Nous abordons avec cette mission un sujet sensible qui revêt un aspect humain et qui implique d'avoir une vision très large de la situation, prenant en compte les relations de la France et de l'Europe avec d'autres continents, en particulier avec le continent africain, dont les habitants soit trouveront les moyens de se développer chez eux, soit continueront à venir en Europe.
Les crédits de cette mission augmentent fortement – de 26 %. Ainsi, puisque le programme 303 sera doté d'un milliard d'euros et le programme 104 de 283 millions. Pourquoi cette évolution ?
Tout d'abord, la dynamique soutenue des flux migratoires conduit mécaniquement à une hausse des dépenses. En 2016, 85 726 demandes d'asile ont été enregistrées, en hausse de 6,6 %. Au cours des six premiers mois de l'année 2017, le nombre de demandeurs d'asile a augmenté de 10 %, 40 % de ces demandeurs ayant déjà introduit une procédure dans un autre pays et en ayant été déboutés.
L'Italie a dû faire face à une arrivée croissante de migrants en provenance de Libye au cours des deux dernières années. En 2016, 180 000 personnes sont arrivées depuis les côtes libyennes, et 91 000 personnes supplémentaires depuis le début de cette année. Des mesures drastiques ont donc été prises qui se sont traduites par une baisse des flux en Italie, de 56 % en juillet et de 70 % en août. Maintenant, de nombreux migrants arrivés en Europe au cours des deux ou trois dernières années tentent de venir en France. À la frontière italienne, ce sont chaque semaine 1 000 à 1 400 migrants qui, non admis en Italie, pourraient gagner notre territoire.
Il y a eu en Allemagne 850 000 demandeurs d'asile en 2015 et 450 000 en 2016. Si 400 000 à 500 000 d'entre eux ont été déboutés, seuls 80 000 ont reconduits. De nombreux déboutés du droit d'asile en Allemagne cherchent donc à aller dans d'autres pays. Dans l'espace Schengen, environ 450 000 à 500 000 déboutés essaient d'aller de frontière en frontière. D'où la nécessité d'harmoniser nos procédures.
Alors qu'il n'y avait pratiquement plus d'éloignements au cours des dernières années, nous nous sommes efforcés de reprendre ces actions en 2017, en particulier dans le cadre de la procédure prévue par le règlement de Dublin. Les éloignements ont augmenté de 6,5 % au cours des neuf premiers mois de l'année et de 123 % pour les « Dublinés ». Mais un récent arrêt de la Cour de cassation va nous poser des difficultés et nous serons sans doute obligés de prendre une disposition législative en conséquence.
La croissance du nombre de demandes de ressortissants des pays considérés comme sûrs, tels que l'Albanie, est exponentielle : on compte 4 200 pour le seul premier semestre 2017, contre 4 400 pour toute l'année 2016 à personnes. Les autorités albanaises, avec lesquelles nous avons dialogué, sont prêtes à reprendre les personnes venues en France de manière indue, c'est-à-dire qui arrivent chez nous sans visa et demandent immédiatement l'asile. Les Albanais occupent 20 % du dispositif national d'asile, au prix d'une embolie de l'ensemble de nos structures.
Nous voulons à la fois mener une politique de fermeté indispensable et accueillir les personnes qui attendent le traitement de leur demande. C'est pourquoi nous vous présenterons un projet de loi sur l'asile et l'immigration.
Pour faire face à l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile, nous créerons en 2018 4 000 places d'hébergement, dont 1 500 en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) et 2 500 en centre d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA). Ambitieux, le plan du Gouvernement répond aux besoins.
Nous voulons accueillir mais aussi mieux intégrer ces demandeurs. Les crédits des actions d'intégration augmentent donc de 44 %, ce qui représente un effort de 8 millions d'euros. Les crédits du programme « Intégration et accès à la nationalité française » augmenteront de 18 % pour atteindre 283 millions. À moyen terme, la croissance des dépenses des programmes « Immigration et asile », de 242 millions, et du programme « Intégration et accès à la nationalité française », de 43 millions, devrait pouvoir être stabilisée – à tout le moins pour le premier.
Nous mettons aussi à disposition des moyens humains pour mieux traiter les problèmes. Nous allons créer quinze équivalents temps plein (ETP) à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et trente-cinq à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
Le Gouvernement veut vous présenter un budget sincère, ce qui n'a pas toujours été le cas puisqu'en 2016, par exemple, il avait fallu ouvrir 101 millions d'euros de crédits en fin d'année, parce que la dépense avait été sous-estimée au départ. Cela avait conduit la Cour des comptes à dire dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances que les dépenses de ce programme étaient sous-budgétisées. Entre la loi de finances initiale et son exécution, l'écart devrait être moins grand en 2018 qu'en 2017. Cela nous semble essentiel pour que ces lois ne soient pas de pur affichage.
Enfin, dans quelques semaines nous solderons, en loi de finances rectificative, les dette de notre programme. En effet, jusqu'à une période récente, c'était Pôle Emploi qui versait l'allocation ayant préexisté à la création de l'aide aux demandeurs d'asile (ADA). Cette dette s'élève à 150 millions d'euros, ce qui explique en partie l'augmentation des crédits.