Intervention de Émilie Bonnivard

Réunion du jeudi 26 octobre 2017 à 15h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Bonnivard, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour le tourisme :

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente, messieurs les présidents, chers collègues, la France a accueilli 83 millions de touristes internationaux en 2016. Elle est, en nombre d'arrivées, la première destination touristique mondiale.

L'objectif du Gouvernement, s'inscrivant dans la continuité de celui de l'ancien ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, est de conforter cette première place en portant en 2020 le nombre d'arrivées touristiques à 100 millions de touristes internationaux, et les recettes touristiques à 50 milliards d'euros – contre 40 milliards d'euros actuellement – alors même que la France décroche à la cinquième place mondiale pour le montant des recettes issues du tourisme.

Le choix est fait d'une politique essentiellement ciblée sur la promotion et l'attractivité de Paris et de certaines destinations phares, comme la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, ou le tourisme de montagne en hiver. Cela constitue une priorité tout à fait nécessaire, mais non suffisante à mon sens. En effet, à l'heure où la fracture entre métropoles et territoires ruraux se creuse, l'économie du tourisme constitue une véritable opportunité de développement économique et d'aménagement des territoires. Économie de l'offre par excellence, elle peut se construire autour de nouveaux produits territoriaux : en attestent la réalisation récente du village Nature « Pierre & Vacances » en Île-de-France, ou encore des produits touristiques basés sur l'itinérance.

En abordant l'économie touristique peu ou prou comme une rente, le Gouvernement, comme ses prédécesseurs, et c'est un regret de ma part, renonce à en utiliser pleinement le potentiel.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je sens chez vous une volonté réelle de développer ce secteur économique, mais la complexité de l'économie du tourisme, ses caractéristiques transversales et multisectorielles, avec le transport, l'hôtellerie, la sécurité et la restauration, son poids dans notre économie auraient justifié à mon sens qu'elle soit incarnée par un ministre de plein exercice ayant une approche unifiée.

Par ailleurs, trouvez-vous normal, pour un secteur économique qui représente 8 % de notre richesse nationale, qu'il n'y ait même pas un programme dédié dans notre architecture budgétaire ? Les crédits du tourisme relèvent d'actions noyées dans deux programmes de deux missions distinctes, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », pour 4,6 % des crédits dudit programme, et le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme », au sein de la mission « Économie ».

J'aimerais connaître votre point de vue sur une possible création de programme dédié, qui nous permettrait d'avoir une approche beaucoup plus lisible et intégrée de la politique touristique du Gouvernement. Vous allez me dire que ces crédits ne relèvent pas de votre périmètre, mais c'est bien là le problème ! Ils sont au coeur de la stratégie touristique.

Je souhaiterais aborder très brièvement l'étude des crédits 2018 du programme 134 de la mission « Économie ». S'ils étaient déjà particulièrement modestes les années précédentes, ils le sont d'autant plus cette année que la ligne budgétaire des dépenses d'intervention a tout bonnement été supprimée ! Ces crédits, qui s'élevaient à 1 million d'euros l'année dernière, finançaient, entre autres, la diversification et la montée en gamme de l'offre française, mais aussi le développement de politiques sociales afin d'aider les publics les plus modestes à partir en vacances. Budget limité certes, mais avec un réel effet levier sur l'aide au départ ou les contrats de destination, c'est-à-dire l'élaboration de nouveaux produits sur nos territoires. Pouvez-vous nous éclairer sur cette décision de suppression ?

Quant aux crédits du principal opérateur, Atout France, si les subventions pour charge de service public sont globalement constantes depuis deux ans, aux alentours de 32 millions d'euros, ce que je salue, 2018 sera la première année, après 2016 et 2017, ne bénéficiant plus du fonds d'urgence de 10 millions d'euros pour la promotion, débloqué après les attentats. Ce fonds d'urgence n'étant pas reconduit, mécaniquement, le budget de l'État dédié à la promotion sera nettement inférieur en 2018 à celui des deux années précédentes.

La question du financement de la promotion va donc se poser de manière pérenne s'il s'agit bien, messieurs les ministres, d'atteindre les 100 millions de visiteurs et les 50 milliards d'euros de recettes d'ici 2020. Je vous propose donc un dispositif innovant, afin de maintenir un haut niveau d'attribution de recettes pour la promotion, sans créer de dépenses nouvelles dans le budget de l'État, compte tenu de la nécessaire maîtrise des dépenses publiques dont j'ai parfaitement conscience : nous pourrions déterminer une part fixe qui correspondrait à un pourcentage des recettes totales des droits de visa, et qui serait au moins égale à ce qui a déjà été versé en 2016, soit une enveloppe de l'ordre de 5 millions d'euros. Cette part fixe pourrait être assortie d'une part variable, qui correspondrait à un pourcentage du produit des recettes additionnelles des droits de visa. Cette double attribution permettrait de nous rapprocher des budgets accordés par nos concurrents à la promotion, de consolider la recette issue des droits de visa qui aujourd'hui fluctue et peut être négative, et de rester corrélés à l'activité réelle en matière de fréquentation internationale.

Un dernier mot sur l'investissement dans l'économie : les outils financiers actuellement mis en oeuvre ne répondent pas à l'ingénierie territoriale dont on a besoin sur le territoire pour faire naître de nouveaux projets, s'agissant notamment de l'hôtellerie indépendante.

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