épreuve. Il suffit d'en passer la porte pour constater l'insuffisance chronique d'effectifs, l'absence d'entretien des bâtiments et la défaillance des moyens courants de fonctionnement.

Je veux surtout mettre en lumière, dans ce chapitre, l'un des problèmes récurrents les plus graves relevés récemment par la Cour des comptes, à savoir le « trou noir » des frais de justice. Je rappelle que les frais de justice correspondent aux défraiements des personnes qualifiées requises par les officiers de police judiciaire ou les magistrats dans le cadre de leur enquête, pour diverses missions d'expertises essentielles. Or, au-delà de l'augmentation des actes liés à la multiplication des procédures, le PLF pour 2018 prévoit une revalorisation tarifaire de ces prestations. Je vous le dis, madame la ministre, les autorisations d'engagement, abondées de 0,33 % seulement, ne suffiront pas à régler la totalité des actes. Je précise que la ligne correspondant aux frais de justice n'est pas anecdotique, puisqu'elle pèse près d'un demi-milliard d'euros en frais de fonctionnement.

Le deuxième sujet de souffrance concerne le programme « Administration pénitentiaire ». Si l'on excepte les dépenses de personnel, qui connaissent une augmentation de 4 %, tous les postes de dépenses diminuent fortement. Je note votre volonté de créer 15 000 places d'ici à dix ou quinze ans : c'est une bonne décision. En attendant, où sont les crédits destinés à acquérir les terrains où seront bâtis les futurs établissements ? Il y aurait tant à dire sur ce programme… J'ai évoqué les tribunaux à travers l'exemple de Toulon, mais la situation des prisons est encore bien pire, avec un surpeuplement endémique, un manque aigu de personnel, de surveillance comme de probation, et des conditions de travail dégradées. Quant aux services de la protection judiciaire, ils survivent en essayant d'éviter à la fois l'asphyxie et la noyade devant l'alourdissement des besoins.

S'agissant du programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse », je veux mettre l'accent sur la radicalisation des jeunes détenus, qui sont très nombreux à être séduits par le djihad. Face à cet état de fait, la prévention des comportements radicaux doit être une priorité. Une enveloppe de 5,3 millions d'euros avait été spécifiquement consacrée à la lutte contre le terrorisme et à la radicalisation des mineurs dans le budget de 2017. Or aucun crédit comparable n'est inscrit dans le budget de cette année, et nous le regrettons.

Enfin, les crédits du programme 101 « Accès au droit et à la justice » connaissent une augmentation de 8,7 %. Cette hausse s'explique notamment par les conséquences de la réforme du gouvernement précédent, qui a élargi les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle. Le problème majeur de l'aide juridictionnelle est structurel et tient à son coût, en constante augmentation, et au nombre toujours plus important de personnes qui y sont éligibles – un million en 2018. Il n'est donc pas certain que le gonflement de l'enveloppe consacrée à ce programme suffise à couvrir les dépenses nouvelles, qui pourraient être très importantes. Nous notons, enfin, une légère augmentation du budget dédié à l'aide aux victimes d'infractions pénales.

Au final, ce budget affiche certes une priorité accordée à la justice, mais nous le jugeons insuffisant au regard des besoins, qui sont considérables. Nous sommes donc enclins à voter contre ce budget, mais nous nous déterminerons définitivement après les débats.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.