Intervention de Stanislas Bourron

Réunion du mardi 5 novembre 2019 à 18h05
Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Stanislas Bourron, directeur général des collectivités territoriales au ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Sur la réinterprétation de la loi, j'ai le sentiment, qui reste personnel, que les services que j'ai l'honneur de diriger sont très attentifs aux débats parlementaires sur les champs qui sont les nôtres ; d'ailleurs, dans tous les contentieux que nous avons pu avoir sur les textes que nous avons pris, le juge nous a toujours donné raison. C'est donc que nous ne nous sommes pas trop trompés puisque le juge administratif, comme d'ailleurs le juge constitutionnel, va lui aussi vérifier dans les débats parlementaires. Il s'agit justement d'essayer, même si parfois ce n'est pas l'idée que nous pouvions avoir sur tel ou tel sujet, d'interpréter au mieux et fidèlement la pensée du législateur. Il arrive que cela soit compliqué, notamment lorsque des dispositions sont adoptées en commission mixte paritaire (CMP), parce que le Gouvernement n'y est pas représenté. Le débat peut ne pas vraiment expliciter la solution retenue. Néanmoins, il y a des nouvelles lectures qui offrent de nouvelles occasions d'expression, ce qui nous permet d'avancer. Même s'il peut y avoir ponctuellement des cas où on constate des difficultés d'interprétation, j'ai le sentiment que, pour l'essentiel, on parvient à dégager le sens voulu par le législateur, même sur les sujets les plus complexes.

Sur les instances qui interviennent dans la mise en oeuvre des lois, j'en citerai deux qui sont de nature très différente. Le CNEN, qui est l'instance principale, existe maintenant depuis onze ans. Il a vraiment trouvé sa place et je pense qu'il faut saluer le travail accompli, parce que c'est une avancée conceptuelle majeure. L'idée qu'un conseil composé d'élus comme de représentants de l'administration puisse se prononcer, y compris en votant, et rejeter, le cas échéant, des projets de textes d'application de la loi, considérant qu'ils ne sont pas conformes soit à l'esprit de la loi, soit à la façon dont les collectivités voient son application, c'est quelque chose qui n'était pas évident il y a encore quinze ans. Cette instance a parfaitement trouvé sa place en se positionnant d'ailleurs plutôt comme un partenaire constructif que comme une instance bloquante, parce que l'intérêt collectif est de mettre en oeuvre la loi, de ne pas bloquer les décrets et de permettre qu'ils soient publiés. Le conseil rappelle, notamment dans ses avis, le sens et l'orientation que les collectivités locales veulent donner à telle ou telle disposition et quelles sont les difficultés prévisibles dans sa mise en oeuvre. Il alerte le Gouvernement sur ce qui lui semble poser problème, le cas échéant, en proposant des modifications. Il arrive régulièrement que les textes présentés au CNEN soient modifiés, conformément aux orientations qu'il a données.

Un autre exemple est le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), qui est de nature un peu différente, puisque c'est une instance de consultation paritaire qui a la particularité de regrouper des employeurs, représentants des collectivités locales, en nombre identique aux représentants des personnels, en réunion syndicale confédérale, en présence de l'administration, mais qui est présidée par un élu. Sur tout le volet statutaire mis en oeuvre pour la fonction publique territoriale, ce conseil supérieur fait des amendements, propose des évolutions des textes réglementaires et étudie les projets de loi. Il peut donc aussi faire bouger les lignes, avoir un rôle d'influence dans le bon sens du terme, en attirant l'attention sur telle disposition qui ne marchera pas, sur les questions qu'elle posera pour un certain nombre d'agents de la fonction publique et, du côté des employeurs, sur les difficultés que la mise en oeuvre des dispositions pourraient générer.

Je pense que ces instances apportent une vraie plus-value en amont, parce qu'elles permettent de signaler des difficultés à venir dans la mise en oeuvre de la disposition, qui n'ont peut-être pas été vues par le rédacteur, y compris par les instances interministérielles. Elles permettent aussi de faire apparaître les points sur lesquels il faut soit que l'on fasse des modifications, soit que l'on ait conscience que l'on va peut-être avoir un problème de compréhension. Je pense que ce sont des instances extraordinairement utiles aujourd'hui. Elles n'ont pas pour logique de contrecarrer la mise en oeuvre de la loi. Notamment au sein du CNEN, un certain nombre de membres sont d'anciens parlementaires et connaissent très bien le rôle de chacun. Il est très clair qu'on se soucie de la qualité de la mise en oeuvre et que l'on ne vise pas la modulation ou l'évolution du sens de ce qui était souhaité par le législateur.

Cela rejoint le sujet que vous évoquiez sur le pouvoir réglementaire. Laisser une marge de manoeuvre au pouvoir réglementaire local permet aussi généralement de faciliter la mise en oeuvre de la loi, avec le risque, néanmoins, qu'on arrive à une application un peu différente selon les endroits où l'on se trouve.

Sur les pouvoirs de police, je serai très rapide. D'abord, il y a des textes qui prévoient que le préfet peut se substituer au maire s'il n'exerce pas ses compétences. Ce n'est pas si courant, mais cela arrive. Par ailleurs, le préfet dispose directement d'un certain nombre de pouvoirs de police. Je n'ai pas le sentiment qu'on ait des problèmes majeurs de maires qui n'exercent pas leurs pouvoirs spéciaux de police administrative, même si certains sont parfois transférés à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ou leurs pouvoirs de police générale. Mais on peut effectivement rencontrer des difficultés à certains endroits, et c'est là que le contrôle de légalité intervient. Le préfet se substitue à un exécutif local qui n'assumerait pas la plénitude de la compétence qui lui revient. À ma connaissance, on n'a jamais vu de procédures conduisant à une suspension ou à une révocation de maire à la suite de l'absence de mise en oeuvre de pouvoirs de police. Il est vrai que cela peut entraîner un risque de mise en cause pénale, mais c'est un autre sujet.

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