Sur les modalités d'application de la loi, je ne sous-estime pas le fait que, dans certaines collectivités, il y aurait une incapacité quasiment matérielle de mise en oeuvre et d'abord de compréhension et d'appropriation de la loi, notamment dans certaines matières très complexes qui connaissent des évolutions rapides. Je pense au droit de l'urbanisme par exemple, qui est un sujet très complexe et qui évolue souvent. Je ne serais pas totalement surpris qu'un certain nombre d'acteurs au plus près du terrain ne soient pas au fait des dernières évolutions législatives ou ne les maîtrisent pas parfaitement. Ce serait même plutôt étonnant si ce n'était pas le cas.
Pour autant, je serai moins dur que vous et je ne vous rejoindrai pas, mais c'est mon interprétation, sur la capacité des différents niveaux à apporter, peut-être imparfaitement, un soutien. Nous allons les recenser. Il y a l'intercommunalité qui, notamment sur ces matières d'urbanisme qui sont souvent les plus complexes ou sur les matières environnementales, commence à développer des compétences propres. Effectivement, ce sont les intercommunalités qui ont une taille suffisante pour développer de l'ingénierie et pour apporter ce conseil, qui est une de leurs raisons d'être, et le soutien technique nécessaires aux petites communes, qui ne sont pas en mesure d'avoir la réponse pour les raisons que vous indiquez. Quand on a un secrétaire de mairie à temps partiel, on ne peut pas lui demander de maîtriser tous les sujets ; il faut donc disposer de ce soutien de proximité.
Un deuxième soutien, même s'il est perfectible, peut être apporté par les services de l'État, pas seulement ceux de la préfecture, mais aussi la direction départementale des territoires (DDT) ou la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), le cas échéant et selon les thématiques, qui jouent un rôle de conseil.
Il peut aussi exister des structures d'ingénierie, d'accompagnement, notamment départementales, susceptibles d'aider à l'interprétation des textes et d'apporter les conseils aux collectivités.
Je mets volontairement de côté les associations départementales de maires parce que ce n'est pas institutionnel, mais souvent, en relayant ce que l'Association des maires de France et d'autres structures peuvent produire, elles contribuent aussi à apporter de la connaissance aux élus.
Pour répondre sur le fait que parfois on n'obtient pas de réponse claire sur une demande de conseil, c'est effectivement une situation qui peut se présenter. Le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique – cela répond aussi à une des questions posées tout à l'heure – prévoit dans son article 20 la mise en place d'un rescrit normatif. En quoi cela consiste-t-il, très simplement ? Vous travaillez sur un acte qui doit être soumis au contrôle de légalité, mais vous êtes dans la phase du montage du projet. Il est compliqué et vous avez des doutes sur l'articulation ou l'interprétation de certaines normes. L'élu concerné pourra saisir la préfecture pour lui demander, dans un délai que nous espérons de trois mois car il faut laisser le temps d'approfondir l'analyse du dossier, de prononcer un rescrit en disant : « votre projet de délibération qui porte sur ce texte, à cadre juridique donné, est conforme ou pose un problème ». C'est un énorme avantage car cela permet de « déminer » avant de passer devant les organes délibérants, et donc de ne pas se mettre en difficulté en risquant d'avoir à faire marche arrière. Ce rescrit est prévu par le texte à titre quasi expérimental, pour tout vous dire, mais il nous semble pouvoir apporter une réponse au type de difficultés que vous pointez. Avant de passer à la délibération, de prendre l'acte juridique et d'être soumis au contrôle de légalité qui est parfois bloquant, cela permet d'avoir un conseil formel qui conduira d'ailleurs ensuite à un contrôle de légalité allégé, puisque si le texte est le même, si rien n'a changé entre le rescrit et ce qui est soumis au contrôle légalité, cela passera « tout seul ». Il n'y aura pas de deuxième intervention. C'est une évolution que nous essayons de porter, qui à mon avis répondra en partie à votre préoccupation.
Quant aux problématiques d'accès aux régions et aux départements, on entre dans des sujets qui dépassent mon champ d'intervention. Les parlementaires disposent d'un pouvoir de contrôle de l'application de la loi. À mon sens, il ne passe pas nécessairement par un contrôle en personne dans les collectivités, qui peut donner une impression déplaisante, mais à travers ce que vous faites en ce moment. Il y a quelques années, quand j'ai quitté des fonctions de même nature, le Parlement n'assurait pas un suivi de l'application d'une loi en nommant un parlementaire chargé de vérifier que les décrets sont publiés, que les ordonnances sont prises, soit un travail d'aiguillon des services compétents pour s'assurer que les dispositions qui sont prévues par les lois sont bien mises en oeuvre et répondent bien à l'esprit du législateur. C'est un travail mené au niveau national, qui me semble être la vocation première d'un Parlement et sur lequel vous avez un pouvoir juridique, prévu par les textes, d'intervention vis-à-vis des administrations de l'État.
Enfin, sur la DETR, pour qu'il n'y ait pas de malentendu, je ne cherchais pas à dire que c'était l'alpha et l'oméga. Je voulais juste dire que c'était un des exemples d'évolution. Ce n'est sans doute pas totalement satisfaisant. La commission des élus doit déterminer des règles d'application, notamment sur les taux de subvention, et c'est ce qui est censé être mis en oeuvre. Mais ces règles sont plus ou moins précises. J'ai en tête une commission DETR qui fixait des règles d'une telle précision que les élus se plaignaient du rejet de quasiment toutes les demandes.