Intervention de Vincent Ledoux

Réunion du jeudi 26 octobre 2017 à 15h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Ledoux, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Avec le budget 2018 de la mission « Action extérieure de l'État », le Quai d'Orsay prend plus que sa part à l'effort de redressement des finances publiques. Sans doute faut-il le répéter à la suite du ministre, le ministère des affaires étrangères (MAE) est un ministère économe qui s'est engagé, depuis de nombreuses années, dans une démarche vertueuse de gestion de ses ressources humaines, matérielles et immobilières. C'est la raison pour laquelle je souscris à l'idée d'un budget modeste par rapport à l'ampleur des tâches.

Sans doute le Quai d'Orsay est-il un budget exemplaire, non seulement pour la qualité et l'investissement de ses personnels, mais aussi en matière managériale – je pense à l'évaluation à 360 degrés qui tient compte, pour évaluer les chefs de service, d'éléments fournis par leurs subordonnés et leurs interlocuteurs habituels.

Cependant, monsieur le ministre, il faut faire la part de ce qui relève des mesures de bonne gestion, de ce qui reviendrait à sacrifier des missions pourtant indispensables à notre pays. Jusqu'où peut-on aller sans fragiliser la feuille de route du Président de la République qui maintient l'universalité du réseau diplomatique ?

Certaines réformes permettent déjà au ministère de répondre aux besoins liés aux pays émergents ou en sortie de crise, tout en assumant la baisse globale des effectifs. Je pense au passage de 25 ambassades au format de « poste de présence diplomatique », qui a libéré 220 emplois et simplifié des procédures, ou encore à l'exercice « Grands postes » qui libère 350 emplois dans les ambassades les mieux dotées. Parallèlement, les effectifs en zones prioritaires sont étoffés et des structures légères, les « bureaux de France », sont expérimentées dans des métropoles de pays émergents où nous étions absents jusque-là.

Mais depuis le début de la décennie, le Quai d'Orsay a restitué près d'un millier d'emplois, ses effectifs ont diminué d'un tiers en quinze ans, et de moitié en trente ans. Cela nous amène à nous interroger : une évolution d'une telle ampleur n'a-t-elle pas des conséquences sur la capacité de l'État à rester en prise avec les réalités du monde ? Pouvons-nous vraiment aller plus loin sans sacrifier notre influence ?

Les effets de long terme des désinvestissements passés de la France sont pourtant patents, par exemple en Afrique francophone, alors que s'y joue une grande partie de notre avenir : je reviens du Mali où le MAE finance de façon extrêmement importante les opérations de maintien de la paix et de coopération de sécurité et de défense. Et c'est tant mieux. Mais le réseau de coopérants, fort vivace il y a encore vingt ans, nous serait aujourd'hui très utile, tant pour l'action sur le terrain que pour la collecte d'informations.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous présenter les principales orientations stratégiques que vous assignez au réseau diplomatique, afin que ses moyens demeurent à la hauteur de ses missions malgré la contrainte budgétaire ? Fort de votre expérience au ministère de la défense, je ne doute pas que vous saurez veiller aux exigences de l'intendance et obtenir les bons arbitrages budgétaires.

Je dois aussi vous alerter sur les réseaux culturels et sur l'enseignement français à l'étranger. Des économies supplémentaires paraissent extrêmement difficiles. Il faut, à mon sens, sanctuariser et développer nos outils d'influence culturelle, qui procurent des cofinancements, pour un coût final mesuré.

Il en est de même de l'enseignement français à l'étranger. C'est à la fois un vecteur d'influence considérable et un service essentiel pour nos compatriotes, très largement financé par l'effort des familles. Par sa diversité et sa souplesse, il est tout à fait exemplaire.

Bon nombre de nos concitoyens et certains secteurs de notre administration n'en sont peut-être pas suffisamment conscients, mais le refus de détachements de personnels de l'éducation nationale sur notre réseau à l'étranger augmente. J'en ai comptabilisé une centaine cette année, dont cinq à Bamako pour le lycée français Liberté, poste éminemment stratégique ! C'est évidemment extrêmement préjudiciable. Monsieur le ministre, quelles voies d'amélioration avez-vous identifiées avec votre collègue de l'éducation nationale ? Plus largement, quel soutien apporterez-vous à l'enseignement français à l'étranger ?

Tout au long de la législature, le défi pour le quai d'Orsay sera donc, à mon sens, de maintenir l'universalité du réseau, mais en modulant l'intervention de l'État à l'étranger, selon une géographie prioritaire.

Par ailleurs, il convient de mieux territorialiser, en France, l'action du ministère, pour faire du codéveloppement, notamment en matière économique, un élément incontournable dans les stratégies de développement des élus territoriaux. Monsieur le ministre, comment comptez-vous vous appuyer sur les collectivités territoriales pour conforter vos grandes orientations ?

Enfin, je relève que certains des effectifs et des moyens déployés dans nos ambassades ne sont pas aujourd'hui rattachés à la mission « Action extérieure de l'État », mais à d'autres ministères. Cela constitue un frein à la poursuite de l'optimisation de la dépense publique. Et cela empêche le ministère de disposer de la plénitude des leviers d'action de l'État à l'étranger. Un comité interministériel des réseaux de l'État à l'étranger, le CORINTE, est censé assurer un pilotage d'ensemble, mais il n'a pas été réuni depuis 2009. Le Premier ministre a annoncé qu'il le convoquerait début 2018. Je souhaite saluer cette décision, mais je voudrais aussi vous entendre sur vos attentes en la matière.

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