Comme l'ensemble de ses partenaires européens, la France est le point d'arrivée de flux migratoires sans précédent. Si les entrées irrégulières en Europe ont diminué, la pression migratoire demeure très élevée en France, en raison notamment des importants flux secondaires intra-européens entraînés par les entrées sur le territoire européen au cours de l'année 2015. Avec 85 000 demandes d'asile déposées en 2016, soit 40 % de plus qu'en 2012, la France se classe désormais au troisième rang des pays d'accueil de demandeurs au sein de l'Union européenne, derrière l'Allemagne et l'Italie, qui ont reçu respectivement 720 000 et 120 000demandes.
Face à cette situation, le Gouvernement s'est engagé dans une démarche résolue dans le cadre du plan intitulé « Garantir le droit d'asile, mieux maîtriser les flux migratoires », présenté le 12 juillet 2017, dont le Président de la République a résumé l'esprit à Orléans cet été : « loger tout le monde dignement » et instituer « partout, dès la première minute, un traitement administratif ». Accueillir les demandeurs, les orienter et traiter leurs demandes supposent des moyens supplémentaires. C'est précisément ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2018, première étape de ce plan, en augmentant les crédits dédiés à l'asile de 33 % par rapport à 2017.
Ces crédits permettront notamment de poursuivre la mise à niveau de notre parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile et de renforcer les effectifs de l'OFPRA et de la CNDA afin de réduire les délais de traitement des demandes d'asile.
Des moyens supplémentaires sont également alloués à l'OFII pour financer les formations linguistiques dispensées aux étrangers munis d'un titre de séjour – dont font partie les personnes à qui on vient d'accorder l'asile – et faciliter leur intégration dans la société française.
Dans mon rapport, je me suis intéressée plus particulièrement à la gestion territoriale des flux de demandes d'asile.
Le système français d'asile repose sur un dispositif déconcentré : le demandeur est libre de déposer son dossier au sein d'un des trente-trois points d'accueil présents sur le territoire national. D'autres pays ont fait des choix différents : les Pays-Bas disposent par exemple d'un point d'entrée unique, qui traite ensuite l'ensemble des demandes alors que l'Allemagne prévoit un point d'entrée unique mais répartit ensuite, selon une clé de répartition préalablement définie, les demandeurs au sein des différents Länder.
On assiste depuis deux ans à une très forte polarisation des demandes – à hauteur de 40 % environ – dans la région parisienne. Elles viennent pour une large part de personnes ayant déjà déposé une demande dans un autre pays européen et relevant de la procédure de Dublin, qui représentent désormais près de 80 % des accueils au centre de premier accueil de la porte de La Chapelle. Pour « desserrer » la pression qui pèse sur l'Île-de-France, éviter l'installation de campements illégaux sur la voie publique et répondre au besoin urgent d'hébergement, le dispositif des centres d'accueil et d'orientation (CAO), créés initialement pour désengorger le Calaisis, est très fortement sollicité. Quel bilan faites-vous de leur activité ? Les migrants franciliens orientés vers les différentes régions font-ils l'objet d'un suivi ? La région parisienne exerce, vous le savez, un fort pouvoir d'attraction et les migrants orientés vers les CAO de région n'ont pas forcément envie de s'y installer : comment les accompagner plus efficacement dans cette démarche ?
Par ailleurs, les structures chargées de l'accueil des demandeurs sont engorgées : les délais de prise de rendez-vous dans les plateformes d'accueil dépassent par exemple une semaine en Seine-Saint-Denis. Pour les guichets uniques, la situation est très contrastée : alors que le délai légal est de trois jours, dans les faits, il est de dix jours à Orléans, de quinze jours à Lyon et de vingt-sept jours en moyenne en région parisienne. Cette disparité entraîne chez les demandeurs un certain « nomadisme administratif » qui conduit à multiplier les prises de rendez-vous et à accroître d'autant l'activité des services chargés de l'enregistrement des demandes. Quels moyens supplémentaires seront-ils accordés aux guichets uniques pour répondre à cet afflux de demandes ? Comment mieux prendre en compte les comportements des demandeurs dans l'affectation des ressources aux différents points des territoires ? Comment harmoniser le traitement des demandes par les associations chargées du premier accueil dans les différentes plateformes ?
Enfin, le pilotage régional de l'hébergement pour demandeurs d'asile instauré par la loi du 29 juillet 2015 a permis de corriger, sans les effacer totalement, trois effets non désirés de la régionalisation de l'admission au séjour instituée en 2010 : la concentration des flux dans les chefs-lieux de région, la multiplication des interlocuteurs et l'allongement des distances pour les demandeurs d'asile. L'organisation territoriale des services chargés de l'asile demeure en effet encore problématique dans les territoires les plus éloignés des grandes métropoles, obligeant les demandeurs à multiplier les déplacements, ce qui peut entraîner des coûts importants pour eux et pour les associations qui les accompagnent, et, parfois, une certaine déperdition au cours de la procédure. Comment mieux prendre en compte la situation de ces publics afin de leur garantir un accès plus équitable à la demande d'asile ?