J'aimerais que l'on se revoie dans le cadre de cette mission pour que vous puissiez nous éclairer concrètement. Une des issues possibles que nous avons déjà entrevue est de toucher au Règlement de l'Assemblée nationale. De ce point de vue, le Sénat a beaucoup d'avance. L'audition de Valérie Létard était très intéressante, notamment pour travailler sur le principe, prévu dans le règlement, d'un suivi systématique de l'application des lois, assuré par les commissions permanentes.
En vous entendant, je pensais à George Stigler, prix Nobel d'économie. Maurice Allais avait démontré que les travaux de Stigler reposaient sur des hypothèses qui non seulement n'étaient jamais vérifiées dans la réalité, mais ne pouvaient pas l'être. Stigler lui aurait répondu : « Ce n'est pas la science économique qui se trompe, c'est la réalité ». C'est bien ce que vous avez décrit, cette espèce d'impudence de l'élite, que je considère que nous devons combattre.
Quand vous dites : « Faites savoir que vous ne comprenez pas », je pense que nous l'avons tous vécu sur des sujets que nous connaissons techniquement. Il y a un schéma récurrent dans les discussions avec les hauts fonctionnaires : ils font semblant de ne pas comprendre, reformulent pour tester la solidité des compétences de leur interlocuteur et, à la fin, font en sorte que celui-ci ait oublié sa propre question. Pour finir, si vraiment il insiste, ils lui indiquent qu'ils reviendront vers lui et font jouer l'usure. Même l'accès à l'information est difficile. Il ne s'agit pas de pointer du doigt, de sanctionner, mais il y a un vrai sujet sur l'autorité du Parlement pour établir un contact de confrontation féconde et en confiance. Tout le monde veut l'intérêt général, je n'en doute pas. Cela étant, il existe un vrai problème de relation. Je pense que vous pouvez nous aider à donner de l'autorité au Parlement, pour que nous reprenions la main sur une partie de l'appareil d'État qui échappe à tout le monde.