Permettez-moi, tout d'abord, de remercier le groupe Socialistes et apparentés de mettre en débat, à l'occasion de son ordre du jour réservé, les enjeux liés à la rénovation des logements d'habitation, qui sont à la fois considérables et urgents.
Nous nous accordons tous à reconnaître le poids du secteur dans la consommation d'énergie et l'émission de gaz à effets de serre. Nous savons également que la rénovation énergétique emporte une dimension sociale évidente : ceux qui occupent ces passoires énergétiques sont les ménages modestes. N'occultons pas non plus une dimension économique manifeste : ces chantiers sont des sources d'emplois non délocalisables et ils contribuent à faire baisser la facture énergétique de notre pays tout en améliorant le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Cela étant, l'urgence climatique et les impératifs socio-économiques semblent ne pas suffire à motiver une accélération qui permettrait d'atteindre l'objectif de 500 000 logements rénovés. En 2018, le Réseau pour la transition énergétique – l'ancien CLER, comité de liaison pour les énergies renouvelables – évoquait un total de 290 000 rénovations, dont 50 000 seulement permettaient d'atteindre une performance énergétique de niveau B. En 2019, le Gouvernement table sur 370 000 rénovations. Ces chiffres me paraissent optimistes. Gageons que l'Observatoire de la rénovation énergétique, promis en 2020, nous permettra d'y voir plus clair.
Néanmoins, il serait injuste de dire que rien n'a été fait. Citons la loi relative à l'énergie et au climat, même si nous en avons souligné le manque d'ambition. Évoquons aussi les dispositions du projet de loi de finances : la réforme du CITE a le mérite de vouloir soutenir davantage les ménages modestes mais nous regrettons l'exclusion des déciles 9 et 10 ainsi que des propriétaires bailleurs, et, surtout, le fait que l'enveloppe ne progresse pas.
Un mot sur le service d'accompagnement pour la rénovation énergétique, piloté par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ADEME – et qui devrait être fonctionnel en 2020. Il est en effet impératif de mieux accompagner les particuliers étant donné l'enchevêtrement des aides, mais nous notons que les 200 millions d'euros dont il est doté proviennent des certificats d'économie d'énergie et des collectivités.
Nous reconnaissons que le nombre de rénovations augmente. L'ANAH a annoncé hier qu'elle atteindrait son objectif de 120 000 rénovations. Est-ce pour autant suffisant ? Clairement, non.
Beaucoup plus ambitieux, le présent texte ne propose rien de moins que de remettre à plat notre système de rénovation des logements d'habitation. En cela et par les moyens qu'il cherche à mobiliser, il est très stimulant. C'est pourquoi je tiens à saluer l'important travail de ses auteurs.
Tout texte demeure perfectible et celui-ci fait d'ailleurs l'objet de plusieurs amendements du rapporteur mais cette nouvelle prime offrirait plusieurs avantages : sa visibilité et son accessibilité sont à même de lever les obstacles ; le soin apporté pour que le reste à charge soit adapté aux moyens des ménages ; le choix d'instaurer une avance pour accélérer les projets.
Je me pose néanmoins une question : même si la part non remboursable de la prime peut monter jusqu'à 30 % des travaux, ce qui représente une amélioration notable, cela suffira-t-il à convaincre les ménages les plus précaires ?
Avec une entrée en vigueur progressive en fonction de la performance énergétique, laquelle détermine aussi le taux de prise en charge, vous vous attaquez, en priorité, aux passoires énergétiques classées F et G. Ce texte confie aussi à l'ANAH un rôle central en matière d'ingénierie et de conseil. Vous proposez donc d'en augmenter sensiblement les ressources, notamment en fléchant des crédits existants et en recourant à l'emprunt.
Lors des travaux en commission, nous avons fait part des dispositions qui soulèvent des interrogations : votre dispositif de lutte contre le risque inflationniste sur les travaux de rénovation mériterait une véritable expertise, tout comme le mécanisme d'encadrement des loyers de logements rénovés.
Ces réserves posées, notons que ce texte a l'immense mérite de proposer des réponses innovantes, claires et ambitieuses. Il est à même de franchir un palier décisif. Sans présager de la suite des débats, ce texte mérite mieux que le sort auquel il semble malheureusement destiné.