Commission élargie : finances - affaires étrangères

Réunion du vendredi 27 octobre 2017 à 15h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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COMMISSION ÉLARGIE

(Application de l'article 120 du Règlement)

Vendredi 27 octobre 2017

Présidence de M. Éric Woerth, président de la commission des finances, et de Mme Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères.

La réunion de la commission élargie commence à quinze heures cinq.

projet de loi de finances pour 2018

Aide publique au développement

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Nous examinons cet après-midi, en présence de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, les crédits de la mission « Aide publique au développement », qui regroupent une partie, et une partie seulement, des crédits consacrés par la France à l'aide au développement.

La commission des affaires étrangères a organisé en amont de cette commission élargie plusieurs échanges de vue et auditions, dont celle de la direction générale du Trésor. La présentation devant la commission des affaires étrangères de l'avis de notre rapporteur, M. Hubert Julien-Laferrière ainsi que la contribution du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, portée par M. Jean-Paul Lecoq, ont suscité de nombreux débats. Trois sujets ont retenu notre attention.

Tout d'abord, nous sommes satisfaits de la réitération de la volonté de tenir la trajectoire d'augmentation de notre aide publique au développement. Il s'agit de parvenir à consacrer 0,55 % du PIB à cette aide en 2022, tout en maintenant le cap vers l'objectif de 0,7 %. Un lourd problème budgétaire se posera toutefois si nous voulons tenir cette trajectoire, car les sommes en jeu sont très élevées. Une réflexion doit donc être menée afin de trouver de nouvelles ressources financières qui passent peut-être par de nouveaux types de financements innovants.

Ensuite, nous nous sommes interrogés sur un éventuel rééquilibrage entre dons et prêts. La France prête beaucoup ; elle donne peu. C'est un problème pour les pays en voie de développement.

Enfin la question de l'équilibre entre le multilatéral et le bilatéral a été posée. Nous souhaiterions que l'augmentation du budget puisse davantage abonder les actions bilatérales qui permettent à notre pays de retrouver un poids sur la scène internationale et une capacité politique d'agir en tant que décideur politique.

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Je salue à mon tour le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

La mission « Aide publique au développement » doit nous donner les moyens de mettre en oeuvre une approche globale des crises qui affectent notre sécurité, qu'il s'agisse de réponse de court terme, avec l'action humanitaire d'urgence, ou de réponses de long terme qui nécessitent des politiques ambitieuses en termes de développement, souvent grâce à des phases de stabilisation et reconstruction, comme au Mali ou, très bientôt je l'espère, au Levant. Cette mission nous permet aussi d'agir pour la protection des biens communs que sont le climat, l'éducation ou la santé.

Je rappelle que cette mission ne représente en elle-même qu'une partie de l'aide publique au développement de la France. Si l'on y rattache les financements innovants, les données de 2016 montrent que cette mission équivaut à 38 % du total de l'aide publique au développement, soit 2,5 milliards d'euros sur les 8,6 milliards de l'aide que la France consacre au développement.

Les 62 % de l'aide qui ne sont pas décomptés dans la mission « Aide publique au développement » au sens de la LOLF se retrouvent dans des postes très hétérogènes. Ils peuvent être comptabilisés sur d'autres crédits budgétaires, comme ceux nécessaires aux frais d'écolage ou à l'accueil des réfugiés. Il s'agit également de dépenses transitant par d'autres entités publiques que l'État, comme la contribution au budget communautaire ou des dépenses des collectivités territoriales destinées à l'aide publique au développement. Ces dépenses ont pour caractéristiques de ne pas être pilotables par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Je reviens aux 38 % de l'aide qui se trouvent dans les crédits de la mission « Aide publique au développement ». Cette mission est composée de deux programmes.

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » est géré par le ministre de l'économie et des finances. Ses 961 millions d'euros en crédits de paiement concernent surtout des bonifications de prêts et le fonctionnement de divers organismes.

Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » représente 1,84 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,73 milliard d'euros en crédits de paiement. Ce budget est géré aux travers d'instruments qui répondent à des logiques de trois ordres.

Une première logique bilatérale correspond à 36 % du programme 209, hors dépenses de personnel, soit 573 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits augmentent de 17,2 millions d'euros par rapport à 2017, soit une progression de 3,1 %. Ce point est important car j'ai souligné à plusieurs reprises la nécessité de renforcer le bilatéral par rapport au multilatéral. Il s'agit d'un premier signe, certes insuffisant, mais il fallait engager le processus.

Le bilatéral comprend les ressources allouées à l'Agence française de développement (AFD). Les ressources budgétaires et extrabudgétaires de l'Agence qui relèvent de la compétence de mon ministère sont de l'ordre de 480 millions d'euros, chiffre qui intègre les 212 millions d'euros du programme 209 pour le don-projet, les 77 millions du même programme pour les ONG, et les 190 millions extrabudgétaires pour la facilité et les dons-projets. Ses ressources permettent à l'Agence d'intervenir dans une cinquantaine de pays, en particulier dans les dix-sept pays pauvres prioritaires définis par le dernier Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID).

L'AFD finance des projets variés en utilisant différents instruments qui vont des dons aux prêts en passant par les participations en capital ou par des garanties, sans oublier l'assistance technique ou les programmes de renforcement des capacités.

Afin d'enclencher la progression de l'aide publique au développement prévue dans le courant du quinquennat, mon ministère a obtenu une hausse de 80 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2018, qui se traduira nécessairement par un accroissement de crédits de paiement dès 2019. Nous aurons l'occasion d'en reparler puisque le Président de la République a, à plusieurs reprises, annoncé ce qu'il a répété, le 19 septembre dernier devant l'Assemblée générale des Nations unies : à la fin du quinquennat, notre aide publique au développement doit atteindre 0,55 % du PIB. Il m'a demandé de lui présenter, avant la fin de l'année, une trajectoire permettant cette progression de 0,38 % à 0,55 %. Je serai évidemment heureux de vous en parler.

Au titre des moyens bilatéraux, nous disposons aussi de crédits de gestion et de sortie de crises. Ils augmentent de 14 millions d'euros, soit une hausse de près de 20 %, pour atteindre plus de 86 millions en 2018, dont 30 millions pour le fonds d'urgence humanitaire et 36 millions pour l'aide alimentaire que la direction générale de la mondialisation reverse notamment au programme alimentaire mondial (PAM) en faveur des géographies prioritaires pour la France.

J'ai demandé que l'on soit vigilant pour ce qui concerne l'action humanitaire car je ne peux me résoudre au fait que la France demeure le seizième contributeur mondial en matière d'action humanitaire, derrière la Belgique ou le Danemark. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé d'augmenter les crédits du fonds d'urgence humanitaire en 2018 – ils passent à 30 millions d'euros, comme je viens de l'indiquer, alors qu'ils s'élevaient, je crois, à 17 millions en 2017.

La deuxième logique qui structure le programme 209 est une logique multilatérale. Elle correspond à 10 % de ce programme, hors dépenses de personnel.

Il s'agit principalement des contributions volontaires aux organisations internationales qui constituent de véritables leviers. L'enveloppe que nous leur consacrerons en 2018 sera de près de 100 millions d'euros. Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) bénéficiera à lui seul de 33 millions d'euros.

Le multilatéralisme nous permet aussi de développer la francophonie, atout majeur pour notre pays que le Président de la République a décidé de réinvestir en demandant un plan d'ensemble pour la promotion de la langue française et du plurilinguisme dans le monde. Je serai amené à présenter ce plan dans les semaines qui viennent.

La troisième logique est communautaire. La ligne consacrée au Fonds européen de développement (FED) représente à elle seule 54 % du programme 209, hors dépenses de personnel. Pour l'année 2018, elle sera en hausse de plus de 107 millions d'euros. La France est partie prenante de la gestion de ce fonds européen qui constitue un instrument central. Nous faisons en sorte que les projets qu'il finance correspondent à nos grandes priorités sectorielles.

J'en viens aux crédits extrabudgétaires qui complètent de ce que nous mettons en place avec le programme 209.

Il s'agit de la taxe sur les billets d'avion et de la taxe sur les transactions financières qui alimentent le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) pour 1 milliard d'euros. Ce fonds nous permet de financer nos engagements multilatéraux dans le domaine de la santé et pour le climat, ainsi qu'une partie de l'aide bilatérale en dons de l'Agence française de développement depuis 2017 – que l'on appelle aide-projet.

Je pense également à la facilité vulnérabilité centrée sur quatre zones de crise, décidée lors du CICID de novembre 2016, financée elle aussi par des fonds extrabudgétaires. C'est le cas des 35 millions d'euros annuels que nous octroyons à l'Alliance pour le Sahel, en anticipant sur la mobilisation des acteurs qui devrait avoir lieu à la mi-décembre, à Bruxelles.

Je poursuis trois objectifs visant à un rééquilibrage entre les dons et les prêts, entre le bilatéral et le multilatéral, et entre l'action directe de l'État et l'action des ONG. Je travaillerai sur ces trois axes dans le cadre de la mission qui m'est confiée. Ce budget amorce l'effort à entreprendre, même si je reconnais que tout n'est pas développé. Les signes nécessaires sont toutefois donnés pour que ces orientations soient validées à l'avenir.

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Je rappelle que l'aide publique au développement est normée sur le plan international, ce qui permet des comparaisons entre les pays. Elle comporte des aides qui doivent émaner d'organismes publics, avoir pour but essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie des pays en développement, et être assorties de conditions favorables et comporter un élément de libéralité minimale.

La France a déclaré 8,6 milliards d'euros au titre de l'aide publique au développement pour l'année 2016. Nous n'examinons aujourd'hui qu'une partie plus modeste de cette aide au travers de la mission « Aide publique au développement » qui comporte deux programmes, l'un, le 110, placé sous la responsabilité du ministre de l'économie et des finances, l'autre, le 209, placé sous la responsabilité du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Je note que les impôts affectés ne sont pas comptabilisés dans la mission, mais ils sont suivis d'assez près.

J'ai été surpris que l'aide fiscale ne soit pas prise en compte. Lorsque les Français font des dons en faveur de l'aide publique au développement, l'avantage fiscal dont ils bénéficient correspond bien à une aide publique. Je souhaiterais qu'elle soit calculée et intégrée dans l'aide publique au développement, même si je reconnais que la tâche sera complexe sachant que certaines ONG agissent dans plusieurs champs à la fois – les dons peuvent aussi servir, par exemple, sur le territoire national.

Depuis 2011, nous assistons à une diminution très marquée de l'aide française qui se monte aujourd'hui à 0,38 % du PIB, alors qu'elle avait dépassé 0,42 %. À la suite d'une baisse constante, les comparaisons internationales ne tournent pas à notre avantage, notamment avec nos partenaires européens. Les Britanniques consacrent 0,7 % de leur PIB à l'aide publique au développement, de même que les Allemands – qui intègrent dans l'aide les actions qu'ils mènent en faveur des réfugiés sur leur propre sol. Aussi curieux que cela puisse paraître, les Turcs font mieux que nous ! Je ne parle même pas de pays plus petits que le nôtre, comme les pays scandinaves, avec lesquels les comparaisons sont plus difficiles. L'aide américaine se rapproche de la nôtre, en pourcentage du PIB, mais elle exerce un effet de masse bien différent.

Au mois de septembre dernier, l'annulation de 136 millions d'euros de crédits avait constitué une très mauvaise nouvelle, mais le budget qui nous est proposé aujourd'hui inverse clairement la tendance puisque nous enregistrons une augmentation de 100 millions en crédits de paiement et de 200 millions en autorisations d'engagement. Les choses sont un peu compliquées pour ces dernières car nous avons dû faire des versements à des organismes internationaux.

L'engagement du Président de la République de parvenir à consacrer 0,55 % du PIB à l'aide publique au développement à l'horizon 2022 est certes plus réaliste que l'objectif de 0,7 %, mais il exige tout de même une augmentation de l'aide de 5 milliards d'euros alors qu'en 2018, l'augmentation est de 100 ou 200 millions. Pour une première année, il s'agit d'une amorce réelle, mais à ce rythme, on ne voit pas très bien comment il sera possible d'atteindre l'objectif fixé d'ici à cinq ans. La véritable année décisive sera 2019.

Sans faire aucun procès d'intention à ce budget, je constate que si l'on veut qu'il atteigne 0,55 % du PIB, il faut prévoir une pente plus raide, même si elle a déjà été modifiée dans le bon sens, je n'en disconviens pas.

Mes regrets concernant ce budget ne sont pas relatifs aux crédits de paiements mais aux autorisations d'engagements. Le ministre nous dit à juste titre qu'il fallait préférer le bilatéral au multilatéral, et l'aide au prêt. On aurait dû être beaucoup plus ambitieux en termes d'autorisations d'engagement – je soutiendrai d'ailleurs un amendement en ce sens, car le bilatéral prend du temps – il faut quatre ou cinq ans pour trouver un interlocuteur, un maître d'ouvrage, ou des cofinanceurs.

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Je remercie tout d'abord toutes les personnalités que nous avons pu entendre dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire, ainsi que mon collègue M. Jean-Paul Lecoq qui a participé à la plupart de ces auditions.

J'ai la chance de travailler sur un budget en hausse. Cette augmentation succède à une baisse continue qui a vu l'aide publique au développement perdre près de 45 % de ses crédits depuis 2010. Je me réjouis de la trajectoire qui doit nous conduire à consacrer 0,55 % de notre PIB à ces crédits en 2022. Il faudra cependant faire plus et mieux, ce qui nécessite des choix stratégiques pour rendre notre aide plus efficace.

Cela passe en particulier par la volonté de privilégier l'aide bilatérale qui a servi, depuis des années, de variable d'ajustement budgétaire – elle était plus facile à réduire que l'aide multilatérale souvent pluriannuelle. Cela dit, il ne faut pas opposer trop systématiquement les deux approches : l'aide bilatérale peut aussi être au service d'une politique publique mondiale dans laquelle la France prend toute sa place.

La feuille de route est tracée avec les Objectifs de développement durable, adoptés par la communauté internationale en 2015. Cette dernière s'est aussi engagée par l'accord de Paris à verser une aide d'au moins 100 milliards de dollars par an aux pays en développement, à partir de 2020, afin de les soutenir dans les adaptations et les mutations nécessaires face au changement climatique. Dans ce cadre, la France a annoncé qu'elle mobiliserait au moins 5 milliards de dollars. Monsieur le ministre, pour cette contribution, quelle sera la part des versements en numéraires au Fonds vert, et celle des valorisations des cobénéfices climat de nos actions de développement dans les pays que nous aidons ?

L'efficacité passe aussi par une aide plus territorialisée qui associe les acteurs locaux. Sur ce plan, la France est en avance, non seulement en raison de ses pratiques en matière de coopération décentralisée, mais aussi parce que l'AFD travaille avec les collectivités locales françaises et avec les acteurs locaux des pays aidés.

Nous devons également mieux mobiliser notre expertise. Nous nous réjouissons de la création récente d'Expertise France qui a regroupé l'expertise de différents ministères, même si certains d'entre eux, comme l'intérieur, la justice ou l'agriculture, conserve une expertise propre. Il faudra faire en sorte de procéder au regroupement complet de l'expertise française.

Le fléchage de nos crédits en direction de nos priorités géographiques et sectorielles constitue aussi un élément d'efficacité. L'Afrique subsaharienne ne peut plus être une variable d'ajustement budgétaire. L'augmentation des crédits doit d'abord profiter au Sahel qui reçoit principalement une aide sous forme de dons. Il s'agit à la fois de lutter contre la pauvreté, mais aussi d'un enjeu majeur de paix et de sécurité. Monsieur le ministre, vous citiez la facilité pour l'atténuation des vulnérabilités. L'instrument est efficace au Sahel mais il est aujourd'hui trop peu doté. L'augmentation de l'aide au développement dans cette région par l'intermédiaire de cet outil doit permettre de retrouver un équilibre des « trois D », diplomatie, défense et développement – sans que cela se fasse au détriment des deux premiers.

Le pilotage politique de notre aide doit être amélioré. Les organes de coordinations fonctionnent, mais nous devons aller plus loin et nous doter d'une direction politique unifiée. Je propose une fusion des programmes 209 et 110 afin que la mission « Aide publique au développement » ne fasse plus l'objet que d'un seul programme. Elle y gagnerait en lisibilité, et cela augmenterait l'efficacité de la politique d'aide au développement. Il faudrait évidemment qu'un seul ministre pilote la stratégie de cette aide et devienne l'interlocuteur unique des pays étrangers pour cette politique publique.

La révision de la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale s'imposera cinq ans après son entrée en vigueur. Cela doit être l'occasion de moderniser notre aide publique au développement. À l'échelle mondiale, je rappelle que cette aide est l'unique instrument de redistribution planétaire.

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Monsieur le ministre, quelle est la structure financière cible de l'AFD dans les années à venir, compte tenu des évolutions de l'aide publique au développement et du nombre d'opérateurs liés au ministère ?

Dans le cadre de l'aide publique au développement, trouve-t-on encore aujourd'hui, à un titre ou à un autre, parmi les crédits qui proviennent de différents ministères et opérateurs, des aides versées à des pays comme la Chine, dont on pourrait considérer qu'ils n'en ont plus besoin aujourd'hui ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Comme l'indiquait votre rapporteur spécial, des normes fixées par l'OCDE définissent ce qui entre dans l'aide publique au développement. La Chine perçoit encore aujourd'hui une aide au développement de notre part en faveur de l'écolage – frais d'inscription et soutien à l'enseignement. Les montants en question sont toutefois relativement marginaux.

Nous respectons scrupuleusement les critères de l'OCDE en matière de comptabilité de l'aide publique au développement. Ils permettent les comparaisons internationales et l'analyse de l'action réelle d'un État dans ce domaine. De plus, il n'en existe pas d'autres.

Je me propose donc de poser la question de l'intégration de la dépense fiscale qui résulte des avantages fiscaux liés aux dons en faveur de l'aide au développement. Les interventions fiscales sont différentes selon les pays, et nous ne pouvons pas décider seuls d'intégrer une réduction d'impôt à notre aide au développement. J'ai en tout cas pris bonne note de votre remarque, monsieur le rapporteur spécial.

Vous avez bien voulu reconnaître l'inversion de tendance que le Gouvernement a proposée à la demande du Président de la République. Elle n'en est qu'à ses débuts. Pour atteindre l'objectif de 0,55 % du PIB en 2022, notre aide au développement devra passer de 8,6 à 15 milliards d'euros – si l'on prend en compte l'évolution tendancielle du PIB. Nous devrons donc consentir un effort très significatif, et il est clair que même si l'augmentation des crédits pour 2018 se reproduisait, elle ne serait pas suffisante pour atteindre l'objectif fixé. C'est la raison pour laquelle le Président de la République m'a demandé de tracer une trajectoire de mobilisation financière qui mènera au résultat attendu. Je rejoins l'analyse du rapporteur qui considère que l'heure de vérité sera celle du prochain budget.

Il est vrai que plus les autorisations d'engagement sont importantes, plus on est certain d'avoir des crédits de paiement par la suite. C'est pourquoi les AE ont été augmentées de manière sensible, de 80 millions d'euros. Il s'agit d'un signe positif pour la mobilisation des CP dans les années à venir, la durée d'un projet tournant autour de quatre ou cinq ans. Il faut essayer d'être le plus rapide possible, mais c'est parfois extrêmement difficile. On dira sans doute que nous aurions pu être plus ambitieux, mais le choix a été fait de remettre la situation à plat. Les années importantes, je le répète, seront 2019 et 2020.

Je partage une grande partie des observations de M. Hubert Julien-Laferrière. On peut être efficace et soutenir le multilatéralisme en privilégiant l'aide bilatérale : les objectifs sont les mêmes. Par ailleurs, on a réduit d'autant plus facilement – et nécessairement – l'aide bilatérale que celle multilatérale était souvent obligatoire : le bilatéral était donc une variable d'ajustement incontournable, de sorte qu'elle n'était plus variable en réalité. L'effort consenti pour le renforcement du bilatéral est significatif et ce sera évidemment un sujet prioritaire dans le cadre des hausses budgétaires à venir. J'y veillerai en particulier, car cela constitue la signature de la France.

On pourrait se rassurer en se disant que nous sommes de grands contributeurs du Fonds européen de développement (FED) – nous représentons 17 % du total, ce qui n'est pas rien, et nos orientations sont prioritaires, notamment pour ce qui est de nos pays-cibles – mais la signature n'est pas celle de la France. Il faut que nous puissions faire valoir notre place.

Je suis très attaché à ce que nous ayons une relation particulièrement dynamique avec les collectivités territoriales en matière d'aide publique au développement. Néanmoins, il ne faut pas surestimer leur part : elle s'élève à 83 millions d'euros. Ce chiffre est significatif sans être exorbitant. On doit assurer une synergie. J'ai été très frappé de voir que le Mali, dont je suis de près la situation, est le pays ayant le plus de partenariats avec nos collectivités territoriales, depuis très longtemps. Or, on ne peut pas dire que le résultat global ait été spectaculaire en matière de développement. Il faut que l'aide soit cohérente, notamment dans un tel pays. C'est le rôle de la Commission nationale de la coopération décentralisée, qui regroupe les élus des collectivités intervenant en la matière. J'ai par ailleurs nommé une ambassadrice chargée plus particulièrement de ce dossier. J'ajoute que les collectivités interviennent essentiellement dans dix pays, dont je pourrais vous fournir la liste. Je le répète : il faut une action coordonnée.

On doit terminer le regroupement de l'expertise, en effet. Nous y sommes prêts, grâce à un outil qui a fait ses preuves. Il est d'ailleurs sollicité par de nombreux partenaires, en particulier européens. Qu'il y ait un seul pilotage politique, c'est le cas dès à présent : j'ai la responsabilité du programme concerné. Au-delà, un regroupement serait conforme au bon sens, qui finit toujours par gagner…

Le plus important est d'introduire une simplification dans notre aide publique au développement. Je suis très frappé par la diversité des outils et des fonds, qui jouent des rôles complémentaires ou non. Il faut mettre un peu d'ordre afin que notre aide soit suffisamment lisible et significative. Cela concerne aussi l'AFD, qui a développé son rôle de banquier du développement, mission très importante, mais doit centrer ses missions sur les objectifs que le Gouvernement lui donne. Le prochain CICID, qui se tiendra au mois de février, sera l'occasion de clarifier des orientations qu'il faut rappeler régulièrement pour éviter des dérives inhérentes à tout organisme un peu indépendant.

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Sans vouloir trop insister, quels sont les montants des crédits versés par la France à la Chine, selon la définition de l'aide publique au développement ? Vous pourrez nous répondre plus tard si vous le souhaitez.

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Sont-elles versées par la France aux étudiants chinois en France ? Il n'y a pas de crédits arrivant en Chine ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Le fait de compter ou non dans l'aide publique au développement la scolarité d'étudiants venant de pays tiers est une décision qui relève de l'OCDE. En ce qui concerne les étudiants chinois faisant leurs études en France – au-delà de la question des bourses –, les frais d'écolage sont en effet pris en compte. C'est néanmoins marginal par rapport au total de 8,6 milliards d'euros que j'évoquais.

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Il y a une difficulté : l'essentiel de notre aide est délié, volontairement ou par suite d'un accord international. Nous nous refusons à la lier à la mobilisation d'entreprises françaises. Dans certains cas, nous aidons de fait des investissements réalisés par des entreprises chinoises, en particulier en Afrique. J'ai posé un certain nombre de questions, mais je n'ai pas vraiment eu de réponses. Je voudrais que l'on travaille sur ce sujet : il y a un problème.

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Pour le groupe LRM, l'aide publique au développement est un sujet assez spécifique que nous suivons avec beaucoup d'attention, pour des raisons à la fois morales et historiques.

Il faut d'abord que nos promesses soient tenues. Je suis donc preneur d'éléments aussi concrets que possible, et le plus tôt possible, sur la trajectoire. Comme mes collègues l'ont déjà dit, la pente est celle qui convient, mais il va falloir consentir de très grands efforts dès l'année prochaine en crédits de paiement, et pas seulement en autorisations d'engagement.

Ensuite, on doit en finir avec une certaine hypocrisie dans les jeux d'écriture. Il ne s'agit pas d'effacer des dettes ou de prendre des engagements comptables à Bercy, mais sur le terrain, avec un financement direct d'actions in situ.

Enfin, il serait bon que toute l'action extérieure de la France soit pilotée ensemble, y compris le commerce extérieur. L'aide publique au développement (APD) peut intervenir dans des zones où d'autres composantes de l'action extérieure de la France ont déclenché des crises, des situations d'insolvabilité ou de la misère : l'APD est palliative ou corrective, mais il n'existe pas de cohérence dans le cadre d'une action globale. Je serais favorable à ce qu'il y ait une seule et même tutelle pour l'ensemble. Que pouvez-vous nous dire sur ce point ?

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C'est la première fois que j'étudie de près cette mission budgétaire « Aide publique au développement » et ce que je découvre me paraît assez préoccupant. Le budget qui nous est proposé marque la poursuite d'un triple décrochage de la France : par rapport à nos principaux partenaires, par rapport aux priorités que nous affichons et par rapport à la réalité de notre solidarité avec des peuples amis.

On l'a dit avant moi : l'augmentation des crédits de la mission est en trompe-l'oeil : elle ne compense même pas les annulations de crédits décidées en juillet dernier. Pis encore, l'augmentation de l'aide bilatérale n'est que faciale. Au mieux, elle stagne en euros constants et la seule priorité réelle de la mission est l'augmentation de l'aide multilatérale, pour environ 5 millions, à travers les transferts communautaires. Au total, le niveau de nos efforts demeure désespérément bas et très en deçà de nos engagements internationaux.

Le décrochage par rapport à nos principaux partenaires qui, comme l'Allemagne et le Royaume-Uni, atteignent l'objectif de 0,7 % de leur revenu national brut (RNB), est d'autant plus criant que la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne nous laissera dans un face-à-face cruel avec l'Allemagne, dont l'effort est deux fois supérieur au nôtre, voire trois fois plus important en volume d'aide. Notre indigence est désormais patente.

S'ajoute à cela un déséquilibre récurrent depuis une dizaine d'années entre les dons et les prêts, lesquels nous permettent de gonfler nos appuis. Ce projet de budget ne met malheureusement pas un terme à cette pratique. La mise en perspective des 209 millions d'euros de dons prévus via les décaissements de l'AFD et des 6 milliards engagés par nos amis britanniques traduit une réalité cruelle : l'APD française est devenue un véritable village Potemkine.

Surtout, ce budget est incohérent avec les priorités affichées. Si la France demeure un acteur de la diplomatie et de la défense, ce dont nous nous réjouissons au groupe Les Républicains, elle devient un acteur mineur en termes de développement, ce qui réduit notre capacité à mobiliser des partenaires sur nos priorités. Pour moi, élu d'un territoire entouré d'un océan de misère, beaucoup d'efforts restent à faire.

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Je voudrais notamment remercier nos rapporteurs pour leur investissement.

Le groupe MODEM salue l'augmentation des moyens dédiés à l'aide publique au développement et la feuille de route proposée par le Gouvernement, qui vise à atteindre l'objectif de 0,55 % de la richesse nationale en 2022. Ce que nous faisons aujourd'hui n'est pas à la hauteur de notre image et de nos engagements internationaux. Je me félicite que nous ayons, avec cette trajectoire réaliste et dotée de jalons clairs, une stratégie budgétaire cohérente sur plusieurs années.

Des interrogations demeurent néanmoins. Depuis la suppression du ministère de la coopération, en 1998, on a assisté à la montée en puissance d'un opérateur, l'Agence française de développement. D'autres l'ont rappelé avant moi, notre aide au développement est aujourd'hui gérée dans le cadre de deux programmes budgétaires, de deux ministères et même de deux missions, ce qui complique encore l'affaire. On ne parviendra pas à inverser la tendance sans un pilote dans l'avion. Je pense exprimer non seulement l'opinion de mon groupe, mais aussi celle de nombreux membres de la commission des affaires étrangères. Les actions qui sont conduites doivent être rassemblées sous un pilotage commun et plus efficace. Les rapports peu huilés, et je crois que c'est un euphémisme, entre l'AFD et Expertise France sont un exemple des marges de progression.

Nous nous retrouvons tout à fait dans les axes que vous avez évoqués à la fin de votre propos liminaire, monsieur le ministre. J'ajouterai que nous traitons les dons avec les outils d'un financeur alors que l'on pourrait les considérer comme des investissements à long terme, venant en contrepoint d'une collaboration rapprochée et d'une confiance mutuelle, c'est-à-dire comme un outil au service d'une diplomatie globale.

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Le Président de la République a souhaité une augmentation de ce budget, et nous nous en réjouissons au groupe Nouvelle Gauche ; s'il s'agit d'une cordée, il n'est toutefois pas nécessaire de s'attacher : la pente n'est pas rude. Il est question de cent millions d'euros supplémentaires cette année, alors que la coupe budgétaire effectuée en juillet aurait été de 136 millions.

Le Président de la République a beaucoup évoqué le multilatéralisme, ce que l'on peut comprendre par rapport à l'attitude du président Trump, mais je ne pourrai que me réjouir si la France existe par sa signature – il me semble d'ailleurs que c'est un joli terme, monsieur le ministre. Je pense en particulier au Mali : vous parliez de la coopération décentralisée, mais on peut également souligner que nous sommes presque les seuls à nous battre dans ce pays. Il est judicieux qu'il y ait aussi des actions typiquement françaises en matière de développement.

Je suis tout à fait d'accord avec le rapporteur pour avis : il est tout à fait ridicule qu'il y ait deux ministères. Nous souhaitons qu'il n'y en ait qu'un seul. Ce fut le cas longtemps et c'est indispensable.

Nous avons une certaine inquiétude sur les baisses de subventions aux agences onusiennes – elles s'élèvent à 50 % depuis 2014. Cela pose notamment un problème pour l'accord de Paris. Nous nous sommes engagés sur des sujets spécifiques, tels que le travail sur les jeunes et la sexualité des adolescentes et des adolescents, où la France était en pointe, mais les crédits se réduisent.

Ne disons pas trop de mal des collectivités territoriales. Elles sont aujourd'hui saignées à un point qui n'est pas imaginable. Celles qui ont encore le courage de faire de la coopération décentralisée sont quand même assez merveilleuses et je tiens à les remercier.

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Une fois encore, la réalité nous apparaît bien plus sombre que les annonces : vous nous parlez d'une hausse de cent millions d'euros en 2018, mais les annulations de crédit qui ont eu lieu en juillet 2017, à hauteur de 136 millions d'euros, ne sont pas prises en considération. La hausse est en fait une baisse.

L'objectif de 0,55 % du PIB en 2022, dont se targue le président Emmanuel Macron, est bien éloigné. Pour y arriver, il faudrait en réalité augmenter l'ensemble de notre aide publique au développement de 1,2 milliard d'euros par an. Nous en sommes loin ! Et cela ne suffirait pas pour respecter l'engagement pris en 2014 de consacrer 0,7 % du PIB à l'aide au développement, ce que d'autres pays européens arrivent pourtant très bien à faire, comme le Royaume-Uni et le Danemark. Si la France est la sixième puissance économique mondiale, elle n'arrive qu'au douzième rang pour sa contribution à l'aide au développement en proportion de la richesse nationale. C'est une situation qui nous apparaît totalement inadmissible au groupe La France insoumise.

Vous mettrez sans doute en avant la « règle d'or », mais je vous objecterai la taxe sur les transactions financières : nous avons déposé un amendement pour que son taux passe de 0,3 à 0,5 %. Cela nous permettrait de répondre à ce que nous estimons être un devoir de la France en matière d'aide au développement. Si nous ne mettons pas le « paquet », je ne vois pas comment nous pourrons faire face aux défis écologiques et migratoires, aider à combattre la pauvreté et l'extrême pauvreté ou encore lutter contre les causes des guerres.

Vous avez évoqué le fonds européen de développement. Le problème est un peu semblable à celui de la politique agricole commune : quand on impose, à l'échelle européenne, des cures d'austérité qui appauvrissent des pays et qu'ensuite on accorde des fonds pour remédier à ce que l'on a généré, il y a un problème structurel. Il faudrait savoir l'affronter.

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Vous avez souligné la contribution de Jean-Paul Lecoq aux travaux de la commission des affaires étrangères. Je me ferai aujourd'hui l'interprète de mon collègue du groupe Gauche démocrate et républicaine.

Nous partons de très bas en matière d'aide publique au développement et nous ne sommes évidemment pas à la hauteur de nos engagements internationaux, grâce auxquels nous pourrions être crédibles. Le rabotage d'une centaine de millions d'euros en juillet a bien sûr jeté le trouble sur cette politique publique qui était déjà très en difficulté. Nous sommes bien sûr d'accord sur la trajectoire, mais l'effort devra être considérable et nous doutons des mesures qui permettront d'atteindre les objectifs. La question des nouvelles recettes est donc cruciale. Clémentine Autain a d'ailleurs fait une proposition en la matière.

Je voudrais également souligner que la part des crédits alloués à l'humanitaire est bien trop faible : elle représente à peine 1 % de notre aide, contre 13 % en moyenne dans les pays développés.

Un mot, enfin, sur les 270 millions d'euros captés par l'AFD au détriment du fonds de solidarité pour le développement (FSD) : il en résulte de graves difficultés pour les organismes bénéficiant de ce fonds.

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Vous nous avez dit, monsieur le ministre, votre attachement à l'action humanitaire. Un certain nombre d'ONG ayant manifesté une préoccupation en la matière, je voudrais que vous nous rassuriez. Avec le coup de rabot du mois de juillet dernier, il y a eu une perte de 16 millions d'euros sur la ligne consacrée aux initiatives des ONG. Nous voudrions être sûrs que ce sera rectifié ou compensé par l'AFD.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Je commencerai par l'humanitaire. C'est un sujet qui me préoccupe et je ne peux pas admettre notre classement international. J'ai en partie remédié à la situation pour 2018, en renforçant le budget du centre de crise et notre capacité de mobilisation de crédits par son intermédiaire. Je l'ai fait aussi de manière immédiate grâce à des modifications de lignes de crédits pour 2017. Lorsque la ville de Raqqa est tombée, la semaine dernière, il y a eu tout de suite une nécessité humanitaire. Il ne suffit pas d'avoir participé au combat contre Daech : on doit aussi être là immédiatement, à proximité des populations lorsqu'une ville est détruite. J'ai donc décidé il y a trois jours de mobiliser dix millions d'euros pour l'intervention immédiate d'ONG à Raqqa. C'est de l'humanitaire concret, immédiat et pas dans les rêves. Il faut renforcer cette dynamique.

Une amputation a été faite en juillet et je ne ferai pas de commentaire supplémentaire sur ce point. J'ai demandé à l'AFD et à mes services de faire en sorte que les marges de manoeuvre dont on peut disposer en fin d'exercice permettent de compenser une partie, au moins, du manque pour les dons-projets concernant les ONG. Pour 2018, nous avons inversé la tendance, même si nous sommes loin de la place qui devrait être la nôtre, en particulier s'agissant de l'aide humanitaire immédiate. C'est pour moi un sujet de vigilance.

Je voudrais dire à M. Kamardine qu'un village Potemkine à 8,6 milliards d'euros reste convenable. Je ne me retrouve pas dans sa description apocalyptique de la position de la France au sein de l'aide au développement mondiale. Même si nous ne sommes pas nécessairement au niveau que chacun voudrait, nous sommes respectés et nous avons de nombreux partenaires. Je ferais également observer que les crédits de paiement augmentent de cent millions d'euros, comme vous avez bien voulu le reconnaître, et les autorisations d'engagement de 80 millions. On aurait pu souhaiter une hausse plus importante, mais elle est significative d'une inversion de tendance. Il est vrai qu'il y avait un décrochage depuis des années : il fallait non seulement l'enrayer mais aussi l'inverser, afin d'appliquer les orientations fixées par le Président de la République. Elles sont fortes et doivent être respectées.

Je suis tout à fait conscient des chiffres. Nous en sommes à 8,6 milliards d'euros pour l'année prochaine, alors qu'il en faudrait 14,7 ou 14,8 en 2022 pour être au rendez-vous, compte tenu de l'évolution actuelle du PIB. Cela veut dire qu'il y aura d'autres étapes et qu'il faudra mobiliser des financements. Il y a sans doute la taxe sur les transactions financières, mais pas seulement : je suis beaucoup plus attentif à la mobilisation de crédits budgétaires nets. Les crédits extra-budgétaires sont très positifs, je me réjouis qu'ils soient là et ils sont utilisés, mais on ne peut pas s'en contenter. Un effort budgétaire significatif sera également nécessaire.

Monsieur Hutin, je ne confonds pas – et vous non plus, j'en suis sûr – ce que signifient le multilatéralisme et le bilatéralisme sur le plan budgétaire et dans un cadre stratégique global. Nous sommes parmi les seuls pays au monde à porter une stratégie multilatérale, en particulier au sein des Nations unies, dans un contexte où l'on connaît des replis nationalistes – ou de puissances sur elles-mêmes. Nous sommes sans doute les seuls à développer cette logique multilatérale au niveau de notre diplomatie. Je m'y emploie pour ma part. La question que j'évoquais concerne plutôt la part du multilatéralisme et du bilatéralisme dans nos engagements financiers. J'ai expliqué tout à l'heure comment le bilatéral a servi de variable d'ajustement obligatoire au fil des baisses de crédits.

S'agissant des agences onusiennes, nous avons jugulé une tendance qui concernait les actions volontaires. S'agissant des actions obligatoires, nous respectons nos engagements. Ce serait un comble que nous ne le fassions pas alors que la France est membre permanent du Conseil de sécurité. Nous avons arrêté la dérive pour la part volontaire – il s'agit notamment de notre contribution au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Vous avez insisté, en particulier M. Descrozaille, sur la nécessité qu'il y ait un seul pilote dans l'avion. J'en prends bonne note. Sans prêcher pour ma propre paroisse, nous avons besoin d'une vraie clarification. En ce qui concerne la mobilisation pour le climat, six fonds existent : le fonds vert, pour lequel la France tient ses engagements, avec environ 163 millions d'euros – des crédits extrabudgétaires alimentant le FSD vont au fonds vert, de sorte qu'un fonds en alimente un autre ; les projets à co-bénéfice « climat » qui dépendent de l'AFD ; un fonds pour l'environnement mondial relevant de Bercy ; le fonds français pour l'environnement mondial, qui est encore différent ; le fonds d'adaptation ; le fonds pour les pays les moins avancés (PMA). Et cela ne concerne que le climat…

Le Premier ministre m'a confié, dans une lettre de mission, le mandat de rendre l'action de la France cohérente dans ce domaine. Je vais donc m'y employer, d'autant plus que vous partagez, me semble-t-il, toutes sensibilités confondues, ma volonté de clarification. Il est vrai que le brouillard favorise la dissimulation, et ce n'est jamais une bonne chose.

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Monsieur le ministre, je souscris à votre volonté de simplifier le dispositif et de le rendre cohérent. On a parfois voulu s'occuper de l'organisation et de la gouvernance avant même d'avoir fixé les objectifs et les priorités. Cette fois, celles-ci ont été clairement définies par le Président de la République – aide bilatérale, éducation, santé et réduction des inégalités hommes-femmes –, si bien que, l'an prochain, nous pourrons nous atteler à la simplification et à l'amélioration de l'articulation du dispositif.

Ma question porte sur le Fonds européen pour le développement (FED). Nous contribuons à hauteur d'environ 800 millions par an à ce fonds, dont notre principal opérateur, l'AFD, bénéficie à hauteur de 300 à 350 millions. Ce double mouvement prend du temps et entraîne des coûts de transaction. Ne pourrait-on pas ajuster et simplifier la procédure ?

Par ailleurs, je précise, à l'intention de M. le Fur et de M. Woerth, que l'AFD, par exemple, dont je suis membre du conseil d'administration, ne fait pas de dons ; nos efforts financiers ne bénéficient donc pas à la Chine. Quant à l'aide déliée – on en a beaucoup débattu dans le cadre de la diplomatie économique –, elle est, pour nous, un atout car les entreprises françaises peuvent participer à d'autres appels d'offres. On ne peut pas, me semble-t-il, revenir en arrière dans ce domaine.

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Ma question porte sur la trajectoire de l'aide publique au développement. Pendant la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron s'était engagé à porter à 0,55 % d'ici à la fin du quinquennat la part du PIB consacrée à l'aide publique au développement. C'est un engagement qu'il a réitéré à plusieurs reprises, notamment le 18 septembre dernier, dans son discours devant l'Assemblée générale des Nations unies.

Cependant, le projet de budget triennal nous laisse à penser qu'il faudra, d'ici à 2022, explorer des pistes d'amélioration pour atteindre cet objectif. En effet, le montant total de l'aide française devrait atteindre plus de 9 milliards d'euros en 2017, ce qui signifie que 6 milliards supplémentaires seront nécessaires d'ici à 2022. Or, selon la proposition de budget triennal, la mission « APD » augmenterait d'environ 500 millions d'euros sur trois ans. Un effort démesuré de près de 4 milliards d'euros devra donc être fourni les deux dernières années. Pour soulager l'effort budgétaire, d'autres instruments financiers peuvent être utilisés, notamment la hausse du taux de la Taxe sur les transactions financières (TTF), incluant les transactions intraday, et l'affectation de 100 % de son produit à l'aide publique au développement, ce qui permettrait de dégager 3 à 5 milliards d'euros, contre 1,5 milliard aujourd'hui.

Quelle trajectoire le Gouvernement envisage-t-il de définir pour respecter les engagements pris par le Président de la République et quels instruments mobilisera-t-il à cette fin ?

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Unitaid, organisation internationale créée en 2006 à l'initiative de la France et du Brésil, finance des programmes qui visent à faciliter la prévention, le diagnostic et l'accès aux traitements contre les trois grandes pandémies que sont le VIH-sida, la tuberculose et le paludisme. Ce faisant, elle corrige les imperfections du marché. Ses activités visent trois objectifs principaux : faire baisser les prix des produits et des médicaments, accélérer le développement de médicaments plus adaptés et améliorer la qualité et la disponibilité des produits de santé.

Depuis sa création, l'organisation a été à l'origine de nombreuses avancées significatives. Elle a ainsi révolutionné la prévention et la prise en charge des enfants atteints de tuberculose grâce à des tests de dépistage et à des traitements adaptés. En 2015, plus de 97 000 nouveaux cas de tuberculose ont été détectés grâce aux tests de diagnostics qu'elle distribue et elle a permis de réduire de 60 % le prix des traitements antirétroviraux pour enfants et adultes prescrits contre le VIH-sida. J'ajoute qu'Unitaid concentre ses actions sur les pays à faibles revenus, en particulier dans la zone francophone.

La France est le premier contributeur financier mondial à cette organisation, au financement de laquelle elle a participé, depuis 2006, à hauteur de 1,2 milliard d'euros. Or, depuis 2015, cette contribution ne cesse de diminuer : elle était de 110 millions en 2013, de 95 millions en 2016 et 2017 et, selon le document annexé au PLF, elle ne sera plus que de 90 millions en 2018. Dès lors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer comment la France compte tenir l'engagement du Président de la République de faire de la santé une priorité de son mandat et inverser cette tendance à la baisse ?

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Le 2 juillet dernier, le Président de la République a annoncé le lancement de l'Alliance pour le Sahel. Cette initiative, que je salue, est innovante en ce qu'elle réunit pour la première fois différents bailleurs – France, Allemagne, Union européenne, Banque africaine du développement, Banque mondiale et PNUD – et vise à renforcer la coordination de l'aide au développement dans cette région avec le double objectif de stabiliser la région et d'éliminer la pauvreté. Ce plan est structuré en cinq secteurs clés : employabilité des jeunes, développement rural, climat, gouvernance, appui à un retour aux services fondamentaux.

Pourriez-vous détailler les actions concrètes menées dans ce cadre et, plus précisément, dans deux domaines qui me tiennent à coeur : la santé maternelle et infantile et l'éducation des filles ? Par ailleurs, la France a permis d'allouer, via l'AFD, 200 millions d'euros à l'Alliance pour le Sahel sur les cinq prochaines années, dont 39 millions en 2017. Pourriez-vous nous indiquer par quel biais ces 39 millions vont être déboursés dans le contexte des coupes budgétaires intervenues cet été ?

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Monsieur le ministre, le 20 septembre dernier, à l'occasion de l'événement de haut niveau sur l'éducation organisé en marge de l'Assemblée générale des Nations unies en présence de son Secrétaire général, de plusieurs chefs d'État et de responsables de l'éducation, la France et le Sénégal ont annoncé, par la voix de leurs présidents respectifs, la coprésidence de la conférence de financement du partenariat mondial pour l'éducation en février 2018 à Dakar.

Depuis 2002, le partenariat mondial pour l'éducation a investi de façon substantielle dans l'éducation, aidant ainsi 72 millions d'enfants supplémentaires à aller à l'école primaire. Ce sera la première fois qu'un pays donateur et un pays en développement parraineront ensemble une conférence de financement du partenariat mondial pour l'éducation, symbolisant ainsi l'esprit de ce partenariat.

L'événement de Dakar rassemblera les bailleurs et les pays en développement partenaires, le secteur privé, les fondations philanthropiques, la société civile et les organisations internationales, qui annonceront leur engagement de soutenir l'éducation dans les pays en développement. Cette conférence de financement cherche à mobiliser 3,1 milliards de dollars pour la période 2018-2020, afin de soutenir l'éducation de 870 millions d'enfants dans 89 pays en développement dans lesquels vivent 78 % des enfants non scolarisés dans le monde.

La France est l'un des bailleurs de ce partenariat depuis 2005. Pourriez-vous nous indiquer quel sera le montant de sa contribution dans le cadre exceptionnel de sa coprésidence en 2018 et si celui-ci augmentera par rapport à la dernière loi de finances ? Plus largement, quel sera le rôle de la France dans ce projet ?

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Ma question porte sur le pilotage de la politique du développement par le ministère des affaires étrangères. Celui-ci a en effet quelque peu sacrifié ces équipes chargées du développement au fur et à mesure que les contraintes budgétaires se sont faites plus pesantes. Cela s'est traduit par deux évolutions. Tout d'abord, la coordination géographique de ces équipes a été supprimée au niveau central. Ainsi leur compétence est-elle uniquement thématique, la coordination géographique étant noyée dans les équipes politiques. Pourtant, si nous voulons que l'APD atteigne 15 milliards, nous ne pouvons pas nous passer d'une coordination géographique ni d'une tutelle approfondie des opérateurs, notamment de l'AFD, qui a sa propre dynamique, excellente mais très institutionnelle.

Ensuite, au plan local, une réforme intervenue il y a deux ans a supprimé les réseaux de coopération en tant que tels et les a placés sous la tutelle de la direction de la culture. On n'a donc plus de conseillers de coopération ou en charge des équipes de développement, mais des conseillers culturels. Le fait qu'un responsable de service de coopération au Burkina, au Niger ou au Mali, soit en charge sur le papier de l'enjeu culturel, alors que la France est l'un des principaux bailleurs et coordinateurs de l'aide, marque un recul important.

L'orientation est excellente et le niveau d'ambition remarquable : nous sommes tous derrière vous, monsieur le ministre. Mais comment peut-on revenir à un véritable pilotage et reconstruire la cohérence géographique au plan central et au plan local ?

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Le Président de la République a rappelé, à la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies, les priorités de la France en matière de développement : la lutte contre les pandémies, l'éducation et la place des femmes. Les financements innovants sont l'une des composantes de l'aide au développement ; je pense à la Taxe de solidarité sur les billets d'avion, dite « taxe Chirac », et à la Taxe sur les transactions financières, dont le produit était affecté, jusqu'en 2017, au FSD. Depuis cette année, il transite également par l'AFD. Ce dispositif devrait être reconduit suite à l'adoption d'un amendement de M. Berville au PLF pour 2018, amendement qui vise à allouer directement à l'AFD 25 % de la TTF dans la limite de 270 millions d'euros.

Êtes-vous, monsieur le ministre, en mesure de nous indiquer l'impact que cette affectation aura sur les fonds dont le FSD dispose pour financer le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Unitaid, le Partenariat mondial pour l'éducation ou le Fonds vert pour le climat ? La France pourra-t-elle maintenir ses engagements envers ces différents fonds ?

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Je souhaiterais évoquer trois sujets dont on parle assez peu.

Tout d'abord, notre aide est, pour l'essentiel, déliée, c'est-à-dire qu'elle n'aboutit pas à des marchés réservés aux entreprises françaises. On peut le comprendre ; du reste, ce n'est pas contre-productif dans certains cas. Mais cela peut relever d'une certaine naïveté. Ainsi, l'aide au BTP en Afrique aboutit à des marchés tenus par les Chinois. Soyons-y attentifs.

Ensuite, je vous remercie, monsieur le ministre, pour l'initiative que vous avez prise concernant Rakka, car les actions de cette nature n'ont pas été très nombreuses ces derniers temps.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Elle n'est pas connue : je vous en informe.

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Mais qu'en est-il de l'aide alimentaire ? L'Europe est à la tête d'un stock de protéines gigantesque. Ne pourrait-on pas prendre des initiatives dans ce domaine ? Certes, la politique agricole est une politique européenne, mais cela permettrait d'être immédiatement efficace, en particulier dans certaines zones.

Enfin, le Président de la République a déclaré récemment sur TF1 que si nous n'avions pas une action en Afrique et un vrai partenariat de développement, alors nous continuerions à avoir des migrations massives sans savoir y répondre de manière coordonnée. Il reprend donc la problématique d'une coordination de la politique de développement et de la politique migratoire. Peut-être faut-il en effet convaincre un certain nombre de pays qu'il vaut mieux construire un hôpital chez eux que d'inciter les populations à migrer.

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L'aide publique au développement est parfois vue comme un outil de domination politique des pays donateurs. Elle est parfois également accusée, à tort ou à raison, d'exercer, pour le compte de ces derniers, une influence stratégique sur l'économie des pays en développement. Pourtant, l'aide au développement multilatérale présente l'avantage d'oeuvrer dans un cadre relativement strict et transparent qui limite les abus, plus difficiles à éviter dans les relations d'aide au développement bilatérale. Quelle stratégie de communication pourrait-on élaborer pour corriger l'image de l'APD et quels outils de contrôle d'évaluation peut-on utiliser sur le terrain ?

Par ailleurs, lors du dernier conseil d'administration de l'AFD, dont mon collègue Hervé Berville et moi-même sommes membres, nous sommes convenus de compenser la baisse qui a frappé les dons aux ONG lors de deux comités exceptionnels qui doivent se tenir en décembre et en janvier prochain ; nous ne manquerons pas de vous en tenir informé.

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Je rappelle que c'est le ministère qui doit donner des instructions en ce sens.

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La France a mis un point d'honneur à insérer la question du genre et de l'égalité entre les femmes et les hommes dans ses politiques de développement. En effet, en 2014, la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale a fait de l'égalité femmes-hommes un axe prioritaire et transversal de ses actions dans les pays en développement. Par ailleurs, depuis 2013, le ministère des affaires étrangères et de l'Europe a mis en oeuvre une stratégie « Genre et développement ».

Cependant, dans un rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre de cette stratégie entre 2013 et 2017, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes souligne les nombreux efforts qu'il reste à fournir pour promouvoir les droits des femmes au sein des instances multilatérales et bilatérales de développement. Selon le HCE, les organismes d'aide publique au développement devraient progresser dans l'exercice de redevabilité en matière de financement et dans l'amélioration du dispositif d'auto-évaluation interne afin d'atteindre l'objectif de prise en compte du genre dans la moitié des projets et programmes.

Monsieur le ministre, puisque la stratégie « Genre et développement » arrive à son terme et que le comité interministériel de coopération internationale et de développement doit se réunir en 2018, je souhaiterais savoir, d'une part, quels sont les crédits que vous allez affecter, dans les années à venir, à la promotion de l'égalité femmes-hommes dans les politiques publiques de développement et, d'autre part, la place qui, dans ce programme, est réservée au numérique, lequel est un axe d'amélioration de la condition des femmes, comme le montre ce qui vient de se passer en Arabie Saoudite.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Je vais m'efforcer de vous répondre le plus brièvement et le plus précisément possible.

Monsieur Berville, il est vrai que le montant du FED lui-même est élevé et que notre participation à ce fonds est également importante puisque, grâce à l'intervention supplémentaire prévue pour 2018, notre contribution représentera 17 % de son financement. Cela nous offre un levier d'action, car nous tenons notre place dans les organismes de gestion et le fait d'être un important contributeur nous permet à la fois de définir des cibles – territoriales et, pour répondre à Mme Krimi, thématiques – et de provoquer un effet d'entraînement qui permet de décupler notre aide au développement.

Monsieur Mbaye, le triennal tel qu'il est là n'est pas compatible avec les orientations que le Président de la République a récemment définies pour l'aide publique au développement : on ne peut pas avoir à la fois un triennal qui renforce des interventions budgétaires faibles et un objectif aussi élevé. J'ai tendance à penser que c'est le Président de la République qui a raison. Quant à la trajectoire, nous travaillons actuellement à sa mise en oeuvre et nous utilisons, pour ce faire, tous les leviers à notre disposition. J'ai indiqué à Mme Autain qu'ils consistaient dans des ressources extrabudgétaires mais aussi dans des ressources budgétaires, qui permettent de faciliter la mise en oeuvre d'aides au projet, notamment le don. En ce qui concerne l'affectation de 100 % du produit de la TTF, j'entends votre demande, mais la réponse sera apportée lors de la mise en oeuvre de la trajectoire.

Madame O, vous avez parfaitement décrit le dispositif de l'Alliance pour le Sahel. En ce qui concerne son financement, un montant de 35 millions d'euros est d'ores et déjà prévu pour 2017, et nous avons annoncé un financement de 200 millions d'euros sur cinq ans ; ces engagements seront tenus dès 2017. Dans les années qui viennent, ces financements seront mobilisés dans le cadre du fonds dit de vulnérabilité que j'ai évoqué tout à l'heure. Les questions de l'éducation des filles et de la santé infantile seront prises en compte. Au-delà des cinq thèmes de mobilisation, les projets ne sont pas encore identifiés. Il nous importe surtout que la gouvernance et le pilotage soient partagés par les pays bénéficiaires et qu'ils soient réactifs afin que les retours sur investissement soient rapides, ce qui n'est pas toujours le cas des politiques de développement. Ce dispositif a un caractère expérimental.

Monsieur Maire, en ce qui concerne le pilotage local, je ne suis pas très inquiet : dès lors que la volonté politique est affirmée par le ministre, la mise en oeuvre est assurée par les ambassadeurs. En ce qui concerne le niveau central, en revanche, je partage vos préoccupations. Puisque vous connaissez la maison, vos observations sont pertinentes, et nous nous efforcerons d'en tenir compte le plus possible.

Monsieur Renson, je crois l'avoir dit il y a un instant, la TSBA et la TTF sont des outils intéressants, qui rapportent. S'agissant de l'amendement que vous avez évoqué, je respecte profondément la décision du Parlement. Cet amendement doit donc être appliqué, mais l'affectation à l'AFD ne concerne que le bilatéral, le multilatéral restant dans le dispositif du FSD existant.

Monsieur Le Fur, l'aide alimentaire doit être considérée comme une priorité, mais la lisibilité est importante. J'ai cité Raqqa, mais je pourrais donner également l'exemple de Mossoul et de la reconstruction immédiate de l'Irak. Si nous n'offrons pas une aide humanitaire rapide qui fournisse aux populations déplacées, lesquelles sont censées revenir dans les villes détruites, les moyens de subsistance élémentaires, ces populations se tourneront à nouveau vers Daech ou ses résurgences. Cette aide répond donc à une nécessité à la fois humaine et politique.

Quant à la naïveté dont on pourrait faire preuve à propos de contrats liés aux financements de l'AFD, je partage votre vigilance. Il s'agit, non pas de faire du protectionnisme en matière de développement, mais d'éviter que certains ne se servent de notre aide à leur profit. J'ai pu moi-même constater que des dérives existaient, mais elles sont moins nombreuses qu'auparavant.

Enfin, en ce qui concerne l'immigration, l'ensemble constitué par l'Alliance pour le Sahel, la force conjointe et la politique de migration menée dans la zone, est un bon exemple. C'est un laboratoire : si nous réussissons collectivement cette opération, elle sera une référence. Il s'agit, d'une part, de faire en sorte que les armées des cinq pays du Sahel concernés se prennent en charge, avec notamment le soutien logistique de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), afin que ces pays assurent eux-mêmes leur sécurité – c'est le thème du Conseil de sécurité qui doit se tenir lundi matin à New York avec les ministres concernés – et, d'autre part, d'offrir une aide significative dans les domaines évoqués tout à l'heure par Mme O pour mener des actions très concrètes qui permettent de fixer les populations. Ce dispositif est complété par une politique de contrôle des migrations – qui reconnaît le fait réfugiés mais aussi la nécessité du retour pour ceux qui ne relèvent pas de cette catégorie – menée en collaboration avec les pays avec lesquels nous travaillons sur les aspects militaire et de développement.

C'est un ensemble assez complexe, qui nécessite argent et confiance. Nous oeuvrons de manière collective afin que ce soit une référence pour l'avenir. Ce type d'expérience a été tenté, à une échelle beaucoup plus modeste, autour du lac Tchad. Là, il s'agit d'une initiative de grande ampleur dont les concepts sont approuvés par les États-Unis et nombre de nos interlocuteurs européens. Il faut maintenant appliquer ce dispositif de la manière la plus efficace et la plus rapide possible. C'est un gros travail, je ne vous le cache pas, mais c'est une approche nouvelle du développement dans les zones insécurisées.

Madame Lakrafi, il ne me semble pas que l'aide publique au développement véhicule une image de colonisation a posteriori ; ce n'est pas ce que j'ai perçu en tout cas. J'ai pu constater en revanche, à l'occasion d'un déplacement à Dakar, à quel point l'aide que nous apportions à la diaspora sénégalaise pour créer des emplois au Sénégal était efficace. De fait, dans un contexte bilatéral, cette aide à des projets concernant des communes ou des villages dont sont originaires des personnes résidant en France a permis des retours, mais aussi des créations d'emplois sur un territoire. L'action de notre pays y est bien perçue. C'est d'ailleurs le cas un peu partout : on retrouve souvent cette volonté de partenariat que la France partage.

À la fin du mois de novembre, le Président de la République prononcera un discours important sur l'Afrique, ce qui sera l'occasion de clarifier ces objectifs.

Madame Krimi, la prise en compte du genre dans nos actions de développement est une nécessité. S'il n'en était pas ainsi, nous irions à l'encontre de nos objectifs. Cela est singulièrement vrai dans le domaine de l'éducation des filles ; c'est notamment une priorité dans le cadre de l'Alliance pour le Sahel, dont nous aurons bientôt une déclinaison précise des objectifs.

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'état auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Marielle de Sarnez a évoqué l'inquiétude manifestée par certaines ONG. À l'occasion de la dernière réunion du Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) que j'ai animée, nous sommes convenus avec elles de faire régulièrement le point sur l'aide provenant de la société civile, dont le montant reste assez faible. Certes, en 2012, il représentait 1,80 % de l'aide totale, et il était de près de 4 % en 2016, mais il reste du chemin à parcourir.

S'agissant de l'aide liée et déliée évoquée par Marc Le Fur et Hervé Berville, je rappelle que les résultats d'exécution du contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2014-2016 de l'AFD montrent que la France a répondu à 80 % des appels d'offres lancés lors des ouvertures de marchés.

Que devient par la suite cette offre française ? La part de marché française au sein de ces appels d'offres internationaux s'établit à 46 %, et le taux de réussite après le dépôt de ces offres financées par l'AFD est de 55 % en volume et de 76 % en nombre de marchés. Ces chiffres montrent qu'il existe encore des marges de progression.

La TTF, évoquée notamment par M. Mbaye, et qui a été instaurée par Nicolas Sarkozy est désormais est bien installée. Fixé à l'origine à 0,1 %, son taux est passé sous le quinquennat précédent à 0,2 % puis 0,3 %. Son produit, qui s'élève aujourd'hui à 947 millions d'euros par an, en fait un outil puissant.

En revanche, la taxe intraday ne sera pas mise en oeuvre – la Cour des comptes a d'ailleurs relevé quelques problèmes techniques. En outre, nous souhaitons conserver l'attractivité de la Place de Paris.

En ce qui concerne les financements innovants, chers au coeur d'Hugues Renson depuis des années, je confirme la légère baisse de la contribution à Unitaid dont s'est inquiétée Mireille Clapot – 90 millions d'euros au lieu de 95 millions d'euros l'an passé. Cette diminution doit toutefois être appréciée en prenant en compte l'augmentation 25 millions d'euros de notre contribution au Fonds mondial, qui a lui aussi vocation à lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Ainsi notre contribution dans le domaine de la santé est-elle en augmentation puisque notre apport au Fonds mondial passera en 2018 de 360 millions d'euros à 385 millions d'euros. Nous n'en espérons pas moins revenir en 2020 à une contribution de 95 millions d'euros à Unitaid. Comme j'ai eu l'occasion de le dire à New York, il serait bon que chaque pays déjà engagé dans le dispositif essaie de persuader de nouveaux pays d'entrer dans ce type de schémas innovants ou d'instaurer chez eux la taxe de solidarité sur les billets d'avion. Je m'attache désormais à le faire dans le cadre de nos relations diplomatiques, C'est ainsi que nous parviendrons à augmenter les sommes consacrées à ce chantier. En tout état de cause, la France reste le premier contributeur d'Unitaid.

Toujours au titre des financements innovants, une réflexion est engagée sur un projet nommé Unitlife. Il s'agit, à partir des transactions effectuées par carte bancaire, de donner la possibilité aux titulaires des cartes d'arrondir volontairement le montant de leurs achats. Les petits ruisseaux font les grandes rivières ! Philippe Douste-Blazy travaille sur le sujet.

Je confirme à Mme Isabelle Rauch que les Présidents de la France et du Sénégal coprésideront la Conférence de financement du partenariat mondial pour l'éducation (GPE), qui se tiendra à Dakar au mois de février prochain. Ainsi que vous l'avez rappelé, les besoins pour les trois ans à venir sont estimés à 3 milliards d'euros. Pour l'exercice 2015-2017, la France a consacré 17 millions par an au GPE. Cette contribution devra au moins être doublée dès l'année prochaine, cette préoccupation mobilise intensément le ministère dans les arbitrages à venir.

M. Christian Hutin a évoqué la participation des collectivités locales à l'aide au développement. Lors de la dernière réunion de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), j'ai pu constater à quel point il devenait de plus en plus difficile de défendre cette cause. Nous faisons souvent face à des assemblées régionales ou départementales dont le regard des membres a évolué, ce qui explique le fléchissement de la contribution des collectivités locales mentionnées par M. Hubert Julien-Laferriere. Nous avons là un travail de pédagogie à conduire, tant il est évident que les destins des pays moins avancés et des pays développés sont intriqués.

Madame Krimi, un certain nombre d'initiatives comme « She Decides » sont prises par les pays nordiques ; la France leur apporte son soutien. Le Président de la République ayant déclaré ce sujet cause nationale du quinquennat, des actions seront annoncées à l'échéance du 8 mars prochain, y compris au niveau diplomatique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, messieurs les ministres, pour la précision de vos réponses aux nombreuses questions qui vous ont été posées.

La réunion de la commission élargie s'achève à seize heures quarante-cinq.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON© Assemblée nationale