Je voudrais tout d'abord remercier l'ensemble des équipes qui ont permis un travail collectif de qualité – je pense ici à Nicolas Dufrêne et à ma collaboratrice Capucine Le Tarnec, mais aussi aux équipes du cabinet de la ministre, aux administrateurs, aux services de l'État. J'adresse également mes remerciements à mes collègues rapporteures, Stéphanie Kerbarh et Graziella Melchior.
Le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire répond à une forte attente de la part de nos concitoyens, de plus en plus sensibles aux sujets environnementaux. Conscients que les ressources de notre planète s'épuisent du fait de la production de masse et de la surconsommation, les Français acceptent de moins en moins la surabondance de déchets non recyclés qui polluent nos sols, nos océans, nos paysages, notre santé. Les contributions du grand débat national ont mis en évidence le refus collectif de continuer dans cette voie, puisque le problème des déchets a été évoqué par de nombreux citoyens, inquiets de l'avenir de la planète.
Pour autant, si les consciences s'éveillent, tout le monde n'a pas encore évolué dans le sens du développement durable, et nous constatons encore régulièrement des comportements qui sont, à moyen terme, mortifères pour l'environnement.
Le Gouvernement et notre majorité n'ont pas attendu qu'il soit trop tard pour se pencher sur le problème et agir concrètement. Dès le 23 avril 2018, le Premier ministre présentait les cinquante mesures de la feuille de route pour l'économie circulaire, à l'origine du projet de loi que nous allons examiner.
Considéré comme le grand texte écologique du quinquennat, il est issu de deux ans de travaux et de concertations. Il nous faut maintenant relever le défi d'adopter un texte à la hauteur de l'enjeu. Il nous faut prendre des mesures concrètes et ambitieuses pour lutter contre la surproduction, limiter les pollutions provoquées par la surabondance de déchets, combattre l'obsolescence programmée, inciter à l'éco-conception. Je pense que nous partageons tous l'objectif de faire évoluer notre modèle de société pour réussir notre transition écologique. C'est pourquoi nous avons cherché à responsabiliser chaque acteur, pour que ce projet d'une société plus juste, plus respectueuse de l'environnement, aboutisse grâce à l'effort collectif.
Ma conviction est forte : je suis intimement persuadée que ce projet de loi va permettre à chacun de modifier des actes de son quotidien afin de transformer notre modèle de consommation et de production.
Lors de son passage au Sénat puis ici en commission, ce texte a été enrichi. Des lacunes ont été comblées, des avancées sécurisées, des points qui ne figuraient pas dans le texte ajoutés, ce qui nous a d'ailleurs valu pas mal de travail. Je tiens à saluer ici le travail de l'ensemble des groupes qui ont permis de faire progresser ce projet de loi.
L'objectif principal des titres Ier et II, dont je suis la rapporteure, est de prévenir la formation des déchets, en agissant sur le comportement de tous les acteurs. Au sein du titre Ier sont énoncés plusieurs objectifs stratégiques. Ils fixent un cap pour les prochaines années afin de réduire les déchets à la source et de faire peu à peu disparaître ceux qui posent le plus de problèmes, car peu recyclables ou dangereux pour la santé.
À ce titre, conformément à la promesse présidentielle, nous souhaitons réussir à recycler tous les plastiques d'ici 2025. La France se fixe également un objectif de réemploi et de réutilisation des déchets ménagers, ainsi qu'un objectif de réduction du gaspillage alimentaire. Nous avons l'ambition de sortir totalement du marché des emballages plastiques à usage unique d'ici 2040. Nous prévoyons également de renforcer l'obligation du tri « cinq flux », encore peu respectée, grâce à un amendement qui vise à imposer de justifier du respect de cette obligation avant d'enfouir les déchets.
Le titre Ier concerne l'information du consommateur, acteur essentiel de la transition écologique. Il comporte ainsi plusieurs mesures qui tendent à mieux l'informer des caractéristiques environnementales des produits. Cette information doit être disponible au moment de l'achat pour guider son choix.
Pour lutter contre l'obsolescence programmée, un indice de réparabilité des équipements électriques et électroniques sera également indiqué au moment de l'achat. Cette mesure, qui représente une avancée majeure, est une première étape essentielle en ce qu'elle permettra de communiquer un indicateur objectif susceptible d'orienter les choix.
Néanmoins, l'indice de réparabilité n'est pas suffisant car certains produits sont conçus à dessein pour être très robustes et peu démontables. Ces produits recevraient donc une note inférieure à d'autres moins durables, ce qui contrarie notre objectif de favoriser la durabilité autant que la réparabilité. Pour cette raison, l'indice de réparabilité sera intégré à un indice de durabilité dès 2024, grâce à de nouveaux critères comme la robustesse ou la fiabilité, après des travaux de définition et d'élaboration similaires à ceux conduits depuis dix-huit mois pour établir l'indice de réparabilité.
Nous envoyons aujourd'hui un signal fort aux industriels : ceux qui font le pari de l'écoconception par la qualité, la durabilité et la réparabilité seront les gagnants. C'est ce modèle-là qu'il faudra suivre pour faire face aux changements structurels vers lesquels nous nous dirigeons.
En 2017, 45 % des Français dont un appareil électroménager est tombé en panne ont choisi de le remplacer plutôt que de le faire réparer, en raison notamment des frais élevés de réparation ou du manque d'information sur la manière de le réparer ou de le faire réparer. Ce n'est pas acceptable, dans un contexte où la raréfaction des ressources naturelles impose de mettre fin à la surconsommation. Les mesures du titre Ier visent donc à allonger le cycle de vie des produits, en sensibilisant les metteurs en marché à l'éco-conception tout en incitant les consommateurs à privilégier la réparation et à choisir des produits durables. Ces dispositions devraient limiter les conséquences de la consommation pour l'environnement tout en ayant un effet positif pour le pouvoir d'achat des Français.
Comme son titre l'indique, nous avons fait de la lutte contre le gaspillage le symbole de ce projet de loi. D'ailleurs, l'une des mesures phares de ce texte, destinée à lutter contre la surproduction, est une première mondiale : l'interdiction de l'élimination des invendus.
Chaque année, environ 630 millions d'euros de produits non alimentaires neufs et invendus sont détruits. Cette situation est intolérable. Des produits d'hygiène sont détruits pour pas moins de 185 millions d'euros chaque année alors qu'environ 3 millions de Français manquent de ces produits de première nécessité. Parallèlement, l'un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre, le textile, détruit chaque année entre 10 000 et 20 000 tonnes de produits. C'est un véritable contresens écologique et social.
Cette mesure inédite vise à inciter les producteurs à limiter la surproduction puisqu'ils ne pourront plus éliminer aussi facilement qu'aujourd'hui leurs invendus. Désormais, chaque metteur en marché sera tenu de réemployer, réutiliser ou recycler ses invendus. Nous souhaitons notamment favoriser le don à des associations luttant contre la précarité.
Nous avons également prévu de donner un cadre juridique à certains comportements vertueux déjà ancrés dans le quotidien des Français afin de les encourager. Je pense évidemment à la vente en vrac. Le chiffre d'affaires de cette pratique en plein essor est passé de 100 à 850 millions d'euros entre 2013 et 2018. Nous souhaitons l'encourager, en offrant une sécurité juridique aux acteurs. Nous permettrons au consommateur d'être servi dans des contenants réutilisables. Les mesures que nous a proposées Graziella Melchior pour renforcer la lutte contre le gaspillage alimentaire nous semblent également particulièrement utiles.
L'article 6 du projet de loi prévoit par ailleurs une rénovation complète du processus de diagnostic bâtiment lors des opérations significatives de destruction ou de réhabilitation afin d'améliorer l'efficacité du tri des déchets du bâtiment, notamment en vue de leur réemploi.
Nous avons réécrit et adopté les articles relatifs à la commande publique pour qu'ils soient opérationnels dès la promulgation du texte, afin d'envoyer un signal fort aux collectivités territoriales et de les encourager à privilégier les achats publics ayant un effet limité pour l'environnement. La commande publique est en effet un levier important puisqu'elle représente 10 % du PIB de la France.
Nos concitoyens attendent de nous une grande loi, une loi historique qui accompagne chacun dans l'adoption de nouveaux comportements, une loi qui ne bride pas l'économie mais qui génère au contraire des gisements d'emplois grâce à de nouveaux modes de consommation, qui favorise le développement de l'industrie en France du fait d'une conception et d'une fabrication plus vertueuses des produits. Dans ce domaine, la France sera pionnière et bénéficiera pleinement de cette nouvelle économie à haute valeur ajoutée qui, in fine, améliorera la qualité de vie de nos concitoyens et fera de nos entreprises des championnes des nouvelles technologies du développement durable.
Nous avons l'ardente obligation d'écrire une grande loi qui s'inscrira positivement dans notre société et marquera durablement l'histoire. Je compte sur vous, chers collègues.