Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du vendredi 27 octobre 2017 à 15h05
Commission élargie : finances - affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

La mission « Aide publique au développement » doit nous donner les moyens de mettre en oeuvre une approche globale des crises qui affectent notre sécurité, qu'il s'agisse de réponse de court terme, avec l'action humanitaire d'urgence, ou de réponses de long terme qui nécessitent des politiques ambitieuses en termes de développement, souvent grâce à des phases de stabilisation et reconstruction, comme au Mali ou, très bientôt je l'espère, au Levant. Cette mission nous permet aussi d'agir pour la protection des biens communs que sont le climat, l'éducation ou la santé.

Je rappelle que cette mission ne représente en elle-même qu'une partie de l'aide publique au développement de la France. Si l'on y rattache les financements innovants, les données de 2016 montrent que cette mission équivaut à 38 % du total de l'aide publique au développement, soit 2,5 milliards d'euros sur les 8,6 milliards de l'aide que la France consacre au développement.

Les 62 % de l'aide qui ne sont pas décomptés dans la mission « Aide publique au développement » au sens de la LOLF se retrouvent dans des postes très hétérogènes. Ils peuvent être comptabilisés sur d'autres crédits budgétaires, comme ceux nécessaires aux frais d'écolage ou à l'accueil des réfugiés. Il s'agit également de dépenses transitant par d'autres entités publiques que l'État, comme la contribution au budget communautaire ou des dépenses des collectivités territoriales destinées à l'aide publique au développement. Ces dépenses ont pour caractéristiques de ne pas être pilotables par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Je reviens aux 38 % de l'aide qui se trouvent dans les crédits de la mission « Aide publique au développement ». Cette mission est composée de deux programmes.

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » est géré par le ministre de l'économie et des finances. Ses 961 millions d'euros en crédits de paiement concernent surtout des bonifications de prêts et le fonctionnement de divers organismes.

Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » représente 1,84 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,73 milliard d'euros en crédits de paiement. Ce budget est géré aux travers d'instruments qui répondent à des logiques de trois ordres.

Une première logique bilatérale correspond à 36 % du programme 209, hors dépenses de personnel, soit 573 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits augmentent de 17,2 millions d'euros par rapport à 2017, soit une progression de 3,1 %. Ce point est important car j'ai souligné à plusieurs reprises la nécessité de renforcer le bilatéral par rapport au multilatéral. Il s'agit d'un premier signe, certes insuffisant, mais il fallait engager le processus.

Le bilatéral comprend les ressources allouées à l'Agence française de développement (AFD). Les ressources budgétaires et extrabudgétaires de l'Agence qui relèvent de la compétence de mon ministère sont de l'ordre de 480 millions d'euros, chiffre qui intègre les 212 millions d'euros du programme 209 pour le don-projet, les 77 millions du même programme pour les ONG, et les 190 millions extrabudgétaires pour la facilité et les dons-projets. Ses ressources permettent à l'Agence d'intervenir dans une cinquantaine de pays, en particulier dans les dix-sept pays pauvres prioritaires définis par le dernier Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID).

L'AFD finance des projets variés en utilisant différents instruments qui vont des dons aux prêts en passant par les participations en capital ou par des garanties, sans oublier l'assistance technique ou les programmes de renforcement des capacités.

Afin d'enclencher la progression de l'aide publique au développement prévue dans le courant du quinquennat, mon ministère a obtenu une hausse de 80 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2018, qui se traduira nécessairement par un accroissement de crédits de paiement dès 2019. Nous aurons l'occasion d'en reparler puisque le Président de la République a, à plusieurs reprises, annoncé ce qu'il a répété, le 19 septembre dernier devant l'Assemblée générale des Nations unies : à la fin du quinquennat, notre aide publique au développement doit atteindre 0,55 % du PIB. Il m'a demandé de lui présenter, avant la fin de l'année, une trajectoire permettant cette progression de 0,38 % à 0,55 %. Je serai évidemment heureux de vous en parler.

Au titre des moyens bilatéraux, nous disposons aussi de crédits de gestion et de sortie de crises. Ils augmentent de 14 millions d'euros, soit une hausse de près de 20 %, pour atteindre plus de 86 millions en 2018, dont 30 millions pour le fonds d'urgence humanitaire et 36 millions pour l'aide alimentaire que la direction générale de la mondialisation reverse notamment au programme alimentaire mondial (PAM) en faveur des géographies prioritaires pour la France.

J'ai demandé que l'on soit vigilant pour ce qui concerne l'action humanitaire car je ne peux me résoudre au fait que la France demeure le seizième contributeur mondial en matière d'action humanitaire, derrière la Belgique ou le Danemark. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé d'augmenter les crédits du fonds d'urgence humanitaire en 2018 – ils passent à 30 millions d'euros, comme je viens de l'indiquer, alors qu'ils s'élevaient, je crois, à 17 millions en 2017.

La deuxième logique qui structure le programme 209 est une logique multilatérale. Elle correspond à 10 % de ce programme, hors dépenses de personnel.

Il s'agit principalement des contributions volontaires aux organisations internationales qui constituent de véritables leviers. L'enveloppe que nous leur consacrerons en 2018 sera de près de 100 millions d'euros. Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) bénéficiera à lui seul de 33 millions d'euros.

Le multilatéralisme nous permet aussi de développer la francophonie, atout majeur pour notre pays que le Président de la République a décidé de réinvestir en demandant un plan d'ensemble pour la promotion de la langue française et du plurilinguisme dans le monde. Je serai amené à présenter ce plan dans les semaines qui viennent.

La troisième logique est communautaire. La ligne consacrée au Fonds européen de développement (FED) représente à elle seule 54 % du programme 209, hors dépenses de personnel. Pour l'année 2018, elle sera en hausse de plus de 107 millions d'euros. La France est partie prenante de la gestion de ce fonds européen qui constitue un instrument central. Nous faisons en sorte que les projets qu'il finance correspondent à nos grandes priorités sectorielles.

J'en viens aux crédits extrabudgétaires qui complètent de ce que nous mettons en place avec le programme 209.

Il s'agit de la taxe sur les billets d'avion et de la taxe sur les transactions financières qui alimentent le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) pour 1 milliard d'euros. Ce fonds nous permet de financer nos engagements multilatéraux dans le domaine de la santé et pour le climat, ainsi qu'une partie de l'aide bilatérale en dons de l'Agence française de développement depuis 2017 – que l'on appelle aide-projet.

Je pense également à la facilité vulnérabilité centrée sur quatre zones de crise, décidée lors du CICID de novembre 2016, financée elle aussi par des fonds extrabudgétaires. C'est le cas des 35 millions d'euros annuels que nous octroyons à l'Alliance pour le Sahel, en anticipant sur la mobilisation des acteurs qui devrait avoir lieu à la mi-décembre, à Bruxelles.

Je poursuis trois objectifs visant à un rééquilibrage entre les dons et les prêts, entre le bilatéral et le multilatéral, et entre l'action directe de l'État et l'action des ONG. Je travaillerai sur ces trois axes dans le cadre de la mission qui m'est confiée. Ce budget amorce l'effort à entreprendre, même si je reconnais que tout n'est pas développé. Les signes nécessaires sont toutefois donnés pour que ces orientations soient validées à l'avenir.

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