La proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille, dont notre collègue Aurélien Pradié a eu l'initiative, a suscité un consensus transpartisan sur les bancs de cet hémicycle. Il s'agit d'un fait rare qui témoigne à la fois du bon sens des mesures proposées et de leur nécessité. Elle permettra de réformer l'ordonnance de protection, mesure essentielle pour la prise en charge des victimes de violences conjugales, notamment en réduisant les délais de délivrance et en prévoyant certaines prescriptions concernant le domicile conjugal.
Autre dispositif phare : l'élargissement du port du bracelet anti-rapprochement. Sa pose pourra être ordonnée par le juge civil dès l'ordonnance de protection, ou par le juge pénal, avant ou après le jugement, ce qui n'a jamais été appliqué jusqu'à présent.
Par ailleurs, une aide personnalisée au logement pour les victimes de violences conjugales n'ayant d'autre choix que de quitter le domicile sera créée et expérimentée.
Enfin, la remise du téléphone grave danger sera simplifiée afin de rendre le dispositif plus accessible et d'étendre davantage son utilisation.
Cette proposition de loi comporte donc des avancées importantes et attendues. Même si la législation est toujours perfectible et qu'il y a sans doute moyen d'être encore plus efficace, un pas conquérant dans la lutte contre les violences au sein de la famille sera franchi avec cette proposition de loi, en faveur de laquelle je vous invite à voter au terme de nos débats.
J'observe que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte : cela ne fait que confirmer la qualité du travail mené, tant en commission qu'en séance, par les parlementaires sous l'impulsion de notre collègue Aurélien Pradié, ainsi que la nécessité d'agir vite et efficacement.
Cela a été rappelé, mais il convient d'insister sur ces chiffres tant ils nous interpellent : 220 000 femmes majeures sont, chaque année, victimes de violences au sein du couple, et que plus d'une centaine, au minimum, en décèdent. Il s'agit manifestement d'une tare sociale dont souffre notre pays.
Le mouvement politique auquel j'appartiens n'a cependant pas attendu 2019 et le Grenelle des violences conjugales pour agir. La lutte contre les violences conjugales était la grande cause nationale de l'année 2010, à l'initiative du président Nicolas Sarkozy et sous l'impulsion de François Fillon, alors premier ministre. Ainsi la droite est-elle à l'origine de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. C'est sur ce socle que nous consolidons aujourd'hui notre arsenal législatif.
Il a été confirmé que 1 000 nouvelles solutions de logement devraient voir le jour dès janvier 2020, date à laquelle le bracelet anti-rapprochement devrait se voir généralisé. Par ailleurs, une proposition de loi devrait être examinée qui prévoie notamment la suspension systématique de l'autorité parentale en cas de féminicide.
Dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Les Républicains du 10 octobre dernier, qui était consacrée aux violences conjugales et intrafamiliales, nous avons également entamé l'examen de la proposition de loi défendue par Valérie Boyer relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. Je salue cette initiative qui montre que le groupe s'est donné pour mot d'ordre de soutenir toute nouvelle mesure susceptible d'endiguer ce fléau.
Vous avez dit à l'instant, madame la garde des sceaux, que votre ministère était au diapason, puisqu'il met tout en oeuvre afin que la future loi soit appliquée dès le début de l'année 2020. C'est une bonne chose. Toutefois, à ce stade de nos débats et de nos réflexions, nous devons nous interroger sur les moyens financiers rendus nécessaires par les mesures que nous allons adopter. Je crains – et je le dis sans esprit polémique – que les crédits envisagés ne soient pas à la hauteur des enjeux, empêchant de faire de la lutte contre les violences au sein de la famille la priorité qu'elle devrait être. Nous ne pouvons que le déplorer.
J'ai noté les propos de Mme Schiappa selon lesquels 361 millions d'euros devraient être débloqués pour lutter contre ces violences. Or je constate que 95 % de cette somme n'est que la reconduction de dépenses déjà effectuées entre 2017 et 2019 et seulement 5 % des moyens supplémentaires, ce qui me paraît nettement insuffisant. Pour être cohérent avec les mesures que nous allons voter dans un instant, le Gouvernement doit consacrer de nouveaux moyens à cette politique. Je souhaite qu'il nous entende sur ce point, car c'est ainsi qu'il pourra lutter efficacement contre les violences faites aux femmes. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : là où la France consacre 79 millions d'euros par an pour lutter contre les violences conjugales, l'Espagne en dépense 200 millions. Or notre voisin a connu 48 féminicides en 2018, contre 121 en France !
Nous allons franchir cette première étape de façon consensuelle et j'en remercie par avance chacun de mes collègues. Il nous faut désormais franchir ensemble la seconde, pour laquelle la majorité a la main.