En 2017, la politique de la ville fête ses quarante ans, mais les problèmes des quartiers populaires n'ont pas disparu. Le taux de chômage et le taux de pauvreté y sont deux fois et demie supérieurs à la moyenne nationale. Cette situation nuit à la cohésion de la République et traduit une inégalité dans les chances offertes à chacun de ses membres.
C'est la raison pour laquelle je me félicite que les crédits du programme 147 « Politique de la ville » soient maintenus à un niveau élevé en 2018 et que le Gouvernement se soit engagé à les sanctuariser sur la durée du quinquennat. Cela témoigne d'un choix clair de notre majorité : celui de préserver les politiques publiques de réduction des inégalités sociales et territoriales. Aux crédits spécifiques de la politique de la ville s'ajouteront 4,2 milliards d'euros issus des crédits des politiques de droit commun des différents ministères. Les évolutions de la politique d'autres ministères peuvent avoir un impact conséquent sur la politique de la ville.
À ce titre, des inquiétudes étaient nées sur les conséquences de la baisse progressive des contrats aidés dans les quartiers de la politique de la ville. Le Gouvernement y a répondu : les 200 000 contrats aidés prévus en 2018 seront en priorité attribués dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Je me réjouis de cet engagement, car ces contrats aidés financent le plus souvent des postes de médiateurs, essentiels pour faire le lien entre les habitants et les institutions et permettre à des populations isolées d'accéder à leurs droits.
J'ai focalisé mon rapport sur trois points, sans ignorer les autres : le renouvellement urbain et la question des centres anciens dégradés ; l'emploi et l'entrepreneuriat dans les quartiers ; la prévention sanitaire et sociale.
Concernant le renouvellement urbain, tous les acteurs auditionnés se félicitent de l'engagement du Gouvernement de doubler les moyens du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) mis en oeuvre par l'ANRU. Cette hausse des moyens est nécessaire si l'on veut que ce nouveau programme ne se limite pas à la rénovation de l'habitat, mais transforme également les transports, les équipements publics et l'activité économique dans ces quartiers. Afin que cette hausse soit lisible et sécurisée, je proposerai un amendement pour qu'elle soit inscrite dans la loi.
Par ailleurs, la géographie prioritaire de la politique de la ville a mis en évidence l'apparition de nouvelles poches de pauvreté dans des types de quartiers qui n'en connaissaient pas jusqu'à maintenant : les centres anciens dégradés. Quatre-vingt-dix-huit quartiers ont été identifiés. Ils sont en déprise démographique, car le parc de logements n'est plus adapté aux attentes des classes moyennes. Seules des personnes très modestes s'y maintiennent, dans un habitat de plus en plus dégradé. Même si certains d'entre eux ont été retenus au titre du NPNRU, les moyens financiers qui y sont consacrés sont aujourd'hui largement insuffisants. Or, si rien n'est fait, ces quartiers anciens dégradés seront les QPV de demain…
En conséquence, je me félicite que le Gouvernement ait annoncé le lancement d'un nouveau programme spécifique en faveur de la réhabilitation et de la mise aux normes des logements dans le centre des villes moyennes. Pour que ce programme réussisse, il ne doit toutefois pas se limiter à la question du logement, mais doit également traiter des problématiques économiques et sociales. À ce titre, que pensez-vous de l'élargissement des missions de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) à la problématique des centres anciens dégradés ? J'y suis personnellement favorable, cet établissement ayant fait ses preuves en matière de revitalisation commerciale des quartiers ANRU.
S'agissant de la lutte contre le chômage, les statistiques montrent que les habitants des QPV se heurtent à des freins particuliers en matière d'accès à l'emploi, pas nécessairement liés à leur niveau de qualification, mais plutôt à leur environnement, comme le manque de réseau relationnel ou la difficulté à se déplacer. À niveau de diplôme égal, les habitants des QPV connaissent un taux de chômage deux fois et demie supérieur à la moyenne nationale. Il est donc plus que jamais nécessaire de mettre en place des mesures spécifiques de discrimination positives fondées sur l'origine territoriale. Par ailleurs, la promesse d'« emplois francs » du Président de la République doit être tenue le plus rapidement possible. Tous les acteurs que j'ai pu auditionner l'ont exprimé : ce dispositif sera bien plus efficace que celui expérimenté en 2013. Le Gouvernement est-il favorable au lancement d'une expérimentation sur les « emplois francs » dès 2018 dans certains territoires ?
Par ailleurs, je suis convaincue que l'entrepreneuriat peut être un autre levier pour créer des emplois dans les QPV. Dans ce domaine, le travail engagé par l'Agence France Entrepreneur (AFE) va dans le bon sens, mais il doit se doubler d'un effort accru pour accompagner les entreprises déjà créées dans leur développement, afin que leur durée de vie dépasse les deux ou trois ans.
Enfin, je souhaiterais attirer votre attention sur la problématique des professions de santé dans les QPV : Le manque de professionnels de santé, en particulier de médecins spécialistes, est aujourd'hui préoccupant. Les psychiatres, les gynécologues ou les pédiatres y sont trois fois moins présents que dans les autres quartiers des mêmes agglomérations. Je voulais attirer votre attention sur la nécessité de disposer de personnels de santé dans ces quartiers, notamment en matière de santé psychique et de formation à la parentalité. Pouvez-vous me confirmer qu'une nouvelle convention sera bien signée entre le ministère de la santé et le ministère de la cohésion des territoires ?