Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères est à la fois le coeur, le pivot et le pilier de la présence de la France sur la scène internationale, et il dispose pourtant d'un tout petit budget : 1,1 % du budget total de l'État, pour un immense impact. Actuellement, nous sommes dans un contexte mondial où nos partenaires historiques, Grande-Bretagne, États-Unis, Allemagne, ont chez eux de fortes préoccupations qui sont plutôt de nature à les rendre sensiblement moins audibles à l'extérieur ; la France a clairement, nous semble-t-il, une opportunité unique d'être moteur sur cette scène internationale.
Pour cela, il est indispensable qu'elle puisse compter sur un réseau diplomatique solide et universel. Nous avons déjà des diplomates remarquables et une politique étrangère ayant une ligne très claire ; je voudrais d'ailleurs en profiter pour souligner la première place de la France au classement 217 des pays les plus influents dans le monde, avec ce qu'on appelle le soft power, classement paru en juillet dernier. La France y surpasse la Grande-Bretagne et les États-Unis : nous pouvons en être fiers. Il faut donc, dans ce contexte, saluer le choix politique de stabiliser son budget pour 2018. Nous avons conscience que cela aurait pu être bien pire.
Les programmes 105 et 151, que j'ai l'honneur de rapporter, montrent que ce ministère réalise des efforts notables en termes de réduction des effectifs et des dépenses. C'est vraiment un très bon élève, et ce sans sacrifier ni la créativité pour restructurer le réseau, ni la qualité du service aux usagers avec la numérisation, ni même l'attention au parcours professionnel des personnels du ministère, dont je voudrais souligner l'incroyable investissement et dévouement.
Cependant, le ministère doit faire preuve d'innovation et d'audace pour rationaliser son fonctionnement et gagner encore en efficacité. C'est certainement possible. Il s'agit, en quelque sorte, pour prendre une analogie simple, de mettre à jour de son logiciel, et le rapport fait quelques recommandations en ce sens. J'en citerai quelques-unes.
D'abord, un point clé, indiscutable : maintenir l'universalité du réseau.
Ensuite, détacher au ministère les fonctionnaires spécialisés issus d'autres ministères, comme cela se fait pour l'enseignement : on sait que les enseignants de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et de la Mission laïque française (MLF) sont détachés par le ministère de l'éducation nationale au ministère des affaires étrangères. Le détachement permettrait d'élargir le périmètre de coordination du chef de poste et de gagner clairement en efficacité et en frais de support.
Troisième proposition : affiner la typologie de chaque poste. On en voit à peu près trois grandes catégories mais, quand on les détaille, on ne perçoit pas bien comment c'est construit. Une matrice plus précise permettrait d'affiner les besoins de chaque poste et de répondre à des besoins mieux définis.
Il est également important de construire enfin des indicateurs de qualité, qui répondent aux critères SMART, pour « spécifique, mesurable, atteignable, reproductible, évalué sur un temps défini ». C'est loin d'être le cas : certains critères actuellement utilisés sont vraiment très surprenants…
Il est temps aussi de mettre un terme à la stratégie court-termiste de cession de biens immobiliers pour financer l'entretien lourd du patrimoine, ce qui n'est pas sans poser question.
Il faut, enfin, ajouter une nouvelle étape au cours des six conférences budgétaires de liaison avec le ministère des finances, une étape qui permettrait au ministère de l'Europe et des affaires étrangères de présenter clairement ses objectifs, son fonctionnement, et d'arriver avec des arguments pour parler au ministère des finances.
Ce rapport comporte d'autres préconisations importantes. Nous sommes dans un monde qui change ; de nouvelles générations arrivent, connectées, audacieuses, mobiles. La diplomatie se doit non seulement d'accompagner les transformations à venir, mais aussi de les anticiper en mettant constamment à jour ses pratiques. Une telle innovation reposera à notre sens sur quatre piliers : la transparence, des objectifs précis et accessibles, un reporting structuré, enfin des indicateurs SMART. Ces outils, qui ne renient en rien l'approche humaine qui est et doit rester le coeur du métier, deviendront les atouts qui permettront au ministère de défendre et valoriser l'ensemble de ses missions auprès de ses équipes, du ministère des finances et plus largement des Français. Mais tout ceci a un coût, qui requiert une grande agilité, dans un budget à l'évidence contraint et contraignant, et beaucoup de méthode aussi dans vos échanges avec la direction du budget chargée de déterminer la taille de votre enveloppe.
Monsieur le ministre, comment pensez-vous mettre en oeuvre les recommandations des parlementaires ? Nous avons tous à coeur de vous permettre de choisir votre transformation plutôt que de la subir, alors comment, nous, commissaire aux affaires étrangères, pouvons-nous vous aider ?